Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand
Thématique : Responsabilité décennale et indemnisation des désordres de construction
→ RésuméContexte de l’affaireM. et Mme [Y], propriétaires d’une maison à [Localité 9], ont engagé la société Carrelage Tisseron en 2009 pour des travaux de carrelage sur leur toiture terrasse de 50 mètres carrés. Suite à des infiltrations, ils ont fait constater les dommages par un huissier en 2014 et ont obtenu une expertise judiciaire, entraînant une indemnisation en novembre 2014. Travaux de reprise et nouvelles infiltrationsLes époux [Y] ont ensuite confié les travaux de reprise des désordres à la société Soprema, qui a réalisé les travaux entre mars 2015 et début 2016. Malgré cela, des infiltrations et des décollements de carreaux ont été signalés à plusieurs reprises, entraînant une nouvelle expertise judiciaire en 2021. Décès de M. [Y] et poursuites judiciairesM. [Y] est décédé en mars 2023. Son fils, M. [V] [Y], et Mme [Y] ont assigné la société Soprema et son assureur, la SMABTP, devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en septembre 2023, demandant une indemnisation pour les préjudices subis. Demandes des consorts [Y]Dans leurs conclusions, les consorts [Y] réclament des sommes importantes pour la réparation des désordres, le préjudice de jouissance, ainsi que des frais irrépétibles. Ils soutiennent que la société Soprema est responsable des désordres affectant la solidité de l’ouvrage. Réponses de la SMABTP et de SopremaLa SMABTP a proposé une indemnisation partielle et a contesté certaines demandes, notamment celles relatives au préjudice de jouissance, arguant que les dommages ne peuvent être entièrement imputés à la société Soprema. De son côté, Soprema a également contesté plusieurs demandes, tout en reconnaissant sa responsabilité. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu la responsabilité de la société Soprema et de son assureur, la SMABTP, en raison des désordres constatés. Il a ordonné le paiement d’une somme totale de 28 821,98 euros pour le préjudice matériel, ainsi que 1 500 euros pour le préjudice immatériel, et 3 000 euros pour les frais irrépétibles. Conclusion et mesures finalesLe tribunal a également précisé que la somme allouée pour le préjudice matériel serait actualisée selon l’indice BT01 et a rejeté les demandes supplémentaires des parties. Les sociétés Soprema et SMABTP ont été condamnées aux dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire. |
GB/CT
Jugement N°
du 31 JANVIER 2025
AFFAIRE N° :
N° RG 23/03555 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-JGSP / Ch1c1
DU RÔLE GÉNÉRAL
[C] [O] épouse [Y]
[V] [Y]
Contre :
S.A.S. SOPREMA
SMABTP
Grosse : le
la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES
la SELARL LX RIOM-CLERMONT
Me Julie MASDEU
Copies électroniques :
la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES
la SELARL LX RIOM-CLERMONT
Me Julie MASDEU
Copie dossier
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ,
dans le litige opposant :
Madame [C] [O] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Monsieur [V] [Y], venant aux droits de Monsieur [S] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Julie MASDEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DEMANDEURS
ET :
S.A.S. SOPREMA
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Barbara GUTTON de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCES DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, en qualité d’assureur de la société SOPREMA (SMABTP)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Anne-Sophie BRUSTEL de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
DÉFENDERESSES
LE TRIBUNAL,
composé de :
Madame Virginie THEUIL-DIF, Vice-Présidente,
Madame Géraldine BRUN, Vice-Présidente,
Madame Cécile CHERRIOT, Vice-Présidente,
assisté lors de l’appel des causes et du délibéré de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier.
Après avoir entendu, en audience publique du 02 Décembre 2024 les avocats en leurs plaidoiries et les avoir avisés que le jugement serait rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :
EXPOSE DU LITIGE
Propriétaires d’une maison d’habitation à [Localité 9], M. et Mme [Y] ont confié à la société Carrelage Tisseron, en 2009, des travaux de carrelage sur une toiture terrasse de 50 mètres carrés.
Se plaignant d’infiltrations, M. et Mme [Y] ont fait dresser un constat par Me [L] le 12 février 2014 puis obtenu la désignation d’un expert judiciaire M. [F] qui a déposé son rapport le 12 mars 2014. Ils ont été indemnisés en novembre 2014 de leurs préjudices.
Ils ont alors confié les travaux de reprise des désordres à la société Soprema, assurée auprès de la SMABTP, selon devis accepté du 17 février 2015. La SOPREMA a réalisé les travaux de reprise entre mars 2015 et début 2016. Elle a établi une facture le 29 avril 2016, qui a été acquittée le 31 août 2016.
Par lettres des 14 mai 2016 et 6 avril 2017, M. et Mme [Y] se sont plaints auprès de la société Soprema puis du 3 septembre 2018 auprès de la SMABTP, d’infiltrations au niveau de la terrasse et de décollement des carreaux de leur terrasse.
Par ordonnance de référé du 14 janvier 2021, ils ont obtenu la désignation d’un expert judiciaire M. [I] qui a déposé son rapport le 24 novembre 2022 au contradictoire de la société Soprema et son assureur la SMABTP.
[S] [Y], époux de Mme [Y] est décédé le 17 mars 2023.
Par acte du 12 septembre 2023, M. [V] [Y], fils de [S] [Y] et Mme [Y] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand la société Soprema et son assureur la SMABTP, aux fins d’indemnisation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2024.
Dans leurs dernières conclusions du 29 août 2024, les consorts [Y] sollicitent du tribunal :
La condamnation solidaire de la société SOPREMA et la SMABTP à leur payer :La somme de 31 170,22 euros outre indexation selon la variation de l’indice BT 01 entre novembre 2022 et la date du jugement à intervenir, en réparation des désordres affectant la terrasse et les pièces du rez de chaussée de l’immeuble,La somme de 58 800 euros arrêtée au jour de l’assignation au fond, en réparation du préjudice de jouissance résultant des désordres outre à parfaire des sommes devant réparer le préjudice pour la période postérieure jusqu’à parfaite remise en état La condamnation des mêmes solidairement à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPCLa condamnation des mêmes solidairement aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et d’expertise judiciaire.Ils font valoir, reprenant les conclusions de l’expert judiciaire selon lesquelles la terrasse est dangereuse en l’état compte tenu des décollements des carreaux provoquant des désaffleurements, la stagnation d’eau par zones et le risque d’effondrement des plafonds en plaque de plâtre des pièces du rez de chaussée, que la garantie décennale de la société Soprema est engagée, les désordres portant atteinte à la solidité de l’ouvrage et le rendant impropre à sa destination.
Ils sollicitent le montant fixé par l’expert au titre des travaux de reprise outre 700 euros par mois à compter d’octobre 2016 au titre du préjudice de jouissance concernant tant l’utilisation de la terrasse que la pièce située sous celle-ci, à usage de bureau. Ils affirment que les travaux de reprise nécessitent la mise en conformité du garde-corps, quand bien même celui-ci n’était déjà pas conforme avant les travaux de la société Soprema. Quant aux travaux de peinture, plâtrerie et électricité dans les pièces situées sous la terrasse, ils affirment n’avoir pas eu le temps de réaliser ces travaux après les travaux de reprise de la société Soprema dès lors que les infiltrations se sont manifestées juste après leur réalisation et rappellent que lors de ces travaux, l’ancien carrelage a été retiré en mars 2015 tandis que l’étanchéité et le nouveau carrelage ont été posés plusieurs mois plus tard à l’automne 2015. Ils affirment démontrer que les pièces étaient peu endommagées par le premier sinistre, la dégradation conséquente étant due aux travaux réalisés par la Soprema. Ils affirment que les deux pièces sous la terrasse constituent des pièces de vie et non de stockage ou garage.
Dans ses dernières conclusions du 22 juillet 2024, la SMABTP demande au tribunal de :
Allouer à M. et Mme [Y] la somme de 20 071,36 euros au titre des travaux de reprise des désordres,Rejeter la demande de ceux-ci au titre du préjudice de jouissance,Juger sa franchise contractuelle opposable,Réduire les demandes formées au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions,Rejeter les demandes de M. et Mme [Y] visant à voir le tribunal judiciaire statuer sur les dépens de la procédure de référé.Elle admet devoir sa garantie eu égard au caractère décennal des désordres.
Elle ne conteste pas le chiffrage des travaux de reprise de la terrasse pour 15 025,66 euros TTC.
Elle conteste la reprise des gardes corps, qui étaient non conformes avant les désordres et estime qu’il s’agit d’une amélioration de la situation antérieure et dont la nécessité était connue des maîtres de l’ouvrage avant même l’intervention de la société SOPREMA.
Elle conteste également le montant de la reprise des embellissements des pièces sous la terrasse. Elle fait valoir que l’ampleur des conséquences ne peut être imputée en intégralité à la société SOPREMA dès lors que le plafond était déjà détérioré suite au premier sinistre sans qu’aucun travaux ne soit effectué en suite de l’indemnisation perçue et qu’une année s’est écoulée entre le constat d’huissier du 5 février 2014 et les travaux de reprise de la société SOPREMA, laissant ainsi perdurer les infiltrations à l’origine des dégradations.
Elle conteste en outre les frais d’enlèvement du papier peint actuel, de son remplacement et du lavage, rebouchage et ponçage et peinture des portes et huisserie qui ne seraient pas en lien direct avec le sinistre, aucune dégradation n’ayant été constatée par l’expert de ces éléments. Elle ajoute qu’il convient de soustraire des travaux de plâtrerie peinture en lien avec le sinistre le montant reçu par l’assureur MRH non employé par les maîtres de l’ouvrage au titre du premier sinistre.
Elle estime le montant réclamé au titre du préjudice de jouissance disproportionné dès lors que les infiltrations affectent un garage et que même s’il a été transformé en bureau, M. [Y] était à la retraite et n’en avait donc pas l’utilité, la pièce devenant un lieu de stockage depuis plus de 10 ans.
Dans ses dernières conclusions du 6 septembre 2024, la société SOPREMA demande au tribunal de :
Allouer à M. et Mme [Y] la somme de 21 781,36 euros correspondant à la réfection de la terrasse et à la reprise des dégradations intérieures,Rejeter les autres demandes de M. et Mme [Y],Statuer ce que de droit sur les dépens.Elle ne discute pas sa responsabilité. Elle conteste les sommes réclamées au titre de la reprise des murs du garage, de l’habillage du puits de lumière et de la mise en conformité du garde-corps qui ne seraient pas en lien avec le sinistre. Elle affirme qu’il convient en outre de déduire de la somme allouée celle versée par l’assureur MRH des maîtres de l’ouvrage à la suite du premier sinistre et qu’ils n’ont pas employés pour reprendre les désordres du plafond du garage. Sur le préjudice de jouissance qu’elle conteste, elle rappelle que le garage, transformé en bureau, n’était plus utilisé par M. [Y], déjà à la retraite lors des opérations d’expertise, le garage servant alors de lieu de stockage et non de pièces à vivre.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE in solidum la SMABTP et la SAS SOPREMA à payer à M. [V] [Y] et Mme [C] [O] veuve [Y] les sommes de :
28 821,98 euros TTC en réparation du préjudice matériel,1 500 euros en réparation du préjudice immatériel,3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles,
DIT que la somme allouée au titre du préjudice matériel sera actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 depuis le 24 novembre 2022 jusqu’à la date du présent jugement ;
DIT la franchise contractuelle de la SMABTP opposable à M. [V] [Y] et Mme [C] [O] veuve [Y] s’agissant du préjudice immatériel et à la SAS SOPREMA s’agissant du préjudice matériel,
REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties,
CONDAMNE in solidum la SMABTP et la SAS SOPREMA aux dépens comprenant ceux du référé incluant les frais d’expertise judiciaire.
Le Greffier Le Président
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