Cour d’appel de Rennes, 29 janvier 2025, RG n° 23/00025
Cour d’appel de Rennes, 29 janvier 2025, RG n° 23/00025

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Accident du travail et responsabilité de l’employeur : enjeux de la faute inexcusable

Résumé

Déclaration de l’accident

Le 29 septembre 2015, la Fondation a déclaré un accident du travail concernant Mme [X], monitrice éducatrice, survenu le 28 septembre 2015 à 19h00. L’accident s’est produit alors qu’elle descendait des escaliers extérieurs, entraînant une chute et un traumatisme à la main droite. Mme [X] a été transportée chez un médecin, et un certificat médical a été établi le lendemain, indiquant un traumatisme du poignet droit.

Reconnaissance de l’incapacité

La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. La date de consolidation a été fixée au 24 février 2017, et Mme [X] a reçu un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 15%, dont 5% à titre professionnel, entraînant le versement d’une rente à partir du 25 février 2017. Cependant, un jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité a porté ce taux à 32%, ce qui a été contesté par la caisse.

Licenciement et demande de faute inexcusable

Mme [X] a été licenciée pour inaptitude physique le 23 mars 2017. Elle a ensuite demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, ce qui a conduit à un procès-verbal de non-conciliation. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré son recours recevable mais mal fondé, rejetant les demandes de Mme [X].

Appel et contestations

Mme [X] a interjeté appel du jugement, mais l’affaire a été radiée. Elle a ensuite formulé des demandes à la cour, cherchant à établir la faute inexcusable de la Fondation et à obtenir une majoration de sa rente, ainsi qu’une expertise médicale pour évaluer ses préjudices.

Arguments de la Fondation

La Fondation a contesté le caractère professionnel de l’accident, arguant que la cause de l’accident était indéterminée et que l’accident ne relevait pas de la présomption d’accident du travail. Elle a également soutenu qu’aucun autre accident n’avait été signalé sur le site et que les mesures de sécurité étaient adéquates.

Examen du caractère professionnel de l’accident

La cour a examiné si l’accident de Mme [X] pouvait être qualifié d’accident du travail. Elle a noté que l’employeur avait été informé rapidement après l’accident et que les constatations médicales étaient cohérentes avec la chute. La cour a conclu qu’il existait des présomptions graves quant à la matérialité de l’accident.

Faute inexcusable de l’employeur

Concernant la faute inexcusable, la cour a rappelé que l’employeur doit prendre des mesures pour assurer la sécurité des travailleurs. Mme [X] a affirmé que la Fondation n’avait pas pris en compte les risques liés à l’escalier, tandis que la Fondation a contesté cette affirmation, soulignant qu’aucun signalement écrit n’avait été fait concernant le danger de l’escalier.

Décision de la cour

La cour a confirmé que l’accident avait un caractère professionnel, mais a rejeté la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Elle a également statué sur les frais irrépétibles et les dépens, laissant à la charge de Mme [X] les dépens exposés après le 31 décembre 2018.

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 23/00025 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TMSP

[T] [X]

C/

CPAM DU MORBIHAN

Fondation DES [7]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 JANVIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 Octobre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 31 Décembre 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan

Références : 21700702

****

APPELANTE :

Madame [T] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Edith PEMPTROIT, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉES :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Madame [Y] [A] en vertu d’un pouvoir spécial

La Fondation DES [7]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Guillaume FEY, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 septembre 2015, la Fondation des [7] (la Fondation) a déclaré un accident du travail concernant Mme [T] [D] épouse [X] (Mme [X]), salariée en tant que monitrice éducatrice sur le site du lycée professionnel [9] à [Localité 8], mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 28 septembre 2015 ; Heure : 19h00 ;

Horaires de travail de la victime le jour de l’accident : 18h à 23h ;

Lieu de l’accident : escaliers extérieurs entre le groupe de vie et le self ;

Circonstances détaillées de l’accident : chute de sa hauteur en descendant les escaliers ;

Siège des lésions : main droite ;

Nature des lésions : traumatisme ;

La victime a été transportée au cabinet du docteur [C] [K] ;

Accident connu le 28 septembre par l’employeur.

Le certificat médical initial établi le 29 septembre 2015 fait état de : ‘chute de sa hauteur avec traumatisme du poignet droit (bilan radio graphique prévu)’, avec prescription de soins sans arrêt de travail jusqu’au 31 octobre 2015.

La caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan (la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La date de consolidation a été fixée au 24 février 2017 et Mme [X] s’est vu reconnaître un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 15% dont 5% à titre professionnel, justifiant le versement d’une rente à compter du 25 février 2017.

Saisi par Mme [X], le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rennes, par jugement du 17 janvier 2018, a porté le taux d’IPP à 32 % dont 7 % au titre de l’incidence professionnelle.

La caisse a interjeté appel de ce jugement devant la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT), laquelle, par arrêt du 8 juillet 2022, a infirmé le jugement du 17 janvier 2018 et fixé le taux d’IPP à 15 % à la date de consolidation du 24 février 2017.

Entre-temps, Mme [X] a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 23 mars 2017.

Par courrier du 14 juin 2017, Mme [X] a formé une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur auprès de la caisse, laquelle a dressé un procès-verbal de non-conciliation le 18 juillet 2017.

Elle a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan le 12 octobre 2017.

Par jugement du 31 décembre 2018, ce tribunal a :

– déclaré recevable, mais mal fondé le recours formé par Mme [X];

– dit que l’accident dont cette dernière a été victime le 28 septembre 2015 n’est pas dû à la faute inexcusable de l’établissement ;

– rejeté toutes les demandes.

Par déclaration adressée le 12 février 2019 par courrier recommandé avec avis de réception, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 janvier 2019.

L’affaire a été appelée à l’audience du 17 février 2021 et a fait l’objet d’une radiation par mention au dossier par avis daté du même jour.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 25 octobre 2024 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, Mme [X] demande à la cour :

– de la déclarer recevable et bien fondée en ses prétentions ;

Y faisant droit,

– de débouter l’établissement (sic) de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– de réformer le jugement entrepris ;

– de juger qu’elle a été victime d’un accident du travail ;

– de juger que l’accident du travail dont elle a été victime le 28 septembre 2015 est dû à la faute inexcusable de l’établissement ;

– de débouter ce dernier de ses demandes plus amples et contraires ;

En conséquence,

– d’ordonner la majoration de la rente au maximum ;

– de juger que la majoration de la rente devra suivre l’aggravation du taux d’IPP dans les mêmes proportions ;

– d’ordonner une expertise médicale afin de pouvoir évaluer non seulement les 4 préjudices personnels mentionnés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais également certains préjudices listés dans la nomenclature Dintilhac ainsi que ceux interprétés par le conseil constitutionnel dans sa décision n°2010 QPC du 18 juin 2010, avec au besoin l’assistance d’un spécialiste ;

– de lui accorder une provision de 5 000 euros à valoir sur le montant de l’indemnité qui lui sera attribuée en réparation de son préjudice à caractère personnel ;

– de condamner la caisse à la prise en charge des frais d’expertise ;

– de juger que l’ensemble des sommes dues portera intérêt au taux légal à compter de la demande en faute inexcusable présentée à la caisse ;

– de juger que l’ensemble des préjudices lui sera versé directement par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur ;

– de débouter l’établissement de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– de condamner l’établissement au paiement d’une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner le même aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 29 octobre 2024 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la Fondation demande à la cour de :

Au principal,

– dire et juger que l’accident du 28 septembre 2015 ne peut relever de la présomption et donc de la qualification d’accident du travail écartant tout bien fondé à l’action en recherche de faute inexcusable de ce chef de Mme [X] ;

– dire et juger que la cause de l’accident est indéterminée, comme l’accident ainsi imprévisible excluant toute notion de faute inexcusable ;

– en tout état de cause s’agissant de ses relations avec la caisse, dire que la majoration du taux d’IPP ne lui est pas opposable, n’ayant pas été attrait à la procédure devant le tribunal du contentieux de l’incapacité ayant conduit à la reconnaissance d’un taux d’IPP de 32 % ;

Subsidiairement,

– dire et juger que seuls les postes de préjudices suivants sont indemnisables et susceptibles de donner lieu à une expertise à savoir :

* les seules souffrances endurées avant consolidation,

* le préjudice d’agrément,

* le préjudice lié à la perte des possibilités de promotion professionnelle,

* le déficit fonctionnel temporaire,

* le préjudice d’assistance par une tierce personne temporaire ;

– sur les frais d’expertise, dire que seuls sont indemnisables les honoraires versés au médecin qui assiste la victime lors des opérations d’expertise et, encore que les frais de l’expertise amiable réalisée en vue de l’évaluation des chefs de préjudice subis par la victime d’un accident du travail sont d’abord à la charge de la caisse qui les avance pour le compte de l’employeur ;

– dire n’y avoir lieu à expertise, et débouter en conséquence Mme [X] de ses demandes de condamnation à indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur le montant des préjudices à indemniser ;

En tout état de cause :

– dire n’y avoir lieu à condamnation sous le bénéfice de l’exécution provisoire ;

– dire n’y avoir lieu à intérêts légaux à compter de la demande de faute inexcusable présentée à la caisse, au contraire de la stricte application de l’article L 1231-7 du code civil disposant du cours des intérêts légaux à compter du prononcé de l’arrêt ;

Reconventionnellement,

– condamner Mme [X] aux dépens, comme à 5 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 23 septembre 2024 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour de :

– rejeter la demande formulée par l’établissement concernant la qualification professionnelle de l’accident de Mme [X] survenu le 28 septembre 2015 ;

– dire que dans les rapports employeur/caisse, le caractère professionnel de l’accident est établi ;

La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour sur la question de savoir si l’établissement a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont a été victime Mme [X] le 28 septembre 2015, et, dans l’hypothèse où une telle faute serait reconnue, s’en rapporte à justice quant à la demande de majoration de la rente et demande à la cour de :

– mettre à la charge de l’établissement les frais de l’expertise sollicitée par Mme [X] ;

– ramener à de plus justes proportions le montant de la provision sollicitée par Mme [X] ;

– dire que les sommes qui seraient mises à sa charge porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

– condamner l’établissement à lui rembourser l’ensemble des sommes qu’elle serait tenue d’avancer à Mme [X].

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dit que dans les rapports entre Mme [X] et la Fondation des [7] l’accident survenu le 28 septembre 2015 a un caractère professionnel ;

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute la Fondation des [7] de sa demande d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [T] [X] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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