Licenciement contesté pour manquements contractuels et procédures internes non respectées

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Licenciement contesté pour manquements contractuels et procédures internes non respectées

L’Essentiel : Un responsable de magasin a été embauché le 14 mars 2012 par une société sous un contrat à durée indéterminée. En 2019, cette société a fusionné avec une autre, entraînant des modifications dans l’affectation du salarié. Le 11 décembre 2020, la société a notifié une mise à pied conservatoire au responsable et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement. Licencié pour faute grave, le salarié a contesté cette décision. Le conseil de prud’hommes a débouté les deux parties, mais le salarié a interjeté appel. La cour a finalement jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonnant le paiement d’indemnités.

Embauche et évolution de M. [B]

M. [I] [B] a été embauché le 14 mars 2012 par la Sasu Brice en tant que responsable de magasin, sous un contrat de travail à durée indéterminée. En 2019, la Sasu Jules a fusionné avec la Sasu Brice, prenant ainsi le contrôle de cette dernière. Plusieurs avenants ont été signés pour permettre à M. [B] de travailler dans les magasins des deux enseignes, et il était dernièrement affecté au magasin Brice de [Localité 8] [Localité 7].

Mise à pied et licenciement

Le 11 décembre 2020, la Sasu Jules a notifié à M. [B] une mise à pied conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu pour le 28 décembre 2020. M. [B] a été licencié pour faute grave le 27 janvier 2021. Il a contesté ce licenciement par courrier le 29 janvier 2021, mais la Sasu Jules a maintenu sa décision par un courrier du 12 février 2021.

Procédure judiciaire

M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 30 mars 2021 pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le jugement du 2 février 2023 a débouté M. [B] de toutes ses demandes et a également débouté la Sasu Jules de sa demande reconventionnelle, condamnant M. [B] aux dépens. M. [B] a interjeté appel de ce jugement le 10 mars 2023.

Prétentions des parties

M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en réclamant diverses indemnités. De son côté, la Sasu Jules demande la confirmation du jugement de première instance et, à titre subsidiaire, la limitation des condamnations à des indemnités légales.

Motifs du licenciement

Le licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Sasu Jules a reproché à M. [B] des manquements graves à ses obligations contractuelles, notamment des remboursements non conformes aux procédures internes. La lettre de licenciement a détaillé plusieurs transactions financières suspectes réalisées par M. [B], qui n’ont pas respecté les directives de l’entreprise.

Prescription des griefs

M. [B] a soulevé la prescription des griefs, arguant que certains faits étaient antérieurs à deux mois de la procédure de licenciement. La Sasu Jules a affirmé avoir découvert les faits fautifs à partir d’un appel téléphonique le 12 octobre 2020. La cour a déterminé que les faits étaient prescrits au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire.

Indemnisation

Étant donné que le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, M. [B] a droit à plusieurs indemnités, y compris une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement. La cour a fixé l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 15 000 euros, correspondant à plus de cinq mois de salaire brut.

Demandes annexes et décision finale

La Sasu Jules, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. M. [B] a également droit à une indemnisation pour les frais non compris dans les dépens, s’élevant à 2 000 euros. La cour a infirmé le jugement de première instance, déclarant le licenciement de M. [B] sans cause réelle et sérieuse et ordonnant le paiement des indemnités dues.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute grave ?

Le licenciement pour faute grave doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L 1232-6 du code du travail. Cet article stipule que l’employeur doit énoncer dans la lettre de licenciement le ou les motifs justifiant cette décision.

La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci doit profiter au salarié.

Ainsi, pour qu’un licenciement soit considéré comme justifié, l’employeur doit démontrer que les faits reprochés au salarié sont suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’article L 1235-3 du code du travail prévoit que le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, en fonction de son ancienneté.

Pour un salarié ayant une ancienneté de 9 ans, comme c’est le cas ici, l’indemnité peut varier entre 3 et 9 mois de salaire.

Dans cette affaire, le salarié a demandé une indemnité de 21 754,32 euros, soit 8 mois de salaire, mais le tribunal a finalement fixé cette indemnité à 15 000,00 euros, correspondant à plus de 5 mois de salaire brut.

Cette indemnité vise à compenser le préjudice subi par le salarié en raison de la rupture abusive de son contrat de travail.

Quelles sont les règles concernant la prescription des faits fautifs ?

L’article L 1332-4 du code du travail stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Ce délai est crucial car il détermine la possibilité pour l’employeur de sanctionner un salarié pour des faits fautifs.

Dans cette affaire, le salarié a soulevé la prescription des griefs reprochés, arguant que certains faits étaient antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement.

La cour a conclu que les faits étaient prescrits, car l’employeur n’avait pas démontré avoir envoyé la convocation à l’entretien préalable dans le délai imparti, rendant ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de remise des documents de fin de contrat ?

L’employeur a l’obligation de remettre au salarié les documents de fin de contrat, tels que le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi, dans un délai raisonnable après la rupture du contrat.

Bien que ces documents soient quérables et non portables, la Sasu Jules n’a pas justifié la tardiveté de leur remise.

Dans cette affaire, les documents ont été remis au salarié le 4 mars 2021, après qu’il ait mis l’employeur en demeure par courrier du 1er mars 2021.

Le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des dommages et intérêts pour remise tardive des documents, car le salarié n’a pas justifié d’un préjudice, son inscription à Pôle emploi n’ayant pas été empêchée.

Ainsi, l’employeur doit veiller à respecter ses obligations en matière de remise des documents de fin de contrat pour éviter des litiges.

31/01/2025

ARRÊT N°2025/30

N° RG 23/00876 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PJZO

MD/CD

Décision déférée du 02 Février 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00487)

G. PUJOL

Section Commerce chambre 2

[I] [B]

C/

S.A.S.U. JULES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [I] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Maria grazia DI STEFANO de la SELARL SELARL PEYCLIT & DI STEFANO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM »E

S.A.S.U. JULES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Benoit GUERVILLE de l’ASSOCIATION DM AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C.GILLOIS-GHERA, présidente

M. DARIES, conseillère

N.BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [B] a été embauché le 14 mars 2012 par la Sasu Brice en qualité de responsable de magasin suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

En 2019, la Sasu Jules a opéré une fusion avec la Sasu Brice, devenant exploitant de cette dernière.

Plusieurs avenants au contrat de travail de M. [B] ont été régularisés afin d’affecter le salarié dans les magasins des deux enseignes. Au dernier état de la relation contractuelle, M. [B] exerçait au sein du magasin Brice de [Localité 8] [Localité 7].

Par courrier daté du 11 décembre 2020, la Sasu Jules a notifié à M. [B] sa mise à pied à titre conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 décembre 2020.

M. [B] a été licencié le 27 janvier 2021 pour faute grave.

Il a contesté le bien-fondé de son licenciement par courrier du 29 janvier 2021. La Sasu Jules a maintenu sa décision par courrier du 12 février 2021.

M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 30 mars 2021 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 2 février 2023, a :

– débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Jules de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [B] aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 mars 2023, M. [B] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 février 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 8 juin 2023, M. [I] [B] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dans son intégralité,

et statuant à nouveau :

– juger que le licenciement du 27 janvier 2021 est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Jules au paiement des sommes suivantes :

21 754,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6 118,40 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

5 438,58 euros au titre de l’indemnité de préavis ainsi que la somme de 543,85 euros au titre des congés y afférents,

2 719,29 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 septembre 2023, la Sasu Jules demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

* débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

* condamné M. [B] aux entiers dépens,

– réformer la décision rendue par le conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle,

et statuant à nouveau,

– condamner M. [B] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile toutes instances confondues,

– condamner M. [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le licenciement de M. [B] reposerait sur une cause réelle et sérieuse :

– limiter les condamnations à son encontre aux indemnités légales,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer que le licenciement de M. [B] serait dénué de cause réelle et sérieuse :

– réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8 157,87 euros (3 mois de salaire), faute de démonstration de l’existence d’un préjudice et de son quantum.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 8 novembre 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

I/ Sur le licenciement

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« (‘) Par courrier recommandé avec accusé réception du 11/12/2020, nous vous avons informé que nous étions contraints d’envisager votre éventuel licenciement pour faute grave et vous avons convoqué à un entretien préalable avec Monsieur [V] [S], [Adresse 6].

Dans le même temps, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire, laquelle avait vocation à débuter au lendemain de la fin de votre arrêt maladie alors en cours, sauf à ce que ce dernier soit renouvelé, pour s’achever au terme de la procédure diligentée à votre encontre.

Au cours de cet entretien, qui s’est déroulé le 28/12/2020 à 12h00 et pour lequel vous n’étiez pas assisté, Monsieur [S] vous a exposé les griefs retenus à votre encontre et que nous reprenons ci-après.

Précisément, des manquements graves à vos obligations contractuelles ainsi qu’à nos procédures internes ont été mis à jour.

Mi-octobre 2020, nous avons été interpellés par 3 transactions financières que vous avez réalisées les 3, 10 et 12/10/2020, consistant en des remboursements pour des montants de 154.98 €, 169.99 € et 99.99 €.

La première opération étonnait tant sur les montants que sur la nature. En effet, vous avez appliqué une ‘erreur prix’ sur une veste achetée à 129.99 €, la passant ainsi à 30 €, et une ‘erreur prix promo’ sur un pantalon de costume acheté 69.99 €, le laissant à 15 €, soit un remboursement cumulé au bénéfice du client d’un montant total de 154.98 €.

Outre que ces remises ne correspondaient à aucune directive de l’entreprise ou offre promotionnelle en cours, le cahier sur lequel chacun des remboursements effectués au sein du magasin doit être répertorié, n’a pas été renseigné.

Les tickets de l’achat d’origine et du remboursement, n’y ont pas été annexés non plus.

Les deux autres opérations consistaient dans le remboursement d’articles qui aurait été restitués. Outre que ces produits se sont révélés manquants au stock physique du magasin, là non plus, la procédure interne relative à la tenue du cahier des remboursements n’a pas été respectée.

La transaction du 10/10/2020 apparaît mais avec le libellé ‘voir [O]’ en lieu et place des coordonnées du client. On constate que cette ligne n’apparaît pas de manière chronologique ; elle semble avoir été rajoutée puisqu’elle figure entre les dates d’opérations réalisées les 11 et 12/10/2020. Les justificatifs n’y ont pas été annexés.

Quant à la transaction du 12/10/2020, si des coordonnées client y ont été reportées, les tickets des achats d’origine n’y ont pas été classés.

Ces 3 transactions, qui ont été réalisées en espèces quand la règle interne préconise le remboursement par carte bancaire, ont été enregistrées par vos soins.

Interpellés par ces non-respects de process, au regard de votre fonction de Responsable et de votre ancienneté au sein de l’entreprise, nous avons entrepris d’effectuer quelques recherches complémentaires.

Votre arrivée mi-septembre au point de vente BRICE de [Localité 8] [Localité 7], nous a naturellement conduits à orienter notre enquête sur les pratiques relatives aux remboursements qui avaient court lorsque vous étiez affecté au magasin BRICE de [Localité 8] Gramont.

Nous avons ainsi découvert qu’entre le 15/05/2020 (soit à la réouverture de nos points de vente après la période de confinement national en lien avec la crise sanitaire) et le 07/09/2020, période sur laquelle nous avons essentiellement concentré nos recherches, de nombreuses transactions consistant en des remboursements au titre des ‘corrections de prix de vente’ ou ‘erreurs de prix promo’ ou encore des remises manuelles ont retenu notre attention.

Ces opérations, outre qu’elles ont toutes été réglées en espèces, pour des sommes allant de 45 € à 249.98 €- certains montants étant d’ailleurs des sommes rondes : 90 €, 100 € ou 150 € – n’ont pas été inscrites sur le registre des remboursements.

Les tickets de caisse (achat d’origine et remboursement) n’ont pas été agrafés au cahier.

De manière surprenante, le cahier susvisé laisse apparaître des transactions réalisées par les membres de votre équipe mais celles que vous avez réalisées avec les libellés précités n’y sont pas reprises’

Vous étiez présent lors de la réalisation de chacune de ces opérations de remboursement et parfois, vous trouviez même seul en magasin.

Sur la période analysée, ce sont plus de 5 500 € qui ont ainsi été remboursés en espèces à des clients qu’il ne nous est pas possible d’identifier ou de contacter, et dont les achats initiaux ne sont pas traçables.

Or, c’est bien la finalité même du cahier de remboursement et vous ne l’ignorez pas.

En ne remplissant pas ce dernier, en ne le tenant pas conformément aux directives internes, vous ne permettez pas à l’entreprise de procéder aux contrôles adéquats et d’opérer le juste suivi des opérations de remboursement.

L’une de vos missions est pourtant de veiller à ce que chaque membre de votre équipe remplisse ce registre, vous y compris, et de vérifier régulièrement la cohérence des informations qui y sont portées.

De surcroît, il a pu être mis à jour que ces remboursements accomplis au titre de remises ou d’erreurs de prix ne survenaient que lorsque vous étiez présent en magasin.

De manière extraordinaire, en votre absence, il n’était enregistré aucune transaction de ce type.

A aucun moment, vous n’avez interpellé votre hiérarchie ou les services du siège pour signaler tout dysfonctionnement en relation avec les prix de vente, vous contraignant, de manière régulière, à devoir rembourser un différentiel à nos clients.

Vous ne les avez pas plus saisis aux fins de savoir si ce type de transaction, survenant aussi fréquemment, était naturel ni ne les avez questionnés aux fins de savoir si vous étiez autorisé à appliquer des pourcentages de réduction tels que ceux que vous pratiquiez.

Par exemple, le fait de rembourser 85 € sur l’achat d’une veste à 169.99 €, 89.99 € sur une autre achetée 129.99 €, ou encore d’accorder 3 remises exceptionnelles sur 3 articles : 49.99 € sur un pantalon de costume acheté 79.99 €, 100 € sur une veste costume achetée à 169.99 € et 29.99 sur une chemise sapée blanche achetée 49.99 € (soit un remboursement total en espèces de 179.98 €) ne vous a pas interpellé, et cela alors même qu’aux périodes auxquelles ces opérations ont été réalisées, il n’y avait pas d’opération commerciale en cours.

Et là encore, aucune remontée d’information à l’entreprise, à votre hiérarchie.

La récurrence de ces situations aurait dû, à tout le moins, vous alerter et vous pousser à les retracer au sein du registre prévu.

Or, vous ne l’avez pas fait, empêchant volontairement l’entreprise d’en avoir connaissance et de pouvoir, le cas échéant, prendre des mesures en vue d’y remédier.

Vous connaissez parfaitement nos process ; en votre qualité de manager, c’est à vous qu’il incombe de les transmettre à vos collaborateurs, de les animer au quotidien et de veiller à leur strict respect.

En ne les appliquant pas vous-même, ce que démontre l’ensemble de ce qui précède, vous avez manqué à vos obligations contractuelles.

Plus grave, ces faits illustrent qu’en de nombreuses occasions, à un rythme régulier, il a été procédé à des remboursements en espèces qui ne peuvent être contrôlés, puisque la procédure interne n’a jamais été respectée, et qui constituaient des corrections de prix.

Cela signifie que de manière fréquente, entre mai et septembre 2020 (soit sur la période analysée), vous avez corrigé le prix d’une vente au titre d’une ‘erreur prix’, d’une ‘erreur prix promo’ ou d’une ‘remise manuelle’.

Cela induit que, dans chaque cas, des clients auraient été trompés sur le prix de leur achat initial et auraient été contraints de revenir en magasin pour une régularisation consistant en un remboursement, chacun d’eux réalisé en espèces.

De telles pratiques, vis-à-vis de nos clients, sont aussi graves qu’anormales et, au lieu de mettre tout en ‘uvre pour y pallier, vous les avez alimentées, et cela alors même qu’elles influent forcément sur le chiffre d’affaires du magasin et qu’elles altèrent inévitablement l’image de notre enseigne.

Les services du siège qui ont été questionnés par nos soins, lors de l’enquête réalisée, n’ont pas eu à traiter de dysfonctionnement particulier sur l’affichage des prix pratiqués sur l’ensemble du réseau.

Ces faits intentionnels sont parfaitement inacceptables.

Le poste de Responsable de magasin est stratégique au regard de notre activité et des moyens mis en place pour assurer la réussite de nos points de vente.

En effet, celui-ci constitue un maillon très important au sein de notre organisation.

Notre siège étant basé dans le nord et nos magasins dispersés sur tout le territoire, il nous est nécessaire de pouvoir compter sur le professionnalisme de nos Responsables.

Autant dire qu’il nous faut absolument pouvoir nous appuyer sur leur collaboration.

De ce fait, ils doivent avant tout faire preuve de qualités indispensables, notamment être professionnels, responsables, exemplaires, intègres et surtout respectueux de leurs obligations contractuelles, et cela, afin de répondre de la meilleure façon aux exigences du métier et du client, notamment lorsqu’ils sont appelés à réaliser des transactions financières pour le compte de l’entreprise.

Or, les faits décrits, démontrent que vous êtes en défaut sur ces points.

Lors de l’entretien préalable, vous avez largement commenté les griefs qui vous étaient exposés, tentant d’attirer l’attention sur des dysfonctionnements autres, sans aborder le sujet principal de votre non-respect de nos process et votre défaut de communication et de transparence.

En définitive, vos explications ne résultent qu’en une vaine tentative de vous dédouaner alors que les faits sont indiscutables et mettent en exergue vos manquements.

L’ensemble de ce qui précède met à jour que vous avez, ni plus ni moins, procédé à des transactions consistant en des remises accordées à nos clients, en ne laissant, volontairement, aucune trace de ces dernières, ce qui ne manque pas, de surcroît, de nous interroger sur leur finalité.

Nous déplorons votre comportement.

Vous avez clairement manqué à vos obligations contractuelles et altéré notre confiance.

Cela n’est pas acceptable et rend impossible la poursuite de notre collaboration (‘)’.

Sur la prescription des griefs

Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Par conséquent, dès que l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Un fait antérieur à 2 mois peut être pris en compte si le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

Le point de départ du délai de prescription est le jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la faute du salarié, c’est-à-dire de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

En l’espèce, il est reproché à M. [B] de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles ainsi que certaines procédures internes relativement, en particulier, à :

– plusieurs transactions financières entre le 15 mai 2020 et le 7 septembre 2020,

– trois transactions financières en date des 3, 10 et 12 octobre 2020.

M. [B] soulève la prescription de l’ensemble des griefs reprochés, selon lui antérieurs de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement par l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable, dont la date du 11 décembre 2020 n’est pas certaine.

La Sasu Brice affirme n’avoir eu connaissance de certains faits fautifs qu’à la réception, le 12 octobre 2020, d’un appel téléphonique de Mme [K], vendeuse du magasin de [Localité 7]. Elle ajoute qu’elle a dû procéder à une enquête interne afin de mettre à jour l’étendue des manquements de M. [B] et obtenir les éléments produits dans le cadre des présents débats.

Elle produit :

– une attestation de Mme [H], leader commerce Midi-Pyrénées Limousin, destinataire de l’appel téléphonique de Mme [K], rapportant ses propos : elle « m’explique avoir des soupçons sur son nouveau responsable [O] [B] » à l’égard de « remboursements réalisés en espèces, le 03/10/20, le 10/10/20 et le 12/10/20 » sans respect des procédures internes. Cette attestation, qui ne respecte pas les formalités prescrites par l’article 202 du code de procédure civile en ce qu’elle ne comporte pas de pièce d’identité permettant d’identifier son rédacteur, fait état de propos rapportés ; elle sera donc appréciée par la cour avec circonspection,

– 3 duplicatas de tickets de caisse relatifs aux transactions financières des 3, 10 et 12 octobre 2020 dont il ressort que des remboursements ont été effectués par M. [B] pour des sommes de 154,98 euros, 169,99 euros et 99,99 euros,

– un document relatif aux procédures comptables indiquant que « le remboursement se fait par carte bancaire sauf si l’achat a été réalisé en espèces » et que « le cahier de remboursement doit être complété (un nom et un N° de téléphone sont obligatoires ainsi que les initiales du vendeur) et signé par le client. Il est demandé une double signature du duplicata par les 2 personnes présentes lors du remboursement »,

– une copie du cahier des remboursements d’octobre 2020 du magasin de [Localité 7], dont il s’infère que le remboursement du 3 octobre 2020 n’a pas été reporté et que le remboursement du 10 octobre 2020 a été inscrit entre le 11 et le 12 octobre 2020, sans que le numéro de ticket de caisse ni le nom et l’adresse du client n’aient été renseignés,

– le planning d’octobre 2020 du magasin de [Localité 7], montrant que M. [B] était présent lors des transactions financières litigieuses,

– un historique des prix de vente des articles faisant l’objet de la transaction du 3 octobre 2020, établissant que les produits ne faisaient l’objet d’aucune réduction à cette date,

– une copie du rouleau de caisse du 15 mai au 7 septembre du magasin de [Localité 8] [Localité 5] où travaillait M. [B] antérieurement, dont il ressort que plusieurs remboursements en espèces ont été effectués,

– une copie du cahier de remboursements de mars à août 2020 du magasin de [Localité 8] [Localité 5],

– un planning du magasin de [Localité 8] [Localité 5] de 2020 qui confirme la présence de M. [B] lors des transactions financières litigieuses,

– plusieurs duplicatas de tickets de caisse relatifs à des remboursements du 26 mai au 28 août 2020,

– un historique des remises manuelles effectuées par M. [B] entre le 16 mai 2020 et le 11 septembre 2020.

Il s’en déduit que les pièces produites par la Sasu Brice étaient en sa possession au moment des faits, de sorte que l’employeur détenait déjà les éléments suffisants pour avoir connaissance exacte des faits reprochés au salarié sans qu’il ne soit démontré que certaines anomalies alléguées aient pu être découvertes dans la période de deux mois suivant l’engagement de la procédure de licenciement. Néanmoins s’agissant d’agissements fautifs répétés de même nature, la cour fixe le point de départ du délai de prescription à la date de réalisation du dernier d’entre eux, soit au 12 octobre 2020.

S’agissant de la date d’envoi de la lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant intervenir dans les deux mois suivant les faits commis, celle-ci est datée du 11 décembre 2020 (pièce salarié n°2), mais l’employeur ne démontre pas, à défaut de produire le récépissé du recommandé ou de la remise en main propre, avoir envoyé la convocation à cette date avant l’expiration du délai de prescription. Dès lors, la cour estime que les faits étaient prescrits au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire.

Aussi le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement déféré.

Sur l’indemnisation

Il n’est pas contesté que le salaire moyen brut de M. [B] est de 2 719,29 euros.

M. [B] a été engagé par la Sasu Jules le 14 mars 2012 puis licencié le 27 janvier 2021.

En application d’un préavis de 2 mois, il disposait d’une ancienneté de 9 ans.

Dès lors, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il lui sera alloué :

– 5 438,58 euros d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire) et 543,85 euros de congés payés afférents,

– 6 118,40 euros d’indemnité légale de licenciement, en application de l’article L 1234-9 du code du travail (1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté).

En application de l’article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l’espèce compte tenu de l’ancienneté du salarié, entre 3 et 9 mois.

L’appelant, âgé de 46 ans, prétend à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 21 754,32 euros (soit 8 mois de salaire), faisant valoir qu’il était demandeur d’emploi indemnisé au 18 novembre 2024.

La société conclut au débouté et à titre subsidiaire, à la minoration de l’indemnisation.

M. [B] ne justifie pas du montant de l’allocation chômage. En revanche, il justifie avoir été inscrit à Pôle emploi du 18 février 2021 au 14 septembre 2022, du 16 octobre 2022 au 30 avril 2024 et depuis le 15 novembre 2024.

Au regard de ces éléments, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à 15 000,00 euros (soit plus de 5 mois de salaire brut).

L’appelant prétend également au versement de 2 719,29 euros (un mois de salaire) pour remise tardive des documents de fin de contrat.

Quand bien même les documents sollicités sont quérables et non portables, la Sasu Jules n’explique pas la tardiveté de la remise, mais il ressort des éléments de la cause que les documents sociaux ont été finalement remis au salarié le 4 mars 2021, après que ce dernier ait, par le biais de son conseil, mis l’employeur en demeure par courrier du 1er mars 2021. M. [B] ne justifie d’aucun préjudice dès lors que son inscription à Pôle emploi n’a pas été empêchée (pièce salarié n°9 : attestation des périodes d’inscription à Pôle emploi dont il ressort que M. [B] y était inscrit à compter du 18 février 2021).

Par conséquent, il n’y a pas lieu au versement de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat.

II/ Sur les demandes annexes

La Sasu Jules, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé en ce qu’il a condamné M. [B] aux dépens.

M. [B] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure.

La Sasu Jules sera condamnée à lui verser la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La Sasu Jules sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et en ce qu’il a débouté la Sasu Jules de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sasu Jules à payer à M. [I] [B] :

– 5 438,58 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 543,85 euros de congés payés afférents,

– 6 118,40 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 15 000,00 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sasu Jules aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [I] [B] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sasu Jules de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C.GILLOIS-GHERA

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