Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Dijon
Thématique : Responsabilité notariale et conséquences fiscales d’une succession mal conseillée
→ RésuméDécès de M. [L] [F] et donationM. [L] [F] est décédé le [Date décès 2] 1994, ayant consenti une donation à son conjoint survivant, Mme [K] [F], le 12 octobre 1967. Le notaire Me [B] [X] a reçu, le 16 février 1995, la déclaration d’option de Mme [K] [F], qui a choisi l’usufruit de l’ensemble des biens. Succession de Mme [K] [F]Après le décès de Mme [K] [F] le [Date décès 6] 2015, Me [X] a déposé la déclaration de succession le 23 juillet 2015, mentionnant M. [C] [F] et M. [R] [F] comme héritiers, chacun pour moitié. La déclaration incluait une créance de restitution de 128.354,54 euros, représentant la moitié des avoirs mobiliers de la communauté au décès de M. [L] [F]. Proposition de rectification fiscaleLe 24 avril 2018, l’administration fiscale a proposé une rectification à M. [R] [F], remettant en cause la déduction de la créance de restitution, en l’absence d’une convention de quasi-usufruit. La réclamation des héritiers a été rejetée le 16 juillet 2019, et ils ont payé les sommes dues à la direction générale des finances publiques. Assignation de la direction générale des Finances publiquesLe 20 septembre 2019, M. [C] et M. [R] [F] ont assigné la direction générale des Finances publiques pour obtenir le dégrèvement des sommes mises en recouvrement, totalisant 25.484 euros, ainsi que des pénalités de 3.313 euros. Responsabilité des notairesLes héritiers ont également assigné Me [B] [X], Me [N] [D] et la SCP [N] [D] [16] pour obtenir réparation du préjudice subi, arguant que les notaires n’avaient pas informé correctement Mme [F] et ses fils des conséquences fiscales de l’option choisie. Le juge a suspendu la procédure en attendant la décision sur l’administration fiscale. Jugement du tribunal judiciaire de DijonLe 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a débouté les consorts [F] de leurs demandes contre l’administration fiscale, sans appel interjeté. Les consorts [F] ont maintenu leurs demandes dans leurs conclusions de janvier 2024. Conclusions des notairesLes notaires ont demandé à être mis hors de cause et ont contesté les demandes des consorts [F], tout en sollicitant des frais de justice. L’affaire a été mise en délibéré pour une audience prévue en janvier 2025. Responsabilité et préjudiceLe tribunal a examiné la responsabilité des notaires, concluant qu’ils avaient manqué à leur devoir de conseil, ce qui a entraîné un préjudice financier pour les héritiers. Les notaires ont été jugés responsables du redressement fiscal et des pénalités encourues. Condamnation des notairesLe tribunal a condamné solidairement Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16] à verser 25.484 euros aux héritiers pour le redressement fiscal, ainsi qu’une somme de 4.000 euros pour le préjudice financier. Ils ont également été condamnés aux dépens et à verser 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire a été ordonnée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de DIJON
1ère Chambre
MINUTE N°
DU : 31 Janvier 2025
AFFAIRE N° RG 19/02986 – N° Portalis DBXJ-W-B7D-GZQW
Jugement Rendu le 31 JANVIER 2025
AFFAIRE :
[C] [F]
[R] [F]
C/
S.C.P. [D]-[16]
[B] [X]
[N] [D]
ENTRE :
Monsieur [C] [F]
né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 13], de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
représenté par Maître Valérie GROSJEAN de la SELARL VG CONSEIL, avocats au barreau de DIJON plaidant
Monsieur [R] [F]
né le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 15], de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Valérie GROSJEAN de la SELARL VG CONSEIL, avocats au barreau de DIJON plaidant
DEMANDEURS
ET :
S.C.P. [D]-[16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12], immatriculée au RCS de Dijon sous le n° [N° SIREN/SIRET 8]
dont le siège social est sis [Adresse 14]
représentée par Maître Thibaud NEVERS, avocat au barreau de DIJON plaidant
Maître [B] [X], notaire honoraire, anciennement associé de la SCP [B] [X], [12]
demeurant [Adresse 7]
représenté par Maître Thibaud NEVERS, avocat au barreau de DIJON plaidant
Maître [N] [D], notaire associé de la SCP [N] [D] [16]
demeurant [Adresse 7]
représenté par Maître Thibaud NEVERS, avocat au barreau de DIJON plaidant
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
DEBATS :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Chloé GARNIER, Vice-Présidente, chargée du rapport, et Monsieur Nicolas BOLLON, Vice-président
Greffier : Madame Marine BERNARD
Ouï les avocats des parties en leurs plaidoiries ;
DELIBERE :
– au 31 janvier 2025
– Le magistrat chargé du rapport a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, le tribunal étant alors composé de :
Présidente : Madame Chloé GARNIER, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur Nicolas BOLLON, Vice-président
: Madame Sabrina DERAIN, Juge
JUGEMENT :
– prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– Contradictoire
– en premier ressort
– rédigé par Madame Chloé GARNIER
– signé par Madame Chloé GARNIER Présidente et Madame Marine BERNARD Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrée le
à
Maître Thibaud NEVERS
Maître Valérie GROSJEAN de la SELARL VG CONSEIL
EXPOSÉ DU LITIGE
Suite au décès de M. [L] [F] le [Date décès 2] 1994 qui avait consenti une donation à son conjoint survivant le 12 octobre 1967, Me [B] [X], notaire en résidence à [Localité 11], a reçu le 16 février 1995 la déclaration d’option du conjoint survivant, Mme [K] [F], qui a opté pour l’usufruit de la totalité des biens.
Suite au décès de Mme [K] [F] le [Date décès 6] 2015, Me [X] a déposé le 23 juillet 2015 la déclaration de succession, mentionnant M. [C] [F] et M. [R] [F], en qualité d’héritiers chacun pour moitié des biens de la succession, et reprenant une créance de restitution de 128.354,54 euros inscrite au passif successoral représentant la moitié des avoirs mobiliers détenus par la communauté au jour du décès de M. [L] [F].
L’administration fiscale a adressé le 24 avril 2018 à M. [R] [F], fils des défunts, une proposition de rectification fiscale remettant en cause la déduction de la créance de restitution en l’absence de transmission d’une convention de quasi-usufruit enregistrée ou notariée. La réclamation des deux fils du couple [F] a été rejetée par décision du 16 juillet 2019.
Messieurs [F] ont versé les sommes dues, soit 28.797 euros, à la direction générale des finances publiques les 22 février et 12 mars 2019.
Par acte du 20 septembre 2019, messieurs [C] et [R] [F] ont fait assigner la direction générale des Finances publiques de Provence Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches du Rhône aux fins de voir prononcer le dégrèvement des sommes mises en recouvrement soit 25.484 euros et 3.313 euros de pénalités (dossier enregistré sous le RG n°19/02634).
Considérant que les notaires n’ont pas suffisamment informé Mme [F] et ses fils des conséquences fiscales de l’option et du risque de requalification par l’administration fiscale, messieurs [C] et [R] [F] ont fait assigner Me [B] [X], Me [N] [D] et la SCP [N] [D] [16], notaires associés devant le tribunal de grande instance de Dijon les 26 septembre et 14 octobre 2019 aux fins de les voir condamner solidairement au paiement d’une somme de 25.484 euros au titre du préjudice subi et une somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral et financier, ainsi qu’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Selon ordonnance du 8 octobre 2020, le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive à intervenir dans le cadre de l’instance contre l’administration fiscale, pendante devant le tribunal judiciaire de Dijon.
Par jugement du 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a débouté les consorts [F] de leurs demandes à l’encontre de l’administration fiscale (RG n°19/02634). Aucun appel n’a été interjeté.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2024, les consorts [F] maintiennent leurs demandes.
Par conclusions notifiées le 16 février 2024, Me [B] [X], Me [N] [D] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la société [B] [X], [12], souhaitent voir :
– mettre hors de cause Me [D] ;
– débouter les consorts [F] de leurs demandes ;
– condamner in solidum les consorts [F] à leur verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, recouvrés par la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE ;
– écarter l’exécution provisoire de droit.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la juridiction se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 mai 2024, l’affaire a été fixée pour plaidoirie à l’audience du 13 janvier 2025 et mise en délibéré au 31 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Met hors de cause Me [N] [D] à titre personnel ;
Constate que Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12], ont commis une faute au titre de leur devoir d’information et de conseil à l’égard de messieurs [C] et [R] [F] ;
Condamne solidairement Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12] à régler une somme de 25.484 euros (vingt cinq mille quatre cent quatre-vingt quatre euros) à messieurs [C] et [R] [F] au titre du redressement fiscal subi du fait de la faute commise ;
Condamne solidairement Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12] à régler une somme de 4.000 euros (quatre mille euros) à messieurs [C] et [R] [F] en réparation de leur préjudice financier au titre du contentieux engagé avec l’administration fiscale ;
Condamne solidairement Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12] aux entiers dépens ;
Rejette les plus amples demandes ;
Condamne solidairement Me [B] [X] et la SCP [N] [D] [16], venant aux droits de la SCP [B] [X], [12] à régler une somme de 3.000 euros (trois mille euros) à messieurs [C] et [R] [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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