L’Essentiel : Par acte du 9 juillet 2019, un bail commercial a été signé entre un bailleur, représenté par une société, et un locataire pour des locaux situés dans le 15ème arrondissement de Paris. Le 16 juillet 2019, le locataire a été placé en redressement judiciaire, avec désignation d’un administrateur judiciaire. En raison d’impayés, le bailleur a assigné le locataire et ses administrateurs devant le juge des référés. Un protocole d’accord a été homologué le 10 janvier 2024. Le 25 avril 2024, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du locataire, désignant un liquidateur judiciaire.
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Constitution du bail commercialPar acte du 9 juillet 2019, la société Compagnie Saint Michel, représentée par la SCI Conblo, a signé un bail commercial avec la société Le Grand Venise pour des locaux situés dans le 15ème arrondissement de Paris. Redressement judiciaire de la société Le Grand VeniseLe 16 juillet 2019, la société Le Grand Venise a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, avec la désignation de la société Ajassociés comme administrateur judiciaire et de la société BTSG comme mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 2 juillet 2021. Assignation pour impayésEn raison d’impayés de loyers et de charges, la SCI Conblo a assigné la société Le Grand Venise, ainsi que ses administrateurs judiciaires, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de la clause résolutoire du bail et le paiement d’un arriéré locatif. Médiation et homologation de l’accordLes parties ont conclu un protocole d’accord lors d’une médiation ordonnée par le juge des référés, qui a été homologué par ordonnance le 10 janvier 2024. Appel de l’ordonnance d’homologationLe 19 février 2024, la société Le Grand Venise et son administrateur judiciaire ont interjeté appel de l’ordonnance homologuant l’accord des 10 et 11 octobre 2023. Liquidation judiciaire de la société Le Grand VeniseLe 25 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de continuation et la liquidation judiciaire de la société Le Grand Venise, désignant la société BTSG comme liquidateur judiciaire. Intervention forcée de la société ConbloLes 11 et 12 juin 2024, la société Conblo a assigné en intervention forcée les sociétés BTSG et Ajassociés dans le cadre de la liquidation judiciaire. Désistement d’appel et demandes de la société ConbloLe 28 novembre 2024, les sociétés BTSG, Ajassociés et Le Grand Venise ont demandé à la cour de prendre acte de leur désistement d’appel et de débouter la société Conblo de ses demandes. Caducité de la déclaration d’appelLa société Conblo a demandé la caducité de la déclaration d’appel, arguant que les appelantes n’avaient pas remis leurs conclusions dans le délai imparti, ce qui a été constaté par la cour. Demande de dommages et intérêts pour procédure abusiveLa société Conblo a également demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive, soutenant que les appelantes avaient agi avec légèreté en interjetant appel d’une décision insusceptible de recours. Décisions de la courLa cour a prononcé la caducité de la déclaration d’appel, condamné la société BTSG à verser 4.000 euros à la société Conblo pour procédure abusive, et a statué sur les dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences du désistement d’appel selon le code de procédure civile ?Le désistement d’appel est régi par les articles 400 et 401 du code de procédure civile. L’article 400 dispose que « le désistement de l’appel est admis en toutes matières ». Cela signifie qu’une partie peut renoncer à son appel sans condition, sauf si des réserves sont formulées. L’article 401 précise que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». Dans cette affaire, la société Conblo avait formé une demande incidente, ce qui implique que le désistement d’appel des sociétés Le Grand Venise et Ajassociés devait être accepté pour être valide. En l’absence d’acceptation, le désistement n’est pas parfait, et la cour doit examiner les demandes de la société Conblo. Quelles sont les conditions de caducité de la déclaration d’appel ?La caducité de la déclaration d’appel est régie par l’article 905-2 du code de procédure civile. Cet article stipule que « à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe ». Dans cette affaire, l’avis de fixation a été notifié le 29 mars 2024, et les appelantes avaient jusqu’au 29 avril 2024 pour remettre leurs conclusions. Or, les premières conclusions ont été remises le 28 novembre 2024, soit bien après le délai imparti. Ainsi, la caducité de la déclaration d’appel est encourue. Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive ?La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive repose sur le principe que le droit d’action ne doit pas être exercé de manière abusive. Selon la jurisprudence, le droit d’action, notamment d’appel, ne dégénère en abus que s’il révèle « une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits ». L’article 2052 du code civil précise que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ». Dans cette affaire, les appelantes ont interjeté appel d’une ordonnance homologuant une transaction, ce qui constitue une erreur grossière, car une telle décision est insusceptible de recours. Cette légèreté blâmable justifie l’allocation de dommages et intérêts à la société Conblo, qui a été fixée à 4.000 euros. Quelles sont les implications des frais et dépens dans cette affaire ?Les frais et dépens sont régis par l’article 700 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ». Dans cette affaire, la société BTSG, ès-qualités, a été condamnée aux dépens d’appel. De plus, l’équité a conduit la cour à condamner la société BTSG à verser à la société Conblo la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Cela signifie que la société BTSG doit supporter les frais liés à la procédure d’appel, en plus des dommages et intérêts pour procédure abusive. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/03971 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7YK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Janvier 2024 -Président du TJ de [Localité 9] – RG n° 23/55825
APPELANTES
S.A.S. LE GRAND VENISE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIÉS en la personne de Me [D] [H], en qualité d’administrateur judiciaire de la société LE GRAND VENISE
[Adresse 7]
[Localité 6]
S.C.P. B.T.S.G. en la personne de Me [Y] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LE GRAND VENISE
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentées par Me Roland ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0371
INTIMÉES
S.C.I. CONBLO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Delphine CHAMBON, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 décembre 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Florence LAGEMI, Président,
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Par acte du 9 juillet 2019, la société Compagnie Saint Michel, aux droits de laquelle vient la SCI Conblo, a consenti à la société Le Grand Venise un bail commercial portant sur des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 3], dans le 15ème arrondissement de Paris.
La société Le Grand Venise a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juillet 2019, les sociétés Ajassociés et BTSG étant désignées en qualité respectivement d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. Le 2 juillet 2021, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement, désigné la SELARL Ajassociés en qualité de commissaire à l’exécution du plan et maintenu la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire.
Par suite d’impayés de loyers et de charges, la SCI Conblo a, par actes des 20, 21 et 25 juillet 2023, assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris la société Le Grand Venise, la SELARL Ajassociés et la SCP BTSG, ès qualités, aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, condamnation au paiement, à titre provisionnel, de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.
Dans le cadre d’une médiation ordonnée par le juge des référés, les parties ont conclu, les 10 et 11 octobre 2023, un protocole d’accord. Le juge des référés a, ainsi que l’avaient demandé les sociétés Conblo et Le Grand Venise, homologué le protocole par ordonnance du 10 janvier 2024.
Par acte du 19 février 2024, la société Le Grand Venise et son administrateur judiciaire, la société Ajassociés, ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a homologué l’accord des 10 et 11 octobre 2023.
Par jugement du 25 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de continuation et la liquidation judiciaire de la société Le Grand Venise et désigné la société BTSG en qualité de liquidateur judiciaire et la société Ajassociés en qualité d’administrateur judiciaire.
Par actes des 11 et 12 juin 2024, la société Conblo a fait assigner en intervention forcée les sociétés BTSG en qualité de liquidateur judiciaire, et Ajassocié en qualité d’administrateur judiciaire.
Par conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2024, les sociétés BTSG et Ajassociés ès-qualités et Le Grand Venise demandent à la cour de :
– leur donner acte de leur désistement d’appel formé à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ;
– débouter la société Conblo de toute demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens qu’elle a exposés.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 3 décembre 2024, la société Conblo demande à la cour, au visa des articles 32-1, 132, 384, 564, 696, 700, 1565 et 1566 du code de procédure civile, et A. 444-10 et suivants du code de commerce, de :
à titre principal,
– déclarer caduc l’appel interjeté par la société Le Grand Venise le 19 février 2024 à l’encontre de cette même ordonnance ;
à titre subsidiaire,
– déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Le Grand Venise le 19 février 2024 ;
à titre plus subsidiaire,
– acter le désistement des sociétés Le Grand Venise, BTSG et Ajassociés ;
en tout état de cause,
– débouter la société Le Grand Venise de l’intégralité de ses demandes ;
– la condamner à des dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 10.000 euros ;
– la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens exposés en appel, y compris au paiement des frais visés aux articles A. 444-10 et suivants du code de commerce.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2024.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
Aux termes de l’article 400 du code de procédure civile, le désistement de l’appel est admis en toutes matières.
L’article 401 du code de procédure civile dispose que le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
En l’espèce, il est constant que :
– par déclaration du 19 février 2024, les sociétés Le Grand Venise et son administrateur judiciaire, la société Ajassociés, ont interjeté appel de l’ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2024 ;
– par premières conclusions déposées et notifiées le 18 avril 2024, la société Conblo a demandé à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Le Grand Venise, à titre subsidiaire, de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise et, en tout état de cause, de débouter la société Le Grand Venise de l’intégralité de ses demandes et la condamner à lui payer les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens exposés en appel, y compris au paiement des frais visés aux articles A. 444-10 et suivants du code de commerce ;
– par conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2024, les sociétés BTSG, Ajassociés en leur qualité respective de liquidateur judiciaire et d’administrateur judiciaire de la société Le Grand Venise ainsi que cette dernière ont notifié leur désistement d’appel.
Il s’en déduit que ce désistement avait besoin d’être accepté dès lors que la société Conblo avait formé antérieurement une demande incidente en paiement de dommages-intérêts. En l’absence d’une telle acceptation, le désistement n’est pas parfait et la cour doit statuer sur les demandes de la société Conblo.
Sur la demande de caducité de la déclaration d’appel
La société Conblo conclut à la caducité de la déclaration d’appel en ce que les appelantes n’ont pas remis leurs conclusions dans le délai prescrit.
L’article 905-2, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose : ‘A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.’
L’avis de fixation ayant été notifié le 29 mars 2024, les appelantes disposaient d’un délai courant jusqu’au 29 avril 2024 pour conclure.
Or, les premières conclusions prises dans l’intérêt de la société Le Grand Venise ont été remises et notifiées le 28 novembre 2024, soit au-delà du délai d’un mois imparti pour conclure.
La caducité de la déclaration d’appel est, dès lors, encourue.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
La société Conblo forme une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive au motif que les appelantes ont fait preuve d’une légèreté blâmable en interjetant appel.
Le droit d’action, notamment d’appel, ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.
Conformément à l’article 2052 du code civil, qui dispose que ‘la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet’, l’ordonnance donnant force exécutoire à la transaction rendue à la demande des parties ne peut faire l’objet d’aucun recours.
L’erreur grossière commise par les appelantes, qui ne pouvaient ignorer qu’une décision portant homologation d’une transaction est insusceptible de recours, justifie d’allouer à la société Conblo la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Cette somme sera mise à la charge de la société BTSG en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Grand Venise désormais dessaisie.
Sur les frais et dépens
La société BTSG, ès-qualités, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande de la condamner à payer à la société Conblo la somme de 4.000 euros en applications de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononce la caducité de la déclaration d’appel ;
Condamne la société BTSG en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Grand Venise à payer à la société Conblo la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
La condamne aux dépens d’appel et à payer à la société Conblo la somme de 4.000 euros en applications de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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