Tribunal judiciaire de Lyon, 31 janvier 2025, RG n° 25/00385
Tribunal judiciaire de Lyon, 31 janvier 2025, RG n° 25/00385

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Réglementation stricte sur l’isolement et la contention en milieu psychiatrique

Résumé

Cadre légal de l’isolement et de la contention

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention ne doivent être utilisés qu’en dernier recours pour des patients hospitalisés sans consentement, afin de prévenir un danger immédiat pour eux-mêmes ou autrui. Ces mesures doivent être décidées par un psychiatre et doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au risque évalué. De plus, leur mise en œuvre nécessite une surveillance stricte, avec des évaluations régulières consignées dans le dossier médical.

Conditions de renouvellement des mesures

Le même article précise que, dans des cas exceptionnels, un médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées initiales, à condition d’informer un membre de la famille du patient et de saisir le juge des libertés et de la détention. Ce dernier doit statuer sur la nécessité de maintenir la mesure avant l’expiration de délais spécifiques, garantissant ainsi un contrôle judiciaire sur ces décisions.

Rôle du juge des libertés et de la détention

Le juge des libertés et de la détention ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour évaluer le consentement du patient ou le diagnostic. Son rôle est de vérifier si les motifs de la mesure respectent les critères légaux établis, sans porter un jugement sur l’opportunité médicale de la décision.

Arguments de l’avocat de Mme [B] [E]

Maître Jocerand LECARDONEL conteste la légalité de la mesure de contention appliquée à Mme [B] [E], soulignant qu’une nouvelle mesure a été prise moins de deux heures après une mainlevée, sans justification d’éléments nouveaux. Les documents du Centre Hospitalier montrent qu’après la décision du juge, une nouvelle mesure a été ordonnée sans mention de cette décision.

Violation des délais légaux

Il est rappelé que, selon l’article L3222-5-1, aucune nouvelle mesure ne peut être prise dans les quarante-huit heures suivant une mainlevée, sauf en cas d’éléments nouveaux. En l’absence de tels éléments, la sécurité du patient et d’autrui doit être priorisée, et le juge doit être informé immédiatement de toute nouvelle mesure.

Surveillance et évaluation des mesures

Le renouvellement de la mesure de contention a été autorisé sans respecter les exigences de surveillance stricte et d’évaluations régulières. Les décisions de renouvellement ont été prises sur la base d’une seule évaluation, ce qui contrevient aux obligations légales de suivi.

Conclusion de la décision judiciaire

En raison des irrégularités constatées dans la procédure, le juge ordonne la mainlevée de la mesure de contention appliquée à Mme [B] [E]. Cette décision est notifiée aux parties concernées, y compris au directeur du Centre Hospitalier et aux représentants légaux de la patiente.

COUR D’APPEL DE LYON
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Suzanne BELLOC
vice-président(e) chargé(e) des fonctions de juge des libertés et de la détention

N° RG 25/385 – JLD hospitalisation
Mme [B] [E] née le 06/05/2008

ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE DE CONTENTION
(1ère demande)

rendue le 31 janvier 2025 à16H03

Par, Suzanne BELLOC, juge au tribunal judiciaire de Lyon, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;

Vu la décision du juge des libertés et de la détention en date du 29 janvier 2025 à 15h10 ordonnant la mainlevée d’une précédente mesure de contention;

Vu les pièces du dossier et notamment la décision de renouvellement de la mesure de contention, considérant que l’état de la patiente, Mme [B] [E] nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure débutée le 29 janver 2025 à 16h20 ;

Vu les informations délivrées aux tiers en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;

Vu la saisine du juge des libertés et de la détention par le Directeur du CH [1] le 31 janvier 2025, enregistrée le même jour à 10h14, aux fins de maintien de la mesure de contention de la patiente, sans demande de comparution du patient,

Vu l’avis du Ministère public ;

Vu les observations de Maître Jocerand LECARDONEL concluant à l’irrégularité de la mesure de contention concernant Mme [B] [E] et sollicitant sa mainlevée;

MOTIFS DE LA DECISION :

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention);

Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 h pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au juge des libertés et de la détention, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention ;

Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge des libertés et de la détention doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contentionest délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.

Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé ;

Maître Jocerand LECARDONEL conclut à l’irrégularité de la mesure de contention de Mme [B] [E] et sollicite la mainlevée de celle-ci;

Il fait valoir notamment qu’après une mainlevée de la mesure, la patiente a fait l’objet d’une nouvelle mesure moins de 2h après sans que la décision du médecin ne fasse état d’aucun élément nouveau;

En l’espèce en effet, les pièces produites par le Centre Hospitalier [1] permettent de constater que suite à la décision du juge ayant ordonné la mainlevée de la mesure de contention le 29 janvier 2025 à 15h10, une nouvelle mesure a été prise le 29 janver 2025 à 16h20 sans mention de la décision du juge et sans jutification de la survenance d’éléments nouveaux dans la situation de la patiente patient justifiant le reprise d’une mesure de contention.

Il convient donc à nouveau de rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique qu’en cas de mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient rendant impossibles d’autres modalités de prise en charge, auquel cas l’intérêt du patient doit être recherché afin de garantir sa sécurité et celle d’autrui, le juge des libertés et de la détention étant alors avisé sans délai de cette nouvelle mesure.

En outre, il apparait que le médecin a autorisé le renouvellement de la mesure de contention le 30/01/2025 à 22h12 puis le 31/01/2025 à 04h12 aux termes d’une seule et même évaluation médicale intervenue le 30/01/2025 à 19h39;

En conséquence, alors que la mise en œuvre de la mesure de contention doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 12 heures, tel n’a pas été le cas en l’espèce;

Il résulte de ces éléments que la procédure est irrégulière.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement de Mme [B] [E] .

 


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