Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Rupture de contrat et reconnaissance des heures supplémentaires : enjeux de preuve et conséquences financières.
→ RésuméEngagement et évolution de M. [T]M. [I] [T] a été engagé par la société CK, exploitant l’enseigne Pizza Fiorentina, en tant que commis de salle à temps partiel à partir du 1er août 2010. Il est passé à un contrat à temps plein le 1er août 2011. Conflit et prise d’acteEn janvier et février 2017, l’employeur a mis en demeure M. [T] de reprendre son poste et l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 15 février 2017, M. [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Le 23 mars 2017, il a assigné la société CK devant le conseil de prud’hommes de Paris, demandant la reconnaissance de cette prise d’acte comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jugement du conseil de prud’hommesLe 29 mai 2017, le conseil de prud’hommes a jugé que la prise d’acte de M. [T] produisait les effets d’une démission. Cependant, la société CK a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [T], notamment pour rappel de salaires, congés payés, travail dissimulé, et a été ordonnée à fournir des documents sociaux. Appel de la société CKLa société CK a interjeté appel de cette décision le 3 novembre 2017. Le 22 septembre 2021, la cour d’appel a confirmé que la prise d’acte produisait les effets d’une démission, mais a infirmé d’autres aspects du jugement, déboutant M. [T] de ses demandes. Pourvoi en cassationM. [T] a formé un pourvoi en cassation, qui a abouti à un arrêt du 24 mai 2023. La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant l’affaire devant une autre formation de la cour d’appel. Conclusions de la société CK et de M. [T]La société CK a demandé à la cour d’appel de confirmer la requalification de la prise d’acte en démission et d’infirmer les condamnations financières. M. [T] a, quant à lui, demandé l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Réouverture des débatsLe 18 septembre 2024, la cour d’appel a ordonné la réouverture des débats, demandant aux parties de produire des documents et de se soumettre à une vérification d’écriture. Éléments de preuve et contestationsM. [T] a fourni un décompte de ses heures supplémentaires, tandis que la société CK a contesté l’authenticité de sa signature sur les plannings de travail. La cour a noté des incohérences dans les horaires de travail et a jugé que l’employeur n’avait pas prouvé l’authenticité des signatures. Décision de la cour d’appelLa cour a conclu que M. [T] avait bien effectué des heures supplémentaires et a fixé les créances salariales à 12 000 euros, en plus des congés payés. Elle a également reconnu la prise d’acte comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonnant à la société CK de verser diverses indemnités à M. [T]. Conséquences financières et remise de documentsLa cour a ordonné le paiement de plusieurs sommes à M. [T], y compris des rappels de salaires et des indemnités de licenciement. Elle a également ordonné la remise de documents rectifiés par la société CK, sans astreinte, et le remboursement des indemnités chômage à Pôle Emploi. Dépens et frais irrépétiblesLa société CK a été condamnée à supporter les dépens d’appel et à verser à M. [T] une somme pour les frais irrépétibles. Le jugement a été infirmé sauf en ce qui concerne les dépens. |
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 29 JANVIER 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04465 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH37B
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mai 2017 du Conseil de Prud’hommes de Paris, confirmé partiellement par l’arrêt du 22 septembre 2021 rendu par la Cour d’Appel de Paris, cassé et annulé partiellement par l’arrêt de la Cour de Cassation du 23 mai 2023.
APPELANTE
S.A.R.L. CK sous l’enseigne PIZZA FIORENTINA agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie JANET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249
INTIME
Monsieur [I] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 devenu 906 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [I] [T] a été engagé par la société CK, exploitant l’enseigne Pizza fiorentina,
suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er août 2010 en qualité de commis de salle.
En temps partiel à son embauche, il est passé à temps plein à compter du 1er août 2011.
Par courriers des 11 janvier et 3 février 2017, l’employeur a mis en demeure le salarié de
reprendre son poste et l’a convoqué par lettre du 8 février 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 février 2017.
Le 15 février 2017, M. [T] a adressé à la société CK une lettre de prise d’acte.
Par acte du 23 mars 2017, M. [T] a assigné la société CK devant le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir, notamment, constater la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ainsi condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l’exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement du 29 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Paris a:
– dit que la prise d’acte de M. [T] en date du 13 février 2017 produit les effets d’une
démission ;
– condamné la société CK à payer à M. [T] les sommes suivantes :
* 29.316 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 ;
* 2.931 euros à titre de congés payés afférents ;
* 16.398 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
* 325,35 euros à titre de remboursement du Pass Navigo ;
* 600 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à la SARL CK, sous l’enseigne Pizza fiorentina, de remettre à M. [I] [T]
les documents sociaux suivants conformes à la présente décision :
* une attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi ;
* les bulletins de paie conformes à la présente décision ;
– prononcé les intérêts au taux légal ;
– prononcé l’exécution provisoire de droit de la décision ;
– débouté M. [I] [T] du surplus de ses demandes ;
– condamné la SARL CK, sous l’enseigne Pizza fiorentina, aux dépens.
Par déclaration du 3 novembre 2017, la SARL CK a interjeté appel de cette décision, intimant M. [T].
Par un arrêt du 22 septembre 2021, la cour d’appel de Paris a :
– confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la prise d’acte de M. [T] en date du 13 février 2017 produit les effets d’une démission ;
– infirmé pour le surplus ;
Statuant de nouveau,
– débouté M. [T] de toutes ses demandes ;
Statuant de nouveau,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus des demandes ;
– laissé les dépens à la charge de M. [T].
M. [T] s’est pourvu en cassation.
Par arrêt du 24 mai 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué en ces termes :
‘casse et annule sauf en ce qu’il rejette la demande de M. [T] en paiement de rappel de
salaire pour la période du 1er janvier au 13 février 2017, de dommages-intérêts pour défaut de visite d’embauche et de visites périodiques et la demande de remboursement du Pass Navigo,
l’arrêt rendu le 22 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
– remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet
arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
– condamne la société CK aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CK et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé’.
Par déclaration en date du 29 juin 2023, la cour d’appel de Paris a été saisie.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2023, la SARL CK demande à la cour de :
– recevoir la société CK en son appel partiel à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 29 mai 2017 et l’y déclarer recevable et bien fondée ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la prise d’acte de la rupture de son
contrat de travail par M. [T] en démission et débouté M. [T] des demandes afférentes
à savoir :
* dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche : 3 000 euros,
* indemnité compensatrice de préavis : 5 466 euros,
* congés payés afférents : 546 euros,
* indemnité de licenciement : 3 006 euros,
* rappel de salaires du 1er janvier au 13 février 2017 : 2 614 euros,
* congés payés afférentes : 261 euros,
* dommages et intérêts pour défaut d’information sur le repos compensateur : 10 941 euros,
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 49 194 euros,
– infirmer le jugement du 29 mai 2017 en ce qu’il a condamné la société CK à payer à M.
[T] les sommes suivantes :
* 29 316 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016,
* 2 931 euros au titre des congés payés afférents,
* 16 398 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
– débouter M. [T] de sa demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 à concurrence de 29 316 euros et 2 931 euros au titre des congés payés afférents ;
– débouter M. [T] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulée ;
– débouter M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
– condamner M. [T] à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
outre aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d’information relatif au repos compensateur, et en ce qu’il a considéré que sa prise d’acte produisait les effets d’une démission, et en ce qu’il l’a débouté par conséquent de ses demandes relatives à la rupture de son contrat : indemnité compensatrice de préavis, congés-payés afférents, indemnité de licenciement et indemnité
pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a alloué à M. [T] un
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, les congés-payés y afférents, ainsi que
l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et les frais irrépétibles ;
– condamner la société CK à payer à M. [T] les sommes suivantes :
* rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 : 29
316 euros,
* congés payés afférents : 2 931 euros,
* dommages-intérêt pour défaut d’information relatif au repos compensateur : 10 941 euros,
* indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 16 398 euros,
* indemnité compensatrice de préavis : 5 466 euros,
* congés payés afférents : 546 euros,
* indemnité de licenciement : 3 006 euros,
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 49 194 euros,
– ordonner la délivrance des bulletins de salaires, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– condamner la société CK à payer à M. [T] la somme de 3 500 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile ;
– condamner la société CK aux entiers dépens ;
– condamner la société CK à régler les intérêts au taux légal et leur capitalisation ;
– débouter la société CK de ses demandes.
Par arrêt avant dire droit en date du 18 septembre 2024, la cour d’appel a notamment:
– ordonné la réouverture des débats à l’audience du mardi 29 octobre 2024;
-enjoint aux parties de:
* produire et communiquer tous documents en original, contemporains de mars 2014 à décembre 2016, comportant la signature de M. [I] [T](autres que les pièces déjà versées);
*se présenter à l’audience prévue pour se soumettre sous la dictée de la cour à une vérification d’écriture;
*autorisé les parties à formuler des observations écrites au vu de la production et communication de ces élements.
Lors des débats à l’audience, M. [T] a été invité en présence des conseils à apposer sa signature à plusieurs reprises.
Les parties ont été invitées à déposer des notes en délibéré avant le 15 décembre 2024.
Par notes en délibéré déposées le 6 et 18 décembre 2024, M. [T] rappelle en substance que la charge de la preuve de l’authenticité de la signature pèse sur la partie qui s’en prévaut et que le doute doit lui profiter. Il souligne que seuls les décomptes concernant les 4 mois de travail entre février et mai 2014 produits par l’employeur pourraient, à défaut, être retenus car il s’agit de décomptes quotidiens à l’inverse de relevés mensuels comportant systématiquement 169 heures de travail sans tenir compte des congés payés. Il sollicite le rejet d’une pièce produite par la société en cours de délibéré.
Par note en délibéré déposée le 11 décembre 2024, la société CK sous l’enseigne Pizza Fiorentina, indique avoir tenté de procéder à une étude comparative des différentes signatures de M. [T], avoir fait le constat que cela était très difficile et contestable et réalisé à ses frais une expertise.
La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs
conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la SARL CK, sous l’enseigne Pizza Fiorentina, aux dépens;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la prise d’acte de M. [I] [T] aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce à effet du 15 février 2017;
CONDAMNE la société CK sous l’enseigne Pizza Fiorentina à verser à M. [I] [T] les sommes suivantes:
12 000 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires;
1200 euros bruts au titre des congés payés y afférents;
4322, 66 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;
432, 26 euros bruts au titre des congés payés afférents;
2809, 72 euros à titre d’indemnité de licenciement;
13.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
DIT que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce;
ORDONNE la capitalisation des intérêts;
ORDONNE à la société CK sous l’enseigne Pizza Fiorentina de rembourser à Pôle Emploi, devenu France travail, les indemnités chômage éventuellement versées à M. [I] [T] dans la limite de deux mois d’indemnités;
ORDONNE à la société CK sous l’enseigne Pizza Fiorentina de remettre à M. [I] [T] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, rectifiés, conformes au présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt,
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte;
CONDAMNE la société CK sous l’enseigne Pizza Fiorentina aux dépens d’appel;
REJETTE le surplus des demandes.
Le greffier La présidente de chambre
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