Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nice
Thématique : Responsabilité du syndic face aux manquements dans la gestion d’une copropriété
→ RésuméContexte de l’affaireM. [K] [P] était copropriétaire d’un immeuble, la Villa [2], avec des consorts [Z]. Des infiltrations provenant de la toiture-terrasse, appartenant aux consorts [M], ont causé des dommages à son lot. En mars 2008, M. [P] a demandé l’intervention d’un expert, qui a recommandé des travaux d’étanchéité. Décisions des assemblées généralesLe syndic, Cabinet Mari, a convoqué une assemblée générale le 6 janvier 2012, où une résolution a été adoptée pour réaliser les travaux. Cependant, M. [W] [M] et sa sœur ont contesté cette résolution, arguant que la terrasse était une partie commune. Leur demande d’annulation a été rejetée en première instance, mais la Cour d’appel a annulé la résolution en mars 2015 en raison d’une convocation irrégulière. Actions judiciairesM. [K] [P] et ses coïndivisaires ont assigné le syndicat des copropriétaires et les consorts [M] pour obtenir la réalisation des travaux. En septembre 2020, le tribunal a ordonné la réalisation des travaux sous astreinte. Par la suite, M. [P] a assigné le syndic pour obtenir réparation des préjudices liés à l’inexécution des travaux. Arguments de M. [P]M. [P] a demandé des dommages-intérêts pour l’insalubrité de son logement, invoquant des fautes du syndic, notamment l’absence de convocation de Mme [M] à l’assemblée générale. Il a également souligné que l’absence de nouvelles assemblées générales entre 2015 et 2019 a retardé la réalisation des travaux nécessaires. Réponse de la société Cabinet MariLa société Cabinet Mari a contesté les demandes de M. [P], arguant qu’il n’avait pas prouvé la faute, le lien de causalité ou le préjudice. Elle a également souligné que les assemblées générales avaient donné quitus pour sa gestion et que les problèmes étaient dus à des conflits entre copropriétaires. État des lieux et préjudicesDes rapports d’expertise et des constats d’huissier ont révélé l’insalubrité des logements de M. [P], avec des signes d’humidité et de dégradations. Le tribunal a reconnu le préjudice moral lié à l’occupation prolongée d’un logement dégradé, distinct du préjudice de jouissance déjà indemnisé. Décision du tribunalLe tribunal a condamné la société Cabinet Mari à verser 10.000 euros à M. [P] pour son préjudice moral et 3.000 euros au titre des frais de justice. La demande reconventionnelle de la société Cabinet Mari pour procédure abusive a été rejetée. Le tribunal a également ordonné la prise en charge des dépens par la société Cabinet Mari. |
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)
JUGEMENT : [K] [P] c/ S.A.R.L. CABINET MARI
N° 25/
Du 6 Février 2025
4ème Chambre civile
N° RG 20/01061 – N° Portalis DBWR-W-B7E-MXX5
Grosse délivrée à
Me Cécile JACQUEMET
expédition délivrée à
la SCP SCP OLIVIER DE FASSIO- DAVID PERCHE
le 06 Février 2025
mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du six février deux mil vingt cinq
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame Taanlimi BENALI, Greffier
Vu les Articles 812 à 816 du Code de procédure civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;
DÉBATS
A l’audience publique du 5 septembre 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 19 décembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.
PRONONCÉ
Par mise à disposition au Greffe le 6 février 2025 après prorogation du délibéré, signé par Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame Eliancia KALO, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDEUR:
M. [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Cécile JACQUEMET, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
DÉFENDERESSE:
S.A.R.L. Cabinet MARI, prise en la personne de son gérant
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître David PERCHE de la SCP SCP OLIVIER DE FASSIO- DAVID PERCHE, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [P] était propriétaire indivis, avec les consorts [Z], de lots au premier étage d’un immeuble dénommé Villa [2] situé [Adresse 1] à [Localité 3], endommagés depuis plusieurs années par des infiltrations en provenance de la toiture-terrasse constituant la terrasse arborée des consorts [M], propriétaires du lot sus-jacent.
M. [P] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 11 mars 2008, a désigné M. [T] [C] en qualité d’expert. Le technicien commis a établi son rapport le 17 novembre 2009 préconisant la reprise de l’intégralité de l’étanchéité de la toiture-terrasse.
La société Cabinet Mari qui était le syndic de la Villa [2] a convoqué une assemblée générale des copropriétaires qui s’est réunie le 6 janvier 2012 et a notamment adopté une résolution n° 14 décidant de réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire et de répartir leur coût entre le syndicat et les consorts [M].
Par acte du 8 mars 2012, M. [W] [M] et sa sœur Mme [D] [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Nice pour obtenir l’annulation de la résolution n° 14 au motif que la terrasse arborée n’était pas une partie privative mais une partie commune à usage privatif.
Ils ont été déclarés irrecevables en leur demande par un jugement du 21 janvier 2014 dont ils ont interjeté appel.
Par arrêt du 12 mars 2015, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la nullité de la résolution n°14 adoptée par l’assemblée générale des copropriétaires du 6 janvier 2012 au motif que la convocation à cette assemblée était irrégulière pour avoir été adressée à M. [W] [M] et pas à Mme [M], le bien étant détenu en indivision entre les deux.
M. [K] [P] et ses coïndivisaires ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de la Villa [2] et les consorts [M] devant le tribunal de grande instance de Nice, par actes des 20 et 29 novembre 2012, pour obtenir principalement la réalisation sous astreinte des travaux préconisés par l’expert judiciaire et l’indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 7 septembre 2020, le tribunal a condamné le syndicat des copropriétaires de la Villa [2] à faire procéder aux travaux de réfection de l’étanchéité de la toiture-terrasse sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par acte d’huissier du 4 mars 2020, M. [K] [P] a fait assigner la société Cabinet Mari devant le tribunal judiciaire de Nice en réparation du préjudice causé par des manquements ayant eu pour conséquence l’inexécution des travaux de réfection.
Par ordonnance du 25 septembre 2023, le juge de la mise en état, saisi par la société Cabinet Mari, a rejeté une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action initiée par M. [P] à son encontre et a déclaré cette action recevable.
Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 27 juin 2024, M. [K] [P] conclut au débouté de la société Cabinet Mari de ses demandes et sollicite sa condamnation à lui payer les
sommes suivantes :
– 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel subi en lien avec l’état d’insalubrité de son logement,
– 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il fait valoir que les fautes commises par la société Cabinet Mari dans l’exercice de sa mission, notamment ne pas avoir convoqué Mme [M] à l’assemblée générale du 6 janvier 2012 en méconnaissance de l’article 23 de la loi du 19 juillet 1965, engagent sa responsabilité sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil pour les préjudices qu’il a subis. Il estime que la faute du syndic a été confirmée par l’arrêt rendu le 12 mars 2015 qui a annulé sa résolution n°14 en raison de l’omission de convoquer une copropriétaire.
Il souligne que l’assemblée générale du 6 janvier 2012 a voté à la majorité les travaux préconisés par l’expert et que cela permettait leur réalisation rapide afin de mettre un terme aux dommages qu’il subit. Il insiste que sans la faute commise par le syndic concernant la convocation de Mme [M], l’assemblée générale approuvant les travaux n’aurait pas été annulée.
Il reproche en outre à la société Cabinet Mari de n’avoir convoqué aucune assemblée générale pendant trois ans entre le 12 février 2015 et le 23 juillet 2019 qui aurait permis un nouveau vote sur les travaux à réaliser.
Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 1er juillet 2024, la société Cabinet Mari conclut au débouté de M. [P] de l’ensemble de ses demandes et sollicite sa condamnation à la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée, à la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que M. [P] ne démontre ni la faute, ni le lien de causalité, ni le préjudice nécessaires pour obtenir sa condamnation. Il note que les assemblées générales des 26 octobre 2012, 12 février 2015 et 23 juillet 2019 lui ont donné quitus pour sa gestion.
Elle estime que M. [P] procède volontairement à une confusion entre la responsabilité éventuelle du syndicat des copropriétaires et celle du syndic dont la responsabilité ne peut qu’être spécifique et attachée à sa mission. Il soutient que peu importe que la résolution n°14 ait été annulée pour des irrégularités affectant la convocation puisqu’elle demeurait en tout état de cause frappée d’illégalité compte tenu de la mise à la charge des consorts [M] d’une partie du coût des travaux.
Il insiste s’être montré extrêmement diligent pour tenter de trouver une solution au litige opposant les copropriétaires et que ses diligences sont relatées dans les procès-verbaux des assemblées générales. Il estime que c’est la situation conflictuelle au sein de la copropriété et l’attitude de M. [P], consistant à vouloir imputer à tort une part de responsabilité aux consorts [M], à refuser toute transaction et à ne pas vouloir régler les charges de copropriété, qui est à l’origine des problèmes et non la gestion du syndic. Il observe que les travaux de reprise nécessaires auraient été effectués depuis longtemps si M. [P] n’avait pas refusé de signer
un protocole transactionnel et si lui et les autres copropriétaires avaient accepté la prise en charge par le syndicat de l’intégralité des travaux.
Il observe que l’absence de tenue d’une assemblée générale entre 2015 et 2019 n’a aucune incidence sur la situation M. [H] et ne lui a pas été préjudiciable dès lors que les consorts [H] avaient dès avant assigné la copropriété et les consorts [M] en indemnisation de leurs préjudices et que cette procédure était en cours.
Il souligne qu’il a continué à s’occuper de la gestion de la copropriété gratuitement à compter du 31 décembre 2017.
Il note également que le préjudice de M. [P] a déjà été indemnisé par le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 7 septembre 2020 et qu’il ne peut pas réclamer une double réparation. Il ajoute qu’une transaction est finalement intervenue et que cela démontre son implication dans la gestion de la copropriété. Il précise que suite à la vente de ses biens et aux dommages et intérêts accordés, M. [P] bénéficie d’un gain de 105.211,41 euros, après déduction des charges de copropriété dues.
La clôture de l’instruction est intervenue le 22 août 2024. L’affaire a été retenue à l’audience du 5 septembre 2024 et le prononcé de la décision a été fixé au 19 décembre 2024 prorogé au 6 février 2025.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
CONDAMNE la SARL Cabinet Mari devenue SAS Citya Cabinet Mari à payer à payer à M. [K] [P] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral ;
CONDAMNE la SARL Cabinet Mari devenue SAS Citya Cabinet Mari à payer à M. [K] [P] la somme de 3.000 euros le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL Cabinet Mari devenue SAS Citya Cabinet Mari aux dépens de l’instance, avec distraction au profit de Maître Cécile Jacquemet conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SARL Cabinet Mari de ses demandes ;
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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