Tribunal judiciaire de Draguignan, 5 février 2025, RG n° 24/02767
Tribunal judiciaire de Draguignan, 5 février 2025, RG n° 24/02767

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Draguignan

Thématique : Expertise et obligations dans la construction immobilière : enjeux et contestations.

Résumé

Résumé des faits

La société ALCYOM a entrepris la construction d’un ensemble immobilier à une adresse spécifique. Le 6 septembre 2022, des époux, en tant qu’acheteurs, ont acquis un appartement au deuxième étage ainsi que trois garages. La livraison de l’immeuble a eu lieu le 11 avril 2023, mais avec des réserves concernant des désordres et la non-livraison des garages et d’un local à vélo. En conséquence, les époux ont assigné la société ALCYOM devant le juge des référés pour désigner un expert judiciaire et demander la livraison des lots non livrés, ainsi qu’une provision pour préjudice.

Procédure engagée

La société ALCYOM a ensuite assigné son assureur, la compagnie ALBINGIA, en intervention forcée. Les deux procédures ont été jointes. La compagnie ALBINGIA a demandé au juge des référés de déclarer irrecevables les demandes à son encontre, arguant que les garanties de ses contrats n’étaient pas mobilisables et qu’il n’y avait pas eu de déclaration de sinistre préalable. De son côté, la société ALCYOM a également formulé des demandes pour être déclarée recevable et pour que les demandes des époux soient rejetées.

Décès d’un des époux

Lors de l’audience, il a été confirmé le décès de l’un des époux, ce qui a conduit à la poursuite de l’instance par l’autre époux. Le juge a constaté ce décès et a permis à l’époux survivant de continuer la procédure.

Demande d’expertise judiciaire

Le juge a jugé légitime la demande d’expertise judiciaire formulée par l’époux, en raison des désordres allégués. Il a ordonné une expertise pour vérifier les désordres et a précisé que l’expert devait examiner les travaux effectués et leur conformité aux normes en vigueur. L’expert a également été chargé de déterminer les responsabilités et d’évaluer les préjudices subis par l’époux.

Demandes de livraison et de condamnation provisionnelle

Concernant la demande de livraison sous astreinte, le juge a noté que l’acheteur n’avait pas prouvé l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite. De plus, il a été établi que le contrat de vente prévoyait la suspension du délai de livraison en cas de non-paiement. La demande de condamnation provisionnelle a également été rejetée, car l’acheteur n’a pas apporté la preuve d’une faute imputable au vendeur.

Décision finale

Le juge a ordonné la réalisation d’une expertise judiciaire, tout en rejetant les demandes de livraison sous astreinte et de condamnation provisionnelle. Les dépens ont été laissés à la charge de l’époux survivant, sans application de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes accessoires ont également été rejetées.

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/02767 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KG5V

MINUTE n° : 2025/ 92

DATE : 05 Février 2025

PRÉSIDENT : M. Yoan HIBON

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEURS

Monsieur [B] [P], demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Lionel ALVAREZ, avocat au barreau de TOULON

Madame [I] [E] épouse [P], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Lionel ALVAREZ, avocat au barreau de TOULON

DEFENDERESSES

S.A. ALBINGIA, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Alain DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. ALCYOM, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de NICE

DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 04/12/2024, les parties comparantes ou leurs conseils ont été avisées que la décision serait rendue le 29/01/2025 et prorogée au 05/02/2025. L’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Lionel ALVAREZ
Me Alain DE ANGELIS
Me Michel MONTAGARD

2 copies service des expertises
1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Lionel ALVAREZ
Me Alain DE ANGELIS
Me Michel MONTAGARD

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SARL ALCYOM a fait construire un ensemble immobilier sis [Adresse 4].

Suivant acte de vente en l’état futur d’achèvement en date du 6 septembre 2022, les époux [P] ont acquis un appartement situé au 2ème étage de l’immeuble ainsi que 3 garages.

La livraison est intervenue le 11 avril 2023, avec réserves.

Exposant l’existence de désordres et la non livraison des trois garages et d’un local à vélo et suivant exploit de commissaire de justice en date du 9 avril 2024, auquel il convient de renvoyer pour un plus exemple exposé des motifs, moyens et prétentions, les époux [P] ont assigné la société ALCYOM devant le juge des référés du présent tribunal, sur le fondement des articles 145 du code de procédure civile, aux fins de désignation d’un expert judiciaire. Ils sollicitent également la condamnation de la société ALCYOM à procéder à la livraison des lots non livrés sous astreinte de 1000 € par jour de retard. Ils sollicitent enfin la condamnation de la société ALCYOM à leur verser une somme provisionnelle de 25.000 € à valoir sur leur préjudice, outre 2400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ALCYOM a assigné son assureur, la compagnie ALBINGIA en intervention forcée, selon exploit de commissaire de justice du 9 septembre 2024.

Les deux procédures ont fait l’objet d’une jonction.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus exemple exposé des motifs, moyens et prétentions, la compagnie ALBINGIA sollicite du juge des référés de :

JUGER IRRECEVABLE en l’état les demandes formulées à l’encontre de la société ALBINGIA et la mettre hors de cause.

REJETER les demandes la société ALBINGIA, en qualité d’assureur constructeur non réalisateur et tous risques chantiers de la société ALCYOM les garanties de ces contrats n’étant pas mobilisables

PRONONCER l’irrecevabilité des demandes faites à l’encontre de la compagnie ALBINGIA en qualité d’assureur dommages ouvrage à défaut de déclaration de sinistre préalable ;

En conséquence,

PRONONCER la mise hors de cause de la société ALBINGIA, en qualité d’assureur constructeur non réalisateur, tous risques chantiers et dommages ouvrage ;

SUBSIDIAREMENT

DONNER ACTE à la société ALBINGIA de ses plus expresses protestations et réserves, notamment de responsabilité, de prescription, de garantie, de fait et de droit sur la demande d’expertise judiciaire sollicitée à la condition expresse que la mesure d’instruction ne pourra concerner que les dommages listés dans l’assignation et les pièces y annexées

JUGER que L’expert devra avoir pour mission de « donner au tribunal tous les éléments qui permettant de déterminer les responsabilités »

REJETER toute demande de condamnation tout aussi injustifiée que prématurée en l’état de la mesure d’instruction sollicitée.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus exemple exposé des motifs, moyens et prétentions, la société ALCYOM sollicite :

Vu les articles 122, 145, 370, 696, 700, 835 du Code de Procédure Civile ;

RECEVOIR la SARL ALCYOM en ses demandes ;

Les DECLARER bien fondées ;

A titre liminaire,

CONSTATER l’interruption d’instance du fait du décès de Monsieur [B] [P], laquelle ne pourra être reprise qu’à compter de l’intervention de la succession ;

ORDONNER la jonction de la présente instance avec la procédure enrôlée devant le Juge des référés (formation référés construction) du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN sous le numéro RG 24/06855 ;

Sur la demande d’expertise, à titre principal,

DIRE ET JUGER hors de cause la SARL ALCYOM eu égard à la réception des parties communes intervenue en octobre 2023 ;

DECLARER irrecevable la demande d’expertise judiciaire des époux [I] [P] née [E] et [B] [P] ;

À défaut, les DEBOUTER de cette dernière ;

Sur la demande d’expertise, à titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le périmètre d’intervention et la mission de l’Expert désigné se cantonneront exclusivement aux supposés désordres et non-conformités visées dans le procès-verbal de constat d’Huissier dressé le 2 avril 2024 à la demande des époux [I] [P] née [E] et [B] [P] ;

DONNER ACTE à la SARL ALCYOM qu’elle émet les plus vives protestations et réserves quant à la recevabilité et au bienfondé de la demande ;

DIRE ET JUGER que tant la provision à valoir sur honoraires de l’expert judiciaire que tous les frais et dépens afférents à la présente procédure seront supportés par les époux [I] [P] née [E] et [B] [P], demandeurs, au besoin, à ses frais avancés et pour le compte de qui il appartiendra ;

Sur le surplus des demandes des époux [P],

DEBOUTER les époux [I] [P] née [E] et [B] [P] de l’intégralité de leurs demandes de condamnations à l’encontre de la SARL ALCYOM ;

En toutes hypothèses,

CONDAMNER solidairement les époux [I] [P] née [E] et [B] [P] à payer la somme de 3.000 € à la SARL ALCYOM au titre de l’article 700 du
Code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement les époux [I] [P] née [E] et [B] [P] aux entiers dépens ;

L’affaire, enrôlée sous le n° RG 24/02767, a été appelée à l’audience du 4 décembre 2024 et mise en délibéré au 29 janvier 2025, prorogée au 5 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant en audience publique par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, exécutoire par provision, et en premier ressort :

CONSTATONS le décès de M. [B] [P],

DONNONS ACTE à Mme [I] [P] de ce qu’elle entend poursuivre la procédure,

DECLARONS recevable l’action de Mme [I] [P],

ORDONNONS une expertise et DESIGNONS pour y procéder :

[F] [U]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Tél : [XXXXXXXX01]
Port. : [XXXXXXXX02] Mèl : [Courriel 8]

Lequel aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait communiquer tous documents utiles, avoir entendu les parties ainsi que tout sachant :

– se rendre sur les lieux sis [Adresse 4], visiter l’immeuble litigieux,
– rechercher les conventions verbales et écrites entre les parties, étudier les documents contractuels et les annexer à son rapport,
– indiquer la date d’ouverture du chantier, les dates d’exécution et d’achèvement des travaux, la date de prise de possession, le cas échéant les dates des procès-verbaux de réception, en mentionnant les réserves éventuellement formulées, ainsi que la notification écrite des désordres qui se sont révélés postérieurement à la réception,
– rechercher si les travaux ont été effectués conformément aux conventions entre les parties, aux normes et règlements en vigueur ainsi qu’aux règles de l’art, en décrivant, le cas échéant, les malfaçons ou moins-values constatées,
– examiner les ouvrages en litige, vérifier la réalité des désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d’instance et relatés dans le procès-verbal de constat de commissaire de justice en date du 02 avril 2024,
– si ces désordres sont constatés : les décrire, en précisant la date de leur apparition, en rechercher la cause, en précisant s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de matériau, d’un défaut ou d’une erreur d’exécution, d’une mauvaise surveillance du chantier, d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause, dire si les désordres étaient existants au moment de la vente, s’ils étaient apparents ou non et s’il est raisonnablement possible que le vendeur ait pu ne pas les connaître,
– préciser la nature des désordres en indiquant notamment s’ils compromettent la solidité de l’ouvrage en cause ou l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, et le rendent impropre à leur destination ; dire si les éléments d’équipement défectueux font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert,
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion des responsabilités,

– identifier les travaux de mise en conformité à réaliser, des réparations et de consolidation, et en chiffrer le coût après avoir sollicité des parties la remise de devis qui seront examinés par l’expert et annexés à son rapport ; dans l’hypothèse où les parties n’ont pas fourni les devis attendus, procéder à une évaluation des travaux de reprise,
– donner toute indication relative aux préjudices éventuellement subis par la partie demanderesse, en précisant la durée des travaux de reprise,
– en cas d’urgence, proposer les travaux indispensables qui seront réalisés par la partie demanderesse à ses frais avancés,
– faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité,

DISONS que l’expert fera connaître sans délai s’il accepte la mission,

DISONS qu’à la fin de ses opérations, l’expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,

DISONS qu’il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,

DISONS que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,

DISONS toutefois que, dans l’hypothèse où l’expert aurait recueilli l’adhésion formelle des parties à l’utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,

DISONS que Mme [I] [P] versera au régisseur d’avances et de recettes du tribunal une provision globale de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) à valoir sur la rémunération de l’expert, dans le délai de TROIS MOIS à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par l’Etat,

DISONS qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,

DISONS que, lors de la première réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

DISONS qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,

DISONS que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de DIX MOIS suivant la date de la présente ordonnance,

DISONS qu’en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d’office ou à la demande de la partie la plus diligente,

DISONS que les opérations d’expertise seront contrôlées par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,

JUGEONS que les opérations d’expertise seront opposables à la compagnie ALBINGIA,

REJETONS la demande de condamnation provisionnelle de Mme [I] [P],

REJETONS la demande de livraison sous astreinte de Mme [I] [P],

LAISSONS les dépens à la charge de Mme [I] [P],

DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETONS le surplus des demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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