Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Évaluation du taux d’incapacité suite à un accident du travail : prise en compte des antécédents médicaux et des séquelles psychologiques.
→ RésuméAccident du travail de Mme [E] [Y]Le 22 décembre 2018, Mme [E] [Y], employée en tant que vendeuse par la société [3], a subi un accident du travail en chutant alors qu’elle se dirigeait vers la caisse avec les bras chargés. La déclaration de l’accident a été faite le 28 décembre 2018, et un certificat médical initial a été établi le 21 janvier 2019, indiquant un traumatisme au genou droit. Prise en charge et évolution de l’état de santéL’accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4]. Un certificat médical du 23 avril 2019 a révélé une nouvelle lésion, une tendinopathie patellaire droite post-traumatique, qui a également été reconnue comme liée à l’accident. L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé le 14 octobre 2021, avec un certificat final mentionnant des séquelles persistantes et un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 4 %. Contestation du taux d’incapacitéLe 19 octobre 2022, la caisse a notifié à Mme [Y] l’attribution d’un taux d’IPP de 4 %. En réponse, elle a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA), qui a confirmé ce taux lors de sa séance du 30 mars 2023. Mme [Y] a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen le 15 mai 2023. Jugement du tribunal judiciaireLe 12 février 2024, le tribunal a fixé le taux d’IPP à 9 %, dont 3 % au titre du taux professionnel, et a condamné la caisse à verser 1 000 euros à l’assurée. Cette décision a été notifiée le 20 mars 2024, et Mme [Y] a interjeté appel le 9 avril 2024. Prétentions de Mme [Y] en appelDans ses conclusions du 6 décembre 2024, Mme [Y] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de fixer son taux d’IPP à 30 %, ou à un taux supérieur à 9 %. Elle a également sollicité une expertise médicale et la condamnation de la caisse à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a soutenu que le taux d’IPP ne devait pas être limité à 6 % en raison de l’impact de l’accident sur son état psychologique. Réponse de la caisseLa caisse a demandé le débouté de Mme [Y], affirmant que l’évaluation du taux d’IPP avait pris en compte un état antérieur. Elle a précisé que le barème ne prévoyait pas d’indemnisation pour la persistance des douleurs et a contesté la demande de majoration du taux pour les séquelles psychologiques, soulignant l’absence d’avis d’un psychiatre. Évaluation du taux d’incapacité permanente partielleLa cour a rappelé que le taux d’incapacité permanente est déterminé selon divers critères, y compris l’état antérieur de la victime. Elle a constaté que l’accident avait aggravé un état pathologique antérieur, mais a confirmé que le taux d’IPP avait été correctement évalué à 6 % en raison des séquelles anatomiques. Confirmation du jugement et fraisLa cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Rouen, maintenant le taux d’IPP à 9 % et déboutant Mme [Y] de sa demande d’indemnisation supplémentaire. Elle a également condamné Mme [Y] aux dépens d’appel. |
N° RG 24/01299 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JUB4
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 31 JANVIER 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00423
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 12 Février 2024
APPELANTE :
Madame [E] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE RED
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 10 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 31 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 22 décembre 2018, Mme [E] [Y] ( l’assurée) a été victime d’un accident du travail alors qu’elle était employée par la société [3] en qualité de vendeuse. La déclaration d’accident du travail établie le 28 décembre 2018, transmise par la société indiquait ‘ se dirigeait vers la caisse les bras chargés, chute’.
Le certificat médical initial établi le 21 janvier 2019 mentionnait ‘traumatisme genou droit, oedème, probable contusion rotulienne + douleur interligne interne’.
Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] ( la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’assurée a ensuite adressé un certificat médical du 23 avril 2019 mentionnant une lésion nouvelle soit une ‘tendinopathie patellaire droit post traumatique’; laquelle, après instruction, a fait l’objet d’un accord de prise en charge au titre de l’accident du travail du 22 décembre 2018.
L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé le 14 octobre 2021. Le certificat médical final mentionnait ‘les séquelles de l’accident de travail pour contusion du genou droit sur état antérieur symptomatique consistent en des gonalgies droites persistantes avec diminution des amplitudes articulaires notamment en flexion. IP:4%’
Par courrier du 19 octobre 2022, la caisse a notifié à l’assurée l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle ( IPP) de 4 %.
L’assurée a saisi la commission médicale de recours amiable ( CMRA) en contestation de ce taux.
En sa séance du 30 mars 2023, la CMRA a confirmé le taux.
L’assurée a saisi le 15 mai 2023 le tribunal judiciaire de Rouen.
Par jugement du 12 février 2024, le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen a :
– fixé dans les rapports entre la caisse et Mme [Y] le taux d’IPP de cette dernière à 9% à la date de consolidation le 14 octobre 2021, dont 3 % au titre du taux professionnel,
– condamné la caisse à verser à l’assurée la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la caisse aux dépens.
La décision a été notifiée à l’assurée le 20 mars 2024 et elle en a relevé appel le 9 avril suivant.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 10 décembre 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises le 6 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience, Mme [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de statuer à nouveau et de :
– fixer son taux d’IPP à 30% et, à défaut, fixer ce taux d’IPP au taux que la cour voudra arbitrer et qui sera supérieur à 9 %,
– subsidiairement, ordonner une expertise médicale et surseoir à statuer,
– en tout état de cause, condamner la caisse à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
Au soutien de ses demandes, l’assurée soutient que le taux d’IPP, dans sa composante anatomique, ne peut être limité à 6% en ce que la flexion de son genou est limitée à 100/110, de sorte que le taux doit être compris entre 5% et 15% ; que les douleurs doivent en outre être prises en compte.
Elle constate que pour limiter ce taux à 6%, les premiers juges ont tenu compte d’un état antérieur, que cependant celui-ci ne saurait limiter le taux anatomique en ce que le barème d’évaluation précise que si l’accident révèle un était pathologique antérieur et l’aggrave, il convient d’indemniser l’aggravation résultant du traumatisme.
Elle précise que l’accident a eu des conséquences sur son psychisme et a détérioré son état psychologique ; qu’une psychothérapie a été mise en place ; que tant ses médecins que son entourage attestent des répercussions psychologiques.
Elle considère que peu importe que la caisse ne se soit pas prononcée sur l’imputabilité de ces lésions dans le cadre d’un certificat médical pour nouvelle lésion puisque cette lésion étant survenue avant la date de consolidation, elle est présumée imputable à l’accident du travail sauf si la caisse apporte la preuve que celle-ci a une cause totalement étrangère au travail.
L’assurée soutient qu’en conséquence il convient de se référer au barème des maladies professionnelles qui prévoit une évaluation minimale de 10% supplémentaire concernant les troubles psychologiques.
En dernier lieu, elle considère qu’il convient d’ajouter un taux professionnel qui devra être au minimum de 10 % en ce qu’elle n’a pu reprendre son emploi, qu’elle a tenté de reprendre une activité commerciale mais que cela lui a été difficile, qu’elle a en conséquence mis en oeuvre une reconversion professionnelle lui offrant des postes administratifs se conciliant avec son état.
Par dernières conclusions remises le 10 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de débouter l’assurée de ses demandes.
La caisse précise que l’évaluation faite par le médecin conseil a tenu compte d’un état antérieur interférent. Elle précise que le barème ne prévoit pas d’indemnisation spécifique au titre de la persistance de douleurs et d’une gêne.
Elle s’oppose à la demande de majoration du taux au titre des séquelles psychologiques indiquant d’une part que celles-ci ne sont pas décrites dans leur nature, dans leur intensité et qu’elle n’a jamais eu à se prononcer sur leur éventuelle imputabilité à l’accident du travail et, d’autre part, que pour que la présomption d’imputabilité puisse s’appliquer, il est nécessaire que ces lésions soient mentionnées au sein des divers certificats médicaux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La caisse précise qu’il convient d’appliquer le barème d’invalidité des accidents du travail et non celui des maladies professionnelles, tel qu’allégué par l’assurée ; que celui-ci précise que seul un psychiatre peut estimer valablement le déficit psychique de l’assurée ; qu’en l’espèce, cette dernière ne justifie pas avoir consulté de médecin psychiatre.
Concernant le taux professionnel, la caisse observe que l’assurée ne produit ni l’avis du médecin du travail concluant à une éventuelle inaptitude à son poste, ni la preuve de la perte de salaire engendrée par l’exercice d’une nouvelle activité professionnelle résultant des conséquences de l’accident, de sorte que l’incidence professionnelle alléguée n’est pas établie.
Elle n’exprime pas de désaccord avec la décision des premiers juges qui ont considéré que les éléments produits établissaient une limitation des aptitudes de l’assurée à occuper certains emplois physiques et qui a majoré le taux à 9%.
En dernier lieu, la caisse s’oppose à la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise considérant qu’il n’appartient pas à la cour de suppléer la carence de l’assurée dans l’administration de la preuve.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 12 février 2024 ;
Y ajoutant :
Déboute Mme [E] [Y] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [E] [Y] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Laisser un commentaire