Imputabilité des soins et arrêts de travail : présomption et charge de la preuve.

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Imputabilité des soins et arrêts de travail : présomption et charge de la preuve.

L’Essentiel : La société [7] a contesté une décision de la Caisse primaire d’assurance maladie concernant la prise en charge des soins liés à un accident de travail survenu le 9 juin 2017. Le tribunal a ordonné une expertise médicale, concluant à une névralgie cervico-brachiale sans lien avec un état antérieur. En appel, la Caisse a demandé l’infirmation du jugement de 2020, soutenant que la présomption d’imputabilité s’appliquait. La cour a finalement infirmé ce jugement, déclarant opposables tous les soins jusqu’à la date de consolidation, déboutant la société de ses demandes et la condamnant aux dépens.

Contexte de l’affaire

La société [7] a contesté une décision de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, qui avait rejeté sa demande d’inopposabilité concernant la prise en charge des soins liés à un accident de travail survenu le 9 juin 2017. Ce recours a été introduit devant une juridiction spécialisée en matière de contentieux de la sécurité sociale.

Jugements antérieurs

Le tribunal a ordonné une expertise médicale sur les lésions résultant de l’accident par un jugement du 21 octobre 2019. Par la suite, le 9 novembre 2020, il a déclaré inopposables à la société [7] les soins et arrêts prescrits à M. [H] [R] à partir du 10 octobre 2017, a mis les frais d’expertise à la charge de la Caisse, et a ordonné la restitution d’une consignation à la société.

Appel de la Caisse primaire d’assurance maladie

La Caisse primaire d’assurance maladie a interjeté appel de ce jugement, demandant l’infirmation de toutes ses dispositions et la reconnaissance de l’opposabilité des conséquences de l’accident jusqu’à la date de consolidation fixée au 18 octobre 2018. Elle a également demandé le déboutement de la société [7] de toutes ses demandes et sa condamnation aux dépens.

Arguments des parties

La Caisse a soutenu que la prise en charge de l’accident était justifiée et que la présomption d’imputabilité s’appliquait. Elle a contesté la décision du tribunal, arguant que l’employeur devait prouver que les soins n’étaient pas liés à l’accident. De son côté, la société [7] a demandé la confirmation du jugement de 2020, arguant que les soins et arrêts postérieurs au 10 octobre 2017 n’étaient pas imputables à l’accident, citant des éléments médicaux et une IRM révélant des lésions dégénératives antérieures.

Expertise médicale et conclusions

L’expertise a conclu à l’existence d’une névralgie cervico-brachiale, sans établir de lien avec un état antérieur. La société a contesté cette conclusion, affirmant que les douleurs étaient liées à un état dégénératif préexistant. Cependant, le rapport d’expertise n’a pas été critiqué de manière probante par la société, qui n’a pas soumis de contre-analyse.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du 9 novembre 2020, déclarant opposables à la société [7] tous les soins et arrêts consécutifs à l’accident jusqu’à la date de consolidation. Elle a débouté la société de ses demandes et l’a condamnée aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail en cas d’accident du travail ?

La présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. »

Ainsi, tant que l’employeur ne prouve pas l’existence d’un état pathologique préexistant ou d’une cause extérieure totalement étrangère, les soins et arrêts de travail sont présumés être la conséquence de l’accident.

Cette présomption s’applique non seulement aux lésions initiales, mais également à leurs complications et à tout nouvel état pathologique qui pourrait survenir dans le cadre de l’accident.

Il est donc essentiel pour l’employeur de démontrer, par des éléments probants, que les soins et arrêts de travail ne sont pas liés à l’accident, ce qui constitue une charge de la preuve qui lui incombe.

Quelles sont les conséquences de l’inopposabilité des soins et arrêts de travail ?

L’inopposabilité des soins et arrêts de travail signifie que l’employeur n’est pas tenu de prendre en charge les frais liés à ces soins. Selon l’article L. 411-1 précité, si la présomption d’imputabilité est écartée, l’employeur peut refuser de payer les soins et arrêts de travail qui ne sont pas justifiés par l’accident.

Dans le cas présent, le tribunal a déclaré inopposables à la société [7] les soins et arrêts prescrits à M. [H] [R] à compter du 10 octobre 2017. Cela signifie que la société n’était pas responsable des frais engagés pour ces soins, car la présomption d’imputabilité avait été contestée.

Cependant, si la cour infirme cette décision, comme cela a été le cas, la société [7] devra assumer les coûts des soins et arrêts de travail jusqu’à la date de consolidation, fixée au 18 octobre 2018. Cela implique que la société doit payer les frais d’expertise et les dépens, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur elle.

Comment se déroule la procédure d’expertise médicale dans le cadre d’un litige sur l’imputabilité des soins ?

La procédure d’expertise médicale est encadrée par les articles R. 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale. Ces articles prévoient que :

« L’expertise médicale est ordonnée par le juge, qui désigne un expert. L’expert doit prendre connaissance des documents médicaux et des éléments de preuve fournis par les parties. »

Dans le cadre de ce litige, le tribunal a ordonné une expertise médicale pour déterminer la nature des lésions et leur lien avec l’accident. L’expert a pour mission de :

– Prendre connaissance des documents médicaux relatifs à l’accident.
– Évaluer les lésions initiales et leur évolution.
– Déterminer si les soins et arrêts de travail sont justifiés par l’accident ou s’ils relèvent d’un état antérieur.

Il est crucial que les parties puissent soumettre leurs observations et critiques sur le rapport d’expertise, car cela garantit le respect du principe du contradictoire. Si une partie estime que l’expertise est biaisée, elle peut demander une contre-expertise ou soumettre des éléments supplémentaires à l’expert.

Quelles sont les implications de la charge de la preuve dans ce type de litige ?

La charge de la preuve est un élément central dans les litiges relatifs à l’imputabilité des soins et arrêts de travail. Selon la jurisprudence, notamment l’arrêt de la 2e chambre civile du 12 mai 2022, il appartient à l’employeur de prouver l’absence de lien entre les soins et l’accident.

Cela signifie que si l’employeur conteste la présomption d’imputabilité, il doit fournir des preuves tangibles d’un état pathologique préexistant ou d’une cause extérieure. En l’absence de telles preuves, la présomption d’imputabilité demeure en faveur de l’assuré.

Dans le cas présent, la société [7] n’a pas réussi à démontrer l’existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte, ce qui a conduit la cour à confirmer la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail. Cela souligne l’importance pour l’employeur de préparer un dossier solide et de recueillir des preuves médicales pertinentes pour contester la prise en charge des soins.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 31 Janvier 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/00913 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDA6H

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Novembre 2020 par le Pole social du TJ de MEAUX RG n° 18/00056

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Hajera OUADHANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

Mme Sophie COUPET, conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d’un jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux dans un litige l’opposant à la société [7] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la société [7] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ayant rejeté sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident survenu le 9 juin 2017 et déclaré le 13 juin 2017 de son salarié, M. [H] [R] (le salarié).

Par jugement en date du 21 octobre 2019, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur pièces relativement aux lésions consécutives à l’accident.

Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal a :

déclaré inopposables à la société [7] les soins et arrêts prescrits à M. [H] [R] à compter du 10 octobre 2017 inclus ,

dit que les frais d’expertise seront mis à la charge de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ;

dit que le montant de la consignation devra être restitué à la société [7].

Le tribunal a retenu les conclusions de l’expert.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 7 décembre 2020 à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 3 janvier 2021.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de :

infirmer le jugement 9 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

déclarer toutes les conséquences de l’accident du travail du 9 juin 2017 opposables à la société [7] jusqu’à la date de consolidation fixée au 18 octobre 2018 ;

débouter la société [7] de toutes ses demandes ;

condamner la société [7] aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise.

La Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis expose que lorsque la prise en charge de l’accident du travail est parfaitement justifiée, toutes les conséquences de l’accident du travail bénéficient de la présomption d’imputabilité jusqu’à la guérison ou la consolidation du salarié ; qu’en l’espèce, le certificat médical initial daté du jour de l’accident, versé aux débats par elle devant les premiers juges, porte la mention de la prescription d’un arrêt de travail ; que par conséquent, c’est à tort que le tribunal a retenu l’inopposabilité des soins et arrêts prescrits à M. [H] [R] à compter du 10 octobre 2017, dès lors qu’elle justifiait de la prescription initiale d’un arrêt de travail et donc de l’application de la présomption d’imputabilité ; que sauf à inverser la charge de la preuve, ce n’est pas à elle de prouver que les soins et arrêts de travail pris en charge sont exclusivement imputables à l’accident du travail mais à l’employeur de justifier que lesdits soins et arrêts sont exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail de l’assuré ; que le tribunal a demandé à l’expert de fixer la durée des arrêts de travail directement et uniquement imputables à l’accident du travail, faisant ainsi fi de la présomption d’imputabilité ; que ses conclusions sont donc biaisées et ne peuvent en aucun cas permettre de renverser la présomption applicable en l’espèce ; que les conclusions de l’expertise ne permettent aucunement de rapporter la preuve, ni un commencement de preuve laissant supposer l’existence d’un état pathologique antérieur auquel les prestations sont exclusivement imputables ou d’une cause totalement étrangère au travail ; que le raisonnement de l’expert ne repose pas sur des éléments tangibles mais uniquement sur des considérations générales ; que la durée de prise en charge des arrêts de travail est tout à fait cohérente compte tenu de la nature des lésions de l’assuré ; qu’aucun élément ne justifie l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la société [7] demande à la cour de :

confirmer le jugement en date du 9 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

en conséquence :

déclarer inopposables à la société [7] l’ensemble des arrêts et soins prescrits à M. [H] [R] postérieurs au 10 octobre 2017 ;

à titre subsidiaire sur la mise en ‘uvre d’une expertise médicale,

constater qu’il existe un différend d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés, à l’accident du 9 juin 2019 déclaré par M. [H] [R] ;

en conséquence,

ordonner, avant dire droit au fond, une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert avec pour mission de :

prendre connaissance des documents détenus par la caisse concernant les prestations prises en charge au titre du sinistre initial ;

déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l’accident ;

fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;

dire si le sinistre litigieux a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;

en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n’est pas médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif au sinistre litigieux ;

fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à l’accident à l’exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte ;

ordonner à la caisse de transmettre au médecin désigné par la société [7], le docteur [M] [S], exerçant au [Adresse 1], [Localité 4], la totalité des documents justifiant la prise en charge des prestations servies au titre du sinistre litigieux ;

à réception du rapport d’expertise,

ordonner la notification par l’expert de son rapport intégral tel que déposé au greffe de la cour, au médecin désigné par l’employeur, conformément à l’article R. 142-16-4 nouveau du code de la sécurité sociale ;

renvoyer l’affaire à la première audience utile de la cour afin de débattre des conclusions médicales de l’expert, en présence du médecin désigné par la requérante, étant précisé que, le cas échéant, et au regard des éléments communiqués, la requérante se réserve le droit de formuler toutes demandes complémentaires de nature juridique pouvant aller jusqu’à l’inopposabilité des prestations servies au titre du sinistre litigieux ;

à titre subsidiaire sur le recours à une consultation sur pièces,

ordonner, avant dire droit au fond, au visa de l’article R. 142-16 nouveau du code de la sécurité sociale, une consultation sur pièces confiée à un consultant désigné suivant les modalités prévues à l’article R. 142-16-1 nouveau du code de la sécurité sociale, et ayant pour mission de :

prendre connaissance de l’intégralité des documents détenus et transmis par la caisse, concernant les prestations prises en charge au titre du sinistre litigieux ;

déterminer exactement les lésions initiales provoquées par le sinistre litigieux ;

fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;

dire si le sinistre litigieux a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;

en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n’est pas médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif au sinistre litigieux ;

fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à l’accident à l’exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte ;

ordonner à la caisse de transmettre au médecin désigné par la société [7], le docteur [M] [S] exerçant au [Adresse 1], [Localité 4], la totalité des documents justifiant la prise en charge des prestations servies au titre du sinistre litigieux ;

à réception de la consultation,

ordonner la notification par le consultant de son rapport intégral tel que déposé au greffe de la cour, au médecin désigné par l’employeur, conformément à l’article R. 142-16-4 nouveau du code de la sécurité sociale ;

en tout état de cause,

renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit débattu du caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts en cause.

La société [7] expose que l’assuré a déclaré souffrir de douleurs au bras gauche et au cou alors qu’il était en train de conduire un véhicule ; qu’il a fait constater médicalement son état de santé le 9 juin 2017 ; que le certificat médical initial qui ne décrit pas la nature des lésions fait état de « douleur dans la nuque et bras gauche avec fourmillement suite à un faux mouvement » et d’un arrêt de travail jusqu’au 23 juin 2017 ; qu’il a bénéficié de soins et arrêts de travail pendant une durée de 489 jours d’arrêts de travail ; que son médecin consultant, qui a eu accès au dossier, a pu constater que l’ensemble des arrêts et soins prescrits n’est pas imputable à l’accident du 9 juin 2017 ; qu’une IRM du rachis cervical réalisée le 8 août 2017, met en évidence l’existence de lésions dégénératives du rachis cervical constitutif d’un état antérieur qui sont une cause totalement étrangère à l’accident de l’assuré ; que le diagnostic de névralgie cervicobrachiale n’est aucunement confirmé dans ce dossier puisque l’électromyogramme réalisé très tardivement après l’accident en date du 6 septembre 2018 est strictement normal ; que les certificats médicaux descriptifs, qui ne décrivent aucune évolution en amélioration ou en aggravation, ne sont pas informatifs dans ce dossier ; que la contusion cervicale de M. [H] [R] a aggravé temporairement les douleurs liées à un état antérieur évoluant pour son propre compte ; que les conclusions du rapport d’expertise sont cohérentes avec la date proposée par son médecin consultant ; qu’à tout le moins ce document constitue le liminaire de preuve nécessaire à une mesure d’instruction ; que refuser une expertise à l’employeur qui ne dispose d’aucun autre moyen pour faire la preuve de ses prétentions, constituerait une atteinte au principe du droit à un procès équitable.

SUR CE

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655). La cour ne peut, sans inverser la charge de la preuve demander à la caisse de produire les motifs médicaux ayant justifié de la continuité des soins et arrêts prescrits sur l’ensemble de la période. (2e Civ., 10 novembre 2022, pourvoi n° 21-14.508). Il en résulte que l’employeur ne peut reprocher à la caisse d’avoir pris en charge sur toute la période couverte par la présomption d’imputabilité les conséquences de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle s’il n’apporte pas lui-même la démonstration de l’absence de lien.

Ainsi, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-24.945) et à l’ensemble des arrêts de travail, qu’ils soient continus ou non.

En outre, les dispositions de l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l’accident du travail initial (Civ. 2e, 24 juin 2021, n° 19-25.850).

En la présente espèce, l’assuré a été victime d’un accident du travail le 9 juin 2017 ayant donné lieu à l’établissement d’un certificat médical initial du même jour mentionnant une douleur dans la nuque et au bras gauche avec fourmillement suite à un faux mouvement. Le certificat médical prescrit un arrêt de travail.

Dès lors, l’ensemble des soins et arrêts jusqu’à la date de consolidation fixée par le médecin-conseil de la caisse au 18 octobre 2018 sont présumés être la conséquence de la lésion initiale sauf à l’employeur de démontrer l’existence d’une cause étrangère ou d’un état antérieur évoluant pour son propre compte.

Il sera rappelé que le contentieux de l’inopposabilité n’a pas pour objet de fixer une nouvelle date de consolidation mais de déterminer la date à partir de laquelle la présomption d’imputabilité des soins et arrêts à l’accident est écartée au profit de l’employeur, de telle sorte que la question à poser à l’expert désigné ne saurait porter sur l’imputabilité des lésions à l’accident mais sur l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d’une cause étrangère justifiant des arrêts de travail et des soins postérieurement à la date qu’il détermine. Il s’ensuit que la mission confiée par le tribunal à l’expert ne répond pas à la question du renversement de la présomption.

L’expertise réalisée par le Dr [N] [I] indique que le descriptif médical initial peut se rapporter à une éventuelle névralgie cervico-brachiale gauche qui est mentionnée sur tous les certificats de prolongation tout au long de l’évolution. Il rapporte que l’I.R.M. du rachis cervical pratiquée le 8 août 2017 mentionne, à deux mois de l’accident, une minime protrusion discale paramédiane gauche, entraînant un rétrécissement du foramen homolatéral. L’électromyogramme du 6 septembre 2018 qu’il consulte écarte, selon lui, toute complication quant au descriptif de la névralgie cervico-brachiale gauche. Il en conclut que l’assuré a subi une authentique névralgie cervico-brachiale gauche, notamment au regard des constatations de l’I.R.M. du 8 août 2017 dont les résultats sont évocateurs de cette pathologie, et qui évolue. Il ne nomme aucune cause étrangère et précise dans ses conclusions qu’il n’apparaît pas, en l’état des documents présentés, l’existence d’une antériorité favorisante qui aurait pu être aggravée.

Ce rapport d’expertise, ayant donné lieu à l’établissement d’un pré-rapport, n’a fait l’objet d’aucune critique devant l’expert.

Pour contester l’absence d’état antérieur, le médecin consultant de la société se rapporte à l’I.R.M. pour conclure à l’existence de lésions dégénératives qui constituaient un état antérieur. Il conteste le diagnostic de névralgie cervico-brachiale du fait de la mention d’une cervicarthrose C5-C6 avec minime protrusion discale paramédiane gauche entraînant un rétrécissement du foramen unilatéral. Il en conclut que l’assuré a fait un faux mouvement ayant entraîné une douleur cervicale aiguë alors qu’il présentait un état antérieur dégénératif du rachis cervical. La douleur cervicale s’est accompagnée d’une douleur radiculaire de topographie précise au membre supérieur gauche. Il reconnaît que l’état antérieur a été révélé ou aggravé par la contusion cervicale et que cette dernière a épuisé ses effets après une période de repos, l’état antérieur ayant continué à évoluer pour son propre compte.

Il est constant que l’I.R.M. du 8 août 2017 mentionne l’existence d’une cervicarthrose en C5-C6 avec minime protrusion discale paramédiane gauche entraînant un rétrécissement du foramen homolatéral. Si le médecin consultant de la société impute ce constat médical à un état pathologique préexistant, telle n’est pas la constatation de l’expert qui impute cet état l’évolution normale de la lésion à deux mois de l’accident.

La société, qui critique le rapport d’expertise, était en mesure, du fait du pré-rapport, de demander à son médecin consultant de lui proposer une contre analyse à soumettre à l’expert afin que celui-ci réponde à l’hypothèse émise d’une maladie dégénérative antérieure, qu’il a par ailleurs écartée.

La critique apportée par le médecin consultant de la société n’apparaît donc pas contributive étant souligné qu’en n’ayant pas soumis le rapport médical de son médecin consultant à l’expert, tout en reprochant à ce dernier d’avoir analysé des pièces décisives sans les soumettre au contradictoire de la réunion d’expertise, la société ne saurait lui reprocher des conclusions qu’elle qualifie sans preuve de biaisées faute du respect de la contradiction à laquelle elle ne s’est pas soumise alors qu’elle y était invitée.

En conséquence, la cour écartera comme non probante l’analyse du médecin-conseil de la société sur l’existence d’un état pathologique antérieur et rejettera la demande de nouvelle expertise.

En conséquence, faute de nommer un état antérieur évoluant pour son propre compte justifiant des arrêts de travail postérieurement au 9 octobre 2017, la société ne dépose aucun élément permettant de renverser la présomption d’imputabilité.

Le jugement sera donc infirmé.

La société [7], qui succombe, sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ;

INFIRME le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux ;

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE opposable à la société [7] l’ensemble des soins et arrêts consécutifs à l’accident du travail du 9 juin 2017 dont a été victime M. [H] [R] jusqu’à la date de consolidation fixée au 18 octobre 2018 ;

DÉBOUTE la société [7] de ses demandes ;

CONDAMNE la société [7] aux dépens qui comprendront les frais d’expertise.

La greffière Le président


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