Indemnité d’occupation et expulsion : enjeux d’un bail commercial en fin de cycle.

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Indemnité d’occupation et expulsion : enjeux d’un bail commercial en fin de cycle.

L’Essentiel : Le litige oppose un bailleur, représenté par une société civile immobilière, à une locataire, une société à responsabilité limitée. Un bail commercial a été signé en 1996, renouvelé en 2005. En 2017, le bailleur a signifié un congé à la locataire sans offre de renouvellement, mais avec une proposition d’indemnité d’éviction. Suite à cela, le bailleur a assigné la locataire pour évaluer les indemnités. Le tribunal a fixé l’indemnité d’occupation à 22.185 euros par an et a ordonné l’expulsion de la locataire, tout en condamnant le bailleur aux dépens.

Contexte du Litige

Le litige oppose une société bailleur, représentée par la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE, à une société locataire, la S.A.R.L. SARL CAMAIEU. Un bail commercial a été signé le 19 juin 1996 pour une durée de neuf ans, renouvelé en 2005 pour une période équivalente. En 2017, le bailleur a signifié un congé à la locataire, sans offre de renouvellement, mais avec une proposition d’indemnité d’éviction.

Procédures Judiciaires

Suite à la signification du congé, le bailleur a assigné la locataire devant le juge des référés pour évaluer les indemnités d’occupation et d’éviction. Un expert judiciaire a été désigné, et son rapport a estimé l’indemnité d’éviction à 82.650 euros et l’indemnité d’occupation à 22.185 euros par an. En 2022, le juge a déclaré la demande d’indemnité d’éviction de la locataire irrecevable pour cause de prescription.

Demandes des Parties

Le bailleur a demandé au tribunal de condamner la locataire à payer l’indemnité d’occupation, de fixer son montant et d’ordonner son expulsion. De son côté, la locataire a contesté le montant de l’indemnité d’occupation et a demandé à être déboutée de toutes les demandes du bailleur, tout en sollicitant la prise en charge des dépens.

Décision du Tribunal

Le tribunal a fixé l’indemnité d’occupation à 22.185 euros par an, à compter du 1er janvier 2018, et a ordonné l’expulsion de la locataire. Les intérêts sur cette indemnité ne commenceront à courir qu’à partir du jugement, et la demande d’indexation de l’indemnité a été rejetée. Le bailleur a été condamné aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Conclusion

La décision du tribunal a confirmé le droit du bailleur à percevoir une indemnité d’occupation, tout en ordonnant l’expulsion de la locataire pour occupation sans droit ni titre. Les demandes accessoires ont été rejetées, et le bailleur a été tenu de supporter les frais de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU ?

L’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU est de nature statutaire, conformément aux dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce.

Cet article stipule que :

« Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.

Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation. »

Ainsi, lorsque le preneur se maintient dans les lieux en attente du paiement de l’indemnité d’éviction, le bailleur peut prétendre, dès la résiliation du bail, au paiement d’une indemnité d’occupation distincte du loyer.

Cette indemnité correspond à la valeur locative des lieux, déterminée selon les critères de l’article L. 145-33 du code de commerce.

Comment est calculée l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité d’occupation est calculée en fonction de la valeur locative des lieux, conformément aux dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce et de l’article L. 145-33 du même code.

L’article L. 145-33 précise que :

« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. »

Dans le cas présent, l’expert judiciaire a évalué la valeur locative de renouvellement à 24.650 euros.

Après application d’un abattement de précarité de 10 %, l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU a été fixée à 22.185 euros par an, hors taxes et hors charges.

Cet abattement est justifié par le fait que l’occupation est précaire depuis le 1er janvier 2018, et que l’exploitation sous le coup d’une éviction est nécessairement pénalisante.

Quels sont les effets de la prescription sur la demande d’indemnité d’éviction ?

La demande d’indemnité d’éviction présentée par la société CAMAIEU a été déclarée irrecevable en raison de la prescription.

L’article 2224 du code civil stipule que :

« La prescription est un mode d’extinction des droits par l’écoulement du temps. »

En l’espèce, le juge de la mise en état a déclaré la société CAMAIEU prescrite et irrecevable en sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction.

Cela signifie que la société CAMAIEU ne peut plus revendiquer cette indemnité, ce qui a des conséquences sur son droit à l’occupation des lieux.

Quelles sont les conditions d’indexation de l’indemnité d’occupation ?

La demande d’indexation de l’indemnité d’occupation sur l’indice des loyers commerciaux a été rejetée par le tribunal.

Il n’existe aucune disposition légale imposant l’indexation de l’indemnité d’occupation, comme le souligne la société CAMAIEU.

L’article L. 145-28 du code de commerce ne prévoit pas d’indexation automatique de l’indemnité d’occupation.

Le tribunal a considéré que l’indexation n’était pas indispensable compte tenu de la durée de la procédure et du montant déjà élevé de l’indemnité d’occupation fixée.

Ainsi, la demande d’indexation a été écartée, et l’indemnité d’occupation a été fixée sans indexation annuelle.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de la demande d’indemnité d’éviction sur l’expulsion ?

L’irrecevabilité de la demande d’indemnité d’éviction a conduit à l’ordonnance d’expulsion de la société CAMAIEU.

En effet, la société CAMAIEU est devenue occupante sans droit ni titre, ce qui justifie l’expulsion.

L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution précise que :

« L’expulsion ne peut être ordonnée qu’en vertu d’un titre exécutoire. »

Dans ce cas, le tribunal a ordonné l’expulsion de la société CAMAIEU, ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique.

Cette décision est fondée sur le fait que la société CAMAIEU ne peut plus revendiquer de droits sur les lieux en raison de la prescription de sa demande d’indemnité d’éviction.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
à Me SADOUN (B0241)
Me MUTELET (C0676)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/03384 –
N° Portalis 352J-W-B7F-CT5XJ

N° MINUTE : 1

Assignation du :
24 Février 2021

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSE

S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE (RCS de PARIS n°311 653 836)
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Me Serge SADOUN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0241, Me Sophie RIVIERE-MARIETTE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant, vestiaire 275

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. SARL CAMAIEU (RCS de PARIS n°420 438 517)
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Catherine MUTELET de la SELARL LP-CM, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #C0676

Décision du 05 Février 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 21/03384 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT5XJ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du code de l’organisation judiciaire et 812 du code de procédure civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Paulin MAGIS, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 04 Décembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 19 juin 1996, la société DAMON, aux droits de laquelle vient la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE, a donné à bail commercial à la S.A.R.L. SARL CAMAIEU (ci-après désignée société CAMAIEU) afin d’y exercer les activités de “DEPANNAGE – ENTRETIEN – RENOVATION DU BATIMENT”, un local au fond de la cour à gauche, dépendant d’un immeuble situé [Adresse 4] et désigné ainsi :

“partie du LOT N° 134 savoir : – au rez-de-chaussée sur jardinet, deux pièces escalier intérieur menant sur une pièce et WC”.

Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 15 juin 1996 pour se terminer le 15 juin 2005, et moyennant le versement d’un loyer annuel de 18.000 francs.

Le bail liant les parties a été renouvelé le 31 juillet 2005, pour une nouvelle période de neuf années à compter du 15 juin 2005, pour se terminer le 14 juin 2014, et moyennant un loyer annuel de 4.500 euros hors taxes et hors charges.

Par acte extrajudiciaire en date du 27 juin 2017, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a signifié à la société CAMAIEU un congé pour le 31 décembre 2017, sans offre de renouvellement du bail mais avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

Par acte délivré le 18 juin 2018, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a fait assigner la société CAMAIEU devant le juge des référés de ce tribunal aux fins de voir désigner un expert judiciaire pour évaluer les indemnités d’occupation et d’éviction.

Par ordonnance du 2 octobre 2018, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette demande et a désigné en qualité d’expert, Monsieur [W] [R].

Par acte délivré le 24 février 2021, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a fait assigner la société CAMAIEU devant ce tribunal aux fins essentielles de fixation de l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU et de condamnation de celle-ci à son paiement.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 27 octobre 2021. Il a estimé l’indemnité d’éviction à la somme de 82.650 euros et l’indemnité d’occupation à la somme de 22.185 euros par an.

Par conclusions notifiées le 24 novembre 2021, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE a saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir juger prescrite la demande en paiement d’une indemnité d’éviction présentée par la société CAMAIEU.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, le juge de la mise en état a :

– déclaré la société CAMAIEU prescrite et irrecevable en sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction,
– débouté la société LA PREVOYANCE de sa demande de provision,
– déclaré la société LA PREVOYANCE irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner l’expulsion de la société CAMAIEU, “ainsi que celle de tout occupant de son chef et au besoin avec l’assistance d’un serrurier et du Commissaire de Police” et en sa demande tendant à voir “Ordonner que les biens mobiliers soient entreposés chez tel garde-meubles qu’il plaira de désigner”,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– renvoyé l’affaire à une audience de mise en état ultérieure,
– réservé les dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2023, la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE demande au tribunal, sur le fondement de l’article L. 145-28 du code de commerce, de :

– dire que la société CAMAIEU est tenue au paiement d’une indemnité d’occupation calculée conformément aux dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce,
– fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 22.185 euros à compter du 1er janvier 2018 jusqu’à l’entière libération des lieux par elle et tous occupants de son chef,
– dire et juger que cette indemnité sera indexée annuellement, sur l’évolution annuelle de l’indice du coût des loyers commerciaux et pour la première fois, le 1er janvier 2019, l’indice de base étant celui du 3ème trimestre 2017,
– condamner la société CAMAIEU à lui payer cette indemnité, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018 ; lesdits intérêts étant capitalisés en application de l’article 1342-3 du code civil pour ceux qui seront dus depuis plus d’une année entière,
– dire et juger que les indemnités d’occupation provisoires payées par la société CAMAIEU durant la procédure viendront en compensation des indemnités d’occupation ci-dessus,
– ordonner l’expulsion de la société CAMAIEU à défaut de libération amiable des lieux,
– condamner la société CAMAIEU à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens qui comprendront notamment les frais et honoraires d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, la société CAMAIEU demande au tribunal, au visa des articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce, de :
– la recevoir en ses conclusions, la dire bien fondée, y faire droit,
– fixer l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU à compter du 1er janvier 2018 à la somme annuelle en principal de 17.255 euros et subsidiairement, à la somme de 22.185 euros par an, telle que retenue dans le rapport d’expertise judiciaire,
– débouter la société LA PREVOYANCE de sa demande au titre de l’indexation annuelle de l’indemnité d’occupation,
– débouter la société LA PREVOYANCE de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
– condamner la société LA PREVOYANCE au paiement de l’intégralité des dépens de l’instance, comprenant les frais de l’expertise judiciaire.

* * *

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 6 novembre 2023.

L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique du 4 décembre 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’indemnité d’occupation

Il est relevé que les parties ne discutent pas, alors que la demande en paiement de l’indemnité d’éviction a été jugée irrecevable comme étant prescrite, que l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU depuis la date d’effet du congé, soit depuis le 1er janvier 2018 et jusqu’à la libération effective des locaux, est de nature statutaire.

Le tribunal ne pouvant statuer ultra petita, ladite indemnité d’occupation sera évaluée en application des dispositions du premier alinéa de l’article L. 145-28 du code de commerce conformément à la volonté des parties. Ce texte énonce qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation.

En outre, en vertu des dispositions du premier alinéa de l’article L. 145-33 du même code, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que d’une part, lorsque le preneur se maintient dans les lieux en attente du paiement de l’indemnité d’éviction, le bailleur peut prétendre, dès la résiliation du bail, au paiement d’une indemnité d’occupation distincte du loyer auquel elle se substitue de plein droit qui, à défaut de convention contraire, correspond à la valeur locative des lieux déterminée selon les critères de l’article L.145-33 du code de commerce et que d’autre part, cette indemnité d’occupation statutaire ne peut, à défaut de convention contraire, être calculée par référence à l’indexation du loyer de base mais peut être affectée d’un coefficient de précarité.

L’expert judiciaire commis relève que les lieux loués se situent sur la [Adresse 13], longue voie débutant dans le 11ème arrondissement à hauteur de la [Adresse 12] pour se terminer dans le [Localité 2], au niveau de l’[Adresse 6].

Le numéro 208 où se trouvent les locaux se situe, dans le [Localité 2], dans le quartier de l’Hôpital [14] compris entre le [Adresse 9] et le [Adresse 8]. A ce niveau de la [Adresse 13], la voie est à sens unique de circulation et le trafic automobile est important. La desserte par les transports en commun est médiocre, les stations de métro [11] (ligne 11), [10] (ligne 2) et [7] (lignes 2 et 11) étant situées dans un rayon de 400 à 600 mètres. Le stationnement est possible des deux côtés de la [Adresse 13] et un parking public est présent à 150 mètres des locaux.

La commercialité du secteur est décrite par l’expert judiciaire comme étant secondaire, constituée par des boutiques en pied d’immeuble en ordre quasi continu aux activités variées (proximité, restauration, service). L’expert note la quasi-absence d’enseignes nationales et de magasins dédiés à l’équipement de la personne. Le quartier est animé, plutôt populaire. Il conclut à “un emplacement au sein d’un quartier animé offrant une grande mixité entre résidentiel et activités mais d’accès médiocre” (page 8 du rapport).

Les locaux se situent au sein d’un vaste ensemble immobilier ancien et plus précisément au sein du bâtiment se trouvant au fond de l’allée sur la gauche, soit en retrait d’environ 100 mètres par rapport à la rue. Ils occupent la totalité d’un bâtiment indépendant et sont décrits ainsi :

– l’entrée depuis l’allée est protégée par une porte métallique avec interphone,
– elle ouvre sur une cour privative de 36,5 m² environ (7 m sur 5) à usage de stockage et dépôt de matériel – sol en béton,
– la cour donne accès au bâtiment de type R+1 + combles se composant ainsi :
* au rez-de-chaussée :
“Accès en contrebas de deux marches, protégé par deux portes vitrées encadrant une grande baie vitrée.
Véranda – sol carrelé.
A droite :
– WC – sol carrelé.
– accès vers bâtiment en retour sur cour, construction de type appentis à usage d’atelier (8 m sur 1,8 m) – toiture en fibrociment
sol béton, hauteur utile comprise entre 2 m et 2,3 m
A la suite de la véranda :
– bureau éclairé sur la véranda – sol carrelé, murs et plafonds peint
– pièce à usage de rangement.
Sol carrelé, murs et plafond peint.
Cette pièce est équipée d’un évier, de meubles de cuisine.
Elle fait également office de lingerie et de vestiaires”.

* au 1er étage, desservi par un escalier étroit (largeur de 0,80 m environ) :
“Appartement comprenant un séjour/cuisine, une chambre et une salle [de] bains.
Palier desservant à droite un dégagement avec placard, la chambre et un escalier desservant les combles.
En face, pièce implantée au-dessus de la véranda, éclairée en façade avant et par verrière formant plafond.
Pièce à usage de séjour avec cuisine ouverte.
Sol carrelé, murs peints.
Décision du 05 Février 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 21/03384 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT5XJ

Hauteur utile comprise entre 2,3 et 2,6 mètres.
Sur l’arrière, double porte vitrée donnant accès à la chambre également accessible depuis le palier d’étage.
Sol parquet.
Placard.
Hauteur utile de 2,6 m.
A gauche, accès commandé vers une salle de bains éclairée par fenêtre en imposte donnant sur le séjour.
Baignoire, meuble une vasque, douche, WC.
Sol carrelé, murs carrelés et peints”.

* Au 2ème étage, niveau mansardé, desservi par un escalier étroit (largeur de 0,75 à 0,85 m) :
“Chambre éclairée par quatre fenêtres en façade avant.
Sol moquette, murs et plafonds peints.
Hauteur utile comprise entre 1,8 et 2,3 mètres.
Au fond, salle d’eau éclairée en façade avant.
Meuble une vasque, douche.
WC.
Sol et murs carrelés”.

L’expert judiciaire considère que les locaux ont une configuration médiocre, précisant que la société CAMAIEU qui exerce une activité de travaux de rénovation dans le bâtiment ne reçoit pas de clients dans le local.

Il retient une surface de 115,40 m² dont 57,60 m² pour le rez-de-chaussée et 36,5 m² pour la cour.

L’expert évalue la valeur locative de renouvellement à 24.650 euros, qui n’est pas discutée par les parties et qui sera donc entérinée par le tribunal.

L’expert a retenu un abattement de précarité de 10 % que la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE demande de confirmer et que la société CAMAIEU sollicite de voir fixer à 30 % aux motifs que le congé avec refus de renouvellement qui lui a été signifié a nécessairement perturbé son activité, la contraignant à mettre un terme à l’ensemble des projets et investissements qu’elle a réalisés dans les locaux loués, qu’elle occupe depuis plus de 20 ans et dans lesquels son dirigeant, âgé de 82 ans, a fixé sa résidence familiale.

L’occupation étant précaire, il est d’usage d’y appliquer un abattement pour précarité d’au moins 10 %, étant considéré que l’exploitation sous le coup d’une éviction est nécessairement pénalisante.

Un taux d’abattement supérieur peut être fixé si le locataire justifie d’un impact particulier de l’éviction sur sa situation, tel que l’engagement de dépenses dans les locaux dont il est évincé ou des difficultés d’exploitation liées à sa précarité.

En l’espèce, l’occupation est précaire depuis le 1er janvier 2018, soit depuis près de 7 ans. Sont communiqués les bilans de la société CAMAIEU pour les années 2017, 2018 et 2019, dont il ressort que le chiffre d’affaires a augmenté en 2018 (755.431 euros par rapport à 2017 : 742.215 euros) puis a baissé en 2019 (602.215 euros), le résultat d’exploitation étant quant à lui en baisse depuis 2017, étant passé de 51.336 euros en 2017 à 33.731 euros en 2018 et 22.362 euros en 2019. Ces éléments n’ont pas été actualisés. Or, selon l’expert, ce qui n’est pas contredit par la société CAMAIEU, les locaux n’accueillent qu’une activité administrative et servent de dépôt pour quelques matériaux. Il n’est donc pas justifié d’un impact particulier de l’éviction sur la situation de la société CAMAIEU justifiant l’application d’un abattement pour précarité de 30 %.

Dès lors, l’indemnité d’occupation due par la société CAMAIEU à la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE à compter du 1er janvier 2018 sera fixée à la somme de : 24.650 €- (24.650 € x 0,10) = 22.185 euros par an, hors taxes et hors charges. La société CAMAIEU sera condamnée à verser cette indemnité d’occupation à la société PREVOYANCE. Seront déduites les indemnités d’occupation provisoires payées par la société CAMAIEU.

Sur les intérêts produits par l’indemnité d’occupation

La bailleresse demande que la condamnation au paiement des rappels d’indemnité d’occupation produise des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018.

Néanmoins, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, anciennement l’article 1153-1, la condamnation au paiement de l’indemnité n’emporte intérêts au taux légal qu’à compter du présent jugement.

En application de l’article 1343-2 du même code, anciennement son article 1154, la capitalisation de ces intérêts, de droit dès lors qu’elle est demandée comme en l’espèce, est ordonnée dès lors qu’ils seront dus depuis plus d’un an.

Sur la demande d’indexation de l’indemnité d’occupation

La S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE sollicite une indexation annuelle de l’indemnité d’occupation sur l’indice des loyers commerciaux et ce à compter du 1er janvier 2019, l’indice de base étant celui du 3ème trimestre 2017.

La locataire s’y oppose, faisant valoir que cette indexation n’est pas automatique et que le tribunal peut l’écarter, quant bien même le bail aurait prévu cette indexation.

Le tribunal relève qu’aucune disposition légale n’impose l’indexation de l’indemnité d’occupation et que celle-ci n’apparaît pas indispensable compte tenu de la durée de la procédure, du montant déjà élevé de l’indemnité d’occupation fixée ainsi que de l’abattement modéré qui y a été appliqué ; la demande à ce titre sera donc rejetée.

Sur la demande d’expulsion

Il convient d’ordonner l’expulsion de la société CAMAIEU, dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision, dès lors que sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction a été déclarée irrecevable et qu’elle est devenue occupante sans droit ni titre.

Sur les demandes accessoires

L’instance et l’expertise ayant eu pour cause la délivrance par la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE d’un congé avec refus de renouvellement, il lui appartient d’en supporter les dépens, en ce compris le coût de l’expertise.

La S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE qui est condamnée aux dépens, est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, il convient de constater que la société CAMAIEU ne reprend pas sa demande au titre des frais irrépétibles, qui figure dans le corps de ses conclusions, dans le dispositif de celles-ci, de sorte que le tribunal n’est saisi d’aucune demande de cette partie au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, aucun motif ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation des lieux sis [Adresse 3] [Localité 1] due par la S.A.R.L. SARL CAMAIEU à la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE à la somme de 22.185 (vingt-deux mille cent quatre-vingt-cinq) euros, hors taxes et hors charges, par an depuis le 1er janvier 2018 et jusqu’à son départ effectif des lieux,

Dit que cette indemnité d’occupation ne produira des intérêts au taux légal qu’à compter du présent jugement,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts, dès lors qu’ils seront dus depuis plus d’un an,

Condamne la S.A.R.L. SARL CAMAIEU à payer à la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE le rappel de cette indemnité d’occupation, après déduction des sommes provisoirement versées de ce chef,

Déboute la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE de sa demande d’indexation de l’indemnité d’occupation,

Ordonne à la S.A.R.L. SARL CAMAIEU et à tous occupants de son chef de libérer les lieux dans le délai de 3 (trois) mois suivant la signification de la présente décision,

Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux dans ce délai, l’expulsion de la S.A.R.L. SARL CAMAIEU ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier,

Dit que l’enlèvement des meubles et effets se trouvant éventuellement dans les lieux sera effectué selon les règles fixées par les articles L. 433-1 et suivants, et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Condamne la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise,

Déboute la S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LA PREVOYANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE


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