Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Péremption d’instance et conséquences sur les droits du salarié
→ RésuméEngagement de M. [F]M. [F] a été engagé par la société Meca-rectif le 4 septembre 1995 en tant qu’opérateur machine, évoluant ensuite au poste de chef d’équipe. La société Meca-rectif fait partie d’un groupe dont la holding est Tramidev. Consultation et licenciementLe 5 janvier 2016, la société a consulté les délégués du personnel concernant un projet de réorganisation entraînant la suppression de huit postes. M. [F] a été convoqué à un entretien préalable le 15 janvier 2016 et a reçu une notification de licenciement pour motif économique le 25 janvier 2016, avec une rupture effective de son contrat le 5 février 2016. Liquidation judiciaireLe tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de Meca-rectif le 2 février 2016, désignant M. [G] comme liquidateur. Une ordonnance ultérieure a désigné MJS partners, représentée par M. [G], comme liquidateur. Contestations de M. [F]M. [F] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Bobigny le 5 octobre 2016, demandant des indemnités pour rupture de contrat. Il a assigné le liquidateur, l’AGS CGEA IDF Est et Tramidev en décembre 2016. Radiation de l’affaireLe 14 juin 2017, le conseil de prud’hommes a ordonné la radiation de l’affaire, précisant que celle-ci pourrait être rétablie sous certaines conditions. M. [F] a demandé le rétablissement de l’affaire le 13 juin 2019. Jugement du conseil de prud’hommesLe 16 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a prononcé la péremption d’instance et a condamné M. [F] à supporter les frais de l’instance. M. [F] a interjeté appel de cette décision le 17 décembre 2021. Demandes de M. [F] en appelDans ses conclusions du 7 août 2024, M. [F] a demandé à la cour d’infirmer la décision des premiers juges, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de fixer sa créance au passif de Meca-rectif à 165 000 euros pour licenciement abusif et 165 000 euros pour non-respect des critères d’ordre des licenciements. Réponse des intimésLa société MJS partners et l’AGS CGEA IDF Est ont demandé la confirmation du jugement de première instance, soutenant que le licenciement de M. [F] était justifié et que les critères d’ordre avaient été respectés. Arguments sur la péremptionM. [F] a contesté la recevabilité de la demande de péremption formulée par l’AGS CGEA IDF Est, arguant qu’elle n’avait pas été présentée avant tout autre moyen. La cour a examiné la question de la péremption d’instance, relevant que la demande de péremption était irrecevable. Décision de la courLa cour a infirmé le jugement en ce qui concerne la péremption, déclarant que l’instance était périmée en raison de l’absence de diligences. Elle a également condamné M. [F] aux dépens de la procédure d’appel, laissant chaque partie responsable de ses frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 29 JANVIER 2025
(N°2025/ , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10254 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE2PN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/01902
APPELANT
Monsieur [B] [F]
[Adresse 1]
[Localité 6]
né le 01 Février 1965 à MAROC
Représenté par Me Jonathan BEN AYOUN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 206
INTIMEES
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS Prise en la personne de Maître [P] [G], es-qualités de mandataire liquidateur de la société MECA RECTIF, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de BOBIGNY en date du 2 février 2016
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST Représentée par sa Directrice nationale, Madame [O] [E] y domiciliée en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
M. Didier LE CORRE, Président de chambre
M. Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Didier LE CORRE dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour,initialement prévue le 18 décembre 2024,prorogée au 22 janvier 2025 puis au 29 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [F] a été engagé le 4 septembre 1995 en qualité d’opérateur machine par la société Meca-rectif. Celle-ci appartient à un groupe dont la holding est la société Tramidev.
Il occupait en dernier lieu les fonctions de chef d’équipe, statut agent de maîtrise.
La société Meca-rectif a consulté les délégués du personnel le 5 janvier 2016 sur un projet de réorganisation de l’entreprise incluant la suppression de huit postes de travail.
Par lettre du 6 janvier 2016, la société Meca-rectif a convoqué M. [F] à un entretien préalable fixé au 15 janvier suivant.
Par lettre du 25 janvier 2016, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique.
Le contrat de travail de travail a été rompu le 5 février 2016, à l’issue du délai de réflexion dont M. [F] disposait après son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
Par jugement du 2 février 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Meca-rectif, M. [G] étant désigné en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 31 août 2018 de ce même tribunal, la société MJS partners, prise en la personne de M. [G], a été désigné en qualité de liquidateur.
M. [F] a saisi le 5 octobre 2016 le conseil de prud’hommes de Bobigny d’une contestation de son licenciement et en demandant que la société Meca-rectif soit condamnée à lui payer différentes sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
M. [F] a fait assigner courant décembre 2016 le liquidateur de la société Meca-rectif, l’AGS CGEA IDF Est et la société Tramidev.
Par décision du 14 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Bobigny a ordonné la radiation de l’affaire, dit que l’affaire pourra être rétablie au vu des moyens et du bordereau de communication des pièces par la partie la plus diligente et dit que ces diligences sont prescrites à peine de péremption de l’instance.
Le 13 juin 2019, le conseil de M. [F] a demandé le rétablissement de l’affaire devant la juridiction prud’homale en communiquant des conclusions et le bordereau de communication de ses pièces.
Par jugement du 16 novembre 2021, auquel il est également renvoyé pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Bobigny a rendu la décision suivante:
« PRONONCE la péremption d’instance
CONDAMNE Monsieur [B] [F] à supporter les frais de l’instance conformément à l’article 393 du code de procédure civile. »
M. [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 décembre 2021.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 août 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [F] demande à la cour de:
« Infirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils :
‘ ont prononcé la péremption d’instance,
‘ par conséquent, n’ont pas fait droit aux prétentions du salarié, ci-dessous rappelées :
– que le licenciement dont il a fait l’objet soit jugé dénué de toute cause réelle et sérieuse,
– qu’il soit jugé que la société MECA-RECTIF n’a pas respecté les critères d’ordre des licenciements,
– qu’il soit fixé, en conséquence, la créance de Monsieur [F] au passif de la société MECA-RECTIF, aux sommes suivantes :
165 000 euros à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
165 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect des critères d’ordre des licenciements,
outre 2 000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi que les dépens ;
– qu’il soit ordonné à Maître [P] [G], ès qualité, de remettre au salarié les pièces suivantes, conformes à la décision à intervenir :
certificat de travail,
attestation destinée à POLE EMPLOI ;
– que la décision soit jugée opposable à l’Assurance Garantie des Salaires, dans la limite
de son intervention légale ;
‘ l’ont condamné à supporter les frais d’instance.
Statuant de nouveau,
Juger que le Conseil de prud’hommes de BOBIGNY a violé les dispositions de l’article 388 du
code de procédure civile en faisant droit à la demande de péremption irrecevable de l’UNEDIC.
Juger le licenciement du salarié en date du 25 janvier 2016, et à effet du 5 février 2016, dénué
de toute cause réelle et sérieuse.
Juger que la société MECA-RECTIF a manqué de respecter les critères d’ordre des licenciements.
En conséquence,
Fixer la créance de Monsieur [F] au passif de la société MECA-RECTIF aux sommes suivantes :
‘ 165 000 euros, à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
‘ 165 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect des critères d’ordre des licenciements,
‘ 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ordonner à Maître [P] [G], es qualité, de remettre au salarié, les pièces suivantes, conformes à la décision à intervenir :
‘ certificat de travail
‘ attestation destinée à POLE EMPLOI.
Juger la décision à intervenir opposable à l’Assurance Garantie des Salaires, dans la limite de son intervention légale.
Condamner les intimées aux entiers dépens.»
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société MJS partners, ès qualités de liquidateur de la société Meca-rectif, demande à la cour de:
« IN LIMINE LITIS :
– CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a prononcé la péremption de l’instance,
En conséquence :
– DÉBOUTER Monsieur [F] de l’intégralité de ses demandes.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– JUGER que le licenciement de Monsieur [F] repose sur un motif réel et sérieux,
– JUGER que la société MECA-RECTIF a respecté l’obligation de définir la liste des critères d’ordre retenus pour fixer l’ordre des licenciements,
– JUGER que la société MECA-RECTIF a respecté son obligation de moyen de recherche d’un reclassement.
En conséquence :
– DÉBOUTER Monsieur [F] de l’intégralité de ses demandes.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
– CONSTATER que Monsieur [F] ne démontre pas l’ampleur de son préjudice et ne saurait solliciter une indemnité supérieure au minimum prévu par la loi,
– CONSTATER que le salaire de référence de Monsieur [F] est de 2.595,49 euros,
– PRENDRE ACTE du fait que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumule pas avec l’indemnité pour perte injustifiée d’emploi allouée en cas de violation des règles applicables en matière d’ordre des licenciements,
– PRENDRE ACTE du fait que Monsieur [F] n’est pas en droit de solliciter cumulativement une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour violation de l’obligation d’établir la liste des critères d’ordre des licenciements.
En conséquence :
– FIXER le montant de l’indemnité accordée à Monsieur [F] au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à un montant qui ne saurait excéder la somme de 15.572,94 euros,
– DEBOUTER Monsieur [F] de sa demande au titre des critères d’ordres des licenciements.
Dans l’hypothèse où aucune indemnité pour licenciement sans cause réelle n’est accordée à Monsieur [F],
– CONSTATER que Monsieur [F] ne démontre pas l’ampleur de son préjudice au titre de la prétendue violation des critères d’ordre des licenciements.
En conséquence :
– RÉDUIRE LE QUANTUM des dommages et intérêts accordés à Monsieur [F] au titre de la violation d’établir la liste des critères d’ordre à de plus justes proportions.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
– DIRE ET JUGER que toute condamnation ne pourra donner lieu qu’à la fixation d’une créance au passif de la société MECA-RECTIF,
– DÉBOUTER Monsieur [F] de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
– DEBOUTER Monsieur [F] de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– DECLARER la décision à intervenir opposable à l’AGS CGEA IDF EST,
– CONDAMNER Monsieur [F] aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, l’AGS CGEA IDF Est demande à la cour de:
« IN LIMITE LITIS
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny du 21 novembre 2021 en ce qu’il a prononcé la péremption de l’instance et mis à la charge de Monsieur [F]
les frais de l’instance
A DEFAUT et en cas d’infirmation :
DEBOUTER Monsieur [F] de l’ensemble de ses demandes, moyens et prétentions
A TITRE SUBSIDIAIRE
FIXER le montant de l’indemnité au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse qui
serait accordée à Monsieur [F] à un montant qui ne saurait excéder la somme de
15 572,94 euros
DEBOUTER Monsieur [F] de sa demande au titre des critères d’ordres des licenciements ou à défaut, réduire le quantum octroyé sur ce fondement dans la mesure où Monsieur [F] ne démontre pas son préjudice
EN TOUT ETAT DE CAUSE
RAPPELER et ORDONNER la suspension du cours des intérêts à compter du redressement judiciaire
CONDAMNER Monsieur [F] aux entiers dépens
SUR LA GARANTIE
Juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L 3253-6 du code
du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l’article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Juger qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances
confondues, l’un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D
3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’UNEDIC AGS. »
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [F] à supporter les frais de l’instance.
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de péremption formées par la société MJS partners, prise en la personne de M. [G], ès qualités de liquidateur de la société Meca-rectif, et par l’AGS CGEA IDF Est.
Relève d’office la péremption de l’instance.
Prononce la péremption de l’instance.
Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et les déboute de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [F] aux dépens de la procédure d’appel.
La Greffière Le Président
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