Licenciement pour faute grave : évaluation des comportements inadaptés en milieu hospitalier

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Licenciement pour faute grave : évaluation des comportements inadaptés en milieu hospitalier

L’Essentiel : Une aide-soignante a été engagée par une clinique à partir du 1er mars 2001. Le 6 avril 2018, elle a été mise à pied pour 5 jours. Le 6 décembre 2019, un entretien préalable à un licenciement a eu lieu, et elle a été licenciée pour faute grave le 20 décembre 2019. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes le 30 juillet 2020. Le jugement du 4 mai 2023 a déclaré irrecevable sa contestation de la mise à pied et a débouté ses autres demandes. En appel, elle a demandé l’infirmation du jugement, tandis que la clinique a sollicité la réformation sur certains points.

Embauche et Contexte de l’Affaire

Mme [B] [C] a été engagée en tant qu’aide-soignante par la Sasu Capio, clinique [3], à partir du 1er mars 2001, sous un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. La convention collective applicable est celle nationale de l’hospitalisation privée à but lucratif, et la société emploie au moins 11 salariés.

Mise à Pied et Licenciement

Le 6 avril 2018, Mme [B] a été mise à pied pour une durée de 5 jours. Par la suite, le 6 décembre 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 17 décembre 2019. Elle a été licenciée pour faute grave, comme indiqué dans une lettre datée du 20 décembre 2019.

Actions en Justice

Le 30 juillet 2020, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour contester son licenciement, demander l’annulation des sanctions disciplinaires et obtenir diverses indemnités. Le jugement rendu le 4 mai 2023 a déclaré irrecevable la contestation de la mise à pied pour cause de prescription et a débouté Mme [B] de ses autres demandes.

Appel de Mme [B]

Mme [B] a interjeté appel le 5 juin 2023, contestant les décisions du jugement de première instance. Dans ses écritures du 22 août 2023, elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître que son licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, tout en sollicitant le versement de plusieurs indemnités.

Réponse de la SAS Clinique [3]

Dans ses écritures du 27 septembre 2023, la SAS Clinique [3] a demandé la réformation du jugement en ce qui concerne la demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tout en confirmant les autres décisions du jugement de première instance.

Motifs de la Décision

La cour a confirmé que la contestation de la mise à pied était prescrite, car plus de deux ans s’étaient écoulés entre la notification de la sanction et la saisine de la juridiction. Concernant le licenciement, la cour a jugé que les faits reprochés à Mme [B] constituaient une faute grave, en raison de son comportement inadapté lors de deux nuits de travail, mettant en danger la sécurité des patients et perturbant le bon fonctionnement de l’équipe.

Conclusion de la Cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en toutes ses dispositions, sans accorder d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et a condamné Mme [B] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la mise à pied disciplinaire et son caractère prescriptible ?

La mise à pied disciplinaire est une sanction qui peut être infligée par l’employeur à un salarié en raison d’une faute commise dans le cadre de son travail. Selon l’article L. 1332-2 du Code du travail, la mise à pied disciplinaire doit être notifiée au salarié par écrit et doit être justifiée par des faits précis.

Dans le cas présent, la mise à pied disciplinaire de 5 jours infligée à l’aide-soignante a été contestée par celle-ci, mais le conseil de prud’hommes a déclaré cette contestation irrecevable en raison de la prescription.

L’article L. 1471-1 du Code du travail stipule que l’action en contestation d’une sanction disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la notification de la sanction.

Dans cette affaire, plus de deux ans s’étaient écoulés entre la notification de la mise à pied et la saisine de la juridiction, ce qui a conduit à la confirmation de l’irrecevabilité de la demande de l’aide-soignante.

Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave est une mesure qui doit être justifiée par des faits suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Selon l’article L. 1234-1 du Code du travail, la faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise.

Dans le cas présent, l’employeur a invoqué plusieurs incidents survenus lors de deux nuits de travail, où l’aide-soignante a eu un comportement inadapté, notamment en étant en état d’ébriété sur le lieu de travail.

L’article L. 1232-6 du Code du travail précise que l’employeur doit rapporter la preuve des faits justifiant le licenciement. En l’espèce, l’employeur a produit des témoignages et des rapports d’incidents qui ont été jugés suffisants pour établir la matérialité des faits reprochés à l’aide-soignante.

Quels sont les recours possibles en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse ?

Lorsqu’un salarié conteste son licenciement, il peut saisir le conseil de prud’hommes pour demander l’annulation de la décision et obtenir des indemnités. L’article L. 1235-1 du Code du travail prévoit que si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Dans cette affaire, l’aide-soignante a demandé à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cependant, la cour a confirmé le jugement initial, considérant que les faits reprochés étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement.

L’article L. 1235-2 du Code du travail précise également que le juge doit prendre en compte la situation de l’entreprise et les circonstances de la rupture du contrat de travail pour déterminer le montant de l’indemnité.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour faute grave sur les indemnités ?

Le licenciement pour faute grave entraîne des conséquences sur les indemnités dues au salarié. Selon l’article L. 1234-5 du Code du travail, en cas de licenciement pour faute grave, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis ni à une indemnité de licenciement.

Dans le cas présent, l’aide-soignante a été licenciée pour faute grave, ce qui signifie qu’elle n’a pas droit à ces indemnités. La cour a confirmé que l’employeur avait respecté les procédures de licenciement et que les faits reprochés justifiaient la décision prise.

L’article L. 1234-9 du Code du travail précise également que le salarié peut demander le versement d’une indemnité pour les congés payés non pris, mais cela ne s’applique pas dans le cas d’un licenciement pour faute grave, sauf si des congés avaient été acquis avant la rupture du contrat.

31/01/2025

ARRÊT N°25/37

N° RG 23/02013

N° Portalis DBVI-V-B7H-PPSW

CB/ND

Décision déférée du 04 Mai 2023

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE

(F 20/01023)

M. LOBRY

SECTION ACTIVITES DIVERSES

[C] [B]

C/

SASU CAPIO CLINIQUE [3]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Madame [C] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/2023/001682 du 24/07/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

SASU CLINIQUE [3], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [C] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er mars 2001 en qualité d’aide-soignante par la Sasu Capio, clinique [3].

La convention collective applicable est celle nationale de l’hospitalisation privée à but lucratif. La société emploie au moins 11 salariés.

Mme [B] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de 5 jours le 6 avril 2018.

Le 6 décembre 2019, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 décembre 2019. Elle a été licenciée pour faute grave selon lettre du 20 décembre 2019.

Mme [B] a saisi le 30 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement, d’annuler les sanctions disciplinaires émises à son encontre et obtenir le versement de diverses indemnités.

Par jugement en date du 4 mai 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

Dit irrecevable comme prescrite l’action de Mme [B] en contestation de la mise à pied disciplinaire du 6 avril 2018,

Débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,

Débouté la société Capio clinique [3] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamné Mme [B] aux éventuels dépens.

Mme [B] a interjeté appel de ce jugement le 5 juin 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 22 août 2023, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [B] demande à la cour de :

Infirmer le jugement de départition rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 04 mai 2023, section activités diverses, en ce qu’il a :

– débouté Mme [B] de sa demande tendant à voir dire et juger que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et l’a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;

– débouté Mme [B] de sa demande tendant à voir dire et juger que son licenciement était vexatoire et l’a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;

– dit et jugé que la demande en contestation de mise à pied disciplinaire du 6 avril 2018 était irrecevable car prescrite et l’a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;

– débouté Mme [B] des demandes indemnitaires suivantes, à savoir :

– 436,38 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire, outre la somme de 43,64 euros de congés payés y afférents ;

– 4 363,84 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 436,38 euros de congés payés y afférents ;

– 16 146,20 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 31 636,39 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

Il est demandé à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par Mme [B] ;

Dire et juger que le licenciement de Mme [B] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

Annuler la sanction du 6 avril 2018 ayant entraîné la mise à pied disciplinaire de 5 jours ;

En conséquence,

Condamner la SASU Capio clinique [3] à lui verser avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes de :

– 436,38 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire, outre la somme de 43,64 euros de congés payés y afférents ;

– 4 363,84 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 436,38 euros de congés payés y afférents ;

– 16 146,20 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 31 636,39 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Condamner la SASU Capio clinique [3] à remettre à Mme [B] un certificat de travail ainsi qu’une attestation pôle emploi conformes ;

Dire et juger que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’établit à la somme de 2 181,92 euros ;

Condamner la SASU Capio clinique [3] à verser à la SCP Denjean & associés la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile alinéa 2 ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient que la mise à pied était injustifiée. Elle conteste toute faute grave alors que l’employeur n’a pas même respecté ses procédures internes pour la constatation d’un état d’ivresse sur le lieu de travail. Elle s’explique sur les indemnités.

Dans ses dernières écritures en date du 27 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Clinique [3] demande à la cour de :

Réformer le jugement du juge départiteur du conseil du prud’hommes du 4 mai 2023 en ce qu’il a :

– débouté la clinique [3] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement du juge départiteur du conseil de prud’hommes du 4 mai 2023 en ce qu’il a :

– dit irrecevable comme prescrite l’action de Mme [B] en contestation de la mise à pied disciplinaire du 6 avril 2018 ;

– débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;

– condamné Mme [B] aux dépens.

Et statuant à nouveau :

A titre liminaire sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 06 avril 2018,

– déclarer que le délai de prescription applicable à la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 06 avril 2018 était écoulé à la date de saisine de la juridiction par Mme [B] ;

– rejeter les demandes de Mme [B] formulées à ce titre (annulation et rappels de salaire afférent) comme irrecevables car prescrites.

Sur le fond du licenciement, à titre principal ;

– déclarer que le licenciement pour faute grave de Mme [B] est parfaitement justifié ;

– débouter Mme [B] de ses demandes au titre du licenciement.

À titre subsidiaire, si par extraordinaire le conseil de prud’hommes venait à entrer en voie de condamnation,

Réduire les demandes formulées par Mme [B] aux montants suivants :

– 382,44 euros à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire, outre 38,24 euros au titre des congés payés afférents ;

– 9 011,33 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 26 183,04 euros maximum à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause, en conséquence

Débouter Mme [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

À titre reconventionnel

Condamner Mme [B] à verser à la société clinique [3] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Elle soutient que la contestation de la mise à pied est prescrite. Elle estime que la faute grave est établie.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 12 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise à pied,

Le jugement a, au visa de l’article L.1471-1 du code du travail, déclaré que la contestation de la mise à pied du 6 avril 2018 introduite le 30 juillet 2020 était prescrite.

L’appelante conclut à la réformation de ce chef, à la recevabilité de sa demande et à l’annulation de la sanction disciplinaire mais ne s’explique que sur le fond, qui n’a pas été analysé par le premier juge. Elle ne développe aucun moyen de réformation quant à l’irrecevabilité qui a été retenue alors que plus de deux ans s’étaient écoulés entre la notification de la sanction et la saisine de la juridiction. La cour ne peut ainsi que confirmer ce chef du dispositif par application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

Sur le licenciement,

Il a été prononcé pour faute grave selon lettre du 20 décembre 2019.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce les faits ont été énoncés dans les termes suivants :

1) Dans la nuit du 12 au 13 novembre 2019, vous avez pris votre poste au 1200 avec 10mn de retard. Vous sentiez l’alcool.

Lors du diner avec le reste de l’équipe, vous êtes arrivée en titubant et avez dû vous reprendre à 3 fois pour vous asseoir. Durant tout le repas, vous avez tenu des propos agressifs.

L’équipe vous a demandé de vous reposer afin de ne pas perturber les soins des patients et a fait intervenir une aide-soignante d’un autre service pour vous calmer.

Vers 2h du matin, une IDE entendant un bruit dans la salle des petits déjeuners, se rapproche et vous voit dans le noir en train de rire.

Puis, vous vous dirigez vers le local à DASRI sans aucun sac poubelle et entend un bruit de bouteille.

L’IDE se dirige alors vers le stock de bouteilles de vin patient et constate que celui-ci est ouvert et qu’une bouteille est manquante. En fin de nuit une autre bouteille était manquante.

Lors de l’entretien du 17/12/2019 vous avez indiqué ne pas vous souvenir de cette nuit-là.

2) Dans la nuit du 30/11 au 01/12/2019 en SSR gériatrique, l’équipe constate à nouveau que vous aviez un débit de parole logorrhéique, des paroles sans queue ni tête et vous étiez euphorique.

Lors du repas vous avez eu des propos incohérents et des pertes de mémoire immédiate.

Vers 23h30, une patiente présentant des troubles cognitifs déambulait dans le couloir. Vous lui courez après, l’attrapez le bras de manière brutale dans le petit salon. Ce geste énerve la patiente qui perd l’équilibre et vous griffe à l’avant-bras.

L’IDE appelle la cadre de nuit pour signaler votre comportement.

En chemin, la cadre de nuit est appelée par la sécurité qui se rend également dans ce service du fait d’une patiente agressive.

Arrivée sur place, la cadre de nuit calme la patiente qui accepte de retourner se coucher dans sa chambre. Alors qu’elle discutait avec la patiente, vous entrez dans la chambre, interpellez la cadre, l’IDE et la patiente en parlant fort et en faisant de grands gestes. La cadre a été contrainte de vous demander à deux reprises de quitter la chambre en haussant le ton.

Sa voisine de chambre choquée par ce comportement est transférée dans une autre chambre. Une fois la patiente calmée et remise au lit, elle vous retrouve et constate les éléments suivants : vous aviez les yeux injectés de sang, vous parliez fort et ne restiez pas en place.

La cadre de nuit vous prend à part et essaie d’échanger avec vous pendant plus d’une heure. Il ressort de cet entretien que vous aviez un discours incohérent, vous changiez en permanence de sujet, vous aviez du mal à articuler, vous vous êtes levée 7 fois pour aller boire, vous passiez du rire aux larmes. Elle vous propose de souffler dans un éthylotest comme le prévoit notre règlement intérieur. Vous refusez. Alors que vous êtes semble-t-il calmée et comme vous êtes légèrement blessée lors de votre échange avec la patiente, elle vous propose de descendre aux urgences. Vous lui répondez que vous n’êtes pas bête à ce point-là. La cadre reprend ses activités.

Vers 3h30 du matin, vous décidez de retourner dans la chambre de la patiente pour transférer les affaires de la voisine dans sa nouvelle chambre. Vous voyant tituber, l’IDE vous demande de sortir, vous faites tomber les affaires de la voisine réveillant la patiente.

La cadre de nuit repasse dans le service un peu plus tard. Vous n’étiez pas dans le service mais en train de fumer. A votre retour, vous trébuchez dans la salle de soin et vous rattrapez à la table. Elle vous demande de la suivre dans le couloir et constate que vous titubez jusqu’à l’office. Lors de ce second échange, vous êtes toujours logorrhéique, avez du mal à articuler, vous parlez fort et avec des grands gestes, vous ne cessez de vous lever et de vous asseoir pour marcher et aller boire.

Après 2h de conversation, elle vous demande d’aller vous reposer jusqu’au tour du matin. Lors de celui-ci vous n’êtes pas passé dans les chambres des patients porteurs de sondes urinaires et avez sélectionné vos soins de nursing. Vous n’avez pas réalisé les soins auprès de la patiente avec laquelle vous avez eu un comportement et des propos inadaptés. Quand l’IDE est passée auprès de celle-ci à 6h45, celle-ci était en boule sur son lit, une flaque d’urine au pied celui-ci. L’IDE a dû ainsi réaliser les soins vous revenant. Quand celle-ci vous a interrogé sur le pourquoi de ce manquement, vous lui avez répondu vous n’étiez pas là pour « torcher des culs ».

Nous vous rappelons que les soins de nursing sont du rôle des ASQ et que vous n’avez pas à refuser de réaliser ces actes de soins qui sont de votre ressort.

Lors de l’entretien du 17/12/2019, vous avez évoqué pour expliquer votre comportement inadapté :

Une volonté d’être sympathique et de détendre l’ambiance de travail

Un stress généré par le comportement de la patiente ayant des troubles cognitifs

Or, votre comportement logorrhéique a été constaté dès votre prise de poste et tout au long de la nuit ; que vous aviez eu le même comportement durant la nuit du 12 au 13/11/2019 ; que votre expérience professionnelle et notamment au sein de ‘équipe mobile interne service doit vous permettre d’aborder ce type de situation sans qu’elle ne dégénère.

Vos explications recueillies lors de l’entretien du 17/12/2019 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet, et ce d’autant plus que, nous avons déjà été amené à vous sanctionner pour des faits similaires :

Votre mise à pied des 26-27/03/2018 et des 1-4-5/04/2018 pour comportement inadapté vis-à-vis des patients et de collègues,

Votre rappel à l’ordre de novembre 2019 pour suspicion de consommation d’alcool sur le lieu de travail,

Vous n’avez pas pris en compte nos alertes. Ce que nous considérons comme un facteur aggravant.

Au-delà des problèmes de prise en charge des patients qui se répètent, certaines équipes de nuit ne se sentant plus en sécurité lorsque vous êtes présente, ne veulent plus travailler avec vous craignant pour la sécurité de la prise en charge des patients.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et de leur répétition, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible ; la gravité des faits qui vous sont reprochés nous amènent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Votre fin de contrat interviendra le 23/12/2019 au soir sans indemnité compensatrice de prévis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 07/12/2019 au 23/12/219 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.

Il est donc reproché à la salariée d’avoir lors de deux nuits distinctes, 12-13 novembre et 30 novembre-1er décembre, eu un comportement inadapté que ce soit vis-à-vis des patients ou des collègues de travail et ce en donnant des exemples précis et circonstanciés.

L’employeur, qui supporte la charge de la preuve, produit :

1) pour la nuit du 12-13 novembre :

– un courrier électronique circonstancié de la part de Mme [R] infirmière faisant état d’un comportement inadapté de sa collègue. Ce document reprend des éléments précis, horodatés et en donnant des exemples de comportement (allers et retours vers la salle des petits déjeuners, propos agressifs, période de sommeil de 2 à 5 heures sur le transat)

2) pour la nuit du 30 novembre-1er décembre :

– un courrier électronique de cette même infirmière, Mme [R], faisant mention toujours de manière précise et horodatée d’un comportement toujours inadapté (propos incohérents, incident avec une patiente incohérente sans respect des prescriptions médicales, demande de modifier la transmission écrite sur cet incident, refus de faire certains soins de nursing),

– le signalement d’un médecin (pièce 11) se plaignant du comportement d’une aide-soignante lors de cette nuit vis-à-vis d’une patiente, tel que relaté par une infirmière en transmission et donc pouvant sans doute possible être rapporté à la salariée même si son nom n’est pas mentionné,

– un rapport de Mme [U], dont il est précisé dans le courrier de Mme [R] qu’elle était arrivée pendant l’incident avec la patiente, relatant ce même incident et le comportement de Mme [B] (passe du rire aux larmes, essaye de me taper la main régulièrement, ne répond à aucune question sur son état..)

Ainsi que retenu exactement par le premier juge, ces documents ne constituent pas des attestations. Ils n’ont donc pas à respecter les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Ils ont été établis non pour être produits en justice mais au moment des faits pour relater à la hiérarchie ce qui relevait d’incidents pendant le service. Pris individuellement leur force probante pourrait être très relative. Mais leur confrontation est cohérente et permet d’établir la réalité des faits, dans des termes au demeurant mesurés et démontrant une inquiétude des auteurs au regard des nécessités du service.

Ainsi, comme le premier juge la cour retient que la matérialité des faits est bien établie, la salariée se contentant de contester mais sans opposer d’élément pertinent face aux preuves qui lui sont présentées. Si elle produit des attestations d’où il résulte que des collègues ont travaillé avec elle sans difficulté, aucune ne fait référence aux dates visées par la lettre de licenciement. D’ailleurs le rapport de Mme [U] mentionnait expressément les qualités professionnelles de Mme [B] mais également le fait qu’elle se laissait dépasser par ses soucis familiaux.

La salariée fait encore valoir que l’employeur n’a pas respecté ses propres instructions telles que figurant dans le règlement intérieur et reprises dans un courrier qui lui avait été adressé le 8 novembre 2019 quant à la constatation d’un état alcoolique sur le lieu de travail. Mais la cour note que s’il a été fait état de la disparition de bouteilles de vin, il n’en demeure pas moins que la lettre de licenciement mentionne un comportement pour le moins erratique et en tout cas non professionnel mais ne fait pas référence à un état alcoolique qui n’a certes pas été constaté. Cette argumentation de la salariée est donc inopérante.

Ainsi au regard des éléments produits par l’employeur la cour considère que les faits énoncés à la lettre de licenciement sont bien établis et qu’ils caractérisent une faute puisque la salariée n’a pas eu, à l’occasion de ces deux nuits, un comportement professionnel dans des conditions mettant en difficulté ses collègues et inadaptées vis-à-vis des patients.

Quant à la proportionnalité de la sanction, il convient de retenir que la salariée avait fait l’objet le 6 avril 2018 d’une mise à pied disciplinaire non contestée en son temps et exécutée pour des faits de même nature. Les faits constituaient donc bien une réitération de faits fautifs. Par ailleurs, la salariée avait été destinataire d’un courrier le 8 novembre 2019, toujours pour un comportement erratique lors d’un service de nuit. Elle fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une sanction, ce qui est exact, mais ce courrier attirait néanmoins son attention sur des incidents de même nature. L’employeur prenait acte de ce que la salariée avait contesté avoir consommé de l’alcool et rappelait son règlement intérieur, ce que désormais elle oppose. Mais ainsi que rappelé ci-dessus la salariée n’a pas été licenciée pour avoir consommé de l’alcool. Enfin les comptes rendus d’entretien professionnel attiraient son attention sur la nécessité de laisser ses problèmes à la maison et de maitriser ses émotions.

Ainsi, la cour retient des faits matériellement établis dans les termes de la lettre de licenciement, particulièrement sérieux puisque commis en présence de patients fragiles et pour certains directement à leur endroit, par une salariée déjà sanctionnée pour des faits de même nature et par ailleurs alertée sur son comportement.

De tels faits revêtaient bien le caractère de gravité ne permettant pas le maintien dans l’entreprise de sorte que sans disproportion l’employeur pouvait se placer sur le terrain de la faute grave. Le fait qu’il n’ait pas été prononcé de sanction après les faits du mois d’octobre 2019 ne saurait constituer une quelconque tolérance ou une incohérence de l’employeur. Il avait en effet officiellement alerté la salariée sur son comportement et ensuite a entamé la procédure de licenciement dans un délai restreint après la survenance de nouveaux faits, sans s’appuyer dans la notification sur ceux dont il avait connaissance au jour de la convocation au précédent entretien, celui du 5 novembre 2019.

Le licenciement pour faute grave est ainsi justifié. Il n’est pas davantage établi de circonstances vexatoires entourant le licenciement dès lors que les faits énoncés par l’employeur sont matériellement établis et qu’il n’a pas été formulé d’assertions que la salariée qualifie d’infamantes mais qui ne sont pas celles énoncées. Le jugement sera confirmé.

Au regard de la situation respective des parties, il n’apparaît pas inéquitable que chacune d’elle conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens par elle exposés.

L’appel étant mal fondé, Mme [B] en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 4 mai 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l’aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. TACHON C. BRISSET


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