Conflit locatif et saisie conservatoire : légitimité et abus en question

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Conflit locatif et saisie conservatoire : légitimité et abus en question

L’Essentiel : La société locataire a signé un bail avec la société bailleur le 13 mai 2020, portant sur des locaux comprenant un entrepôt et des bureaux. En fin d’année 2023, le bailleur a souhaité reprendre possession des lieux, entraînant un conflit avec la locataire, qui refuse de quitter les locaux. Le 13 février 2024, le bailleur a délivré un commandement de payer pour loyers impayés, suivi d’une saisie conservatoire. La locataire a contesté cette saisie, demandant des dommages et intérêts pour saisie abusive. Le juge a jugé la saisie légitime, déboutant la locataire de ses demandes et rejetant également celles du bailleur.

Contexte du litige

La société HDF IMMO a signé un bail avec la société ACM BT le 13 mai 2020, lui louant des locaux comprenant un entrepôt et des bureaux. En fin d’année 2023, HDF IMMO a décidé de reprendre possession des locaux pour les vendre, ce qui a conduit à un conflit avec ACM BT, qui refuse de quitter les lieux sans respecter les termes du contrat de bail.

Actions judiciaires entreprises

Le 13 février 2024, HDF IMMO a délivré un commandement de payer à ACM BT pour des loyers impayés, suivi d’une saisie conservatoire sur les comptes de cette dernière le 16 février 2024. En réponse, ACM BT a contesté la saisie devant le juge de l’exécution le 5 mars 2024, demandant des dommages et intérêts pour saisie abusive. Les deux parties ont été entendues lors d’audiences en mars et novembre 2024.

Demandes de la société ACM BT

Lors de l’audience du 15 novembre 2024, ACM BT a demandé que ses demandes soient jugées recevables et fondées, tout en sollicitant le rejet des demandes de HDF IMMO. ACM BT a également demandé des dommages et intérêts pour saisie abusive, ainsi que le remboursement de frais liés au commandement de payer.

Réponse de la société HDF IMMO

HDF IMMO a contesté les demandes d’ACM BT, arguant que la saisie conservatoire était justifiée par des loyers impayés. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, soutenant que la saisie était fondée sur des créances réelles et que les difficultés financières d’ACM BT étaient connues.

Décision du juge de l’exécution

Le juge a statué que la saisie conservatoire était légitime au moment où elle a été effectuée, car ACM BT avait des loyers impayés. Il a également noté que la société ACM BT n’avait pas prouvé le préjudice subi à cause de la saisie. En conséquence, le juge a débouté ACM BT de ses demandes de remboursement des frais de commandement et de dommages et intérêts pour saisie abusive, tout en rejetant également les demandes de HDF IMMO pour procédure abusive.

Conséquences financières

Le juge a décidé que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens et a débouté les deux parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement a été déclaré immédiatement exécutoire, sans effet suspensif en cas d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de légitimité d’une saisie conservatoire selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

La saisie conservatoire est régie par l’article L 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

Cette mesure peut prendre la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

De plus, l’article L 511-2 précise qu’« une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. »

Ainsi, pour qu’une saisie conservatoire soit légitime, il est nécessaire que le créancier démontre l’existence de circonstances menaçant le recouvrement de sa créance au moment de la saisie.

Il est important de noter que le constat d’un compte débiteur après la saisie ne peut pas justifier la légitimité de celle-ci.

La société HDF IMMO a-t-elle respecté les conditions de mise en œuvre de la saisie conservatoire ?

Dans cette affaire, la société HDF IMMO a procédé à une saisie conservatoire sur les comptes de la société ACM BT.

Pour déterminer si cette saisie était justifiée, il convient d’examiner les circonstances antérieures à la saisie.

La société HDF IMMO a soutenu qu’elle avait connaissance des difficultés financières de la société ACM BT, mais les preuves fournies, notamment des échanges de SMS, n’ont pas été jugées suffisantes pour établir cette connaissance.

En effet, le tribunal a noté que « cette pièce n° 26 consiste en une série d’échanges de SMS entre des parties non identifiées et à partir de numéros non identifiés. Cette pièce ne peut justifier de rien du tout. »

Ainsi, la société HDF IMMO n’a pas pu prouver que des circonstances menaçaient le recouvrement de sa créance au moment de la saisie, ce qui remet en question la légitimité de la saisie conservatoire.

Quels sont les droits d’un preneur en cas de saisie abusive ?

Selon l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution est compétent pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.

Dans le cas d’une saisie abusive, le preneur, ici la société ACM BT, a le droit de contester la saisie et de demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Il est essentiel que le preneur prouve que la saisie a été effectuée de manière abusive, c’est-à-dire sans fondement légitime.

Dans cette affaire, la société ACM BT a soutenu que la saisie était abusive, car elle n’avait pas de loyers impayés au moment de la saisie.

Cependant, le tribunal a conclu que la saisie conservatoire était légitime au moment où elle a été diligentée, ce qui a conduit à débouter la société ACM BT de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive.

Quelles sont les conséquences d’une procédure abusive selon le Code civil ?

L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans le cadre d’une procédure abusive, la partie qui se sent lésée peut demander des dommages et intérêts si elle prouve que l’autre partie a agi de manière fautive.

Dans cette affaire, la société HDF IMMO a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais n’a pas réussi à démontrer le préjudice qu’elle aurait subi.

Le tribunal a donc débouté la société HDF IMMO de sa demande, soulignant que l’abus d’ester en justice n’était pas démontré.

Ainsi, pour qu’une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive soit recevable, il est impératif de prouver à la fois l’abus et le préjudice subi.

Comment sont répartis les dépens dans une procédure judiciaire ?

L’article 696 du Code de procédure civile précise que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans cette affaire, les deux parties ont succombé en leurs demandes respectives.

Le tribunal a donc décidé que chacune des parties conserverait la charge de ses propres dépens, conformément à l’article 696.

Cela signifie que chaque partie doit assumer les frais qu’elle a engagés pour sa défense, sans que l’une d’elles ne soit condamnée à payer les frais de l’autre.

Cette répartition des dépens est courante dans les litiges où les deux parties échouent dans leurs prétentions.

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 06 Février 2025

N° RG 24/00136 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YFCL

DEMANDERESSE :

S.A.S. ACM BT
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Nicolas FRISCOURT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.C.I. HDF IMMO
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Florence MAS, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Anne-Sophie VERITE

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 15 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2024, prorogé au 06 Février 2025

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00136 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YFCL

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 13 mai 2020, la société HDF IMMO a donné à bail à la société ACM BT les locaux – 280 m² d’entrepôt et 30 m² de bureaux – au sein d’un ensemble immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 2].

Fin 2023, la société HDF IMMO a entendu reprendre possession des locaux pour les vendre.

Un contentieux s’est noué entre les deux sociétés, la société ACM BT ne souhaitant pas quitter les lieux sans respect des formes et délais prévus au contrat de bail.

Par acte du 13 février 2024, la société HDF IMMO a fait délivrer à la société ACM BT un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 février 2024, la société HDF IMMO a fait procéder à une saisie conservatoire sur les comptes de la société ACM BT pour obtenir paiement de loyers impayés.

Par exploit en date du 5 mars 2024, la société ACM BT a saisi le juge de l’exécution aux fins de contester cette saisie conservatoire et obtenir des dommages et intérêts pour saisie abusive.

Les parties ont comparu à l’audience du 29 mars 2024.

Après renvois à leurs demandes, pour échanges de leurs conclusions, elles ont été entendues en leurs plaidoiries à l’audience du 15 novembre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A cette audience, la société ACM BT, représentée par son avocat, a formulé les demandes suivantes :
prononcer que les demandes de la SAS ACM BT sont recevables et bien fondées,rejeter les demandes, fins et conclusions de la SCI HDF IMMO,condamner la SCI HDF IMMO à verser à la SAS ACM BT la somme de 170,22 € au titre des frais de Commissaire de Justice payés relatifs au commandement de payer les loyers commerciaux du 13 février 2024,condamner la SCI HDF IMMO à verser à la SAS ACM BT des dommages et intérêts à hauteur de 25 000 € au titre d’abus de saisie,condamner la SCI HDF IMMO à payer à la SAS ACM BT la somme de 5 000 € au titre de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 700 du code de procédure civile,condamner la SCI HDF IMMO aux entiers dépens de l’instance,dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses demandes, la société ACM BT rappelle que si, un mois après avoir fait déloyalement procéder à la saisie conservatoire contestée et une semaine après la décision du Président du Tribunal de commerce stigmatisant les comportements, les agissements intolérables de la société HDF IMMO, celle-ci a fait donner main levée de la saisie conservatoire contestée, elle souhaite rappeler qu’il n’y avait aucun retard de loyer à recouvrer et qu’il n’existait aucune circonstance menaçant le recouvrement des loyers, la société ACM BT ayant, depuis quatre ans, toujours et sans aucun incident réglé les sommes dues.
La société HDF IMMO n’a usé de la saisie conservatoire qu’à des fins détournées, soit pour faire pression sur la société ACM BT pour qu’elle déguerpisse des lieux, alors que rien ne l’y oblige.

La société ACM BT prétend ainsi que l’abus de saisie est particulièrement caractérisé et justifie l’octroi de 25 000 € de dommages et intérêts, les gérants et personnels de la société ACM BT ayant été particulièrement éprouvés par les agissements déloyaux de la société HDF IMMO et de son dirigeant.

En défense, la société HDF IMMO, représentée par son avocat, a pour sa part formulé les demandes suivantes :
rejeter toutes fins, moyens et conclusions, contraires,déclarer la SAS ACM BT irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,déclarer la demande de mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par la société HDF IMMO sans objet,se déclarer incompétent pour trancher la demande de dommages et intérêts de la société ACM BT,condamner la SAS ACM BT à payer à la société HDF IMMO la somme de 3 000 € de dommages et intérêts ,condamner la SAS ACM BT à verser à la société HDF IMMO la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,condamner la SAS ACM BT aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Florence MAS pour les dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Au soutien de ses demandes, la société HDF IMMO fait d’abord valoir que la demande en mainlevée de la saisie conservatoire contestée n’a plus lieu d’être puisqu’il y a été procédé dès le 27 mars 2024, les sommes réclamées ayant finalement été payées.

La société HDF IMMO soutient par ailleurs que cette saisie conservatoire était bien fondée lorsqu’elle a été entreprise puisque deux échéances de loyer étaient alors impayées, étant rappelé que le bail stipule clairement que les loyers étaient dus mensuellement et d’avance.
Or, le 7 février 2024, la société ACM BT a été avertie par mise en demeure que les loyers de janvier et février étaient impayés et que des poursuites seraient entreprises sans régularisation rapide de la situation.
La mesure conservatoire entreprise était donc justifiée et fondée et ne représentait que l’exercice par le bailleur de son droit à percevoir les loyers.

La société HDF IMMO ajoute que, si la créance était certaine, les circonstances menaçant son recouvrement étaient également établies, les comptes bancaires de la société ACM BT n’étant créditeurs, pour l’un, que de 1,13 € et pour l’autre, débiteur de plus de 20 000 €, les difficultés financières de la société ACM BT étant par ailleurs connues de la société HDF IMMO depuis 2021.

La saisie conservatoire initialement contestée était donc fondée et la société ACM BT ne peut réclamer quelques dommages et intérêts que ce soit.

La société HDF IMMO souligne par ailleurs que le juge de l’exécution est incompétent pour accorder des dommages et intérêts sur de prétendus manquements de la société HDF IMMO à ses obligations de bailleurs, manquements prétendus que la société HDF IMMO conteste vigoureusement.
La défenderesse souligne par ailleurs que la société ACM BT ne justifie aucunement du préjudice subi étant rappelé que la saisie conservatoire n’a porté que sur la somme de 1,13 € pendant un mois.

La société HDF IMMO estime enfin subir une procédure infondée et abusive. Elle en demande réparation par allocation de dommages et intérêts.

A l’issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Ce délibéré a dû être prorogé au 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA SAISIE ABUSIVE

Aux termes de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.

Aux termes de l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

L’article L 511-2 du même code précise qu’une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque, des provisions mentionnées au premier alinéa de l’article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, exigibles ou rendues exigibles dans les conditions prévues au même article 19-2, ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

En l’espèce, les parties exposent très longuement dans leurs écritures, par le menu, le contentieux locatif qui les oppose depuis que la SCI HDF IMMO a entendu mettre un terme au bail et obtenir la libération des lieux loués par la société ACM BT alors que celle-ci s’y oppose.

Le juge de l’exécution n’est pas compétent pour accorder des dommages et intérêts qui résulteraient de la non observation par le bailleur de ses obligations envers son preneur.
Il ne peut statuer que sur l’indemnisation d’un dommage causé par l’exécution ou l’inexécution dommageable d’une mesure d’exécution.

Les deux mesures d’exécution évoquées dans cette instance sont :
un commandement de payer les loyers locatifs en date du 13 février 2024,une saisie conservatoire de créances en date du 16 février 2024, dénoncée le 23 févier 2024.
Pour savoir si la société ACM BT peut prétendre à des dommages et intérêts pour saisie abusive et au remboursement des frais de commandement, il convient donc d’abord de savoir si ces actes ont été délivrés de façon légitime.

Les deux actes, commandement de payer et saisie conservatoire, demandent paiement des loyers de janvier et février 2024.

Le bail qui lie les parties stipule :
en son article 11 que : «  Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer mensuel pour la partie bâtiment : 1 500 euros, charges incluses, auquel s’ajoutera la TVA au taux légal en vigueur que le Preneur s’oblige à payer mensuellement et d’avance le premier jour de chaque mois »,en son article 30 que : « une tolérance relative à l’application des clauses et conditions du présent bail ne pourra jamais, quelle qu’ait pu en être la durée ou la fréquence, être considérée comme une modification ou suppression de ces clauses et conditions ».
Dans ces conditions, la société ACM BT devait régler les loyers dus, mensuellement et d’avance, le 1er jour de chaque mois, et ce indépendamment d’une éventuelle tolérance antérieure ayant permis le règlement de ce loyer en fin de mois.

Des pièces produites au dossier, il résulte que le loyer de janvier 2024 n’a été payé que le 23 février 2024, alors que le loyer de février n’a été payé que le 29 février -pièces n° 17 et 18 de la demanderesse.

Dans ces conditions, la société HDF IMMO était en droit de considérer que les loyers de janvier et février étaient impayés et elle a donc pu valablement mettre la société ACM BT en demeure de régler ces sommes par courrier recommandé en date du 7 février 2024 puis faire délivrer un commandement de payer aux fins de paiement de loyers le 13 février 2024.

Le commandement de payer n’a donc pas été délivré abusivement ou de manière simplement infondée de sorte que les frais relatifs à cet acte demeurent à la charge de la société ACM BT qui sera donc déboutée de sa demande en remboursement de ces frais de commandement.

S’agissant de la saisie conservatoire, si la créance réclamée apparaît fondée, le créancier saisissant doit aussi démontrer qu’il existait des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance.
Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00136 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YFCL

Les circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance justifient le recours à la saisie conservatoire et doivent donc lui être antérieures.

Dans ces conditions, le constat, après saisie conservatoire, du caractère débiteur d’un compte ou de la modicité des sommes détenues sur ce compte ne peuvent constituer des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de nature à justifier le recours à une saisie conservatoire.
La société HDF IMMO doit pouvoir justifier de circonstances antérieures à sa saisie conservatoire et pouvant légitimement laisser à penser que la créance pourrait ne pas être recouvrée.

La société HDF IMMO prétend qu’elle connaissait depuis longtemps les difficultés financières de la société ACM BT à laquelle elle avait dû consentir un prêt en 2021 comme elle prétend en justifier par sa pièce n°26.
Cependant, cette pièce n° 26 consiste en une série d’échanges de SMS entre des parties non identifiées et à partir de numéros non identifiés. Cette pièce ne peut justifier de rien du tout.
Par ailleurs, si, au cours de ces échanges, il est évoqué un virement de 20 000 €, il apparaît qu’il s’agirait d’une avance de la société RECYNOV à la société ACM BT et non d’un prêt pour faire face à de quelconques difficultés financières.
Il ne peut résulter de la pièce n°26 que la société ACM BT était connue de la société HDF IMMO pour rencontrer des difficultés financières.

Avant la mise en demeure du 7 février 2024, qui s’inscrit dans le cadre d’un contentieux ouvert entre les deux sociétés, il n’est ni allégué ni démontré que la société ACM BT aurait eu du mal à payer régulièrement ses loyers ou aurait montré des signes de défaillance financière.

Toutefois, le conflit ouvert entre les deux sociétés, la mise en demeure adressée par la société ACM BT le 30 janvier 2024 et le non paiement du loyer de janvier, même à la fin du mois, pouvait laisser à penser que la société ACM BT entendait ne plus régler ses loyers, ce qui a pu justifier le recours à une saisie conservatoire, laquelle a été levée une fois les sommes payées.

Dans ces conditions la saisie conservatoire était légitime au jour où elle a été diligentée.

Par ailleurs, la société ACM BT ne démontre par aucune pièce le préjudice qu’elle aurait subi du fait de la seule saisie conservatoire.

En conséquence, il convient de débouter la société ACM BT de sa demande en remboursement des frais de commandement et de dommages et intérêts pour saisie abusive.

SUR LES DOMMAGES ET INTERÊTS POUR PROCEDURE ABUSIVE

Il résulte de l’article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société ACM BT a subi des actes d’exécution dont elle a le droit de faire examiner la régularité et la légitimité par un juge.

L’abus d’ester en justice n’est aucunement démontré par la société HDF IMMO qui ne démontre pas plus le préjudice qu’elle en aurait subi.

En conséquence, il convient de débouter la société HDF IMMO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

SUR LES DEPENS

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, les parties succombent chacune en leurs demandes.

En conséquence, il convient de dire que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés.
SUR LES FRAIS DE PROCEDURE

Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.

En l’espèce, les parties succombent chacune en leurs demandes et restent tenues de leurs dépens.

En conséquence, il convient de débouter les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE la société ACM BT de sa demande en remboursement des frais de commandement ;

DEBOUTE la société ACM BT de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;

DEBOUTE la société HDF IMMO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R12121 du code des procédures civiles d’exécution ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.

La greffière Le Président

Sophie ARES Damien CUVILLIER

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