L’Essentiel : La société de location de main-d’œuvre se trouve au cœur d’un litige concernant la désignation d’un représentant syndical au sein de son comité social et économique. Un syndicat a notifié la direction de la société la désignation d’un salarié en qualité de représentant syndical. En réponse, la société a demandé l’annulation de cette désignation, arguant qu’elle était frauduleuse. Lors de l’audience, la société a également demandé des dommages-intérêts pour couvrir ses frais. Le tribunal a rejeté la demande d’annulation, soulignant l’absence de preuve de fraude, et a condamné la société à verser des frais de justice aux défendeurs.
|
Contexte de l’affaireLa société Adecco France, spécialisée dans la location de main-d’œuvre, se trouve au cœur d’un litige concernant la désignation d’un représentant syndical au sein de son comité social et économique. Désignation contestéeLe 10 septembre 2024, un syndicat, représentant les services d’encadrement, a notifié à la direction de la société la désignation d’un salarié en qualité de représentant syndical. En réponse, la société Adecco France a déposé une requête le 24 septembre 2024 pour demander l’annulation de cette désignation. Demande d’annulationLors de l’audience du 22 janvier 2025, la société Adecco France a formulé plusieurs demandes, notamment l’annulation de la désignation du salarié et la condamnation des défendeurs à lui verser une somme de 2 500 euros pour couvrir ses frais de justice. La société a soutenu que la désignation était frauduleuse, visant à entraver une procédure disciplinaire en cours. Réponse des défendeursLe syndicat et le salarié désigné ont contesté la demande d’annulation, demandant à leur tour une indemnisation de 2 000 euros pour couvrir leurs frais. Ils ont affirmé que la désignation était légitime et qu’il n’existait aucune crainte de licenciement ou de sanction disciplinaire de la part du salarié. Décision du tribunalDans sa décision du 5 février 2025, le tribunal a rejeté la demande d’annulation de la société Adecco France. Il a souligné que l’employeur n’avait pas prouvé l’existence d’une fraude dans la désignation du représentant syndical, et que la procédure disciplinaire évoquée n’avait pas été concrétisée. Frais de justiceConcernant les frais de l’instance, le tribunal a condamné la société Adecco France à verser 1 500 euros aux défendeurs pour couvrir leurs frais de justice, en application de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de condamnation aux dépens a été rejetée, car les défendeurs n’étaient pas les parties perdantes dans cette affaire. ConclusionLe tribunal a donc débouté la société Adecco France de toutes ses demandes et a ordonné le paiement des frais au syndicat et au salarié désigné, marquant ainsi une victoire pour les défendeurs dans ce litige relatif à la représentation syndicale. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la désignation d’un représentant syndical et ses implications juridiques ?La désignation d’un représentant syndical est régie par l’article L. 2314-2 du code du travail, qui stipule que « la désignation d’un salarié en qualité de représentant syndical est irrégulière si elle est faite dans le seul but de lui assurer le statut protecteur réservé aux représentants du personnel. » Cette disposition implique que l’employeur doit prouver l’existence d’une fraude dans la désignation, ce qui ne peut être déduit uniquement de la présence d’une procédure disciplinaire. Dans le cas présent, la société Adecco France a tenté de démontrer que la désignation de M [S] était frauduleuse en raison d’une procédure disciplinaire en cours. Cependant, le tribunal a constaté que la société n’avait pas prouvé que cette procédure avait eu des suites concrètes, ce qui a conduit à rejeter la demande d’annulation. Quelles sont les conséquences financières d’une demande d’annulation non fondée ?Les conséquences financières d’une demande d’annulation non fondée sont régies par l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle pour la défense de ses droits. » Dans cette affaire, la société Adecco France a été condamnée à verser 1 500 euros au syndicat national de l’encadrement des services CFE-CGC et à M [S] pour couvrir les frais engagés dans le cadre du litige. Le tribunal a également précisé que, étant donné que les défendeurs n’étaient pas les parties perdantes, la demande de la société Adecco France concernant les dépens a été rejetée. Comment le tribunal évalue-t-il la preuve d’une fraude dans la désignation d’un représentant syndical ?Le tribunal évalue la preuve d’une fraude dans la désignation d’un représentant syndical en se basant sur les éléments fournis par l’employeur. Selon l’article L. 2314-2 du code du travail, il incombe à l’employeur de démontrer que la désignation a été effectuée dans le but d’échapper à une procédure disciplinaire. Dans cette affaire, bien que la société Adecco France ait mentionné une convocation à un entretien disciplinaire, elle n’a pas pu prouver que cette procédure avait été mise en œuvre ou qu’il existait une intention manifeste de sanctionner M [S]. Le tribunal a donc conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante pour établir que M [S] craignait réellement une sanction au moment de sa désignation, ce qui a conduit au rejet de la demande d’annulation. |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
JUGEMENT
rendu le 5 février 2025
Pôle social
■
Contentieux des Elections
professionnelles
N° RG 24/00103 – N° Portalis DB3R-W-B7I-Z523
N° MINUTE :
25/00013
Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Christophe PLAGNIOL
Maître Marc ROBERT
S.A.S. ADECCO FRANCE,
SYNDICAT NATIONAL DE L’ENCADREMENT DES SERVICES CFE-CGC (SNES)
M. [V] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Marc ROBERT (SNES, [V] [S])
DEMANDERESSE : S.A.S. ADECCO FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Maître Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau des Hauts de Seine – PN 1701 et Maître BOSSY Guillaume, avocat au barreau de LYON
DÉFENDEURS
SYNDICAT NATIONAL DE L’ENCADREMENT ET DES SERVICES CFE-CGC (SNES), sis [Adresse 3]
Monsieur [V] [S], demeurant [Adresse 1]
représentés par Maître Marc ROBERT, avocat au barreau de PARIS – C 580
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Vincent SIZAIRE, Vice-président, assisté de Pascale GALY, Greffier, présents lors des débats et du prononcé.
JUGEMENT
Jugement contradictoire, prononcé publiquement et en dernier ressort, par mise à disposition le 5 février 2025
La société Adecco France a pour activité la location de main-d’œuvre.
Le 10 septembre 2024, le syndicat national de l’encadrement des services CFE-CGC a notifié à la direction de la société la désignation de M [V] [S] en qualité de représentant syndical au comité social et économique de l’établissement d’Ile-de-France.
Par requête enregistrée le 24 septembre 2024, la société Adecco France a saisi la présente juridiction d’une demande d’annulation de cette désignation.
La requérante, le syndicat national de l’encadrement des services CFE-CGC et M [S] ont été régulièrement convoqués à l’audience du 22 janvier 2025.
Dans le dernier état de ses écritures et de ses observations, la société Adecco France demande au tribunal :
– L’annulation de la désignation de M [S] en qualité de représentant syndical au comité social et économique ;
– La condamnation des défendeurs à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens.
Elle soutient que la désignation de M [S] présente un caractère frauduleux en ce qu’elle vise à faire échec à une procédure disciplinaire.
Dans le dernier état de leurs écritures et de leurs observations, le syndicat national de l’encadrement des services CFE-CGC et M [S] concluent au rejet de la demande et sollicitent la condamnation de la demanderesse à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que la désignation de M [S] est dénuée de tout caractère frauduleux dès lors qu’il ne craignait nullement un licenciement ou une sanction disciplinaire.
Décision du 05 février 2025
Pôle social – Elections Professionnelles – N° RG 24/00103 – N° Portalis DB3R-W-B7I-Z523
Sur la demande d’annulation
Il résulte des dispositions de l’article L. 2314-2 du code du travail qu’est irrégulière la désignation d’un salarié en qualité de représentant syndical faite dans le seul but de lui assurer le statut protecteur réservé aux représentants du personnel. C’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer l’existence d’une telle fraude, laquelle ne saurait être déduite de la seule antériorité ou concomitance d’une procédure disciplinaire.
En l’espèce, si la société demanderesse justifie avoir adressé le 15 avril 2024 à M [S] une convocation à un entretien disciplinaire, elle ne démontre ni même ne soutient que cette procédure a eu la moindre suite. Les échanges de courriels du mois de mars 2024 ne font par ailleurs nullement apparaître, même indirectement, l’intention de l’employeur de diligenter une procédure disciplinaire à l’encontre de son salarié. Ainsi, aucune pièce du dossier ne permet de considérer, qu’à la date de sa désignation, M [S] redoutait la mise en œuvre d’une telle procédure.
Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation doit être rejetée.
Sur les frais de l’instance
Il y a lieu, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à la charge de la société Adecco France la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par les défendeurs à l’occasion du présent litige.
Ces derniers n’étant pas les parties perdantes, la demande présentée à leur endroit au titre des frais de l’instance ne peut qu’être rejetée.
Le tribunal saisi d’une contestation en matière de désignation de délégué syndical représentant de section syndicale statuant, conformément à l’article R. 2314-25 du code du travail, sans frais de procédure, la demande de condamnation aux dépens ne peut qu’être rejetée.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, publiquement et en dernier ressort :
Déboute la société Adecco France de l’ensemble de ses demandes.
Met à la charge de la société Adecco France la somme de 1 500 euros à payer au syndicat national de l’encadrement des services CFE-CGC et à M [V] [S] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Et le présent jugement est signé par Vincent SIZAIRE, Vice-président et par Pascale GALY, Greffier, présents lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire