Requalification des contrats de travail et obligations salariales en question

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Requalification des contrats de travail et obligations salariales en question

L’Essentiel : Dans cette affaire, une opératrice de station-service a contesté la validité de plusieurs démissions et la nature de ses contrats de travail avec la SARL L’Avenir. Après avoir exprimé des doléances concernant des impayés de salaire, elle a démissionné et mis en demeure l’entreprise. Le conseil de prud’hommes a partiellement débouté l’opératrice, tout en reconnaissant des licenciements sans cause réelle et sérieuse. En appel, la cour a infirmé certaines décisions, notamment sur les rappels de salaires et les requalifications de contrats, ordonnant à la SARL L’Avenir de verser des sommes dues à l’opératrice.

Contexte de l’affaire

Mme [F] [R] a été employée par la SARL L’Avenir en tant qu’opératrice de station-service, sous divers contrats de travail, incluant des contrats à durée indéterminée et à durée déterminée. Elle a démissionné à plusieurs reprises, mais conteste la validité de certaines démissions et la nature de ses contrats.

Contrats de travail

Les contrats de travail de Mme [R] incluent un contrat à durée indéterminée à temps plein, un contrat à durée déterminée à temps partiel pour remplacement, un autre contrat à durée indéterminée qu’elle nie avoir signé, et un contrat à durée déterminée à temps partiel pour remplacement d’une salariée. Les relations contractuelles ont été marquées par des désaccords sur les heures travaillées et les rémunérations.

Démission et mise en demeure

En septembre 2021, Mme [R] a exprimé des doléances concernant des impayés de salaire et a annoncé qu’elle ne reviendrait pas travailler tant que la situation ne serait pas régularisée. Elle a ensuite démissionné par courrier et a mis en demeure la SARL L’Avenir de lui verser diverses sommes.

Procédure prud’homale

Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour faire valoir ses droits concernant ses contrats de travail. La SARL L’Avenir a licencié une autre salariée et a notifié la fin du contrat de Mme [R] en mars 2022.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le jugement du 20 avril 2023 a débouté Mme [R] de plusieurs de ses demandes, tout en lui accordant des sommes pour certains contrats. La cour a reconnu des licenciements sans cause réelle et sérieuse pour certains contrats, mais a également confirmé des démissions.

Appel de Mme [R]

Mme [R] a interjeté appel du jugement, demandant la requalification de plusieurs contrats en contrats à durée indéterminée à temps plein et le paiement de diverses indemnités. Elle a contesté la décision du conseil de prud’hommes sur plusieurs points.

Arguments de la SARL L’Avenir

La SARL L’Avenir a demandé la confirmation du jugement en ce qui concerne le déboutement de Mme [R] sur certaines demandes, tout en contestant les requalifications et les indemnités accordées. Elle a soutenu que les contrats étaient valides et que les demandes de Mme [R] étaient infondées.

Décisions de la cour d’appel

La cour d’appel a infirmé certaines décisions du jugement initial, notamment en ce qui concerne les rappels de salaires et les requalifications de contrats. Elle a également statué sur les indemnités dues à Mme [R] pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conclusion de l’affaire

La cour a ordonné à la SARL L’Avenir de verser des sommes à Mme [R] pour les rappels de salaires et les indemnités, tout en confirmant certains aspects du jugement initial. Les parties ont été déboutées de leurs demandes respectives au-delà des décisions prises par la cour.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la requalification des contrats de travail

La question de la requalification des contrats de travail est centrale dans cette affaire. En vertu de l’article L 1242-1 du Code du travail, un contrat à durée déterminée (CDD) ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire.

L’article L 1242-2 précise que le CDD ne peut être utilisé que pour des cas déterminés, tels que le remplacement d’un salarié absent. Si ces conditions ne sont pas respectées, le contrat est réputé être un contrat à durée indéterminée (CDI) selon l’article L 1242-12.

Dans cette affaire, la salariée a demandé la requalification de plusieurs CDD en CDI, arguant que les motifs de remplacement n’étaient pas valables. La cour a jugé que le contrat à durée déterminée du 8 février 2020 devait être requalifié en CDI, car le salarié remplacé n’était pas en congés payés comme indiqué.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La question du licenciement sans cause réelle et sérieuse est également soulevée. Selon l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Dans le cas présent, la rupture du contrat à durée indéterminée a été jugée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, car l’employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement. La cour a noté que la salariée n’avait pas été informée des raisons de son licenciement, ce qui constitue une violation de ses droits.

Sur les rappels de salaires et les indemnités

La question des rappels de salaires et des indemnités est également cruciale. L’article L 3242-1 du Code du travail stipule que le salaire doit être versé au moins une fois par mois.

Dans cette affaire, la salariée a réclamé des rappels de salaires pour les périodes où elle n’a pas été payée correctement. La cour a accordé des rappels de salaires pour les mois où des retenues injustifiées avaient été effectuées, en se basant sur les bulletins de paie et les heures réellement travaillées.

Sur le travail dissimulé

La question du travail dissimulé est abordée en vertu de l’article L 8221-5 du Code du travail, qui définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de ne pas déclarer un salarié ou de mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Dans cette affaire, la cour a constaté que l’employeur avait intentionnellement dissimulé des heures de travail, ce qui a conduit à l’octroi d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, conformément à l’article L 8223-1.

Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive

Enfin, la question des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail est soulevée. Selon l’article 1147 du Code civil, le débiteur d’une obligation est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution.

La salariée a demandé des dommages et intérêts pour les retards de paiement et le non-respect des horaires contractuels. Cependant, la cour a jugé qu’elle ne justifiait pas d’un préjudice complémentaire, ce qui a conduit à un rejet de ses demandes de dommages et intérêts.

31/01/2025

ARRÊT N°25/42

N° RG 23/01889

N° Portalis DBVI-V-B7H-PO6T

FCC/ND

Décision déférée du 20 Avril 2023

Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de [Localité 2]

(F21/01697)

J. RASSAT

SECTION COMMERCE

[F] [R]

C/

S.A.R.L. L’AVENIR

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Madame [F] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Antoine LOMBARD de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2023-4514 du 04/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

S.A.R.L. L’AVENIR, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Myriam CASTEL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par par Me Florence MOHR de la SELAS SEJAL, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme F. CROISILLE-CABROL, conseillère chargée du rapport et Mme C. BRISSET, présidente. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [F] [R] a travaillé au sein de la SARL L’Avenir en qualité d’opératrice de station-service suivant la convention collective nationale des services de l’automobile par le biais de divers contrats de travail :

– un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 13 octobre 2019, signé par les parties ; Mme [R] a démissionné par courrier du 15 décembre 2019, avec effet au 5 janvier 2020 ;

– un contrat à durée déterminée à temps partiel (60,67 heures par mois) signé par les parties, pour remplacement d’un salarié absent (M. [N] [M]), prévu du 8 février au 31 mars 2020 ;

– un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er juin 2020, que Mme [R] nie avoir signé ; la SARL L’Avenir fait état d’un courrier de démission de Mme [R] à effet du 1er août 2020, que Mme [R] nie avoir signé, et a établi des documents mentionnant une fin de contrat au 1er juillet 2020 ;

– un contrat à durée déterminée à temps partiel (65 heures par mois), signé par les parties, pour remplacement d’une salariée absente (Mme [O] [P]), sans terme précis, à compter du 1er septembre 2020 et jusqu’au retour de la salariée remplacée.

Par mail du 16 septembre 2021, Mme [R] a adressé à la SARL L’Avenir ses doléances relatives à un impayé de salaire et aux congés payés, et l’a avisée qu’elle ne viendrait travailler qu’après régularisation, et qu’elle démissionnerait ensuite.

Par courrier du 30 septembre 2021 adressé par mail du 1er octobre 2021, Mme [R] a démissionné.

Par LRAR du 8 octobre 2021, Mme [R] a mis en demeure la SARL L’Avenir de lui payer diverses rémunérations et indemnités. La SARL L’Avenir a répondu par LRAR du 3 novembre 2021 en estimant ne rien devoir.

Mme [R] a saisi, le 2 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse de demandes relatives aux quatre contrats de travail.

En cours de procédure prud’homale, suite à un avis d’inaptitude concernant Mme [P] du 8 février 2022, la SARL L’Avenir a licencié celle-ci par LRAR du 17 mars 2022 et a notifié à Mme [R] sa fin de contrat à durée déterminée au 17 mars 2022 par LRAR du 23 mars 2022.

En dernier lieu, Mme [R] a demandé notamment la requalification en contrats à durée indéterminée à temps plein des 2ème, 3ème et 4ème contrats, la résiliation judiciaire du 4ème contrat de travail et le paiement de salaires, d’indemnités de requalification, de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités compensatrices de préavis, d’une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour exécution fautive et d’indemnités pour travail dissimulé, ainsi que la remise sous astreinte des documents de fin de contrats.

Par jugement du 20 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

Sur la première relation contractuelle :

– débouté Mme [R] de sa demande de la somme de 3.005,58 € correspondant au salaire qui serait dû pour un temps plein,

– condamné la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] la somme de 106,99 € au titre du rappel de salaire entre octobre et décembre, outre congés payés de 10,69 €,

– débouté Mme [R] de sa demande au titre de dommages et intérêts,

Sur la deuxième relation contractuelle :

– débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein,

– dit et jugé que le motif de recours au contrat à durée indéterminée est inexact,

– dit et jugé que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 640,42 € au titre de la requalification du contrat de travail,

* 1 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier,

* 640,42 € au titre du préavis, outre congés payés de 64,04 €,

– débouté du surplus des demandes,

Sur la troisième relation contractuelle :

– débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein,

– dit et jugé que la lettre de démission manuscrite de Mme [R] en date du 31 juillet est claire et non équivoque,

– débouté Mme [R] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,

Sur la quatrième relation contractuelle :

– débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein,

– débouté Mme [R] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [R] ayant, clairement et de façon non équivoque, démissionné de son emploi à la fois par un courrier du 30 septembre 2021 et par un mail du 1er octobre 2021, cette démission s’analysant en un abandon de poste,

– débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,

– condamné la SARL L’Avenir à remettre à Mme [R] les certificats de travail conformes ainsi que les attestations pôle emploi rectifiées dans les 15 jours suivant la notification de la décision à la SARL L’Avenir,

– ordonné l’exécution provisoire de plein droit, (sic)

– condamné la SARL L’Avenir à payer à Mme [R] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SARL L’avenir de sa demande au paiement d’une somme sur la base de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL L’avenir aux entiers dépens,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 25 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique en date du 30 janvier 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [R] demande à la cour de :

– déclarer recevable en la forme l’appel interjeté contre la décision déférée,

– au fond, infirmer celle-ci, sauf en ce qu’elle a alloué la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau :

Sur la première relation contractuelle :

– dire et juger que la SARL L’Avenir a gravement manqué à ses obligations de fourniture de travail à Mme [R],

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R], avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, la somme de 3.005,58 € correspondant au salaire dû pour un temps plein, tel que prévu par le contrat de travail, outre la somme de 300,56 € au titre des congés payés afférents,

Et à titre subsidiaire,

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R], avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, la somme de 277,91 € au titre du rappel de salaire entre octobre et décembre 2019, outre la somme de 27,78 € au titre des congés payés afférents, montant calculé sur la base du décompte des heures effectivement réalisées par la concluante à la demande de son employeur,

– condamner la SARL L’Avenir à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts net de CSG et CRDS,

Sur la deuxième relation contractuelle :

– prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel de Mme [R] en contrat à durée indéterminée à temps plein,

– dire et juger que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1.601,33 € (un mois de salaire à temps plein en février 2020) au titre de l’indemnité de requalification,

* 1.601,33 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier,

* 1.601,33 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :

. 1.921,56 € au titre du rappel de salaire à temps plein pour les mois de février et mars 2020,

. 1.601,33 € (1 mois article 2.12 CCN) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés de 160,13 €,

À titre subsidiaire, si la cour ne devait pas requalifier le contrat de Mme [R] à temps plein,

– condamner la SARL L’Avenir à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

* 640,42 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier,

* 640,42 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] les sommes de :

* 640,42 € (un mois de salaire à temps partiel) au titre de l’indemnité de requalification prévue par l’article L 1245-2 du code du travail,

* 640,42 € (1 mois – article 2.12 CCN) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, outre congés payés de 64,04 €,

En tout état de cause,

– condamner la SARL l’avenir à verser à Mme [R] la somme la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Sur la troisième relation contractuelle :

– prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel de Mme [R] en contrat à durée indéterminée à temps plein,

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1.601,33 € au titre d’indemnité pour licenciement irrégulier,

* 1.601,33 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 9.607,98 € (6 mois de salaire) au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 1.601,33 € (un mois de salaire à temps plein en février 2020) au titre de l’indemnité de requalification,

* avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, 612,24 €, outre congés payés de 61,22 €,

Sur la quatrième relation contractuelle :

– prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel de Mme [R] en contrat à durée indéterminée à temps plein,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R],

À titre subsidiaire,

– dire et juger que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1.611,99 € (un mois de salaire à temps plein en février 2020) au titre de l’indemnité de requalification,

* 1.611,99 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier,

* 4.803,99 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.000 € au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 9.671,94 € d’indemnité pour travail dissimulé,

* avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :

. 8.028,52 € au titre du rappel de salaire à temps plein pour les mois de septembre 2020 à septembre 2021, outre congés payés de 802,85 €,

. 63,77 € au titre du rappel de salaire pour le jour travaillé du 1er mai 2021,

. 176,43 € outre congés payés de 17,64 €, au titre des heures complémentaires et supplémentaires réalisées en novembre 2020,

. 8.973,41 €, outre congés payés de 897,34 €, à titre de rappel de salaire depuis le 1er octobre 2021,

. 1.611,99 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés de 161,20 € (article 2.12 CCN),

. 604,50 € au titre de l’indemnité de licenciement (pour 1 an et six mois d’ancienneté, sur la base d’un salaire à temps plein – 1.611,99 €),

– condamner la SARL L’Avenir à remettre à Mme [R] les certificats de travail conformes ainsi que les attestations pôle emploi conformes, sous astreinte de 40 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement (sic),

– condamner la SARL L’Avenir à verser à Mme [R] la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la SARL L’Avenir de l’intégralité de ses demandes.

– la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 7 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la SARL L’Avenir demande à la cour de :

Sur la première relation contractuelle :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses demandes de rappel de salaire à temps plein et de dommages et intérêts,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à un rappel de salaires et congés payés,

Sur la deuxième relation contractuelle :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein et l’a déboutée du surplus des demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le motif de recours au contrat à durée indéterminée est inexact et que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société au paiement de sommes au titre de la requalification, de l’indemnité pour licenciement irrégulier et de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés,

Sur la troisième relation contractuelle :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein, dit et jugé que la lettre de démission manuscrite de Mme [R] en date du 31 juillet est claire et non équivoque, débouté Mme [R] de sa demande au titre du travail dissimulé, et débouté du surplus des demandes,

Sur la quatrième relation contractuelle :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein et de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, et débouté du surplus des demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’a déboutée de sa demande à ce titre et l’a condamnée aux entiers dépens,

Statuant à nouveau :

– juger qu’aucun rappel de salaire n’est dû à Mme [R] pour la période entre les mois d’octobre et décembre 2019,

– juger que le motif de recours au contrat à durée déterminée conclu du 8 février 2020 au 31 mars 2020 est légal et qu’aucune indemnité de rupture ni de requalification n’est donc due à ce titre à Mme [R],

– débouter Mme [R] de l’ensemble de toutes ses demandes,

– condamner Mme [R] à verser à la SARL L’avenir la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 5 novembre 2024.

A l’audience du 21 novembre 2024, le conseil de la SARL L’Avenir a été invité à produire en cours de délibéré sous 15 jours les originaux du contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2020 et de la lettre de démission du 31 juillet 2020. Le 2 décembre 2024, la cour a reçu l’original du contrat à durée indéterminée mais non l’original de la lettre de démission du 31 juillet 2020, le conseil ayant envoyé l’original de la lettre de démission du 15 décembre 2019.

MOTIFS

1 – Sur le premier contrat de travail (contrat à durée indéterminée à temps plein du 13 octobre 2019 au 5 janvier 2020) :

Les bulletins de paie mentionnaient des retenues pour absences non rémunérées :

– pour octobre 2019 : les 16, 26, 30 et 31 octobre ;

– pour novembre 2019 : les 1er, 3, 6, 7, 8, 10, 13, 14, 15, 17, 20, 21, 22 et 24 novembre ;

– pour décembre 2019 : la totalité du mois.

Mme [R] expose que la SARL L’Avenir qui voulait bénéficier d’une flexibilité de planning sans payer de majorations pour heures complémentaires, a préféré conclure un contrat de travail à temps plein et faire des retenues pour absence ; que, ce faisant, elle a manqué à son obligation de fournir du travail à temps plein, ne l’a fait travailler qu’à temps partiel et ne l’a même pas payée de toutes ses heures travaillées.

La SARL L’Avenir réplique que Mme [R] n’a demandé aucun rappel de salaire pendant la relation de travail et qu’elle était souvent absente de son travail pour convenance personnelle et notamment pour assister à ses cours.

Néanmoins, il importe peu que Mme [R] n’ait rien sollicité auparavant. Il appartient à l’employeur, qui n’a jamais mis en demeure la salariée de justifier de ses absences, de prouver que la totalité des jours d’absence étaient du fait de la salariée. Or, cette preuve n’est rapportée, par le biais des SMS produits, que pour l’absence du 6 novembre 2019 où Mme [R] disait qu’elle était en cours, de sorte que pour cette journée l’employeur était fondé à pratiquer une retenue. Le 1er novembre 2019 étant un jour habituellement travaillé dans l’entreprise, en application de la convention collective nationale des services de l’automobile la salariée peut réclamer un rappel de salaire au taux normal mais non en sus une majoration pour jour férié travaillé.

Il est donc dû à Mme [R] un rappel de salaire :

– pour octobre 2019 : 170,91 € ;

– pour novembre 2019 : 1.118,66 € ;

– pour décembre 2019 : 1.571 € ;

soit un total de 2.860,57 € outre congés payés de 286,05 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du 9 décembre 2021.

2 – Sur le 2e contrat de travail (contrat à durée déterminée à temps partiel du 8 février au 31 mars 2020) :

Ce contrat mentionnait :

– qu’il était conclu pour cause de remplacement d’un salarié en congés payés : M. [M] ;

– que la durée de travail mensuelle était de 60,67 heures en moyenne, les samedis et dimanches de 15h à 22h.

Les bulletins de paie mentionnaient un salaire versé sur une base mensuelle de 60,67 heures :

– pour février 2020, sur la période du 8 au 29 février ;

– pour mars 2020, sur la totalité du mois (les retenues pour absence non rémunérée des 22 et 28 mars ayant été régularisées).

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée :

En vertu de l’article L 1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L 1242-2 dispose qu’un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas déterminés, dont le cas du remplacement d’un salarié en cas d’absence, ou de passage provisoire à temps partiel (…) (1°).

L’article L 1242-12 dispose que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu’il comporte notamment le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu en cas de remplacement d’un salarié.

Aux termes des articles L 1245-1 et L 1245-2, en cas de méconnaissance de ces textes, le contrat est réputé à durée indéterminée et le juge accorde au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Mme [R] demande la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée aux motifs qu’en réalité elle occupait un emploi permanent et que M. [M] n’était pas en congés payés mais travaillait.

La SARL L’Avenir réplique que M. [M] devait prendre ses congés initialement du 8 février au 31 mars 2020, mais que, peu avant le début du contrat à durée déterminée, il a démissionné à effet du 31 mars 2020 en annulant ses congés de février et en ne maintenant que ses congés de mars 2020 ; que M. [Z] gérant qui devait prendre des congés en février 2020 a alors affecté M. [M] à la gérance pour le remplacer.

Toutefois, la société produit seulement une réservation de ferry [Localité 5]-[Localité 4] aller-retour pour M. [Z] pour les 8-9 et 23-24 février 2020, et un mail de démission de M. [M] du 31 mars 2020 ; elle ne justifie pas de ce que M. [M] aurait posé des congés payés du 8 février au 31 mars 2020 et les aurait pour partie annulés avant le 8 février 2020 ; en tout état de cause, il ressort des bulletins de paie de M. [M] que celui-ci n’était pas en congés payés en février 2020 de sorte qu’il était présent dans l’entreprise, fût-ce sur un autre poste, et qu’en mars 2020 il n’a été en congés payés que du 7 au 13 mars puis a été en congé sans solde du 14 au 31 mars, de sorte que le motif de remplacement pour congés payés du 8 février au 31 mars 2020 était inexact, et qu’il y a lieu à requalification en contrat à durée indéterminée.

Sur la requalification en contrat de travail à temps plein :

Aux termes de l’article L 3123-6 nouveau du code du travail, en sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, applicable en l’espèce, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit, et il doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et ceux relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L 3121-44, la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat.

En l’absence d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps complet et il appartient à l’employeur d’apporter la preuve du temps partiel, et de prouver que le salarié n’a pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devrait travailler ni obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En revanche, si le contrat de travail est conforme au texte, c’est au salarié qu’il incombe de démontrer qu’il devait travailler chaque jour selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance dans le respect du délai de prévenance, ce qui lui imposait de rester en permanence à la disposition de l’employeur.

Mme [R] demande la requalification en contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein au motif que les horaires réels étaient différents de ceux stipulés et variables et que M. [Z] qui ne faisait pas de planning informait la salariée des horaires au jour le jour de sorte que celle-ci était à disposition permanente. Elle produit un tableau de ses jours et horaires de travail, notamment en mars, indiquant des jours et horaires de travail variables et autres que ceux prévus au contrat : travail en semaine, travail en dehors des horaires 15h-22h…

La SARL L’Avenir réplique que Mme [R] ne se tenait pas à sa disposition permanente et ne le prétendait pas, et qu’elle fixait elle-même ses disponibilités, et s’appuie sur un SMS du 24 janvier 2020 dans lequel elle se disait disponible du 8 au 15 février tous les jours, le jeudi 20 février après-midi et les samedi 22 et dimanche 23 février, et demandait à travailler les samedis matins et dimanches après-midis.

Toutefois, ce SMS était antérieur au début du 2e contrat de travail et il ne s’agissait que de desiderata qui n’ont d’ailleurs pas été systématiquement respectés. Par ailleurs, la SARL L’Avenir ne verse aucun planning pour les deux mois concernés et ne conteste pas que Mme [R] a travaillé en dehors des jours et horaires stipulés au contrat de travail.

La cour estime donc que Mme [R] démontre qu’elle devait travailler chaque jour selon des horaires dont elle n’avait pas eu préalablement connaissance dans le respect du délai de prévenance, ce qui lui imposait de rester en permanence à la disposition de l’employeur, sans qu’elle ait à démontrer avoir effectivement travaillé à temps plein, et il convient de prononcer la requalification sollicitée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Le contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée ayant pris fin au 31 mars 2020 sans motif ni respect de la procédure de licenciement, la rupture constitue un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

Sur les sommes dues :

Compte tenu d’un salaire à temps plein de 1.601 € bruts, il sera alloué à Mme [R] :

– une indemnité de requalification de 1.601 € ;

– un rappel de salaire à temps plein :

* pour février : (1.601 € x 22/29 = 1.214,55 €) – 517,23 € payés =697,32 €

* pour mars : 1.601 € – 679,90 € payés = 921,10 €

total = 1.618,42 € bruts, outre congés payés de 161,84 € bruts ;

avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2021 ;

– une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois en application de la convention collective nationale pour une employée à l’échelon 3 : 1.601 € bruts outre congés payés de 160,10 € bruts ;

avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2021 ;

– à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement irrégulier : en vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, pour une salariée ayant moins d’un an d’ancienneté dans une entreprise comprenant moins de 11 salariés, cette indemnité est d’un maximum d’un mois de salaire brut ; elle comprend l’indemnisation lié au licenciement irrégulier, les deux indemnités n’étant pas cumulables ; née le 16 novembre 1992, Mme [R] était âgée de 27 ans ; elle ne justifie pas spécialement de son préjudice lié à la perte d’emploi, étant rappelé qu’elle a été réembauchée par la SARL L’Avenir dès le 1er juin 2020 ; les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixés à 200 € et la demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier sera rejetée, par infirmation du jugement.

3 – Sur le 3e contrat de travail (contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er juin 2020) :

Sur la nature du contrat :

Pendant l’instruction, la SARL L’Avenir a produit une copie de contrat de travail portant deux signatures, contrat que Mme [R] nie avoir signé, et celle-ci estime que faute de contrat de travail écrit la relation est nécessairement en contrat à durée indéterminée et à temps plein, et qu’en outre elle se tenait en permanence à la disposition de l’employeur. En cours de délibéré, la SARL L’Avenir a produit ce contrat en original, et la cour, procédant à une vérification d’écritures en comparaison avec d’autres documents contractuels qui sont produits en original et que Mme [R] ne conteste pas avoir signés, estime que la signature apposée sur le contrat de travail du 1er juin 2020 est bien celle de Mme [R]. Ceci étant, le débat sur la signature du contrat écrit et celui sur le fait que Mme [R] se tenait à disposition permanente sont dépourvus de toute portée puisque le contrat de travail écrit produit est un contrat à durée indéterminée et à temps plein, ce que ne conteste pas la SARL L’Avenir. Il n’y a pas lieu à requalification en contrat à durée indéterminée d’un contrat qui l’était déjà et aucune indemnité de requalification n’est due.

Les bulletins de paie mentionnaient des retenues pour absences non rémunérées :

– pour juin 2020 : les 3, 4, 10, 11, 13, 14, 17, 19, et du 24 au 28 juin ;

– pour juillet 2020 : la totalité du mois, avec une date de sortie au 1er juillet 2020.

Mme [R] estime injustifiées les retenues pour le mois de juin, indiquant qu’elle se soumettait aux horaires imposés par l’employeur qui a choisi de ne la faire travailler qu’à temps partiel, et demande un rappel de salaire à ce titre. Pour le mois de juillet, elle ne fait aucune réclamation.

La SARL L’Avenir maintient que c’était Mme [R] qui choisissait ses horaires, en ne travaillant de fait qu’à temps partiel au sein de la station-service, afin de travailler en même temps à temps partiel pour un autre employeur, la SARL Barbin Nothommes.

Sur ce, il importe peu que Mme [R] ait travaillé en même temps pour un autre employeur ; il appartient à la SARL L’Avenir, qui était par principe débitrice d’un salaire à temps plein et qui n’a jamais mis en demeure la salariée de justifier de ses absences, de prouver que la totalité des jours d’absence étaient du fait de la salariée. Or, cette preuve n’est rapportée, par le biais des SMS produits, que pour l’absence du 27 juin 2020 où Mme [R] disait qu’elle était en ville, de sorte que pour cette journée l’employeur était fondé à pratiquer une retenue.

Il est donc dû à Mme [R] un rappel de salaire, pour juin 2020, de 566,53 € bruts, outre congés payés de 56,65 € bruts, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2021, le jugement étant infirmé.

Sur le travail dissimulé :

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Mme [R] affirme que l’intention de dissimulation résulte de l’absence de contrat de travail écrit, de l’absence de remise de bulletins de paie et de l’absence de preuve de DPAE.

Si la SARL L’Avenir verse aux débats un contrat de travail écrit que la cour a retenu comme étant signé par la salariée, ainsi que des bulletins de paie, il demeure que, curieusement, les bulletins de paie de juin et juillet 2020 mentionnent une ancienneté remontant au 1er septembre 2020 ; surtout, la SARL L’Avenir ne produit qu’un imprimé de DPAE téléchargé sur le site de l’URSSAF, non daté, et dont il n’est pas justifié qu’il aurait été adressé à l’URSSAF.

La cour ne peut donc que retenir l’intention de dissimulation et allouer à Mme [R] une indemnité de 9.606 €, par infirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail :

Pendant l’instruction, la SARL L’Avenir a produit une copie de courrier daté du ’31 juillet’, où Mme [R] disait démissionner au 1er août 2020, courrier que Mme [R] nie avoir signé, et celle-ci estime que faute de démission la rupture est du fait de l’employeur.

Sur ce, la cour relève d’abord que le bulletin de paie de juillet 2020 et le certificat de travail mentionnent une fin de contrat au 1er juillet 2020 tandis que la prétendue démission aurait été faite le 31 juillet avec effet au 1er août. De plus, en cours de délibéré, la SARL L’Avenir n’a pas produit ce courrier en original alors qu’elle y avait été invitée, de sorte que la cour ne peut pas procéder à une vérification d’écritures, et ne peut que juger que, le contrat à durée indéterminée ayant pris fin au 1er juillet 2020 du fait de l’employeur sans motif ni respect de la procédure de licenciement, la rupture constitue un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

Mme [R] ne justifie pas spécialement de son préjudice lié à la perte d’emploi, étant rappelé qu’elle a été réembauchée par la SARL L’Avenir dès le 1er septembre 2020 ; les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixés à 200 € par infirmation du jugement, et la demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, qui ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera rejetée, par confirmation du jugement.

4 – Sur le 4e contrat de travail (contrat à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2020) :

Ce contrat mentionnait :

– qu’il était conclu pour cause de remplacement d’une salariée en arrêt maladie : Mme [P] ;

– qu’il était à terme imprécis, jusqu’au retour de la salariée remplacée ;

– que la durée de travail mensuelle était de 65 heures en moyenne, les lundis, jeudis et vendredis de 7h à 12h.

Il ressort des bulletins de paie que Mme [R] a été réglée, de septembre 2020 à septembre 2021 inclus, sur la base de 65 heures mensuelles, outre le cas échéant des heures complémentaires et des ‘heures supplémentaires’, aucun paiement n’ayant été fait à compter d’octobre 2021.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée :

En application des articles L 1242-2, L 1242-12, L 1245-1 et L 1245-2 déjà visés, Mme [R] demande la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée aux motifs qu’il n’est pas établi que Mme [P] était en arrêt maladie depuis le 1er septembre 2020.

La SARL L’Avenir réplique que Mme [P], qui avait été embauchée à temps plein, a été en arrêt maladie jusqu’au 29 juillet 2021 puis a repris à mi-temps thérapeutique du 30 juillet 2021 au 22 janvier 2022, avant d’être de nouveau placée en arrêt maladie à compter du 23 janvier 2022, et d’être licenciée pour inaptitude le 17 mars 2022, de sorte que Mme [R] l’a bien toujours remplacée, à temps partiel. Elle produit les bulletins de paie de Mme [P] et le courrier de licenciement qui lui a été adressé. Elle ajoute que Mme [R] ne peut pas demander la requalification à temps plein alors qu’elle a refusé de signer un avenant de passage en contrat à durée indéterminée daté du 1er juillet 2021.

Sur ce, il convient de relever que, si la SARL L’Avenir justifie de la réalité du motif du contrat à durée déterminée mentionné (remplacement de Mme [P] en arrêt maladie) jusqu’au 29 juillet 2021, tel n’est plus le cas à partir du 30 juillet 2021 puisque Mme [P] a alors repris le travail à mi-temps thérapeutique, or la SARL L’Avenir n’a pas rédigé de nouveau contrat à durée déterminée pour remplacement d’une salariée passant à temps partiel. Quant à l’avenant daté du 1er juillet 2021, la SARL L’Avenir ne justifie pas l’avoir soumis à Mme [R] le 1er juillet 2021, alors que Mme [R] indiquait par mail du 3 octobre 2021 que cet avenant ne lui avait été soumis ce jour qu’en réaction à sa lettre de démission envoyée le 1er octobre 2021, et qu’étant antidaté et emportant renonciation à sa prime de précarité elle refusait de le signer. Même si le 3 octobre 2021 Mme [R] a refusé la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de manière rétroactive au 1er juillet 2021, elle reste aujourd’hui recevable à demander la requalification en justice.

Il convient donc de prononcer ladite requalification, par infirmation du jugement.

Sur la requalification en contrat de travail à temps plein :

En application de l’article L 3123-6 précité, Mme [R] demande la requalification en contrat de travail à temps plein au motif que les horaires réels étaient différents de ceux stipulés et variables et que M. [Z] qui ne faisait pas de planning informait la salariée des horaires au jour le jour de sorte que celle-ci était à disposition permanente. Elle produit un tableau de ses jours et horaires de travail, notamment en novembre 2020 et octobre 2021, indiquant des jours et horaires de travail variables et autres que ceux prévus au contrat (travail des jours autres que les lundis, jeudis et vendredis, travail en dehors des horaires 7h-12h), ainsi que des SMS dans lesquels M. [Z] lui fixait ses horaires de travail pour le lendemain voire le jour même.

La SARL L’Avenir réplique que Mme [R] ne se tenait pas à sa disposition permanente et ne le prétendait pas, et qu’elle fixait elle-même ses disponibilités, et s’appuie sur 5 SMS entre le 29 septembre 2020 et le 2 octobre 2021 dans lesquels la salariée disait qu’elle avait des rendez-vous (rendez-vous médical, pour le renouvellement de son titre de séjour…), qu’elle avertirait si elle était en état de travailler, ou qu’elle s’excusait pour un retard de réponse.

Toutefois, ces SMS ne suffisent pas à établir que Mme [R] décidait elle-même de ses horaires de travail, d’autant que le 29 septembre 2020 elle a simplement répondu à M. [Z] qui lui demandait de travailler en dehors des jours prévus. Par ailleurs, la SARL L’Avenir ne verse aucun planning pour la période de septembre 2020 à octobre 2021 et ne conteste pas que Mme [R] a travaillé en dehors des jours et horaires stipulés au contrat de travail.

La cour estime donc que Mme [R] démontre qu’elle devait travailler chaque jour selon des horaires dont elle n’avait pas eu préalablement connaissance dans le respect du délai de prévenance, ce qui lui imposait de rester en permanence à la disposition de l’employeur, sans qu’elle ait à démontrer avoir effectivement travaillé à temps plein, et il convient de prononcer la requalification sollicitée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Mme [R] demande :

– à titre principal, la résiliation judiciaire du contrat de travail au motif qu’à compter du 3 octobre 2021 l’employeur a manqué à son obligation de lui fournir du travail ;

– à titre subsidiaire, qu’il soit jugé que, le 17 mars 2022, la SARL L’Avenir a procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse car le licenciement de Mme [P] ne permettait pas de motiver celui de Mme [R].

La SARL L’Avenir réplique que, par courrier du 30 septembre 2021 envoyé le 1er octobre 2021, Mme [R] a fait état de sa volonté de démissionner et elle n’est pas revenue travailler après le 3 octobre 2021 ; que toutefois s’agissant d’un contrat à durée déterminée la démission n’était légalement pas possible de sorte que la société, plutôt que de faire une procédure de rupture de contrat à durée déterminée pour faute grave (abandon de poste), a décidé de laisser se poursuivre le contrat à durée déterminée jusqu’à son terme au 17 mars 2022 date du licenciement de Mme [P].

Toutefois, Mme [R] a fait état de sa volonté de démissionner dans son courrier du 30 septembre 2021, volonté qu’elle a confirmée en cessant de se présenter à la station-service après le 3 octobre ; d’ailleurs, ni dans son courrier du 8 octobre 2021, ni par la suite, elle ne s’est plainte d’une absence de fourniture de travail imputable à l’employeur. La cour ayant requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la démission pouvait produire ses effets.

La cour juge donc que la contrat à durée indéterminée a pris fin par la démission de la salariée à effet au 3 octobre 2021, et Mme [R] sera déboutée de sa demande principale de résiliation judiciaire formée ensuite, et de sa demande subsidiaire visant à contester une rupture par l’employeur au 17 mars 2022, ainsi que de ses demandes afférentes (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour licenciement irrégulier), ainsi que de sa demande de rappel de salaires du 4 octobre 2021 au 17 mars 2022.

Sur les sommes dues au titre de l’exécution du contrat :

Compte tenu d’un salaire à temps plein, en dernier lieu de 1.611,99 € bruts, il sera alloué à Mme [R] une indemnité de requalification de 1.611,99 €. La SARL L’Avenir ne saurait prétendre que Mme [R] ne peut pas réclamer plusieurs indemnités de requalification ; en effet, la cour a requalifié deux contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée (celui du 8 février 2020 et celui du 1er septembre 2020), de sorte qu’une indemnité de requalification est due pour chaque contrat.

Par ailleurs, sont dus les rappels de salaires suivants :

* de septembre 2020 à septembre 2021 : sur la base d’un temps plein, conformément au calcul fait par la salariée : 8.028,52 € bruts ;

* pour la journée du 1er mai 2021, que Mme [R] affirme avoir travaillée : sur le bulletin de paie de mai 2021 la salariée a été mentionnée comme étant en congés payés, or Mme [R] ne démontre pas avoir travaillé, le SMS de M. [Z] de ce jour lui fixant ses horaires étant insuffisant à apporter cette preuve alors qu’elle ne justifie pas de sa réponse ; elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;

* des heures ‘complémentaires et supplémentaires’ réalisées en novembre 2020 : dans sa pièce n° 12, Mme [R] soutient avoir réalisé 124 heures de travail sur le mois alors qu’il ne lui en a été payé que 113 ; or, la cour vient de lui allouer un rappel de salaire à temps plein sur ce mois, de sorte que Mme [R] ne peut pas réclamer une nouvelle fois le paiement d’heures déjà incluses dans ce rappel ; elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;

* du 1er au 3 octobre 2021, période travaillée (l’employeur n’ayant rien payé) : sur la base d’un temps plein : 161,20 € bruts ;

total : 8.189,72 € bruts, outre congés payés de 818,97 € bruts, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2021.

Mme [R] sollicite également une indemnité pour travail dissimulé en soutenant que l’employeur s’est délibérément abstenu de déclarer toutes les heures de travail réalisées ; toutefois, la cour n’a alloué un rappel de salaire qu’en raison de la requalification à temps plein, de sorte que l’intention de dissimulation de l’employeur n’est pas établie.

5 – Sur les dommages et intérêts complémentaires :

Mme [R] sollicite :

– au titre du premier contrat, des dommages et intérêts complémentaires de 2.000 € ;

– au titre du 2e contrat, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de 2.000 € ;

– au titre du 4e contrat, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de 3.000 €.

Elle se plaint :

– au titre du 2e contrat, d’avoir travaillé de nuit et le dimanche sans que la rémunération n’en tienne compte ;

– de manière générale, de retards de paiement des salaires, de retards de délivrance des bulletins de paie et du non-respect du planning contractuel et des délais de prévenance.

Toutefois :

– Mme [R] ne réclame aucun rappel de rémunération pour heures de nuit et de dimanche ;

– il ressort de sa pièce n° 15 que l’employeur réglait les salaires entre le 4 et le 11 du mois suivant ; la salariée ne justifie pas d’un préjudice résultant d’un retard de paiement ou d’un retard de délivrance des bulletins de paie ;

– le non-respect des horaires contractuels stipulés a déjà donné lieu à la requalification en temps plein.

Mme [R] ne justifiant pas avoir subi un préjudice complémentaire sera déboutée de ses trois demandes de dommages et intérêts, par confirmation du jugement.

6 – Sur le surplus des demandes :

L’employeur devra délivrer à Mme [R] des certificats de travail et attestations France travail conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à fixation d’une astreinte.

L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses frais irrépétibles.

Mme [R] qui est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale ne demande pas l’application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 alinéa 1er 2° du code de procédure civile au profit de son conseil, et elle ne justifie pas de frais irrépétibles restés à sa charge. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a :

– dit que la rupture du 2e contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [F] [R] de sa demande de résiliation judiciaire du 4e contrat de travail et dit qu’elle avait démissionné,

– débouté Mme [F] [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution fautive,

– débouté la SARL L’Avenir de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL L’Avenir aux dépens de première instance,

ces chefs étant confirmés,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

Sur le premier contrat de travail, du 13 octobre 2019 au 5 janvier 2020 :

Condamne la SARL L’Avenir à payer à Mme [F] [R] la somme de 2.860,57 € bruts à titre de rappel de salaires à temps plein d’octobre à décembre 2019, outre congés payés de 286,05 € bruts,

Sur le 2e contrat de travail, du 8 février au 31 mars 2020 :

Prononce la requalification du contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein,

Condamne la SARL L’Avenir à payer à Mme [F] [R] les sommes suivantes :

– 1.601 € à titre d’indemnité de requalification,

– 1.618,42 € bruts à titre de rappel de salaires à temps plein en février et mars 2020, outre congés payés de 161,84 € bruts,

– 1.601 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés de 160,10 € bruts,

– 200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur le 3e contrat de travail, du 1er juin au 1er juillet 2020 :

Dit n’y avoir lieu à requalification, le contrat étant déjà un contrat à durée indéterminée à temps plein,

Dit que la rupture du contrat au 1er juillet 2020 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL L’Avenir à payer à Mme [F] [R] les sommes suivantes :

– 566,53 € bruts à titre de rappel de salaires en juin 2020, outre congés payés de 56,65 € bruts,

– 9.606 € d’indemnité pour travail dissimulé,

– 200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur le 4e contrat de travail, du 1er septembre 2020 au 3 octobre 2021 :

Prononce la requalification du contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein,

Dit que le contrat a été rompu à effet du 3 octobre 2021 suite à une démission,

Condamne la SARL L’Avenir à payer à Mme [F] [R] les sommes suivantes :

– 1.611,99 € à titre d’indemnité de requalification,

– 8.189,72 € bruts à titre de rappel de salaires à temps plein du 1er septembre 2020 au 3 octobre 2021, outre congés payés de 818,97 € bruts,

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances salariales courent à compter du 9 décembre 2021,

Déboute Mme [F] [R] de l’ensemble de ses autres demandes au titre des salaires et indemnités,

Ordonne à la SARL L’Avenir de délivrer à Mme [F] [R] les certificats de travail et attestations France travail conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL L’Avenir aux dépens d’appel, avec application des règles relatives à l’aide juridictionnelle totale,

Rejette toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. TACHON C. BRISSET


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