L’Essentiel : La société de gestion immobilière a signé un bail commercial avec un restaurateur le 24 mars 2004, pour un local à [Adresse 1]. En mai 2004, un autre restaurateur a acquis le fonds de commerce. Un protocole d’accord a été signé en 2010 pour réhabiliter l’immeuble, et le bail a été renouvelé jusqu’en 2020. Un litige a surgi lorsque le restaurateur a assigné la société de gestion devant le Tribunal judiciaire de Lyon, contestant le refus de renouvellement. Le Tribunal a déclaré nul ce refus, renouvelant le bail à partir de janvier 2021, tout en fixant le loyer à 16.373,57 euros HT HC.
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Contexte du litigeLa société BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER a signé un bail commercial avec la société AU ROCHER D’ORIENT le 24 mars 2004, pour un local à [Adresse 1], à [Localité 4]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, a été établi pour une activité de restaurant, avec un loyer initial de 7.436,00 euros HT HC, augmentant à 11.160,00 euros HT HC à partir du 1er mars 2004. En mai 2004, la société TEPPAN YAKI a acquis le fonds de commerce de ce restaurant. Évolution du bailUn protocole d’accord a été signé le 17 février 2010 entre la société civile immobilière [Adresse 1] et TEPPAN YAKI, en vue d’une réhabilitation de l’immeuble. La société MGMI, successeur de [Adresse 1], a ensuite renouvelé le bail commercial pour la période du 15 juin 2011 au 14 juin 2020, avec un loyer annuel de 14.221,35 euros HT HC. Litige sur le renouvellementUn désaccord sur le renouvellement du bail a conduit TEPPAN YAKI à assigner la société SAE, successeur de MGMI, devant le Tribunal judiciaire de Lyon le 26 octobre 2022. TEPPAN YAKI contestait le refus de renouvellement notifié par SOGEFIP le 2 novembre 2020 et demandait la confirmation de sa demande de renouvellement formulée le 22 octobre 2020. Prétentions de TEPPAN YAKITEPPAN YAKI a demandé au tribunal de déclarer nul le refus de renouvellement, de reconnaître la validité de sa demande de renouvellement, et de fixer le loyer du bail renouvelé à 15.948,58 euros HT HC. En cas de rejet de sa demande, elle a sollicité une expertise judiciaire pour évaluer l’indemnité d’éviction. Réponse de la société SAELa société SAE a soutenu que son refus de renouvellement était valable et justifié par des motifs graves. Elle a également contesté la validité de la demande de renouvellement de TEPPAN YAKI, arguant qu’elle n’avait pas été correctement notifiée. Décision du TribunalLe Tribunal a déclaré nul le refus de renouvellement de SOGEFIP, constatant que la demande de renouvellement de TEPPAN YAKI était régulière. Le bail a été renouvelé à compter du 1er janvier 2021 pour une durée de neuf ans. La demande de fixation du loyer à 15.948,58 euros a été rejetée, le loyer renouvelé étant fixé à 16.373,57 euros HT HC. Conséquences financièresLa société SAE a été condamnée aux dépens de l’instance et à verser 1.500,00 euros à TEPPAN YAKI au titre des frais irrépétibles. La demande d’indemnisation de SAE a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la validité de la demande de renouvellement du bail commercial formulée par le preneur ?La demande de renouvellement du bail commercial doit être conforme aux dispositions de l’article L. 145-10 du Code de commerce, qui stipule : “A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.” Dans cette affaire, la société TEPPAN YAKI a adressé sa demande de renouvellement par lettre recommandée le 22 octobre 2020, respectant ainsi les délais et modalités prescrits par la loi. La société SAE, en tant que bailleur, n’a pas démontré qu’elle avait informé la société TEPPAN YAKI de la fusion-absorption intervenue, ce qui rend la demande de renouvellement régulière. Ainsi, la demande de renouvellement est considérée comme valide. Quelles sont les conséquences de la nullité du refus de renouvellement du bail commercial ?L’article L. 145-10 du Code de commerce précise également que : “Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.” En l’espèce, le refus de renouvellement notifié par la société SOGEFIP ne respecte pas les exigences de l’article précité, car il ne constitue pas un acte extrajudiciaire et ne contient pas les mentions obligatoires. Par conséquent, le Tribunal a déclaré ce refus nul, ce qui entraîne que le bail commercial est réputé renouvelé. Ainsi, le bail commercial est renouvelé à compter du 1er janvier 2021 pour une durée de neuf années. Comment est fixé le montant du loyer du bail commercial renouvelé ?L’article L. 145-34 du Code de commerce stipule que : “A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. À défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.” Dans cette affaire, le montant du loyer renouvelé a été calculé en tenant compte des indices du coût de la construction, car le bail commercial de renouvellement stipule que la révision annuelle se fait par cet indice. Le Tribunal a donc fixé le montant du loyer renouvelé à 16.373,57 euros hors taxes et hors charges, rejetant la demande de la société TEPPAN YAKI qui souhaitait un montant de 15.948,58 euros. Quelles sont les implications des frais de justice dans cette affaire ?L’article 696 du Code de procédure civile dispose que : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » De plus, l’article 700 du même code précise que : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; 2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. » Dans cette affaire, la société SAE, ayant succombé dans ses prétentions, a été condamnée aux entiers dépens, ainsi qu’à verser à la société TEPPAN YAKI la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles. Cela souligne l’importance de la prise en compte des frais de justice dans le cadre des litiges commerciaux. |
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 H
N° RG 22/09310 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XJET
Jugement du 06 février 2025
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Timo RAINIO – 1881
la SCP VALLEROTONDA GENIN THUILLEAUX & ASSOCIES – 761
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 06 février 2025 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 05 février 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 03 octobre 2024 devant :
Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. TEPPAN YAKI
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 4]
représentée par Maître Nathalie GENIN-BOURGEOIS de la SCP VALLEROTONDA GENIN THUILLEAUX & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.C.I. SAE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 3]
représentée par Maître Timo RAINIO, avocat au barreau de LYON, et Maître Mickaël BENMUSSA de la SELARL MICKAËL BENMUSSA, avocats au barreau de PARIS
Faits et procédure
Suivant acte sous seing privé signé le 24 mars 2004, la société à responsabilité limitée BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER a consenti un bail commercial à la société à responsabilité limitée AU ROCHER D’ORIENT sur un local situé au numéro [Adresse 1], dans le [Localité 4], pour une durée de neuf années (du 15 juin 2002 au 14 juin 2011) pour y exploiter une activité de “restaurant – traiteur – salon de thé”, moyennant un loyer annuel de 7.436,00 euros hors taxes et hors charges (HT HC ci-après) jusqu’au 29 février 2004, puis de 11.160,00 euros HT HC à compter du 1er mars 2004.
La société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI a acquis le fonds de commerce de restaurant exploité à l’adresse susdite par acte authentique reçu le 26 mai 2004 par Maître [W] [D], notaire associée.
Un protocole d’accord a été conclu par acte sous seing privé du 17 février 2010 entre la société civile immobilière [Adresse 1], venue aux droits de la société BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER, et la société TEPPAN YAKI, subrogée dans les droits de la société AU ROCHER D’ORIENT en prévision d’une réhabilitation de l’immeuble.
La société civile immobilière MGMI, venue aux droits de la société [Adresse 1], a régularisé avec la société TEPPAN YAKI un contrat de bail commercial de renouvellement sur la période du 15 juin 2011 au 14 juin 2020, moyennant un loyer annuel de 14.221,35 euros HT et HC.
Compte tenu d’un désaccord sur le renouvellement du bail commercial susvisé, la société TEPPAN YAKI a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de LYON la société civile immobilière SAE (venue aux droits de la société MGMI) par acte de commissaire de justice signifié le 26 octobre 2022, aux fins, pour l’essentiel, de faire confirmer la validité de la demande de renouvellement du bail commercial formulée le 22 octobre 2020, le renouvellement subséquent dudit contrat à compter du 1er janvier 2021 et le montant du loyer du bail renouvelé.
La clôture de l’instruction est intervenue par ordonnance en date du 5 février 2024. L’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie en formation à juge unique du 3 octobre 2024, à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 6 février 2025.
Prétentions et moyens
Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 5 novembre 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI demande au Tribunal :
A titre principal,
in limine litis, de déclarer nul le refus de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 adressé par la société SOGEFIP par courrier recommandé du 2 novembre 2020,au fond et en conséquence, juger qu’elle a valablement demandé le renouvellement du bail commercial dont elle bénéficie selon acte de renouvellement du 15 juin 2011, par demande formée le 22 octobre 2020, juger que le bail renouvelé doit prendre effet à compter du 1er janvier 2021 pour une nouvelle période de 9 ans, juger que le montant du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er janvier 2021 doit être fixé conformément aux dispositions de l’article L 145-34 du Code de commerce, soit à la somme de 15.948,58 € hors taxe et hors charges (quinze mille neuf cent quarante-huit euros et cinquante-huit centimes),A titre subsidiaire, si le tribunal devait considérer non valable la demande de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 formée par courrier recommandé du 22 octobre 2020,
juger que le courrier recommandé de la société SOGEFIP adressé à la S.A.R.L. TEPPAN YAKI le 2 novembre 2020 pour s’opposer au renouvellement du bail ne peut être considéré comme un congé sans offre de renouvellement, juger que le bail commercial du 15 juin 2011 de la S.A.R.L. TEPPAN YAKI s’est tacitement prolongé, A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait considérer valable la demande de renouvellement de bail commercial formé par courrier recommandé du 22 octobre 2020 et le refus de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 opposé par courrier recommandé de la société SOGEFIP du 2 novembre 2020,
ordonner avant dire droit une expertise judiciaire pour que soient donnés à la juridiction tous éléments lui permettant de fixer l’indemnité d’éviction à laquelle la locataire sortante à droit, en désignant tel expert qu’il plaira avec mission habituelle en pareil matière, En tout état de cause,
condamner la S.C.I. SAE venant aux droits de la S.C.I. MGMI à lui verser la somme de 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner la même aux entiers dépens de l’instance distrait aux profits de la SCP VALLEROTONDA GENIN et ASSOCIES, avocat sur son affirmation de droit.
In limine litis, en vertu des articles L. 145-9 et L. 145-10 du Code de commerce, la société TEPPAN YAKI dénonce la nullité du refus de renouvellement qui lui a été adressé, le signataire n’étant pas le bailleur, le courrier ne mentionnant pas les modalités de recours et le refus ne lui ayant pas été signifié par acte extra-judiciaire. En réponse aux moyens adverses, elle soutient que qu’elle n’est pas tenue de justifier d’un grief. Elle fait également valoir que la délivrance de la demande de renouvellement par son conseil en son nom et pour son compte n’est pas contraire aux dispositions du Code de commerce. Elle indique qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir adressé le courrier au bailleur effectif, dès lors que celui-ci ne démontre pas qu’il a dûment porté à sa connaissance l’identité de la structure nouvellement propriétaire des murs. Elle estime, par ailleurs et si la demande de renouvellement devait être déclarée irrégulière, que le bail a nécessairement été prolongé tacitement à compter du 15 juin 2011. Elle écarte tout manquement légitimant l’opposition du bailleur au renouvellement du contrat. Se fondant sur la réforme du 4 août 2008 et sur les disposition de l’article L. 145-12 alinéa 3 du Code de commerce, elle considère que le renouvellement doit prendre effet au 1er janvier 2021.
A titre accessoire, elle évalue le loyer renouvelé à la somme de 15.948,58 euros HT et HC, par comparaison des indices des loyers commerciaux du quatrième trimestre 2010 et du deuxième trimestre 2020, ce en application de l’article L. 145-34 du Code de commerce.
A titre subsidiaire, elle affirme que les refus de renouvellement du bail commercial et de paiement d’une indemnité d’éviction ne sont pas justifiés. Elle précise que le départ contraint des locaux lui occasionnera un préjudice important et qu’il convient, de ce fait, d’ordonner une expertise aux fins de le chiffrer.
Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 30 novembre 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société civile immobilière SAE demande au Tribunal :
à titre principal, de juger qu’en qualité de bailleur, elle a valablement notifié un refus à la demande de renouvellement de la société TEPPAN YAKI, juger en conséquence que le bail renouvelé en date du 15 juin 2011 a pris fin, juger qu’elle justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre de TEPPAN YAKI, en conséquence juger qu’elle n’est pas tenue au paiement d’une indemnité d’éviction,à titre subsidiaire, juger que la demande de renouvellement notifiée par la société TEPPAN YAKI en date du 22 octobre 2020 n’est pas valable, en conséquence juger que le bail renouvelé en date du 15 juin 2011 s’est tacitement poursuivi depuis le 14 juin 2020,en tout état de cause, condamner la société TEPPAN YAKI aux frais et dépens de la présente instance, condamner la société TEPPAN YAKI à lui payer la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Citant les dispositions des articles L. 145-10 du Code de commerce et 114 du Code de procédure civile, la société SAE soutient que le refus opposé à la demande de renouvellement du bail commercial est valable, la société SOGEFIP, expéditeur du courrier, étant son représentant légal. Elle considère, à cet égard, que la société TEPPAN YAKI est irrecevable à soulever une exception de nullité, à défaut de l’avoir soulevée d’office et de démonstration du grief subi.
Elle fait valoir, à l’appui de l’article L. 145-17 du Code de commerce, que le refus de renouvellement est justifié par des manquements graves et répétés du preneur.
A titre subsidiaire, elle affirme, en vertu des articles L. 145-8 à L. 145-10 du Code de commerce, que la demande de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 est irrégulière, à défaut d’avoir été adressée par acte extra-judiciaire au bailleur effectif.
Il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. En outre, conformément à l’article 768 du code de procédure civile, le Tribunal est tenu de statuer sur les seules prétentions énoncées au dispositif et d’examiner uniquement les moyens invoqués dans la discussion. Les demandes de « déclarer », de » dire et juger », de « constater », de « prendre acte » ou de « préserver des droits » ne constituant pas des revendications au sens du Code de procédure civile, sauf exceptions liées à une rédaction erronée de la demande, il n’y sera pas apporté de réponse dans le dispositif.
Sur les demandes de la société TEPPAN YAKI
Sur le renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011
Sur la régularité de la demande de renouvellement formée par la société TEPPAN YAKI
L’article L. 145-8 du Code de commerce énonce que :
“Le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux.
Le fonds transformé, le cas échéant, dans les conditions prévues à la section 8 du présent chapitre, doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation telle qu’elle est prévue à l’article L. 145-9, cette dernière date étant soit la date pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.”
En l’occurrence, par acte sous seing privé, le bail commercial portant sur le local situé au numéro [Adresse 1] à [Localité 4], initialement conclu le 24 mars 2004 entre la société BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER (aux droits de laquelle sont venues la société civile immobilière [Adresse 1], puis la société civile immobilière MGMI) a été renouvelé pour une durée de neuf années, soit jusqu’au 14 juin 2020 (pièce n°7 du demandeur).
Cet élément n’est pas contesté par la société civile immobilière SAE.
Aux termes d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 22 octobre 2020 à la société civile immobilière MGMI, Maître Nathalie GENIN-BOURGEOIS, conseil de la société TEPPAN YAKI indique en ces termes :
“Par la présente, au nom et pour le compte de la S.A.R.L. TEPPAN YAKI[1], inscrite au RCS de Lyon sous le numéro 453 4000 434 dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 4], est sollicité le renouvellement du bail commercial dont bénéficie la S.A.R.L. TEPPAN YAKI et ce conformément aux dispositions des articles L. 145-9 et L. 145-10 du Code de commerce.”
[1] Mention soulignée par le Tribunal
A cet égard, si l’article L. 145-8 du Code de commerce octroie au seul propriétaire du fonds le bénéfice d’un renouvellement éventuel du bail commercial, la lettre du texte ne fait pas obstacle à l’envoi de la demande afférente par un représentant agissant pour son compte.
De ce fait, l’envoi de la demande de renouvellement du bail commercial par le conseil de la société TEPPAN YAKI en son nom et pour son compte ne s’avère pas irrégulier.
* * *
La demande de renouvellement du bail commercial ne peut être délivré par le preneur à bail que dans les délais et suivant les modalités prévues par l’article L 145-10 du code de commerce pris dans la version applicable à la date de la demande de renouvellement.
Les alinéas un à trois de l’article précité, applicables à compter du 8 août 2015 (la demande de renouvellement ayant été formulée le 22 octobre 2020), énonce que :
“A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.
Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci-dessous.”
Dans le cas présent, la demande de renouvellement du bail commercial a été adressée par lettre recommandée réceptionnée le 26 octobre 2020 par la société MGMI, qui était le bailleur à la signature du bail commercial de renouvellement courant à compter du 15 juin 2011.
La société SAE ne démontrant pas qu’elle a informé la société TEPPAN YAKI de la fusion-absorption intervenue au cours de l’année 2014 (au sujet de laquelle il n’est, au demeurant, pas produit de justificatifs), elle ne peut légitimement lui reprocher de ne pas lui avoir personnellement adresser la demande précitée.
A cet égard, l’argument tenant à la signification de l’assignation au fond à la société SAE est inopérant, En effet, l’introduction de l’instance étant intervenue deux années après l’envoi du courrier recommandé par Maître GENIN-BOURGEOIS, il ne peut en être déduit que la société TEPPAN YAKI avait connaissance de cette information à la date de la demande de renouvellement.
Les formes prescrites par l’article L. 145-10 du Code de commerce ayant été respectées, la demande de renouvellement du bail commercial adressée pour le compte de la société TEPPAN YAKI apparaît régulière.
Sur la régularité du refus de renouvellement opposé par la société SOGEFIP
Il est observé, à titre liminaire, que la nullité du refus de renouvellement du bail commercial soulevée par la société TEPPAN YAKI relève des irrégularités de fond, si bien que les dispositions de l’article 112 du Code de procédure civile ne lui sont pas applicables.
Au reste, le Tribunal étant saisi des demandes reprises dans le dispositif des dernières conclusions récapitulatives notifiées par les parties en amont de la clôture de l’instruction, la nullité éventuellement encourue a été couverte par les conclusions déposées le 5 novembre 2023 par la société demanderesse.
Sur ce, l’article L. 145-10 du Code de commerce, pris dans la rédaction applicable à compter 8 août 2015, énonce aux alinéas 4 et 5 que :
“Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.”
Il est constant que les dispositions de l’article 114 du Code de procédure civile ne s’appliquent pas aux actes extra-judiciaires (voir notamment Civ. 1ère, 5 mars 2002, n°00-13.511).
En l’occurrence, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 2 novembre 2020, la société SOGEFIP a notifié à la société TEPPAN YAKI un refus de renouvellement du bail commercial arrivé à terme le 14 juin 2020.
Or, ce courrier, qui ne constitue en outre pas un acte extrajudiciaire, ne comprend pas les mentions prescrites par l’article L. 145-10 du Code de commerce.
De ce fait, le refus de renouvellement sera déclaré nul, ce sans qu’il n’apparaisse nécessaire de questionner l’identité de la société SOGEFIP, à l’origine du courrier de refus litigieux.
Sur la date de renouvellement du bail commercial
L’article L. 145-12 alinéa 3 du Code de commerce énonce que “le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande”.
Le bail commercial applicable à compter du 15 juin 2011 s’étant prolongé tacitement du 15 juin 2020 au 22 octobre 2020, il y a lieu de fixer la date de renouvellement au 1er janvier 2021 pour une durée de neuf années.
Sur la demande de fixation du loyer du bail commercial renouvelé
Aux termes de l’article R. 145-23 du Code de commerce :
“Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble.”
Il infère que le présent Tribunal est compétent pour statuer sur la demande accessoire de fixation du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er janvier 2021.
* * *
L’article L. 145-34 du Code de commerce énonce que :
“A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.”
A cet égard, il a été précisé dans la réponse ministérielle n°38387 du 10 mars 2009 que l’indice de référence des loyers commerciaux, instauré par la loi du 4 août 2008, ne pourrait remplacer l’indice actuel que si les deux parties, bailleur et locataire, y consentaient.
En l’espèce, le bail commercial de renouvellement appliqué à compter du 15 juin 2011 mentionne à l’article 6 que la révision annuelle de plein droit intervient par application de l’indice du coût de la construction, et non de l’indice de révision des loyers commerciaux.
La société SAE n’ayant pas expressément consenti à l’application de ce nouvel indicateur, il y a lieu de retenir les derniers indice du coût de la construction publié par l’INSEE aux dates de prise d’effet et de renouvellement, soit :
la valeur de 1533 parue au journal officiel le 10 avril 2011 ;la valeur de 1765 parue au journal officiel le 23 décembre 2020.
Le montant du loyer renouvelé s’établit ainsi à la somme de 16.373,57 euros hors taxes et hors charges.
Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de fixation du loyer renouvelé au montant de 15.948,58 euros hors taxes et hors charges.
Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
L’article 699 du même code énonce que :
“Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.”
Succombant principalement à l’instance, la société SAE sera condamnée aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP VALLEROTONDA GENIN ET ASSOCIES.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile :
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.”
Condamnée aux dépens, la société SAE sera également condamnée à payer à la société TEPPAN YAKI la somme de 1.500,00 euros en indemnisation des frais irrépétibles.
La société SAE sera déboutée de la demande formée sur ce même fondement.
Le Tribunal statuant publiquement en formation à juge unique après débats publics par jugement rendu contradictoirement en premier ressort et mis à disposition au Greffe,
Déclare nul le refus de renouvellement du bail commercial adressé le 2 novembre 2020 par la société par actions simplifiée SOGEFIP à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI ;
Constate que le bail commercial portant sur le local d’une surface d’environ 160 m² avec cave, au rez-de-chaussée de l’immeuble situé au numéro [Adresse 1] – [Localité 4], liant la société civile immobilière SAE en qualité de bailleur à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI en qualité de preneur est renouvelé à compter 1er janvier 2021 pour une durée de neuf années ;
Rejette la demande de la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI tendant à la fixation du loyer du bail commercial renouvelé au montant de 15.948,58 euros hors taxes et hors charges ;
Condamne la société civile immobilière SAE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la société civile professionnelle VALLEROTONDA GENIN ET ASSOCIES ;
Condamne la société civile immobilière SAE à payer à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande d’indemnisation formée par la société civile immobilière SAE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
En foi de quoi la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART, ont signé la présente décision,
La Greffière La Présidente
Jessica BOSCO BUFFART Marlène DOUIBI
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