Imputabilité des lésions consécutives à un accident de travail : enjeux de la présomption et des antécédents médicaux.

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Imputabilité des lésions consécutives à un accident de travail : enjeux de la présomption et des antécédents médicaux.

L’Essentiel : Monsieur [V] [Z], employé de la société [4], a signalé un accident de travail survenu le 3 mai 2021, entraînant une lombalgie avec sciatalgie. La CPAM a pris en charge l’accident, mais l’employeur a contesté cette décision, arguant d’un état pathologique préexistant. Le tribunal a examiné la recevabilité du recours et a conclu que la CPAM n’avait pas manqué à ses obligations d’information. Il a rappelé que la présomption d’imputabilité s’appliquait aux complications, déboutant ainsi la société [4] de son recours et la condamnant aux dépens.

Contexte de l’accident

Monsieur [V] [Z], employé de la société [4] depuis le 28 août 2017 en tant que coffreur-bancheur, a signalé un accident de travail survenu le 3 mai 2021. Selon la déclaration de l’employeur, l’accident s’est produit lors d’une manutention manuelle, entraînant une douleur au dos. Un certificat médical initial a été établi, indiquant une lombalgie avec sciatalgie L5S1 gauche.

Prise en charge par la CPAM

La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne a mené une enquête administrative et a décidé, par courrier du 2 août 2021, de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. M. [Z] a ensuite fourni un certificat médical de rechute le 1er juillet 2021, mentionnant une sciatique par hernie discale. L’employeur a émis des réserves sur cette nouvelle lésion le 26 octobre 2021.

Contestation de l’employeur

Le médecin-conseil de la CPAM a jugé que la nouvelle lésion était imputable à l’accident du 3 mai 2021, et la CPAM a pris en charge cette lésion le 25 novembre 2021. En réponse, la société [4] a contesté cette décision auprès de la commission médicale de recours amiable, puis a saisi le tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Arguments de la société [4]

La société [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, arguant d’un manquement de la CPAM à ses obligations d’information. Elle a également contesté l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident, soutenant qu’il existait un état pathologique préexistant et que la nouvelle lésion ne pouvait pas être considérée comme liée à l’accident du 3 mai 2021.

Réponse de la CPAM

La CPAM a soutenu que les soins et arrêts de travail de M. [Z] étaient couverts par la présomption d’imputabilité, affirmant que la prise en charge de l’accident du 3 mai 2021 était justifiée. Elle a également rejeté la demande d’expertise médicale judiciaire formulée par la société [4].

Décision du tribunal

Le tribunal a statué sur la recevabilité et le bien-fondé du recours de la société [4]. Il a examiné les obligations de la CPAM en matière d’information et a conclu que la caisse n’avait pas manqué à ses obligations. Concernant l’imputabilité de la nouvelle lésion, le tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité s’appliquait tant aux lésions initiales qu’aux complications, et que l’employeur devait prouver l’existence d’une cause étrangère pour renverser cette présomption.

Conclusion

Le tribunal a débouté la société [4] de son recours, l’a condamnée aux dépens et a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) en matière d’information de l’employeur lors de la prise en charge d’une nouvelle lésion ?

La CPAM a des obligations spécifiques en matière d’information de l’employeur, notamment en vertu de l’article R. 441-16 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule :

« En cas de rechute ou d’une nouvelle lésion consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la caisse dispose d’un délai de soixante jours francs à compter de la date à laquelle elle reçoit le certificat médical faisant mention de la rechute ou de la nouvelle lésion pour statuer sur son imputabilité à l’accident ou à la maladie professionnelle.

Si l’accident ou la maladie concernée n’est pas encore reconnu lorsque la caisse reçoit ce certificat, le délai de soixante jours court à compter de la date de cette reconnaissance.

La caisse adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, le double du certificat médical constatant la rechute ou la nouvelle lésion à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief.

L’employeur dispose d’un délai de dix jours francs à compter de la réception du certificat médical pour émettre auprès de la caisse, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées. La caisse les transmet sans délai au médecin-conseil. »

Ainsi, la CPAM doit informer l’employeur de la nouvelle lésion en lui adressant le certificat médical et en transmettant les réserves motivées de l’employeur au médecin-conseil.

Cependant, il est important de noter que la jurisprudence a établi que les obligations d’information ne s’appliquent pas lorsque la demande de prise en charge concerne de nouvelles lésions survenues avant la consolidation et déclarées au titre de l’accident initial.

Dans le cas présent, la société [4] a émis des réserves motivées, mais la CPAM n’était pas tenue de lui adresser un questionnaire médical, car cela ne constitue pas une obligation envers l’employeur dans ce contexte.

Comment la présomption d’imputabilité des lésions au travail est-elle établie selon le Code de la sécurité sociale ?

L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale établit la présomption d’imputabilité des lésions au travail. Cet article stipule :

« Est présumée imputable au travail toute lésion survenue au temps et au lieu du travail. »

Cette présomption s’applique à toute lésion survenue dans le cadre de l’activité professionnelle, et elle s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, tant que l’état de santé de la victime n’est pas consolidé ou guéri.

Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire. En effet, le motif tiré de l’absence de continuité des symptômes et soins ne suffit pas à écarter la présomption d’imputabilité.

La jurisprudence a également précisé que pour renverser cette présomption, l’employeur doit démontrer l’existence d’une cause totalement étrangère aux conditions de travail, ce qui peut inclure un état pathologique préexistant évoluant indépendamment de l’accident.

Dans le cas de M. [Z], la CPAM a pris en charge les soins et arrêts de travail en raison de l’accident du 3 mai 2021, et la nouvelle lésion déclarée le 1er juillet 2021 a également bénéficié de cette présomption d’imputabilité, car elle est survenue avant la consolidation de l’état de santé de la victime.

Quelles sont les conséquences de la non-démonstration d’un état pathologique préexistant par l’employeur ?

Lorsque l’employeur conteste la prise en charge d’une lésion en invoquant un état pathologique préexistant, il doit apporter la preuve que cette condition évolue pour son propre compte, c’est-à-dire indépendamment de l’accident du travail.

La jurisprudence a établi que le simple fait qu’une lésion ait été observée dans le cadre d’accidents antérieurs ne suffit pas à prouver qu’elle est totalement étrangère au travail.

Dans le cas présent, la société [4] n’a pas réussi à démontrer que la nouvelle lésion de M. [Z] était due à une cause totalement étrangère au travail. Les antécédents médicaux de M. [Z] et les douleurs similaires survenues lors d’accidents précédents ne permettent pas de conclure à une absence de lien avec l’accident du 3 mai 2021.

Ainsi, en l’absence de preuve suffisante de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant indépendamment de l’accident, la présomption d’imputabilité demeure en faveur de la CPAM, et la société [4] ne peut pas contester la prise en charge de la nouvelle lésion.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les demandes accessoires de la société [4] ?

La décision du tribunal a des implications claires pour les demandes accessoires de la société [4]. En tant que partie perdante, la société [4] a été condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens. »

De plus, le tribunal a rejeté la demande de la société [4] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet à une partie de demander le remboursement des frais non compris dans les dépens.

Le tribunal a jugé que l’équité commandait de rejeter cette demande, ce qui signifie que la société [4] devra supporter ses propres frais de justice, en plus des dépens, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur l’entreprise.

En résumé, la décision du tribunal a des conséquences financières directes pour la société [4], qui doit assumer les coûts liés à la procédure judiciaire, renforçant ainsi la position de la CPAM dans cette affaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 31 Janvier 2025

AFFAIRE N° RG 22/00485 – N° Portalis DBYC-W-B7G-J237

89E

JUGEMENT

AFFAIRE :

Société [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ESSONNE

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société [4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Jean-Christophe GOURET, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Maître Nolwenn QUIGUER, avocate au barreau de RENNES

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ESSONNE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Non représentée à l’audience

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guénaëlle BOSCHER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur Laurent LE CORRE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 03 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 31 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT : réputé contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [V] [Z], salarié de la société [4] depuis le 28 août 2017 en qualité de coffreur-bancheur, a déclaré avoir été victime d’un accident de travail survenu le 3 mai 2021, dans des circonstances ainsi décrites aux termes de la déclaration complétée par l’employeur le 5 mai 2021 :
« Alors qu’il effectuait une manutention manuelle, le compagnon a ressenti une douleur au dos ».
La société [4] a joint à cette déclaration un courrier de réserves motivées.
Le certificat médical initial, établi le 3 mai 2021, fait état d’une « lombalgie avec sciatalgie L5S1 gauche ».
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne a diligenté une enquête administrative.
Par courrier du 2 août 2021, elle a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident dont a été victime M. [Z] le 3 mai 2021.
M. [Z] a fait parvenir à la caisse un certificat médical « de rechute » daté du 1er juillet 2021 mentionnant une « sciatique par hernie discale ».
Par courrier du 26 octobre 2021, l’employeur a formulé des réserves motivées sur la nouvelle lésion déclarée par l’assuré.
Par avis du 19 novembre 2021, le médecin-conseil de la caisse a estimé que la nouvelle lésion décrite dans le certificat médical du 1er juillet 2021 était imputable à l’accident du travail du 3 mai 2021.
Le 25 novembre 2021, la CPAM de l’Essonne a pris en charge au titre de la législation professionnelle la nouvelle lésion déclarée par M. [Z].
Par courrier daté du 17 janvier 2022, la société [4] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM d’une contestation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 19 mai 2022, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024.
La société [4], dûment représentée, maintenant les termes de sa requête, demande au tribunal de :
Déclarer le recours formé par la société [4] recevable et bien-fondé ;A titre principal : sur le manquement de la caisse à ses obligations d’information,
Déclarer la décision de prise en charge de la nouvelle lésion du 1er juillet 2021 ainsi que l’ensemble des arrêts afférents inopposable à la société, faute pour la caisse de justifier du respect des obligations mises à sa charge par l’article R. 441-16 du Code de la sécurité sociale ;A titre subsidiaire : sur l’imputabilité des arrêts consécutifs à l’accident du 3 mai 2021,
Constater que la présomption d’imputabilité des arrêts de travail à l’accident ne peut s’appliquer en l’espèce ;Constater l’existence d’une difficulté d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des arrêts de travail indemnisés au titre de l’accident du 3 mai 2021 déclaré par M. [Z] ;

En conséquence :
Ordonner avant dire droit, la mise en œuvre d’une expertise judiciaire afin qu’il soit statué sur l’imputabilité des soins et arrêts prescrits à l’accident initialement déclaré, et notamment de : Se faire communiquer tous les documents, notamment médicaux en la possession de la CPAM de l’Essonne ou par le service du contrôle médical, afférents aux prestations prises en charge par la caisse du chef de l’accident du travail ;Décrire les lésions en relation de causalité directe et certaine avec l’accident du travail du 3 mai 2021 déclaré par M. [Z] ;Déterminer l’existence et l’incidence de l’état pathologique antérieur ou indépendant ;Dire quelle est la durée des arrêts de travail en relation directe avec l’accident du travail de M. [Z] du 3 mai 2021, en dehors de tout état antérieur ou indépendant ;Déterminer la date de consolidation des lésions en relation directe avec l’accident du travail du 3 mai 2021, en dehors de tout état antérieur ou indépendant ;En tout état de cause,
Condamner la CPAM de l’Essonne à verser à la société [4] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner la CPAM de l’Essonne aux entiers dépens.Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance, sur le principe du contradictoire, qu’elle a formulé des réserves motivées dans le délai imparti, par lettre en date du 26 octobre 2021, réceptionnée le lendemain par la caisse, mais que cette dernière a notifié sa décision de prise en charge dès le 25 novembre suivant.
Sur le fond, la société [4] expose qu’il n’existe pas de continuité des symptômes et des soins dans la mesure où, d’une part, la caisse ne précise pas le motif médical de certains arrêts de travail et, d’autre part, il existe une interruption des arrêts du fait de la reprise d’une activité salariée entre le 17 mai et le 1er juin 2021. Elle estime qu’il existe un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte puisque M. [Z] a fait l’objet de plusieurs accidents du travail et rechutes en 2019 et 2020. Elle ajoute que quand bien même l’accident du 3 mai 2021 consisterait en une manifestation douloureuse temporaire de cet état pathologique antérieur, la prise en charge de l’accident aurait dû être limitée à la durée strictement imputable à l’accident, étant observé qu’elle ne dispose d’aucun élément permettant d’affirmer que l’accident litigieux a aggravé l’état antérieur. La société estime que la nouvelle lésion porte sur un étage discal distinct (L4-L5) de celui pris en charge initialement (L5-S1). Se référant à la note de son médecin-conseil, elle estime que si une rechute peut être prise en compte, c’est uniquement au titre de l’accident déclaré le 27 septembre 2019.
En réplique, la CPAM de l’Essonne, non représentée, a transmis des conclusions le 28 décembre 2023 dans le cadre de la mise en état, par lesquelles elle prie le tribunal de :
Dire et juger que les soins et arrêts de travail observés par M. [Z] relatifs à l’accident du travail du 3 mai 2021, bénéficient de la présomption d’imputabilité et sont donc opposables à la société [4], conformément à l’article L. 241-5 du Code de la sécurité sociale ;Dire et juger que c’est à bon droit que la CPAM de l’Essonne a pris en charge l’accident survenu à M. [Z] le 3 mai 2021 ;Constater que c’est à bon droit que la CPAM de l’Essonne a pris en charge la nouvelle lésion déclarée le 1er juillet 2021 et que cette lésion est imputable à l’accident du travail dont a été victime M. [Z] le 3 mai 2021 ;Rejeter la demande d’expertise médicale judiciaire ;Rejeter la demande formulée par la société [4] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.A l’appui de ses demandes, la caisse expose principalement, sur le principe du contradictoire, qu’elle a transmis les réserves de l’employeur à son service médical mais que le médecin-conseil de la caisse est tenu et non contraint de mettre en œuvre le questionnaire médical, de sorte que s’il ne l’estime pas nécessaire, il n’a pas l’obligation de l’adresser aux parties.
Sur le fond, elle indique que M. [Z] a bénéficié de prescriptions médicales d’arrêts et de soins du 4 mai 2021 au 30 novembre 2023, date de sa guérison administrative, et communique l’ensemble des avis et certificats médicaux. Elle affirme que M. [Z] a bénéficié du versement d’indemnités journalières jusqu’au 30 novembre 2023 de sorte que la présomption d’imputabilité s’applique jusqu’à cette date. La caisse fait en outre valoir que la société [4] ne rapporte pas la preuve d’un état pathologique préexistant, le médecin-conseil de l’employeur n’ayant pas examiné la victime et s’étant contenté de relayer l’étonnement de l’employeur. Elle estime qu’elle est lié par les avis de son service médical, que le simple doute de l’employeur sur l’imputabilité d’une nouvelle lésion n’a pas valeur probante et que la jurisprudence admet qu’aucune disposition du code de la sécurité sociale n’impose une procédure d’information de l’employeur dans le cadre de la prise en charge d’une nouvelle lésion.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 janvier 2025 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le principe du contradictoire :
Aux termes de l’article R. 441-16 du Code de la sécurité sociale, « En cas de rechute ou d’une nouvelle lésion consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la caisse dispose d’un délai de soixante jours francs à compter de la date à laquelle elle reçoit le certificat médical faisant mention de la rechute ou de la nouvelle lésion pour statuer sur son imputabilité à l’accident ou à la maladie professionnelle. Si l’accident ou la maladie concernée n’est pas encore reconnu lorsque la caisse reçoit ce certificat, le délai de soixante jours court à compter de la date de cette reconnaissance.
La caisse adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, le double du certificat médical constatant la rechute ou la nouvelle lésion à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief.
L’employeur dispose d’un délai de dix jours francs à compter de la réception du certificat médical pour émettre auprès de la caisse, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées. La caisse les transmet sans délai au médecin-conseil.
Le médecin-conseil, s’il l’estime nécessaire ou en cas de réserves motivées, adresse un questionnaire médical à la victime ou ses représentants et il y joint, le cas échéant, les réserves motivées formulées par l’employeur. Le questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. »

Il est par ailleurs de jurisprudence constant que les dispositions de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale (devenu les articles R. 441-6 et R. 441-7 du même code) mettant à la charge de la caisse une obligation d’information de l’employeur ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l’accident du travail initial (Civ. 2e, 11 janvier 2024, pourvoi n° 22-13.133, v. déjà Civ. 2e, 11 juin 2009, n° 08-12.471 ; Civ. 2e, 8 juillet 2010, n° 09-11.986 et n° 09-10.735 ; Civ. 2e, 20 septembre 2012, n° 11-18.892).
Au cas d’espèce, il est constant qu’à réception du double du certificat médical constatant la nouvelle lésion, la société [4] a émis un courrier de réserves motivées, daté du 26 octobre 2021, réceptionné le lendemain par la caisse.
L’employeur affirme que l’organisme de prise en charge aurait dû adresser un questionnaire médical aux parties.
S’il est vrai que, dans la cadre de la procédure de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’une nouvelle lésion, la caisse n’est pas débitrice d’une obligation d’information particulière envers l’employeur en cas de recours à un délai d’instruction complémentaire, elle doit a minima, si elle l’estime nécessaire ou reçoit des réserves motivées, adresser un questionnaire médical à la victime ou ses représentants et y joindre, le cas échéant, les réserves motivées de l’employeur.
La caisse aurait donc dû adresser un questionnaire médical à M. [Z], afin d’assurer le respect du principe du contradictoire à son égard.
Néanmoins, l’employeur ne saurait à se prévaloir d’un manquement qui ne lui fait pas grief, l’obligation d’adresser un questionnaire médical ne bénéficiant qu’à la victime ou ses ayants-droit, de sorte que seuls ces derniers sont recevables à reprocher à la caisse ne de pas leur avoir adressé de questionnaire médical.
Vis-à-vis de l’employeur, la caisse est seulement tenue de lui adresser, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, le double du certificat médical constatant la nouvelle lésion et, le cas échéant, de transmettre sans délai les réserves motivées émises par celui-ci à son médecin-conseil.
Or, en l’occurrence, la réception en temps utiles du double du certificat médical du 1er juillet 2021 n’est pas remise en cause et la société [4] ne démontre pas que ses réserves du 26 octobre 2021 n’ont pas été transmises immédiatement au service médical de la caisse.
Dans ces conditions, la caisse n’a pas manqué au principe du contradictoire à l’égard de la société [4].
Le moyen d’inopposabilité soulevé par cette dernière à ce titre sera donc rejeté.

Sur l’inopposabilité de la nouvelle lésion :
En application de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée imputable au travail toute lésion survenue au temps et au lieu du travail.
Il résulte de ce texte que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, le motif tiré de l’absence de continuité des symptômes et soins étant impropre à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts de travail litigieux (Civ. 2e, 9 juillet 2020, n° 19-17.626 ; Civ. 2e, 24 septembre 2020, n° 19-17.625 ; Civ. 2e,18 février 2021, n° 19-21.940 ; Civ. 2e, 12 mai 2022, n° 20-20.655).

La présomption s’applique aux lésions initiales, ainsi qu’à leurs complications et à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais aussi aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident dès lors qu’il existe une continuité de soins et de symptômes.
Pour renverser la présomption d’imputabilité, et quand bien même il n’a pas contesté le caractère professionnel de l’accident, l’employeur doit démontrer l’existence d’une cause totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs ou les nouvelles lésions. La cause étrangère peut notamment résulter d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec la maladie ou l’accident.
Ce n’est que postérieurement à la guérison ou à la consolidation que les lésions ne bénéficient plus de la présomption d’imputabilité et qu’il convient d’apporter la preuve que l’aggravation ou l’apparition de la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l’accident du travail, sans intervention d’une cause extérieure (Soc., 2 juillet 1990, n° 88-17.743 ; Soc, 14 novembre 2002, n° 01-20.657).
Au cas d’espèce, le certificat médical initial, établi le 3 mai 2021, mentionne une « lombalgie avec sciatalgie L5S1 gauche ».
Le certificat médical « de rechute » du 1er juillet 2021 adressé par M. [Z] à la caisse mentionne une « sciatique par hernie discale ».
La CPAM de l’Essonne verse aux débats les certificats médicaux de prolongation transmis par l’assuré et l’attestation de paiement des indemnités journalières.
Il en ressort que la caisse a indemnisé les arrêts de travail de M. [Z] entre le 4 mai 2021 et le 30 novembre 2023, avec une interruption entre le 17 mai et le 1er juin 2021.
Si la société [4] affirme que M. [Z] a repris le travail pendant la période d’interruption du versement des indemnités journalières, il n’en demeure pas moins qu’à cette date, l’état de santé de l’assuré n’était pas consolidé, de sorte que la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts continuait à s’appliquer, étant rappelé qu’en tout état de cause le motif tiré de l’absence de continuité des symptômes et soins est impropre à écarter ladite présomption.
Ainsi, la nouvelle lésion déclarée par M. [Z] [sciatique par hernie discale], dès lors qu’elle est apparue postérieurement à la survenance de l’accident et avant sa consolidation ou guérison, ce qui est le cas en l’espèce puisque sa première constatation médicale date du 1er juillet 2020, bénéficiait de la présomption d’imputabilité.
Il appartient ainsi à l’employeur, pour renverser cette présomption, de démontrer que la nouvelle lésion est due à une cause totalement étrangère au travail, pouvant notamment consister en l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
Au cas présent, la société [4] se reporte à la note médicale élaborée à sa demande par son médecin-conseil, le docteur [X], le 28 avril 2022. Celui-ci observe :
« M. [Z] a déclaré un accident du travail le 3 mai 2021, faisant état d’une douleur lombaire lors d’un effort de manutention.
Cette douleur lombaire fait suite à de lourds antécédents connus :
Un accident du travail déclaré le 27 septembre 2019 : « lors de la manipulation d’un madrier le compagnon aurait ressenti une douleur au dos ».(…)
Un accident du travail a été déclaré, le 23 octobre 2020 : « il a ressenti une douleur au dos lors de sa prise de poste ».
Un certificat de rechute, d’un accident non daté, a été délivré le 23 octobre 2020, indiquant :Lombosciatique gauche.
Sur demande de la CPAM, ce certificat de rechute a été transformé en certificat médical initial d’un accident survenu le 23 octobre 2020.
Des certificats de prolongation, au titre de l’accident du 23 octobre 2020, ont été délivrés, les 20 novembre 2020 et 4 décembre 2020, indiquant :
Lombalgies.
(…)
Dans le cadre de l’accident déclaré le 3 mai 2021, les constatations médicales établies le jour même, font état d’une lombalgie avec une sciatique L5-S1 gauche.
Il est notable que ces constatations sont strictement identiques à celles qui avaient été faites lors des accidents précédents.
Le 1er juillet 2021, deux certificats de rechute sont délivrés au titre de l’accident du 3 mai 2021, alors qu’aucune date de consolidation ou de guérison n’a été fixée, sur sollicitation de la CPAM (!), faisant état d’une sciatique par hernie discale correspondant à des constatations médicales effectuées en 2019 et qui ne peuvent être rapportées à l’accident du 3 mai 2019.
Si une rechute peut être prise en compte, c’est uniquement au titre de l’accident déclaré le 27 septembre 2019.
Curieusement, ces constatations mentionnant l’existence d’une hernie discale découverte à l’occasion d’un accident du travail ont fait l’objet d’une prise en charge au titre d’une maladie professionnelle, avec un certificat médical initial mentionnant une hernie discale au niveau L5-S1 et une date de première constatation fixée au 8 octobre 2019 pour une hernie discale L4-L5 ce qui ne permet pas de caractériser une maladie professionnelle.
Les très nombreuses incohérences de ce dossier, où il existe de multiples interférences de la CPAM, conduisent à considérer que l’accident déclaré le 3 mai 2021 a dolorisé, de façon temporaire, un état antérieur connu et documenté, justifiant des prescriptions d’arrêt de travail jusqu’au 30 juin 2021, les soins et arrêts de travail postérieurs étant en rapport avec un état antérieur évoluant pour son propre compte. »
Il en conclut que :
« En l’état actuel du dossier, compte tenu des éléments communiqués, on peut considérer que seuls les soins et arrêts de travail prescrits du 3 mai 2021 au 30 juin 2021 étaient en rapport avec l’accident déclaré, les soins et arrêts de travail postérieurs étant en rapport avec l’évolution d’un état antérieur [évoluant] pour son propre compte. »
Il apparaît ainsi que M. [Z] a déjà été victime d’au moins deux accidents survenus aux lieu et temps de travail les 27 septembre 2019 et 23 octobre 2020. Ces accidents ont entraîné des lésions identiques à celles causées par l’accident du travail du 3 mai 2021, à savoir des douleurs au dos.
Le docteur [X] mentionne par ailleurs l’existence d’une pathologie, consistant en une sciatique par hernie discale, décrite par certificat médical initial du 16 septembre 2021, dont la première constatation médicale a été fixée à la date du 1er janvier 2018.
Cette maladie aurait été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la CPAM de l’Essonne selon notification en date du 21 février 2022, ce que la caisse ne conteste pas.

Il convient à ce stade d’observer que, pour renverser la présomption, l’employeur doit démontrer que la nouvelle lésion dont il conteste la prise en charge est due à une cause totalement étrangère au travail ou, pour raisonner en termes d’état antérieur, qu’elle est due à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, c’est-à-dire indépendamment de l’activité professionnelle de la victime, sans lien avec l’accident.
La société [4] ne peut donc se contenter de soutenir que la nouvelle lésion discutée est partiellement due à de précédents accidents du travail ou maladies professionnelles et se garder de démontrer que les antécédents médicaux dont elle se prévaut sont dénués de tout lien avec le travail.
Le simple fait que la sciatique par hernie discale mentionnée dans le certificat du 1er juillet 2021 ait déjà été observée dans le cadre d’accidents survenus à l’occasion du travail (et qu’elle ait ensuite été prise en charge en maladie professionnelle) démontre qu’elle ne peut en aucun cas être considérée comme totalement étrangère au travail.
En outre, le fait que, parallèlement à l’accident du travail du 3 mai 2021, une affection identique ait été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse est inopérant dans le cadre de la prise en charge de la nouvelle lésion déclarée au titre de l’accident, ce, peu importe que la première constatation de la maladie dont le caractère professionnel a été reconnu soit antérieure à l’accident, dès lors :
Qu’une nouvelle fois, cette circonstance, loin d’établir que la nouvelle lésion présente une cause totalement étrangère au travail, accrédite au contraire l’affirmation selon laquelle elle est en lien direct avec l’activité professionnelle de la victime ;Que l’employeur ne justifie pas qu’à travers la prise en charge concomitante de la maladie, il s’est vu imputer deux fois les conséquences financières de la prise en charge de la nouvelle lésion entre le 4 mai 2021 et le 30 novembre 2023.S’il n’est pas contestable que M. [Z] a rencontré souffert de plusieurs douleurs au dos dans le cadre de son travail, il ne peut en être automatiquement déduit que toutes les douleurs dorsales postérieures doivent être rattachées au premier accident du travail dont il a été victime, étant entendu :
Que la décision de prise en charge de l’accident du travail du 3 mai 2021 n’a pas été contestée par l’employeur ;Qu’ainsi, il est incontestable que les douleurs au dos présentées à compter du 3 mai 2021 et la nouvelle lésion apparue à compter du 1er juillet 2021 sont rattachables au dernier fait accidentel survenu le 3 mai 2021 en application de la présomption d’imputabilité, sauf à démontrer qu’elles sont totalement étrangères au travail ;Que l’employeur n’apporte aucun élément concret permettant de laisser penser que la nouvelle lésion serait plutôt une rechute d’un précédent accident ;Qu’en tout état de cause, la société [4] n’explique aucunement dans quelle mesure la distinction entre rechute et nouvelle lésion de deux accidents du travail aurait une quelconque incidence ;Que les moyens qu’elle soulève ne sont en tout état de cause pas de nature à faire échec au caractère professionnel de la lésion mentionnée dans le certificat du 1er juillet 2021.Dans ces conditions, la société [4] sera déboutée de son recours.

Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société [4] sera condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
L’équité commande en outre de rejeter la demande formée par l’employeur au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DEBOUTE la société [4] de son recours,
CONDAMNE la société [4] aux dépens,
REJETTE la demande formée par la société [4] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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