Refus de délai pour relogement en raison d’une situation financière non justifiée

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Refus de délai pour relogement en raison d’une situation financière non justifiée

L’Essentiel : Le 19 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité a rendu une ordonnance de référé, constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail entre un locataire et une société civile immobilière (SCI) concernant des locaux. Le locataire a été condamné à verser 3505 euros à la SCI pour arriéré locatif et a été autorisé à être expulsé. Suite à cela, un commandement de quitter les lieux a été délivré. Le locataire a demandé un délai de 24 mois pour libérer les lieux, invoquant des difficultés financières, mais sa demande a été rejetée par le juge.

Contexte de l’affaire

Le 19 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Denis a rendu une ordonnance de référé, signifiée le 29 août 2024. Cette ordonnance a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail entre Monsieur [P] [V] et la SCI CJL, concernant des locaux situés à [Adresse 2] à [Localité 5]. Monsieur [P] [V] a été condamné à verser 3505 euros à la SCI CJL pour arriéré locatif et a été autorisé à être expulsé.

Demande de délai de relogement

Suite à cette ordonnance, un commandement de quitter les lieux a été délivré à Monsieur [P] [V] le 29 août 2024. Le 7 octobre 2024, il a saisi le juge de l’exécution pour demander un délai de 24 mois afin de libérer les lieux, en se fondant sur les articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution. L’affaire a été entendue le 23 janvier 2025, où Monsieur [P] [V] a demandé un délai de 12 mois avant son expulsion, évoquant des difficultés financières dues à la liquidation de son employeur.

Arguments des parties

La SCI CJL, en défense, a demandé le rejet des demandes de Monsieur [P] [V] et a réclamé 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a souligné que les paiements de loyer étaient irréguliers depuis 2023, malgré des revenus confortables jusqu’en décembre 2024. La SCI a également noté que Monsieur [P] [V] avait créé une société en 2023 sans fournir de déclarations de revenus et qu’il n’avait pas mentionné de personnes à charge dans sa requête.

Décision du juge

Le juge a constaté que Monsieur [P] [V] avait initialement déclaré vivre seul, sans personnes à charge, et n’a pas justifié de démarches de relogement. Sa dette envers la SCI avait presque doublé depuis l’ordonnance de référé, alors qu’il avait perçu une allocation mensuelle et avait créé une entreprise. En conséquence, la demande de délai avant expulsion a été rejetée.

Conséquences de la décision

Monsieur [P] [V] a été condamné aux dépens et à verser 300 euros à la SCI CJL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été rendue le 6 février 2025, avec un jugement contradictoire mis à disposition au greffe.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder un délai de relogement selon les articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution ?

Selon l’article L. 412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Il est donc essentiel que l’occupant démontre que son relogement ne peut se faire dans des conditions normales pour bénéficier d’un délai.

L’article L. 412-4 précise que pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de plusieurs éléments, notamment :

– La bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations,

– Les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, en tenant compte de l’âge, de l’état de santé, de la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux.

De plus, il est également pris en compte le droit à un logement décent et indépendant, ainsi que les délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

Enfin, la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Quels éléments ont conduit à rejeter la demande de délai avant expulsion de l’occupant ?

La demande de délai avant expulsion formulée par l’occupant a été rejetée pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’occupant a déclaré à l’audience vivre avec sa compagne et leur enfant, mais il a précédemment indiqué dans sa requête qu’il vivait seul sans aucune personne à charge. Cette incohérence dans ses déclarations a soulevé des doutes sur sa situation familiale réelle.

De plus, l’occupant n’a pas justifié d’aucune démarche de relogement, ce qui est un critère essentiel pour l’octroi d’un délai selon l’article L. 412-3.

Il a également été noté que la dette de l’occupant envers la propriétaire a presque doublé depuis l’ordonnance de référé, alors qu’il a perçu une allocation de sécurisation professionnelle d’un montant mensuel de 2733 euros et a créé une société de nettoyage dont il n’a pas renseigné les revenus.

Ces éléments montrent que l’occupant n’a pas fait preuve de bonne volonté dans l’exécution de ses obligations, ce qui a conduit le juge à rejeter sa demande de délai avant expulsion.

Quelles sont les conséquences financières pour l’occupant suite à la décision du juge de l’exécution ?

Suite à la décision du juge de l’exécution, l’occupant a été condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Cela signifie qu’il devra supporter les frais de la procédure, ce qui peut inclure les frais d’avocat et d’autres coûts liés à l’affaire.

De plus, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, l’occupant a été condamné à payer à la défenderesse la somme de 300 euros. Cet article permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Ainsi, l’occupant se voit non seulement contraint de quitter les lieux, mais il doit également faire face à des conséquences financières significatives en raison de sa situation.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
06 Février 2025

MINUTE : 25/133

RG : N° 24/09848 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Z7RI
Chambre 8/Section 3

Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Monsieur [P] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Berthe BIANGOUO NGNIANDZIAN KANZA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS – 255

ET

DEFENDEUR

S.C.I. CJL
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Isabelle CELLIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS – 211

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS

Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame HALIFA, Greffière.

L’affaire a été plaidée le 23 Janvier 2025, et mise en délibéré au 06 Février 2025.

JUGEMENT

Prononcé le 06 Février 2025 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance de référé du 19 mars 2024, signifiée le 29 août 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint Denis a notamment :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre Monsieur [P] [V] et la SCI CJL et portant sur les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 5],
– condamné Monsieur [P] [V] à payer à la SCI CJL la somme de 3505 euros au titre de l’arriéré locatif,
– autorisé l’expulsion de Monsieur [P] [V] et de tout occupant de son chef.

Un commandement de quitter les lieux a été délivré à Monsieur [P] [V] le 29 août 2024.

C’est dans ce contexte que, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 7 octobre 2024, Monsieur [P] [V] a saisi le juge de l’exécution de la juridiction de céans afin que lui soit accordé, sur le fondement des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, un délai de 24 mois pour libérer les lieux.

L’affaire a été appelée à l’audience du 23 janvier 2025.

À cette audience, Monsieur [P] [V], représenté par son conseil, sollicite l’octroi d’un délai de 12 mois avant expulsion.

Il fait part de sa situation familiale, professionnelle et financière. Il indique que les impayés ont pour origine sa perte de revenus suite à la liquidation judiciaire de son employeur.

En défense, la SCI CJL, représentée par son conseil, reprend oralement ses conclusions visées par le greffe le jour-même et demande au juge de l’exécution de :
– débouter Monsieur [P] [V] de l’ensemble de ses demandes,
– le condamner à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle souligne que les paiements sont irréguliers depuis 2023, alors que Monsieur [P] [V] bénéficiait jusqu’au mois de décembre 2024 de revenus confortables. Elle ajoute que tous ses revenus ne sont pas connus, le demandeur ayant créé une société en 2023 mais ne produisant pas ses déclarations de revenus. Elle rappelle que le demandeur n’a déclaré aucune personne à charge dans sa requête. Elle fait part de sa propre situation financière.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

L’article L412-4 de ce même code précise que pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ; est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Ce même article dispose que la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l’espèce, Monsieur [P] [V] déclare à l’audience occuper les lieux avec sa compagne et leur enfant de trois ans et verse aux débats l’acte de naissance de cet enfant. Néanmoins, il a indiqué dans sa requête du 7 octobre 2024 vivre seul sans aucune personne à charge et ne s’explique pas sur l’évolution de ses déclarations. En l’absence de justificatif permettant d’établir que la compagne du demandeur et leur enfant résident dans les lieux litigieux, il y a lieu de considérer que Monsieur [P] [V] les occupe seul.

Le demandeur ne justifie d’aucune démarche de relogement.

Depuis l’ordonnance de référé du 19 mars 2024, la dette de Monsieur [P] [V] à l’égard de la propriétaire a presque doublé, alors que l’occupant a perçu au cours de l’année 2024 l’allocation de sécurisation professionnelle d’un montant mensuel de 2733 euros et qu’il a créé en août 2023 une société de nettoyage dont il ne renseigne pas les revenus.

Dans ces conditions, la demande de délai avant expulsion devra être rejetée.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [P] [V], qui succombe, sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à la défenderesse la somme de 300 euros.

PAR CES MOTIFS

La juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

Rejette la demande de délai avant expulsion formée par Monsieur [P] [V] ;

Condamne Monsieur [P] [V] aux dépens ;

Condamne Monsieur [P] [V] à payer à la SCI CJL la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait à Bobigny le 6 février 2025.

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION


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