L’Essentiel : Une salariée, en qualité de factrice, a été engagée par une société de services postaux le 1er septembre 2011. Elle a participé à plusieurs grèves organisées par un syndicat, entraînant une cessation de travail de 24 heures. Contestant les retenues sur son salaire pour les dimanches suivant ses jours de grève, la salariée a saisi la juridiction prud’homale. La société de services postaux a contesté le jugement qui l’a condamnée à rembourser certaines retenues, arguant que l’absence de service justifiait ces retenues. La Cour a rappelé que le droit de grève suspend le contrat de travail, et a conclu que les dimanches devaient être rémunérés.
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Engagement et participation à des grèvesLa salariée, en qualité de factrice, a été engagée par la société de services postaux le 1er septembre 2011. Elle a participé à plusieurs mouvements de grève, organisés par un syndicat, qui ont eu lieu sur des samedis, entraînant une cessation de travail de 24 heures. Litige sur les retenues de salaireContestant les retenues sur son salaire pour les dimanches qui ont suivi ses jours de grève, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 24 janvier 2022. Elle a demandé à la société de services postaux de lui verser des sommes dues à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts, ainsi que de lui fournir des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte. Arguments de l’employeurLa société de services postaux a contesté le jugement qui l’a condamnée à rembourser certaines retenues sur salaire, arguant que l’absence de service due à une cessation concertée du travail justifiait les retenues. Elle a soutenu que, selon la législation, les retenues de salaire devaient être appliquées pour chaque jour d’absence de service, même si le salarié n’avait pas de tâches à accomplir durant ces jours. Position de la CourLa Cour a rappelé que l’exercice du droit de grève suspend le contrat de travail, libérant ainsi l’employeur de l’obligation de payer le salaire pendant cette période. Elle a précisé que, selon la législation applicable, l’absence de service due à un temps de repos après la fin d’un mouvement de grève ne devait pas être considérée comme une absence justifiant des retenues. Conclusion du jugementLe conseil de prud’hommes a correctement conclu que les dimanches suivant les jours de grève de la salariée devaient être rémunérés, car la grève avait pris fin avant ces jours. Par conséquent, les arguments de la société de services postaux n’ont pas été jugés fondés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de l’exercice du droit de grève sur le contrat de travail ?L’exercice du droit de grève suspend l’exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l’arrêt de travail résultant de l’exercice de ce droit. Ainsi, l’employeur est délivré de l’obligation de payer le salaire, peu important que, pendant cette période, le salarié n’ait eu normalement aucun service à assurer. Cette règle est précisée par l’article L. 2512-5 du code du travail, qui stipule que l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Il est donc essentiel de comprendre que la cessation concertée du travail, comme dans le cas d’une grève, a des implications directes sur la rémunération des salariés concernés. Comment la jurisprudence interprète-t-elle les retenues sur salaire en cas de grève ?La jurisprudence a établi que l’absence de service fait par un salarié en raison d’une grève entraîne des retenues sur salaire. Cependant, il est important de noter que l’absence du salarié résultant d’un temps de repos postérieur à la fin d’un mouvement de grève ne constitue pas une absence de service fait par suite de la cessation concertée du travail et doit être rémunérée. Cela signifie que si un salarié reprend son service après une grève, les jours qui suivent la grève doivent être considérés comme des jours de travail, même si le salarié n’a pas eu de service à accomplir durant ces journées. Le conseil de prud’hommes a donc correctement déduit que les dimanches suivant les journées de grève devaient être rémunérés, car la grève avait pris fin avant ces jours. Quels articles de loi sont applicables dans ce cas précis ?Les articles de loi applicables dans cette affaire incluent l’article L. 2512-1 et l’article L. 2512-5 du code du travail, ainsi que l’article 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982. L’article L. 2512-1 précise que les personnels de l’entreprise publique La Poste sont soumis aux dispositions de l’article L. 2512-5, qui traite des conséquences de l’absence de service fait en raison d’une cessation concertée du travail. Ces articles établissent clairement que les retenues sur salaire ne s’appliquent que pour les journées où le service n’a pas été effectué en raison de la grève, et non pour les jours qui suivent la reprise du travail. Ainsi, la jurisprudence rappelle que les droits des salariés doivent être respectés même après la cessation d’un mouvement de grève. |
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 130 FS-D
Pourvoi n° Q 23-13.882
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-13.882 contre le jugement rendu le 26 janvier 2023 par le conseil de prud’hommes de Brive-la-Gaillarde (section commerce), dans le litige l’opposant à Mme [C] [S], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, la plaidoirie de Me Boré pour la société La Poste, et l’avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud’hommes de Brive-la-Gaillarde, 26 janvier 2023), Mme [S] a été engagée en qualité de factrice par la société La Poste (La Poste) le 1er septembre 2011.
2. Elle s’est associée à cinq mouvements de grève d’une durée de vingt-quatre heures, précédés de préavis de grève déposés par le syndicat CGT-FAPT pour les samedis de 0h00 à 24h00.
3. Contestant les retenues sur salaire opérées au titre des dimanches suivant ses jours de grève, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 24 janvier 2022, afin de condamner La Poste à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts, ainsi qu’à lui remettre sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés.
Enoncé du moyen
4. La Poste fait grief au jugement de la condamner à payer à la salariée certaines sommes en remboursement des retenues sur salaire illicites, ainsi qu’à lui délivrer sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés, alors « que l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail par les personnels d’une entreprise de droit privé chargée de la gestion d’un service public entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille ; qu’en cas d’absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le salaire mensuel s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, soit jusqu’au retour effectif du salarié, même si, durant certaines de ces journées, il n’avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations du jugement attaqué que Mme [S]-[M] qui s’est déclarée gréviste »les samedis 9 octobre 2021, 23 octobre 2021, 6 novembre 2021, 20 novembre 2021 et 4 décembre 2021 », n’a repris son service que les lundis suivants à 6h40 ; qu’en condamnant cependant La Poste à lui verser la rémunération des dimanches précédant la reprise effective du travail, durant lesquels aucun service n’avait été accompli par la salariée le conseil de prud’hommes, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2512-1, L. 2512-5 du code du travail, 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982. »
5. L’exercice du droit de grève suspend l’exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l’arrêt de travail résultant de l’exercice de ce droit, en sorte que l’employeur est délivré de l’obligation de payer le salaire, peu important que, pendant cette période, le salarié n’ait eu normalement aucun service à assurer.
6. Selon les articles 1 et 2 de la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, les personnels de cette entreprise sont soumis aux dispositions de l’article L. 2512-5 du code du travail qui dispose qu’en ce qui concerne les personnels mentionnés à l’article L. 2512-1 non soumis aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille.
7. Il s’en déduit que l’absence du salarié résultant d’un temps de repos postérieur à la fin d’un mouvement de grève ne constitue pas une absence de service fait par suite de la cessation concertée du travail et doit être rémunérée.
8. Le conseil de prud’hommes, qui a constaté que l’agent s’était associé à des mouvements de grève, précédés chacun d’un préavis pour une seule journée, le samedi, en a exactement déduit que les dimanches suivant ces journées, après que la grève avait pris fin, devaient être rémunérés.
9. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
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