Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5 février 2025, RG n° 23/08039
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5 février 2025, RG n° 23/08039

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Fixation du loyer commercial : enjeux de déplafonnement et évolution des obligations

Résumé

Résumé de l’Affaire

Cette affaire concerne un litige entre un bailleur, représenté par la SAS SG VIMENEY, et un preneur, la SARL CITY GAME, relatif à la fixation du loyer d’un bail commercial. Le contrat de bail a été signé le 16 mai 2013 pour une durée de neuf ans, avec un loyer initial de 36.000 euros par an, modifié par la suite à 30.000 euros en 2016. La demande de renouvellement du bail a été faite par le preneur en décembre 2021, alors que le bail arrivait à expiration en mai 2022.

Demande de Renouvellement et Proposition de Loyer

Le bailleur a accepté le principe de renouvellement en mars 2023, proposant un nouveau loyer de 49.500 euros par an. En réponse, le preneur a contesté cette proposition et a demandé que le loyer soit maintenu à 36.000 euros jusqu’à mars 2023, puis plafonné à 39.406 euros. Le bailleur a ensuite assigné le preneur devant le juge des loyers commerciaux pour fixer le loyer renouvelé.

Expertise Judiciaire et Jugement

Le juge a ordonné une expertise pour évaluer le loyer, qui a été déposée en juillet 2024. En février 2024, le juge a statué que le loyer du bail renouvelé serait fixé à 36.000 euros par an jusqu’à mars 2023, puis à 39.406 euros à partir d’avril 2023, en raison de l’absence de motifs de déplafonnement.

Arguments des Parties

Le bailleur a soutenu que la diminution du loyer pendant le bail constituait une modification notable des obligations, justifiant un déplafonnement. En revanche, le preneur a argué que cette réduction était temporaire et n’affectait pas substantiellement l’économie du bail. De plus, le preneur a contesté l’impact des facteurs locaux de commercialité sur son activité, affirmant que l’évolution de la zone commerciale n’avait pas d’incidence sur son commerce.

Décision du Juge

Le juge a débouté le bailleur de sa demande de fixation du loyer à la valeur locative, confirmant que le loyer devait rester à 36.000 euros jusqu’à mars 2023, puis passer à 39.406 euros. Le bailleur a été condamné à payer les dépens, y compris les frais d’expertise, tandis que les demandes des deux parties au titre des frais irrépétibles ont été rejetées.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

LOYERS COMMERCIAUX

30C
N° RG 23/08039 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YJWG
Minute n° 25/00008

Grosse délivrée
le : 05/02/2025
à Avocats

JUGEMENT RENDU LE CINQ FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 08 Janvier 2025 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 05 Février 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.A.S. SG Vimeney immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n°413 510 660, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX

ET :

S.A.R.L. CITY GAME, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Bérénice DYOT, avocat au barreau de BORDEAUX

Qualification du jugement : contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat du 16 mai 2013, la SCI CANCER, aux droits de laquelle vient la SAS SG VIMENEY, a donné à bail commercial à l’EURL CITY GAME, à compter du 16 mai 2013 pour une durée de neuf ans, un local situé [Adresse 3], moyennant un loyer annuel initial de 36.000 euros hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de salle de billard, jeux, petite restauration…
Par un avenant du 10 septembre 2016, le montant du loyer a été ramené à la somme annuelle de 30.000 euros à compter du 16 septembre 2016 et jusqu’au 16 mai 2022.

Le 09 décembre 2021, la SARL CITY GAME a fait signifier au bailleur une demande de renouvellement du bail commercial venant à expiration le 15 mai 2022.

Le 30 mars 2023, la SAS SG VIMENEY a fait signifier au preneur son acceptation du principe de renouvellement du bail et formulé une proposition de fixation d’un loyer renouvelé porté à la somme de 49.500 euros par an en application des dispositions de l’article L145-11 du code de commerce.

Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 02 août 2023, la SAS SG VIMENEY a, par acte du 06 septembre 2023, fait assigner la SARL CITY GAME devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 16 mai 2022.

Par jugement du 14 février 2024, le juge des loyers commerciaux a, avant dire droit, sur la demande de fixation du prix du bail renouvelé le 16 mai 2022, ordonné une mesure d’expertise confiée à madame [D].

L’expert a déposé son rapport le 09 juillet 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience, la SAS SG GIMENEY, soutenant son mémoire signifié le 19 décembre 2024 et déposé au greffe le 29 novembre 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux de :

débouter la société CITY GAME de l’ensemble de ses demandes,fixer le prix du loyer du bail renouvelé à compter du 16 mai 2022 à la somme annuelle de 45.000 euros hors taxes et hors charges, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2022ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,condamner la société CITY GAME au paiement des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS SG VIMENEY soutient, en application des articles L145-33, R145-6 et R145-8 du code de commerce, que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative compte tenu de l’existence de motifs de déplafonnement constitués par la modification notable des obligations des parties et des facteurs locaux de commercialité.
Ainsi, elle fait valoir que la modification conventionnelle au cours du bail expiré du montant du loyer à la baisse à hauteur de 16%, qui ne s’analyse pas en une franchise de loyer, sans contrepartie en faveur du bailleur, pour une durée indéterminée, ayant conduit de manière proportionnelle à la diminution du dépôt de garantie, constitue une modification notable des obligations des parties. Elle ajoute que cette modification a eu pour objectif d’éviter à la société preneuse de faire faillite au regard des difficultés rencontrées lors des trois premières années, la nouvelle valeur étant décorrélée de la valeur locative du fond, ce qui conférerait à la SARL CITY GAME, en l’absence de déplafonnement, le bénéfice d’un local à un loyer de renouvellement largement inférieur aux prix couramment pratiqués dans le voisinage ou pour des locaux équivalents.

La société GIMENEY expose également que la zone industrielle, dans laquelle est implanté le local, a bénéficié depuis le 16 mai 2013 d’une évolution des facteurs locaux de commercialité, notamment en raison de l’inauguration le même jour du centre commercial [2] avec 150 enseignes commerciales, et une amélioration notable de la commercialité des abords des locaux avec une multiplication de l’offre commerciale notamment de loisirs. Elle ajoute qu’en raison de la nature spécifique de l’activité exercée dans le local, la zone de chalandise est plus large et correspond à l’agglomération bordelaise, zone au sein de laquelle la concurrence a disparu du fait de la fermeture des établissements similaires. Selon elle cette situation a nécessairement eu une incidence favorable sur le commerce qui a récupéré la clientèle.

S’agissant de la détermination de la valeur locative, la SAS VIMENEY indique s’en remettre à la proposition de l’expert judiciaire.

A l’audience, la SARL CITY GAME, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 novembre 2024 et déposé au greffe le 07 novembre 2024, demande au juge des loyers commerciaux de:

débouter la SAS SG VIMENEY de ses demandes,fixer le montant du loyer commercial renouvelé au 16 mai 2022 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 36.000 euros jusqu’au 30 mars 2023 ;fixer à compter du 1er avril 2023 le montant du loyer plafonné à la somme de 39.406 euros hors taxes et hors charges par an ;condamner la SAS SG VIMENEY au paiement des dépens qui comprennent les frais d’expertise judiciaire,condamner la SAS SG VIMENEY à lui payer une indemnité de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL CITY GAME soutient, au visa de l’article L145-33 du code de commerce, l’absence de motif de déplafonnement.
D’une part, elle conteste l’existence d’une modification notable des obligations des parties en ce que la diminution de 16% du loyer n’implique aucunement un substantiel bouleversement de l’économie du bail.
D’autre part, elle prétend à l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant bénéficié à son commerce car, s’il peut être constaté l’évolution de la zone commerciale à proximité, elle prétend que celle-ci ne s’étend pas jusqu’à la rue dans la laquelle est située le local qui est une impasse sans commercialité. Elle ajoute que du fait de la nature de l’activité spécifique exercée, qui est une activité de destination, l’évolution de la zone commerciale est sans incidence sur le commerce.

S’agissant du montant du loyer plafonné, elle prétend au visa de l’article L145-11 du code de commerce, qu’il doit être maintenu à la somme de 36.000 euros jusqu’au 30 mars 2023, puis fixé à la somme de 39.406 euros correspondant au nouveau loyer plafonné selon la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux à compter du 1er avril 2023 correspondant à la date de la première demande de fixation d’un nouveau loyer signifiée par le bailleur. Elle expose à ce titre que le bailleur n’avait pas fait connaitre ses intentions dans le délai de trois mois suivant la signification de la demande de renouvellement du bail.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux,

Déboute la SAS SG VIMENEY de sa demande en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative ;

Fixe le prix du loyer du local situé [Adresse 3] au titre du bail conclu entre la SAS SG VIMENEY et la SARL CITY GAME renouvelé le 16 mai 2022 à la somme annuelle de 36.000 euros hors taxes et hors charges du 16 mai 2022 au 30 mars 2023, sous réserve de l’indexation annuelle conformément aux stipulations contractuelles, et à la somme annuelle de 39.406 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2023;

Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal, à compter du 06 septembre 2023, sur la somme due au titre de la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer réglé, avec capitalisation des intérêts échus pour une année au moins ;

Condamne la SAS SG VIMENEY au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

Déboute la SAS SG VIMENEY et la SARL CITY GAME de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon