Tribunal judiciaire de Dijon, 28 janvier 2025, RG n° 24/00010
Tribunal judiciaire de Dijon, 28 janvier 2025, RG n° 24/00010

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Dijon

Thématique : Indemnisation et lien de causalité : enjeux d’une inaptitude après un accident du travail

Résumé

Contexte de l’Affaire

Le 9 août 2022, Madame [I] [J] a subi un accident de travail lors d’un transfert de résident, où elle a dû porter seule le poids d’un résident avec l’aide d’une aide-soignante inexpérimentée. Cet accident a été reconnu dans le cadre de la législation professionnelle, et son état de santé a été déclaré consolidé le 4 juin 2023.

Demande d’Indemnité

Le 11 juillet 2023, Madame [I] [J] a demandé une indemnité temporaire d’inaptitude. Cependant, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Côte-d’Or a rejeté cette demande le 22 août 2023, arguant qu’il n’y avait pas de lien entre l’inaptitude et l’accident de travail.

Recours et Décision de la Commission

Suite à ce rejet, Madame [I] [J] a contesté la décision, mais la commission de recours amiable a également rejeté son recours lors de sa séance du 25 octobre 2023. Elle a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Dijon par courrier recommandé le 15 décembre 2023.

Arguments de la Requérante

Lors de l’audience du 3 décembre 2024, Madame [I] [J], représentée par son avocat, a demandé au tribunal de reconnaître un lien de causalité entre son inaptitude et l’accident du travail. Elle a souligné que l’avis d’inaptitude mentionnait un lien potentiel avec l’accident et a critiqué l’absence de consultation du médecin du travail par le médecin-conseil.

Position de la CPAM

La CPAM a demandé la confirmation de son refus, soutenant que l’indemnité temporaire d’inaptitude nécessite l’accord du médecin-conseil. Elle a fait valoir que les avis médicaux indiquaient qu’il n’y avait pas de lien entre l’inaptitude et l’accident, et a maintenu sa position lors des interrogations de la commission de recours amiable.

Motifs de la Décision du Tribunal

Le tribunal a rappelé que l’indemnité temporaire d’inaptitude est soumise à plusieurs conditions, notamment la reconnaissance de l’accident comme un risque professionnel et un lien entre l’inaptitude et l’accident. Il a noté que les avis des médecins-conseil ne fournissaient pas d’explications claires sur leur position, et qu’il existait des doutes quant à la méthodologie adoptée.

Ordonnance d’Expertise Médicale

En raison des incertitudes médicales, le tribunal a ordonné une expertise médicale pour déterminer les lésions imputables à l’accident et la cause de l’inaptitude de Madame [I] [J]. L’expert désigné devra évaluer si l’inaptitude est liée à l’accident et si d’autres facteurs peuvent avoir influencé cette inaptitude.

Conclusion de la Décision

Le tribunal a également précisé que la CPAM devait avancer les frais d’expertise et a enjoint les parties à fournir tous les éléments médicaux nécessaires à l’expert. Les demandes et les dépens ont été réservés pour une décision ultérieure.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL de DIJON

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DIJON

POLE SOCIAL

CONTENTIEUX DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

AFFAIRE N° RG 24/00010 – N° Portalis DBXJ-W-B7H-IF7S

JUGEMENT N° 25/047

JUGEMENT DU 28 Janvier 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Catherine PERTUISOT
Assesseur salarié : Thierry VILLISEK
Assesseur non salarié : Marylène BAROILLER
Greffe : Séverine MOLINOT-LUKEC

PARTIE DEMANDERESSE :

Madame [I] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Comparution : Représentée par Maître Charles PICHON
Avocat au Barreau de Dijon, vestiaire 164

PARTIE DÉFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE
MALADIE DE COTE D OR
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Comparution : Représentée par Mme BERTOUT,
régulièrement habilitée

PROCÉDURE :

Date de saisine : 16 Décembre 2023
Audience publique du 03 Décembre 2024
Qualification :
Notification du jugement :

EXPOSE DU LITIGE :

Le 9 août 2022, Madame [I] [J] a été victime d’un accident survenu dans les circonstances suivantes : “Faisait un transfert de résident avec une AS inexpérimentée et s’est retrouvée à porter seule tout le poids du résident.”.

L’accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, et l’état de santé de la salariée a été déclaré consolidé à la date du 4 juin 2023.

Le 11 juillet 2023, l’assurée a établi une demande d’indemnité temporaire d’inaptitude.

Par notification du 22 août 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Côte-d’Or a rejeté cette demande, se prévalant de l’absence de lien entre l’inaptitude prononcée et l’accident du travail.

Saisie de la contestation de cette décision, la commission de recours amiable a rejeté le recours lors de sa séance du 25 octobre 2023.

Par courrier recommandé du 15 décembre 2023, Madame [I] [J] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon d’un recours à l’encontre de cet avis.

L’affaire a été retenue à l’audience du 3 décembre 2024, suite à plusieurs renvois.

A cette occasion, Madame [I] [J], représentée par son conseil, a demandé au tribunal de :
constater qu’il existe un lien de causalité entre l’inaptitude prononcée le 5 juillet 2023 et l’accident du travail dont elle a été victime le 9 août 2022 ; ordonner en conséquence le versement de l’indemnité temporaire d’inaptitude sur la période comprise entre le 6 juillet et le 6 août 2023 ; condamner la CPAM de Côte-d’Or à lui verser la somme correspondante ; condamner la CPAM de Côte-d’Or au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et des dépens.
Au soutien de ses prétentions, la requérante expose avoir été déclarée inapte à son poste le 5 juillet 2023. Elle soutient qu’il existe incontestablement un lien entre cette inaptitude et l’accident du travail survenu le 9 août 2022. Elle souligne que l’avis d’inaptitude renseigne expressément que l’inaptitude est susceptible d’être en lien avec cet accident, que l’avis rendu par le médecin-conseil ne comporte quant à lui aucune motivation et que, de nouveau interrogé par les services administratifs, ce dernier a précisé ne pas avoir pris attache avec le médecin du travail avant de prendre sa décision. Elle fait valoir qu’une telle concertation aurait pourtant été opportune dans la mesure où le médecin du travail renvoie expressément à une cause professionnelle et que son médecin-traitant atteste en outre que l’inaptitude résulte de la présence de lombalgies chroniques imputables à l’accident du travail.

La CPAM de Côte-d’Or, représentée, a sollicité du tribunal qu’il confirme la notification de refus du 22 août 2023, déboute Madame [I] [J] de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens.

A l’appui de ses demandes, la caisse réplique que le versement de l’indemnité temporaire d’inaptitude est soumis à l’accord du médecin-conseil. Elle rappelle que les avis des services médicaux s’imposent aux services administratifs.Elle fait observer qu’aux termes d’un avis du 21 août 2023, le docteur [K] a considéré qu’il n’existait pas de lien entre l’inaptitude et l’accident du travail du 9 août 2022. Elle met en exergue qu’interrogé une nouvelle fois par la commission de recours amiable, le médecin-conseil a confirmé sa décision, estimant que les arguments formulés par la requérante n’étaient pas de nature à remettre en cause la décision initiale.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant publiquement, par jugement avant dire-droit, non susceptible de recours, mis à disposition au secrétariat-greffe,

Ordonne une expertise médicale sur pièces et désigne le docteur [H] [E], [Adresse 1], pour y procéder, avec pour mission de:

1° Recueillir les observations et pièces des parties, et en dresser une liste ;

2° En prendre connaissance, et détailler précisément les lésions imputables à l’accident du travail du 9 août 2022, et leur évolution ;

3° Déterminer la cause de l’inaptitude de Madame [I] [J], en précisant la ou les pathologie(s) et/ou lésion(s) à l’origine de l’inaptitude ;

4° Préciser si un éventuel état antérieur ou intercurrent justifie en tout ou partie l’inaptitude, et dire si cet état trouve son origine dans l’activité professionnelle de la requérante ou dans une cause étrangère au travail ;

5° Dire si l’inaptitude prononcée le 5 juillet 2023 présente un lien, au moins partiel, avec l’accident du travail du 9 août 2022 ;

Dit qu’en cas de refus de l’expert de procéder à sa mission ou d’empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;

Dit que l’expert pourra s’entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de la médecine du travail que le secret médical ne puisse lui être opposé ;

Dit que l’expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu’il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations incombant particulièrement au service médical de la défenderesse dans un délai maximum impératif d’un mois ;

Dit qu’après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l’expert devra déposer au greffe du pôle social du tribunal judiciaire un rapport définitif en double exemplaire dans le délai de six mois à compter de sa saisine ;

Dit que l’expert en adressera directement copie aux parties ou à leurs conseils ;

Dit que la CPAM de Côte-d’Or fera l’avance des frais d’expertise ;

Dit que la mesure d’instruction sera mise en œuvre sous le contrôle du magistrat qui l’a ordonnée ;

Enjoint au service médical de la CPAM de Côte-d’Or de communiquer à l’expert, dans les plus brefs délais, l’entier dossier médical de l’assurée ;

Enjoint à Madame [I] [J] de transmettre à l’expert, dans les plus brefs délais, tout élément médical utile et plus particulièrement le dossier médical détenu par la médecine du travail ;

Réserve les demandes et les dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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