L’Essentiel : Monsieur l’ouvrier a été embauché par la société employeur en contrat à durée indéterminée le 29 mars 2019. Le 15 juin 2020, alors qu’il agissait en tant que vigie sur un chantier, il a subi un accident lorsque la nacelle a roulé sur son pied gauche. Reconnu comme accident de travail, il a demandé à la CPAM de reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Les sociétés employeur et sous-traitante ont contesté cette demande, affirmant que toutes les mesures de sécurité étaient respectées. Le tribunal a finalement débouté l’ouvrier de sa demande, déclarant que les conditions de la faute inexcusable n’étaient pas réunies.
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Embauche et Mission de Monsieur [X]Monsieur [Y] [X] a été embauché par la société [8] en contrat à durée indéterminée le 29 mars 2019 en tant qu’ouvrier. Le 08 juin 2020, il a été mis à disposition de la société [12] pour des travaux incluant la conduite de nacelle et l’aide aux compagnons. Accident du TravailLe 15 juin 2020, alors qu’il agissait en tant que vigie sur un chantier, Monsieur [X] a subi un accident lorsque la nacelle a roulé sur son pied gauche. Il a été transporté aux urgences où un traumatisme par écrasement a été diagnostiqué. La CPAM a reconnu l’accident comme étant lié à un risque professionnel. Demande de Reconnaissance de Faute InexcusableLe 07 mai 2021, Monsieur [X] a demandé à la CPAM d’organiser une réunion de conciliation pour établir la faute inexcusable de l’employeur. Le 30 août 2021, la CPAM a dressé un procès-verbal de non-conciliation, et Monsieur [X] a saisi le tribunal le 21 septembre 2021. Demandes de Monsieur [X]Monsieur [X] a formulé plusieurs demandes au tribunal, incluant la reconnaissance de la faute inexcusable des sociétés [8] et [12], l’avance des frais liés à la majoration de rente, et la nomination d’un expert médical pour évaluer ses préjudices. Arguments de Monsieur [X]Monsieur [X] soutient que la faute inexcusable de son employeur est engagée, affirmant que la nacelle était défectueuse et que des mesures de sécurité n’avaient pas été respectées. Il souligne également qu’il avait respecté toutes les consignes de sécurité et qu’il n’avait pas été formé adéquatement. Réponse de la Société [8]La société [8] conteste la demande de Monsieur [X], arguant qu’il a reçu une formation adéquate et que le poste qu’il occupait ne présentait pas de risques particuliers. Elle demande également à être déboutée de toutes les demandes de Monsieur [X]. Réponse de la Société [12]La société [12] demande également le déboutement de Monsieur [X], affirmant qu’il a été informé des règles de sécurité et que toutes les mesures nécessaires pour éviter un accident avaient été mises en place. Elle soutient que la responsabilité incombe à la société [8]. Position de la CPAMLa CPAM a déclaré s’en remettre à la décision du tribunal concernant la reconnaissance d’une faute inexcusable et a demandé à bénéficier d’une action récursoire contre l’employeur si la faute était reconnue. Décision du TribunalLe tribunal a statué que les conditions de la présomption de faute inexcusable n’étaient pas réunies, déboutant Monsieur [X] de sa demande. Il a également rejeté toutes les autres demandes de Monsieur [X] et l’a condamné aux dépens. La décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. » Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, il faut établir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. En l’espèce, le tribunal a constaté que le salarié n’a pas prouvé que l’employeur avait conscience du risque lié à l’utilisation de la nacelle. De plus, l’article L. 4154-3 du code du travail précise que la faute inexcusable est présumée pour les salariés affectés à des postes présentant des risques particuliers, mais cela ne s’applique pas ici, car le poste de vigie n’était pas considéré comme à risque. Ainsi, les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable ne sont pas réunies dans ce cas. Quels sont les droits des salariés en matière de formation à la sécurité ?L’article L. 4154-2 du code du travail stipule : « Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. » Il est donc impératif que les employeurs identifient les postes à risque et dispensent une formation adéquate aux salariés concernés. Dans le cas présent, le tribunal a noté que le contrat de mission ne mentionnait pas que le poste de vigie était à risque, et le salarié n’a pas prouvé qu’il aurait dû bénéficier d’une formation renforcée. Ainsi, les droits des salariés en matière de formation à la sécurité n’ont pas été violés dans cette situation. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?L’article L. 4121-1 du code du travail énonce : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Ces mesures incluent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’article L. 4121-2 précise également que l’employeur doit mettre en œuvre ces mesures en tenant compte des principes généraux de prévention, tels que l’évaluation des risques et l’adaptation du travail à l’homme. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que l’employeur avait mis en place des mesures de sécurité, y compris la formation du salarié à la conduite de la nacelle et la fourniture d’équipements de protection. Par conséquent, les obligations de l’employeur en matière de sécurité ont été respectées. Comment se détermine la responsabilité en cas d’accident du travail impliquant un salarié intérimaire ?La responsabilité en cas d’accident du travail impliquant un salarié intérimaire est régie par le principe selon lequel l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, y compris des règles d’hygiène et de sécurité. L’article L. 4154-3 du code du travail précise que la faute inexcusable est présumée pour les salariés intérimaires affectés à des postes à risque, mais cela ne s’applique que si la formation à la sécurité n’a pas été dispensée. Dans le cas présent, le tribunal a établi que le salarié n’était pas affecté à un poste à risque et qu’il avait reçu la formation nécessaire. Ainsi, la responsabilité de l’accident ne peut être imputée ni à l’entreprise de travail temporaire ni à l’entreprise utilisatrice, car les conditions de sécurité étaient respectées. Quelles sont les conséquences d’un jugement déboutant un salarié de sa demande de faute inexcusable ?Lorsqu’un salarié est débouté de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, il doit supporter les dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est tenue de payer les frais de justice. Dans cette affaire, le tribunal a débouté le salarié de toutes ses demandes, ce qui implique qu’il devra assumer les frais liés à la procédure. De plus, le tribunal a refusé d’accorder l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que le salarié ne pourra pas obtenir de provision ou d’indemnisation avant que la décision ne soit définitive. Ainsi, les conséquences d’un jugement déboutant un salarié peuvent être financières et affecter sa capacité à obtenir une indemnisation rapide. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL
Jugement du 31 Janvier 2025
N° RG 21/00863 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LH65
Code affaire : 89B
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : Frédérique PITEUX
Assesseur : Franck MEYER
Assesseur : Jérome GAUTIER
Greffière : Julie SOHIER
DEBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 04 Décembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 31 Janvier 2025.
Demandeur :
Monsieur [Y] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Maître Audrey ROBERT, avocate au barreau de NANTES
Défenderesses :
S.A.S.U [8]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Maître Franck DREMEAUX, avocat au barreau de PARIS, substitué lors de l’audience par Maîre Florian MELCER, avocat au même barreau
Société [12]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître Géraldine LEDUC, avocate au barreau de NANTES
En la cause :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE
Service contentieux
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Madame [W] [C], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial
La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, dans les termes suivants :
Monsieur [Y] [X] a été embauché en contrat à durée indéterminée par la société [8] le 29 mars 2019 en qualité d’ouvrier.
Par lettre de mission en date du 08 juin 2020, la société [8] a mis monsieur [X] à disposition de la société [12] en vue de travaux de « conduite de nacelle (…), pose de bâche, aide aux compagnons ».
Le 15 juin 2020, à 18H00 heures, monsieur [X] a été victime d’un accident du travail sur le chantier du centre LECLERC drive, [Adresse 11] : alors que le salarié remplissait la fonction de vigie, la nacelle a roulé sur son pied gauche.
Transporté aux urgences du Centre hospitalier [Localité 10], le service des urgences a diagnostiqué un traumatisme par écrasement du pied gauche, des douleurs électives du dos du pied avec œdème et hématome sur le bord externe du pied.
L’accident a été reconnu par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) de Loire-Atlantique au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par courrier du 07 mai 2021, monsieur [X] a sollicité de la CPAM l’organisation d’une réunion de conciliation en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Le 30 août 2021, l’état de monsieur [X] n’étant ni consolidé ni guéri, la CPAM a établi un procès-verbal de non-conciliation.
Par courrier expédié le 21 septembre 2021, monsieur [X] a saisi le tribunal.
Les parties ont été convoquées à l’audience qui s’est tenue le 04 décembre 2024 devant le pôle social du tribunal judiciaire de NANTES.
Monsieur [Y] [X] demande au tribunal de :
– dire et juger recevable sa requête,
– prendre acte du procès-verbal de non-conciliation établi par la CPAM de Loire-Atlantique en date du 30 août 2021,
– reconnaître la faute inexcusable de l’employeur (tant la société utilisatrice [12] que la société [8]) pour l’accident du 15 juin 2020,
– ordonner à la CPAM de lui faire l’avance des frais liés à la majoration de rente (ou capital),
– condamner in solidum la société [12] et la société [8] (agence [9]) à rembourser à la CPAM l’avance des frais liés à la majoration de rente (ou capital),
– ordonner, sur les autres préjudices, avant dire droit, la nomination d’un médecin expert pour la détermination de ses préjudices,
– désigner tel expert médical qu’il plaira avec les missions décrites dans ses écritures,
– condamner in solidum la société [12] et la société [8] (agence [9]) à lui verser la somme de 15.000,00 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive,
– condamner in solidum la société [12] et la société [8] (agence [9]) à prendre en charge les frais de l’expertise médicale judiciaire demandée,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner in solidum la société [12] et la société [8] (agence [9]) à lui verser la somme de 1.200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (y compris les frais de l’expertise médicale judiciaire à venir).
Monsieur [X], après avoir rappelé les dispositions des articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail, expose que :
– la faute inexcusable de son employeur est engagée car il n’aurait jamais dû recevoir une nacelle sur son pied gauche,
– l’employeur a délibérément mis en circulation un engin (une nacelle) qui était défectueuse sinon elle ne serait pas tombée sur son pied,
– l’employeur ne pouvait ignorer que cet engin était particulièrement dangereux et contraire aux règles de sécurité,
– le salarié qui conduisait la nacelle a peut-être commis une faute qu’il conviendra d’établir,
– il portait ses chaussures de sécurité et avait respecté toutes les consignes de sécurité,
– il se situait à distance sur la bâche et la machine lui est tombée sur le pied sans qu’il sache pourquoi,
– la machine était très certainement défectueuse,
– le collègue qui manœuvrait la machine n’a pas pris toutes les précautions de sécurité habituelles,
– la nacelle de près d’une tonne et 500 kg lui est tombée sur le pied gauche et il n’en est pas responsable,
– il ne se souvient pas d’avoir suivi une formation particulière sur la sécurité organisée par son employeur alors que sa mission l’exposait à un risque spécifique en matière de sécurité étant donné les machines utilisées,
– il n’a pas signé le livret d’accueil et le document unique d’évaluation des risques professionnels, et n’en a pas eu connaissance,
– le conducteur de la nacelle a répondu aux exigences de son employeur en produisant une attestation qui indique que le demandeur n’avait pas à se trouver sous la nacelle au moment où il manœuvrait, alors qu’il sait pertinemment que le demandeur n’était pas en faute dans cet accident,
– l’accident a été provoqué par un défaut de sécurité sur le chantier et la faute inexcusable de l’employeur est présumée.
La société [8] demande au tribunal de :
A titre principal, sur l’absence de faute inexcusable,
– débouter monsieur [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si une faute inexcusable était retenue,
– ordonner une expertise aux fins d’évaluer les seuls préjudices personnels de monsieur [X] visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
– débouter monsieur [X] des demandes provisionnelles formulées à hauteur de 15.000,00 euros,
– dire et juger que la faute inexcusable a été commise par la seule société [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à la société [8],
– condamner la société [12] à la garantir de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable tant en principal qu’en intérêts et frais y compris de toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et d’éventuels dépens,
– débouter, en toute hypothèse, les différentes parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à son encontre.
La société [8] rappelle que si l’entreprise de travail temporaire est l’employeur du salarié intérimaire, il est mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, qui est responsable, à son égard, pendant le temps de la mission, des conditions d’exécution du travail, de l’application des règles d’hygiène et de sécurité, de la formation, et que, pendant la durée de sa mission, le salarié intérimaire est sous la subordination de l’entreprise utilisatrice qui lui donne des ordres et des directives, et qui seule connaît les risques que génère son activité.
Pour autant, la société [8] indique qu’elle a bien dispensé à monsieur [X] une formation « safe competence », et que le demandeur était titulaire d’un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES) « R386 cat 3B plates-formes élévatrices mobiles de personnes », obtenu à l’issue d’une formation de 3 jours, si bien qu’il était parfaitement compétent pour la mission, et ajoute qu’elle a bien fourni les équipements de protection individuelle prévus dans le contrat de mise à disposition, à savoir des chaussures et un casque de sécurité.
La société [8] souligne, en outre, que monsieur [X] ne produit aucune pièce de nature à démontrer la réalité d’une faute inexcusable, et qu’il ressort du contrat de mise à disposition que le poste de monsieur [X] ne constituait pas un poste à risque.
La société [12] demande au tribunal de :
– débouter monsieur [Y] [X] de sa demande de faute inexcusable et de l’ensemble de ses demandes,
– condamner, si, par extraordinaire, la faute inexcusable était reconnue, la société [8], employeur de monsieur [Y] [X], et non la société utilisatrice,
– limiter la mission de l’expert aux postes de préjudice suivants : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice sexuel, assistance tierce personne, déficit fonctionnel permanent,
– débouter, en tout état de cause, monsieur [Y] [X] de sa demande de provision et de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [12] estime que si, par extraordinaire, le tribunal reconnaît l’existence d’une faute inexcusable, c’est la société [8], en sa qualité d’employeur, qu’il conviendra de condamner.
Pour autant, la société [12] indique que monsieur [X] a reçu de sa part toutes les informations sur les règles de sécurité, que, ainsi, monsieur [X] a pris connaissance des règles applicables dans l’entreprise par le document unique, et que ces règles de sécurité rappellent que le salarié au sol pendant la manœuvre de la plate-forme élévatrice doit impérativement se placer en sécurité éloigné de la nacelle car le salarié situé dans la nacelle à plusieurs mètres de hauteur ne peut pas voir ce qui se passe juste au pied de la nacelle.
La société [12] expose que toutes les mesures propres à éviter un accident ont été mises en place, et que les consignes de sécurité sont répétées de manière permanente aux salariés, donc à monsieur [X], sur le placement de chacun lors de la circulation des plates-formes.
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de Loire-Atlantique a déclaré s’en remettre à la sagesse du tribunal quant à la reconnaissance d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident de monsieur [X], et a sollicité, dans l’affirmative, le bénéfice de son action récursoire à l’encontre de l’employeur, la société [8].
La décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025.
Sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable présumée
L’article L. 4154-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable depuis le 14 mai 2009, dispose :
« La faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2. »
L’article L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable depuis le 14 mai 2009, dispose :
« Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.
La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe. Elle est tenue à la disposition de l’inspecteur du travail. »
Il résulte de l’application combinée de ces textes que le salarié intérimaire victime d’un accident de travail, pendant l’exécution de son contrat de mission, dont la formation renforcée à la sécurité n’a pas été réalisée, alors qu’il était affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, bénéficie, en cas d’accident, d’une présomption de faute inexcusable de l’employeur, sans qu’il ait à établir la conscience qu’avait ou aurait dû avoir celui-ci de l’exposer au risque dont la réalisation est à l’origine de la survenance du fait accidentel.
Au cas présent, dans le contrat de mission établi le 08 juin 2020, la société [8], au titre de la rubrique « caractéristiques particulières et risques professionnels du poste », dans la sous rubrique intitulée « poste à risque (art. L. 4142-2) », indique : non.
Par ailleurs, monsieur [X] n’administre pas la preuve que le poste dit de « vigie » auquel il était affecté le 15 juin 2020 présentait, pour sa santé et sa sécurité, des risques particuliers justifiant la dispensation de la formation à la sécurité renforcée prévue à l’article L. 4154-2 du code du travail.
Dans ces conditions, il y a lieu de relever que les conditions d’application de la présomption de faute inexcusable ne sont pas réunies.
Monsieur [X] sera donc débouté de sa demande formulée de ce chef.
Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable
L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose :
« Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »
L’article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable depuis le 1er octobre 2017, dispose :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
L’article L. 4121-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, dispose :
« L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
L’article L. 4321-1 du code du travail dispose :
« Les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection. »
L’article R. 4323-52 du code du travail dispose :
« Des mesures d’organisation sont prises pour éviter que des travailleurs à pied ne se trouvent dans la zone d’évolution des équipements de travail mobiles.
Lorsque la présence de travailleurs à pied est néanmoins requise pour la bonne exécution des travaux, des mesures sont prises pour éviter qu’ils ne soient blessés par ces équipements. »
Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, d’une obligation de sécurité de résultat qualifiée récemment d’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, et que le manquement à cette obligation revêt le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
En tout état de cause, il revient au salarié demandeur sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur d’établir, autrement que par ses seules affirmations, la preuve de la conscience qu’avait l’employeur, ou qu’il aurait dû avoir, de l’exposer au risque dont la réalisation a été à l’origine de la survenance de l’accident de travail.
En l’espèce, sur les 70 pièces communiquées par monsieur [X], 66 sont des pièces de nature médicale ou paramédicales.
Aucun des éléments versés par monsieur [X] ne vient étayer ses allégations selon lesquelles, notamment :
– la nacelle « est tombée » et il l’a reçue sur le pied,
– l’employeur a mis en circulation une nacelle qui était défectueuse,
– l’engin était particulièrement dangereux et contraire aux règles de sécurité,
– le salarié qui conduisait la nacelle a peut-être commis une faute qu’il conviendra d’établir,
– il se situait à distance « sur la bâche »,
– la machine était très certainement défectueuse,
– le collègue qui manœuvrait la machine n’a pas pris toutes les précautions de sécurité habituelles,
– sa mission l’exposait à un risque spécifique en matière de sécurité étant donné les machines utilisées,
– l’accident a été provoqué par un défaut de sécurité sur le chantier.
Bien au contraire, monsieur [H] [Z], « thermobacheur », dans un témoignage établi le 23 décembre 2021, déclare : « c’était un soir de travail, nous étions trois travailleurs pour ce jour là. Etant donné que j’étais le seul qui possédais de permis nacelle, donc j’étais habilité à conduire l’engin. monsieur [X] me servait de vigie au sol. J’étais en train d’effectuer mon travail en hauteur et déplier la bâche, donc je n’avais aucune visibilité en bas, puisque la bâche m’empêchait de voir le bas. En ce moment là, monsieur [X] n’était pas pas censé resté à côté de la nacelle en mouvement puisque c’est interdit d’être sous une nacelle en mouvement. C’est à ce moment où je manœuvrais la nacelle que j’ai accidentellement roulé sur ses orteils sans que je sache. Voilà qu’il a crié que j’avais roulé sur ses pieds ».
De même, l’employeur communique la déclaration d’accident du travail qui indique, dans la rubrique « circonstances détaillées de l’accident », que monsieur [X] s’est fait rouler sur le pied gauche par une nacelle de chantier (travail au sol), ce qui a été corroboré par les débats lors de l’audience.
Au surplus, l’employeur communique une attestation individuelle de formation en date du 15 janvier 2020 certifiant que monsieur [X] a suivi, et validé, du 27 au 31 décembre 2019, la formation intitulée « R386 – plates-formes élévatrices mobiles de personnes (CACES cat : 3B ».
A défaut d’éléments contraires communiqués par son contradicteur, ces pièces corroborent l’affirmation de la société [8] selon laquelle monsieur [X] « était parfaitement compétent pour la mission ».
Il ressort de ces éléments qu’aucune faute inexcusable n’est caractérisée à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire.
Au surplus, la société [12] communique un livret d’accueil sécurité qui rappelle, dans sa rubrique « les risques liés à la circulation », de « se tenir éloigné des manœuvres des véhicules ou des engins ».
La société utilisatrice communique, également, son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (date de l’évaluation des risques : 09 avril 2020), qui indique, en page 7/60, dans sa partie consacrée aux « risques liés aux équipement de travail », qu’il n’existe pas de possibilité d’écrasement entre des équipements et une partie fixe sauf en cas de présence anormale dans le périmètre de manœuvre d’un véhicule.
Par ailleurs, le DUERP, en page 43/60, dans sa partie consacrée aux « risques liés au recours à des intérimaires », indique qu’une information générale est faite lors de l’accueil des intérimaires, qu’un briefing sécurité est assuré à l’arrivée sur site par un chef de chantier, que l’entreprise n’emploie pas de personnel intérimaire à des postes à risques particuliers de sorte qu’il n’y a pas d’exposition directe aux risques les plus importants.
Dans ces conditions, en l’état du dossier, aucune faute à l’origine de l’accident du 15 juin 2020, dont la commission soit imputable à la société [12], n’est davantage caractérisée.
Aussi, monsieur [X], défaillant dans l’administration de la charge de la preuve, sera débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Monsieur [X] sera, par conséquent, également débouté de l’ensemble de ses autres demandes.
Sur les dépens et l’exécution provisoire
Monsieur [X] succombant dans le cadre du présent litige, il en supportera, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens.
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de donner une suite favorable à la demande d’exécution provisoire formulée par monsieur [X], compte tenu de la solution donnée au litige.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, susceptible d’appel, rendu par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE monsieur [Y] [X] de sa demande tendant à voir dire que l’accident de travail en date du 15 juin 2020 est imputable à une faute inexcusable de la SASU [8] ou à une faute de la SAS [12] ;
DÉBOUTE monsieur [Y] [X] de l’intégralité de ses autres demandes ;
CONDAMNE monsieur [Y] [X] aux dépens ;
RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 31 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Madame Frédérique PITEUX, Présidente, et par Madame Julie SOHIER, Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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