L’Essentiel : La Sci Man a assigné M. [K] [S] pour résiliation d’un bail commercial et expulsion, enregistrée sous le numéro RG n°23/01226. L’affaire, radiée en mai 2024, a été rétablie en juin 2024 sous le numéro RG n°24/00797. M. [K] [S] conteste la validité du bail, arguant qu’il a été conclu par la Sas Js-Sm Bienêtre, et demande sa nullité. La Sci Man réclame la résiliation du bail, des arriérés de loyers et des indemnités. Le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé, renvoyant les contestations aux juges du fond.
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Contexte de l’AffaireLa Sci Man a assigné M. [K] [S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg le 15 septembre 2023, demandant la constatation de la résiliation d’un bail commercial, l’expulsion de M. [S], ainsi que des provisions. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG n°23/01226 et a été radiée le 14 mai 2024. Reprise de l’InstanceLe 10 juin 2024, la Sci Man a demandé le rétablissement de l’affaire, qui a été enregistrée sous le numéro RG n°24/00797. L’audience a été initialement fixée au 29 octobre 2024, puis reportée au 12 novembre 2024. Prétentions de M. [K] [S]Dans ses conclusions du 11 novembre 2024, M. [K] [S] a demandé la constatation que le contrat de bail avait été conclu par la Sas Js-Sm Bienêtre, en cours d’enregistrement, et a soulevé l’absence de mention « au nom et pour le compte de ». Il a demandé la nullité du contrat de bail et la débouté de la Sci Man de toutes ses demandes. Arguments Subsidiaries de M. [K] [S]À titre subsidiaire, M. [K] [S] a demandé la constatation que la Sas Js-Sm Bienêtre était immatriculée au RCS de Strasbourg depuis le 2 août 2021 et que le contrat de bail était conclu entre la Sci Man et la Sas Js-Sm Bienêtre. Il a également contesté la qualité à agir de M. [K] [S] et a demandé la débouté de la Sci Man. Demandes de la Sci ManDans ses dernières conclusions du 2 décembre 2024, la Sci Man a demandé la constatation de la résiliation du bail au 30 juin 2023, le paiement d’un arriéré de loyers de 8.484,00 euros, ainsi qu’une indemnité d’occupation de 1.050,00 euros par mois. Elle a également demandé des indemnités de procédure et la condamnation de M. [S] aux dépens. Contexte JuridiqueLe juge des référés a rappelé que, selon l’article 835 du code de procédure civile, il peut prescrire des mesures conservatoires même en présence d’une contestation sérieuse. La Sci Man a soutenu que le bail avait été conclu avec la Sas Js-Sm Bienêtre, qui était en cours de formation, et que M. [S] était seul engagé. Incompétence du Juge des RéférésLe juge a noté qu’il n’était pas compétent pour interpréter les stipulations d’un bail commercial ou pour constater la nullité d’un contrat. M. [K] [S] a soutenu que le bail était nul en raison de l’absence de mention « au nom et pour le compte de ». Décision du TribunalLe tribunal a conclu qu’il n’y avait pas lieu à référé, en raison des contestations sérieuses qui relèvent des juges du fond. La Sci Man a été condamnée aux dépens, et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. La décision est exécutoire de droit par provision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du juge des référés en matière de bail commercial ?Le juge des référés, selon l’article 835 du Code de procédure civile, a la possibilité de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse. Il peut agir pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Toutefois, il ne peut pas trancher des questions de fond, telles que l’interprétation des stipulations d’un bail commercial ou la constatation de la nullité d’un contrat. En l’espèce, le juge des référés a constaté qu’il ne relevait pas de sa compétence d’interpréter les termes du bail commercial ou de déterminer si celui-ci avait été conclu au nom et pour le compte de la société en formation. Ainsi, les contestations soulevées par M. [K] [S] concernant la validité du bail et la qualité à agir de la Sci Man relèvent des juges du fond, et non du juge des référés. Quelles sont les conséquences de l’absence de mention « au nom et pour le compte de » dans un contrat de bail ?L’absence de la mention « au nom et pour le compte de » dans un contrat de bail peut soulever des questions quant à la validité de l’engagement pris par le signataire. Selon l’article 28 des statuts de la Sas Js-Sm Bienêtre, l’immatriculation de la société emporte reprise des engagements par la société. Si la société n’est pas immatriculée ou ne reprend pas les engagements, les actionnaires ayant agi pour son compte sont réputés avoir agi pour leur compte personnel. Dans le cas présent, M. [K] [S] soutient que le bail serait nul en raison de l’absence de cette mention. Cependant, le juge des référés a noté que la Sci Man a concédé que, dans l’intention des parties, le bail avait été conclu au nom et pour le compte de la société en formation. Cela soulève la question de savoir si cette intention commune peut suffire à valider le contrat malgré l’absence de la mention formelle. Quelles sont les implications de la liquidation judiciaire sur les contrats en cours ?L’article L. 622-21 du Code de commerce stipule que, lors de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, les créanciers ne peuvent pas poursuivre les débiteurs pour des dettes antérieures à cette date. Dans cette affaire, la Sas Js-Sm Bienêtre a été placée en liquidation judiciaire le 23 juin 2023, ce qui a des implications directes sur le contrat de bail en question. La Sci Man ne pouvait pas demander la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent depuis le jugement d’ouverture, car cela serait contraire à la règle de l’interdiction des poursuites. Ainsi, même si le bail était contesté, la Sci Man ne pouvait pas agir contre M. [S] en raison de la liquidation judiciaire de la société, ce qui a conduit le juge à conclure qu’il n’y avait pas lieu à référé. Quelles sont les conséquences de la décision du juge des référés sur les demandes des parties ?La décision du juge des référés a conduit à un rejet de toutes les demandes des parties. La Sci Man, qui a succombé dans ses prétentions, a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure. De plus, la demande de la Sci Man fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de demander une indemnité pour couvrir les frais non compris dans les dépens, a également été rejetée. Cette décision souligne que le juge des référés ne peut pas accorder de mesures qui relèvent des juges du fond, et que les parties doivent se pourvoir selon les voies de droit appropriées pour faire valoir leurs droits. La décision est exécutoire de droit par provision, ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, sans attendre l’issue d’un éventuel appel. |
N° RG 24/00797 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M25I
Minute n° 68/25
COPIE EXÉCUTOIRE à :
Me Julien SCHAEFFER – 333
Me Adélaïde SCHMELTZ – 116
adressées le : 30 janvier 2025
Le Greffier
République Française
Au nom du Peuple Français
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG
Ordonnance du 30 Janvier 2025
DEMANDERESSE :
S.C.I. MAN, agissant par son gérant
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Julien SCHAEFFER, avocat au barreau de STRASBOURG
DEFENDEUR :
Monsieur [K] [S]
né le 12 Avril 1978 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Adélaïde SCHMELTZ, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats à l’audience publique du 07 Janvier 2025
Président : Olivier RUER, Premier vice-président
Greffier : Cédric JAGER
ORDONNANCE :
Prononcée par mise à disposition au greffe par :
Olivier RUER, Premier vice-président
Cédric JAGER, Greffier
Contradictoire
En premier ressort
Signée par le Président et le Greffier,
Par acte délivré le 15 septembre 2023, la Sci Man a fait assigner M. [K] [S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg en constat de résiliation de bail commercial, expulsion et provisions.
L’affaire, enregistrée sous le numéro RG n°23/01226, a été radiée par ordonnance du 14 mai 2024.
Selon conclusions de reprise d’instance datées du 10 juin 2024 et reçues au greffe le 24 juin 2024, la Sci Man a sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle qui a été enregistrée le 25 juin 2024 sous le numéro RG n°24/00797, pour une audience fixée initialement au 29 octobre 2024 puis au 12 novembre 2024.
Selon conclusions du 11 novembre 2024, M. [K] [S] a sollicité voir :
à titre principal,
– constater que le contrat de bail a été conclu par la Sas Js-Sm Bienêtre en cours d’enregistrement ;
– constater l’absence de mention « au nom et pour le compte de » ;
par conséquent,
– constater la nullité du contrat de bail objet des débats ;
– déclarer l’assignation de la Sci Man mal fondée ;
– la débouter de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [K] [S] ;
à titre subsidiaire,
– constater que le contrat de bail commercial a été conclu par la Sas Js-Sm Bienêtre en cours d’enregistrement ;
– constater que la Sas Js-Sm Bienêtre est immatriculée au Rcs de Strasbourg depuis le 2 août 2021 ;
– constater qu’aux termes de l’article 28 des statuts de la Sas Js-Sm Bienêtre intitulé « engagement pour le compte de la société en formation » l’immatriculation de la société au Rcs emporte reprise des engagements par la société ;
par conséquent,
– constater que le contrat de bail objet des débats est conclu entre la Sci Man et la Sas Js-Sm Bienêtre ;
– constater l’absence de qualité à agir de M. [K] [S] ;
– déclarer l’assignation de la Sci Man mal fondée ;
– la débouter de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [K] [S].
Selon dernières conclusions du 2 décembre 2024, la Sci Man a sollicité voir :
– donner acte à la Sci Man, le cas échéant, de la dénonciation de la présente assignation aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce ;
– constater la résiliation du bail consenti par la Sci Man à Monsieur [S] à la date du 30 juin 2023 ;
– par conséquent, condamner Monsieur [S] à payer la somme de 8.484,00 euros au titre l’arriéré de loyers et de charges dû à la date de résiliation du bail, elle-même augmentée des intérêts au taux de l’article L. 441-10 du code de commerce à compte de chacun des loyers demeurés impayés ;
– fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 1.050,00 euros par mois ;
– condamner en outre, Monsieur [S] à payer ladite somme de 1.050,00 euros au titre de l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du 30 juin 2023, date de la résiliation du bail jusqu’à la date du 24 janvier 2024, date de la libération des lieux, correspondant à celle de la remise des clés, soit à 7.112,90 euros ;
– condamner Monsieur [S] à payer à la Sci Man une indemnité de procédure de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [S] aux dépens, en ce qui compris le coût du commandement de payer ;
– rappeler que l’ordonnance à intervenir est exécutoire par provision de plein droit.
– rejeter toutes conclusions plus amples ou contraires.
A l’audience du 07 janvier 2025, les parties se sont référées à leurs écritures, auxquelles il sera renvoyé pour un plus exposé des prétentions et moyens.
Aux termes de l’article 835 du même Code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, la Sci Man expose qu’elle a donné à bail les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] à la Sas Js-Sm Bienêtre par acte sous seing privé du 15 juin 2021 ; que la Sas Js-Sm Bienêtre était en cours de formation lors de la conclusion du bail ; que le bail n’aurait pas été repris par la Sas Js-Sm Bienêtre selon les modalités prévues par les articles L.210-6, R. 210-5 et R. 210-6 du code de commerce, de sorte que M. [S] se trouve être aujourd’hui seul engagé ; que la Sas Js-Sm Bienêtre est en liquidation judiciaire depuis jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg du 23 juin 2023.
La demanderesse a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire, le 31 mai 2023 à M. [S].
La première page du contrat de bail prévoit que le preneur est « la Sas Js-Sm Bienêtre, représentée par M. [K] [S], en qualité de Président ». Néanmoins, si la signature est précédée de la mention ‘lu et approuvé », il n’est pas indiqué que le signataire a agit « ‘au nom et pour le compte de la Sas Js-Sm Bienêtre », société en formation.
Par ailleurs, les statuts prévoient à l’article 28 que l’immatriculation de la Sas Js-Sm Bienêtre emportera reprise des engagements par la société et qu’au cas où la société ne serait pas immatriculée ou ne reprendrait pas lesdits engagements, les actionnaires ayant agi pour son compte sont réputés avoir agi pour leur compte personnel.
Il ressort des pièces versées aux débats que la Sas Js-Sm Bienêtre a bien été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 06 août 2021.
Toutefois, il ne relève pas de la compétence du juge des référés d’interpréter les stipulations d’un bail commercial ou des statuts afin de déterminer si le bail a été conclu au nom et pour le compte de la société en formation ou non, ni de trancher le point de savoir si l’acte a été ou non repris par la société après son immatriculation.
De plus, M. [K] [S] argue que le bail serait nul car la mention « au nom et pour le compte de la Sas Js-Sm Bienêtre, en formation » serait absente.
Le juge des référés est également incompétent pour constater la nullité d’un contrat de bail.
Surabondamment, la Sci Man concède que, dans la commune intention des parties, le bail avait été conclu au nom et pour le compte de la société en formation, argument soulevé pour justifier de la validité du contrat de bail.
A cet égard, la procédure aurait donc dû être dirigée contre la société la Sas Js-Sm Bienêtre, laquelle serait toutefois irrecevable en vertu de la règle de l’interdiction des poursuites édictée par l’article L. 622-21 du code de commerce de même que la demande tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent depuis le jugement d’ouverture en date du 23 juin 2023, soit antérieurement à l’assignation du 15 septembre 2023.
L’ensemble de ces éléments constitue des contestations sérieuses qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de trancher et qui relèvent des seuls juges du fond.
En conséquence, il sera dit n’y avoir lieu à référé.
La demanderesse qui succombe sera condamnée aux dépens.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et la demande de la Sci Man effectuée sur ce fondement sera par conséquent rejetée.
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir, mais dès à présent,
DISONS n’y avoir lieu à référé et RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ;
REJETONS l’ensemble des demandes des parties ;
CONDAMNONS la Sci Man aux dépens ;
REJETONS la demande de la Sci Man fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Et avons signé la minute de la présente ordonnance avec le greffier.
Le Greffier Le Président
C. JAGER O. RUER
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