Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Responsabilité de l’employeur en matière de santé mentale au travail
→ RésuméDéclaration de l’accidentLe 13 mai 2017, M. [F] [S] a signalé un accident du travail concernant Mme [J] [S], secrétaire administrative à la SA [8]. L’accident, survenu le 30 janvier 2017 à 19h50, a été qualifié de suicide, attribué à un burn out et à la réception de sa lettre de licenciement. Prise en charge par la caisse d’assurance maladieLe 10 août 2017, la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 9] a reconnu l’accident comme étant lié à la législation sur les risques professionnels. Le 11 octobre 2017, une rente a été attribuée à M. [S] en tant qu’ayant droit, à compter du 31 janvier 2017. Contestation de la sociétéLe 1er septembre 2017, la société a contesté la décision de prise en charge, mais la commission de recours amiable a rejeté son recours le 22 novembre 2017. La société a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan le 26 décembre 2017. Jugement du tribunalLe tribunal a déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé par jugement du 23 mars 2020, rejetant les demandes de la société et la condamnant aux dépens. La société a interjeté appel le 30 avril 2020. Arrêt de la cour d’appelLe 15 décembre 2021, la cour a confirmé le jugement du tribunal, établissant le caractère professionnel du décès de Mme [S] et condamnant la société à verser une indemnité de 2 000 euros à la caisse, ainsi qu’aux dépens. Demande de reconnaissance de faute inexcusableLe 19 décembre 2018, M. [S] et les consorts [S] ont demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de la société. L’assureur de la société a informé le tribunal de son intervention volontaire le 9 octobre 2019. Jugement sur la faute inexcusableLe 12 juillet 2021, le tribunal a jugé que l’accident était dû à la faute inexcusable de la société, accordant des indemnités pour préjudice moral et d’affection aux consorts [S]. La société a interjeté appel le 5 octobre 2021. Demandes des parties en appelLa société et son assureur ont demandé à la cour d’infirmer le jugement sur la faute inexcusable et de débouter les consorts [S] de leurs demandes. Les consorts [S] ont, quant à eux, demandé la confirmation du jugement et des indemnités majorées. Position de la caisse d’assurance maladieLa caisse a demandé à la cour de se prononcer sur la faute inexcusable de la société, avec des demandes de remboursement en cas de reconnaissance de cette faute. Motifs de la décisionLa cour a examiné la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail, concluant que la société avait commis une faute inexcusable en ne prenant pas les mesures nécessaires pour protéger Mme [S] dans un contexte de surcharge de travail et de restructuration. Conséquences de la faute inexcusableLa cour a confirmé les décisions des premiers juges concernant la majoration de la rente et les indemnités pour préjudice moral, estimant que les montants alloués étaient justifiés. Frais irrépétibles et dépensLa cour a condamné la société à verser une indemnité de 3 000 euros aux consorts [S] pour leurs frais d’appel et a laissé les dépens à sa charge, en tant que partie perdante. |
9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 21/06343 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SDDA
S.A. [8]
Compagnie d’assurance [5]
C/
M. [F] [S]
Mme [B] [S] épouse [X]
Mme [O] [S]
CPAM DU [Localité 9]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Mme Adeline TIREL lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 Octobre 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 12 Juillet 2021
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Pole social du TJ de VANNES
Références : 18/00863
****
APPELANTES :
S.A. [8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Fabienne MICHELET de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Noémie BERTON, avocat au barreau de RENNES,
SA [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Fabienne MICHELET de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Noémie BERTON, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [F] [S]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Sandrine CARON-LE QUERE de la SARL CARON LE QUERE, avocat au barreau de LORIENT
Madame [B] [S] épouse [X]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
représentée par Me Sandrine CARON-LE QUERE de la SARL CARON LE QUERE, avocat au barreau de LORIENT
Madame [O] [S]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
NORVEGE
représentée par Me Sandrine CARON-LE QUERE de la SARL CARON LE QUERE, avocat au barreau de LORIENT
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 9]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Mme [W] [U], en vertu d’un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 13 mai 2017, M. [F] [S] a déclaré un accident du travail concernant Mme [J] [S], salariée en qualité de secrétaire administrative au sein de la SA [8] (la société), mentionnant les circonstances suivantes :
Date : 30 janvier 2017 ; Heure : 19h50 ;
Nature de l’accident : suicide suite à un burn out et réaction suite à la réception de sa lettre de licenciement.
Par décision du 10 août 2017, après instruction, la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 9] (la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par décision du 11 octobre 2017, la caisse a attribué à M. [S] une rente en qualité d’ayant droit, à compter du 31 janvier 2017.
Par courrier du 1er septembre 2017, la société a contesté l’opposabilité de la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 22 novembre 2017.
Elle a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan le 26 décembre 2017, lequel, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Vannes, par jugement du 23 mars 2020, a :
– déclaré recevable mais mal fondé le recours formé par la société ;
– rejeté les demandes de la société ;
– condamné la société aux dépens.
Par déclaration adressée le 30 avril 2020, la société a interjeté appel de ce jugement devant la cour, laquelle a, par arrêt du 15 décembre 2021 :
– dit que le caractère professionnel du décès de Mme [S] est établi ;
– dit que la décision du 10 août 2017 de la caisse de le prendre en charge au titre de la législation professionnelle est opposable à la société ;
– confirmé le jugement dans toutes ses dispositions ;
– condamné la société à verser à la caisse une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
En parallèle, M. [S], Mmes [B] et [O] [S] (les consorts [S]) ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du [Localité 9] d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société, le 19 décembre 2018.
Par courrier du 9 octobre 2019, la SA [5], assureur de la société, a informé le tribunal de son intervention volontaire à la procédure.
Par jugement du 12 juillet 2021, le tribunal a :
– déclaré recevable et bien fondé le recours formé par les consorts [S] ;
– dit que l’accident dont Mme [S] a été victime le 30 janvier 2017 est dû à la faute inexcusable de la société ;
– fait droit à la demande de majoration maximum de la rente présentée par M. [S] ;
– condamné la société au paiement de la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral personnel de Mme [S] ;
– condamné la société au paiement de la somme de 30 000 euros au titre du préjudice d’affection de M. [S] ;
– condamné la société au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d’affection de Mme [B] [S] ;
– condamné la société au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d’affection de Mme [O] [S] ;
– dit que la caisse sera tenue de faire l’avance de cette somme ;
– condamné la société à rembourser à la caisse l’ensemble des sommes dont cette dernière sera tenue de faire l’avance avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement en application de l’article 1231-7 du code civil ;
– condamné la société à verser aux consorts [S] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société aux dépens ;
– dit le jugement commun et opposable à la société [5] ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration adressée le 5 octobre 2021 par courrier recommandé avec avis de réception, la société et son assureur ont interjeté appel de ce jugement qui leur a été notifié le 13 septembre 2021.
Par des écritures communes parvenues au greffe le 6 juin 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées leur conseil à l’audience, la société et son assureur demandent à la cour :
à titre principal,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’accident dont a été victime Mme [S] le 30 janvier 2017 est dû à la faute inexcusable de la société ;
en conséquence,
– de juger que la faute inexcusable de la société n’est pas démontrée ;
– de débouter les consorts [S] de l’ensemble de leurs demandes ;
à titre subsidiaire, si par impossible la faute inexcusable était retenue,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il condamné la société au paiement de la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral de Mme [S] ;
– de débouter les consorts [S] de leur demande d’indemnisation formée au titre de l’action successorale et subsidiairement, de confirmer le
jugement en ce qu’il a fixé la dite somme à 30 000 euros et débouter les ayants-droit de toute demande plus élevée ;
– de débouter M. [S] de sa demande formulée à hauteur de 50 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral et subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé à M. [S] la somme de 30 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral ;
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a accordé à Mme [B] [S] et Mme [O] [S], une somme de 20 000 euros chacune au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral ;
– d’allouer au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral :
* pour Mme [B] [S] : 15 000 euros,
* pour Mme [O] [S] : 15 000 euros ;
– de débouter les consorts [S] de leurs demandes formulées à hauteur de 50 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice moral des deux enfants de Mme [S] ;
– de réduire à de plus justes proportions la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause, de déclarer l’arrêt commun et opposable à la société [5].
Par des écritures communes parvenues au greffe le 26 juin 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées leur conseil à l’audience, les consorts [S] demandent à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que l’accident dont a été victime Mme [S] le 30 janvier 2017 est dû à la faute inexcusable de la société ; que la rente de M. [S] sera majorée dans les limites maximales ; que leur action pour demander l’indemnisation du préjudice moral de Mme [S] est recevable ;
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société à l’indemnisation des préjudices moraux de Mme [S] et de M. [S] à hauteur de 30000 euros chacun et celui des deux enfants à hauteur de 20 000 euros chacune;
Statuant à nouveau,
– d’allouer au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral :
* 50 000 euros pour le préjudice personnel de Mme [S] ;
* 50 000 euros pour M. [S] ;
* 50 000 euros pour [B] [S] ;
* 50 000 euros pour [O] [S] ;
– de condamner la société à verser à chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel ;
– de condamner la société aux dépens.
Par ses écritures parvenues au greffe le 2 février 2024 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse s’en remet à l’appréciation de la cour sur la question de savoir si la société a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident dont est décédée Mme [S] le 31 janvier 2017, et demande à la cour :
– dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait retenue, de condamner la société à rembourser l’intégralité des sommes dont elle sera tenue de faire l’avance ;
– dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur ne serait pas reconnue, de condamner les ayants droit de Mme [S] à lui rembourser l’ensemble des sommes dont elle a fait l’avance ;
– de déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’assureur de la société.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la SA [8] à verser aux consorts [S] une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA [8] aux dépens ;
Déclare le présent arrêt opposable à la SA [5].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire