Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Reconnaissance de la nationalité française : exigences de preuve et validité des documents d’état civil étrangers.
→ RésuméContexte de la Déclaration de NationalitéLe 25 août 2021, Monsieur [X] [F] [V], né le 16 novembre 2003 à [Localité 2] en Guinée, a déposé une déclaration pour acquérir la nationalité française au tribunal judiciaire de Poitiers, conformément à l’article 21-12 du code civil. Refus d’EnregistrementLe 8 décembre 2021, sa demande a été rejetée, le tribunal considérant que le jugement supplétif du tribunal de première instance de Dixinn, produit par Monsieur [V], n’était pas probant. Ce jugement manquait de motivation et ne respectait pas l’ordre public international français, en plus de l’absence d’un certificat de non-recours. Assignation en JusticeEn réponse à ce refus, Monsieur [V] a assigné le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes le 19 septembre 2022, demandant l’annulation de la décision de refus et la reconnaissance de sa nationalité française. Arguments de Monsieur [V]Dans ses conclusions, Monsieur [V] a affirmé remplir les conditions de l’article 21-12 du code civil, ayant été confié à l’aide sociale à l’enfance en France pendant plus de trois ans. Il a également soutenu que le jugement supplétif était motivé et légalisé, et qu’il possédait une carte d’identité consulaire valide. Position du Ministère PublicLe ministère public a contesté la validité du jugement supplétif, arguant qu’il n’était pas une expédition authentique et manquait de motivation. Il a également souligné que les documents produits n’étaient pas correctement légalisés, ce qui les rendait inopposables en France. Examen des Conditions de NationalitéLe tribunal a examiné les conditions requises pour la déclaration de nationalité, notamment la nécessité de fournir un acte de naissance conforme aux exigences de l’article 47 du code civil. Il a rappelé que les actes d’état civil étrangers doivent être légalisés pour être valides en France. Décision du TribunalLe tribunal a conclu que Monsieur [V] ne justifiait pas d’un état civil certain, ce qui l’empêchait de revendiquer la nationalité française. Il a été débouté de toutes ses demandes, et la mention de son extranéité a été ordonnée. Conséquences FinancièresEn raison de sa défaite, Monsieur [V] a été condamné à supporter les dépens et n’a pas pu prétendre à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
C.L
F.C
LE 30 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 22/04108 – N° Portalis DBYS-W-B7G-LSFF
[X] [F] [V]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006053 du 03/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANTES)
C/
M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
NATIO 22-105
copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à
30/01/2025
copie certifiée conforme
délivrée à
PR (3)
Me M. FAVREAU
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
———————————————-
HUITIEME CHAMBRE
Jugement du TRENTE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
GREFFIER : Caroline LAUNAY
Débats à l’audience publique du 22 NOVEMBRE 2024 devant Florence CROIZE, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 30 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
Monsieur [X] [F] [V], demeurant [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Marie FAVREAU, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant
DEMANDEUR.
D’UNE PART
ET :
M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NANTES
représenté par Céline MATHIEU-VARENNES, procureur adjoint
DEFENDEUR.
D’AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 août 2021, Monsieur [X] [F] [V], né le 16 novembre 2003 à [Localité 2] (Guinée), a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française auprès de la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Poitiers sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.
Il s’est vu opposer le 8 décembre 2021 une décision refusant l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française, celle-ci étant jugée irrecevable, au motif que la copie produite du jugement supplétif du tribunal de première instance de Dixinn (Guinée) du 27 janvier 2020 n’’est pas probante au sens de l’article 47 du code civil et ne peut suffire à établir de façon certaine l’état civil de l’intéressé, faute de motivation de ce jugement dès lors non conforme à l’ordre public international français et faute de production du certificat de non recours.
M. [X] [V] a dès lors, par acte d’huissier du 19 septembre 2022, fait assigner Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes devant la présente juridiction, aux fins de contester la décision de refus d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française et de voir dire qu’il est de nationalité française.
En l’état de ses dernières conclusions notifiées par voir électronique le 19 mars 2024, M. [X] [V] demande au tribunal, sur le fondement des articles 21-12 et 47 du code civil, de :
Annuler le refus d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française en date du 8 décembre 2021 ;Dire et juger qu’il est de nationalité française ;Ordonner la transcription de la décision à intervenir sur les registres d’état civil français ;Condamner le Trésor public à payer la somme de 1 500 euros au profit de Maître Marie Favreau, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, M. [V] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.
Il expose en premier lieu qu’il n’est pas contesté qu’il remplit la condition édictée par l’article 21-12 du code civil, dans la mesure où il avait été recueilli en France et confié à l’aide sociale à l’enfance depuis plus de trois ans à la date de la déclaration de nationalité française.
Il rappelle en second lieu la présomption de régularité qui découle de l’article 47 du code civil. Il assure que le cachet du tribunal de première instance de Dixinn est apposé sur la première page du jugement en partie gauche et que ce jugement est motivé, se référant aux documents versés à la procédure et à l’enquête à laquelle il a été procédé par l’audition de deux témoins majeurs. Il en conclut que ce jugement n’est pas contraire à l’ordre public international français. Il fait en outre observer que ce jugement a été légalisé par le ministère des affaires étrangères et transcrit sur les registres d’état civil et que tant le jugement supplétif que l’acte de naissance ont été légalisés également par le consulat de Guinée en France et certifiés conformes. Il souligne par ailleurs qu’il est titulaire d’une carte d’identité consulaire dont la régularité n’est pas contestée.
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* *
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 9 septembre 2024, le ministère public requiert qu’il plaise au tribunal :
Dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré ;Débouter M. [X] [V], se disant né le 16 novembre 2003 à [Localité 2] (Guinée), de ses demandes ;Juger que M. [X] [V], se disant né le 16 novembre 2003 à [Localité 2] (Guinée), n’est pas français ;Ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central au ministère des affaires étrangères.
Le ministère public relève tout d’abord que l’exemplaire du jugement supplétif d’acte de naissance du 27 janvier 2020 n’est pas une expédition et qu’il n’est apposé aucun cachet du greffe indiquant qu’il s’agit d’une copie conforme à la minute et identifiant l’auteur de cette copie. Il estime que le cachet « transcrit dans le registre de l’état civil de la commune de [Localité 3] sous le n° 1386 [Localité 2] le 07/02/2020 » apposé à son recto n’est pas de nature à lui conférer la garantie d’authenticité qui lui fait défaut. Il estime que le nouvel exemplaire du jugement produit, comportant désormais un cachet du TPI de Dixinn pour copie certifiée conforme à l’original, est tout autant dépourvu d’authenticité, ce cachet ayant été apposé sur l’exemplaire du jugement précédemment transmis et critiqué comme n’étant pas une expédition.
Il fait observer ensuite la présence de la mention superfétatoire et peu vraisemblable « République de Guinée » dans le dispositif en suite du lieu de naissance « [Localité 2] ».
Le ministère public estime enfin que ce jugement ne comporte aucune motivation, en ce que, d’une part, il se contente de reprendre les termes de la requête et de se référer aux documents versés au dossier, lesquels ne sont pas identifiés, et à l’enquête à laquelle il a été procédé à la barre, sans aucune précision quant au contenu et au résultat de l’enquête, et, d’autre part, il ne s’assure aucunement que l’intéressé n’est pas déjà en possession d’un acte de naissance et ne précise pas les motifs de la demande d’un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance. Il souligne qu’aucune information n’est donnée quant aux motifs ayant conduit au dépôt de la requête tendant à faire établir un acte de naissance par jugement. Il en conclut que ce jugement, dépourvu de motivation, sans que ne soit produit aucun document de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante, n’est pas opposable en France.
Il soutient par ailleurs que ni l’exemplaire du jugement supplétif, ni l’extrait du registre de l’état civil n’est légalisé par les autorités consulaires guinéennes en résidence en France ou par les autorités consulaires françaises en résidence en Guinée. Il indique que l’intéressé produit désormais des pièces portant nouvellement un cachet de légalisation apposé par Mme [K] [H], chargée des affaires consulaires à l’ambassade de la République de Guinée en France.
Il rappelle en tout état de cause que l’absence d’effet en France d’un acte de naissance étranger ne peut être couverte par les documents (carte d’identité consulaire par exemple) qui ont pu être délivrés au vu de sa production.
Il en conclut que le demandeur ne justifie pas d’un état civil fiable et certain et ne peut en conséquence se voir reconnaître la nationalité française.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2024.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré ;
DÉBOUTE Monsieur [X] [F] [V] de l’intégralité de ses demandes, y compris de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que Monsieur [X] [F] [V], né le 16 novembre 2003 à [Localité 2] (Guinée), n’est pas français ;
ORDONNE la mention prévue par les article 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central au ministère des affaires étrangères ;
CONDAMNE Monsieur [J] [H] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
Caroline LAUNAY Florence CROIZE
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