Tribunal judiciaire de Lille, 28 janvier 2025, RG n° 23/10028
Tribunal judiciaire de Lille, 28 janvier 2025, RG n° 23/10028

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Vente immobilière et vices cachés : enjeux de la garantie et de la conformité

Résumé

Acquisition de la maison et entretien de la piscine

Le 22 décembre 2010, M. [F] [R] et Mme [U] [Z] ont acquis une maison avec piscine à [Localité 6]. Ils ont confié l’entretien de la piscine et certains travaux à M. [S]. En 2019, après leur séparation, ils ont mis la maison en vente.

Vente de la maison et constatation de fuites

Le 18 janvier 2019, M. et Mme [R] ont vendu la maison à M. [O] [W] et Mme [V] [E] pour 695 000 euros. Après la vente, les nouveaux propriétaires ont constaté une baisse du niveau d’eau de la piscine et ont demandé à M. [S] d’intervenir. Celui-ci a informé qu’il avait signalé une fuite depuis des années, mais que les vendeurs n’avaient pas souhaité la faire réparer.

Expertise et actions judiciaires

Un expert, M. [K], a été mandaté pour évaluer la situation, et un constat a été réalisé le 15 octobre 2019, confirmant une perte d’eau. En l’absence d’accord amiable, M. et Mme [W] ont assigné M. et Mme [R] devant le tribunal judiciaire de Lille le 31 mai 2022, demandant la reconnaissance de vices cachés et une indemnisation.

Demandes des acquéreurs

Dans leurs conclusions du 12 avril 2024, M. et Mme [W] ont demandé le déboutement de M. et Mme [R] et une indemnisation pour divers préjudices, invoquant la garantie des vices cachés, l’obligation de délivrance conforme et la réticence dolosive. Ils ont soutenu que la fuite de la piscine compromettait son utilisation et que les vendeurs en avaient connaissance.

Réponse des vendeurs

M. et Mme [R] ont contesté les demandes des acquéreurs dans leurs conclusions du 23 mai 2024, affirmant qu’ils n’avaient pas connaissance des vices avant la vente et que la clause de garantie des vices cachés devait s’appliquer. Ils ont également demandé des dommages et intérêts pour préjudice moral et des frais d’expertise.

Analyse des vices cachés

Le tribunal a examiné les critères de la garantie des vices cachés, concluant que les acquéreurs n’avaient pas prouvé l’existence de vices graves affectant l’usage de la piscine. Les désordres constatés n’étaient pas suffisants pour caractériser une impropriété à l’usage.

Défaut de conformité et dol

Concernant le défaut de conformité, le tribunal a noté que l’acte de vente ne mentionnait pas la piscine, ce qui empêchait M. et Mme [W] de revendiquer une non-conformité. De plus, les éléments de dol n’ont pas été établis, car il n’a pas été prouvé que M. et Mme [R] avaient connaissance des défauts de la piscine au moment de la vente.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté toutes les demandes de M. et Mme [W] et leur a ordonné de supporter les dépens de l’instance. La demande reconventionnelle de M. et Mme [R] a également été rejetée. M. et Mme [W] ont été condamnés à verser 4 000 euros à M. et Mme [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/10028 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XVQR

JUGEMENT DU 28 JANVIER 2025

DEMANDEURS :

M. [O] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Nicolas PAPIACHVILI, avocat au barreau de LILLE

Mme [V] [W] née [E]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Nicolas PAPIACHVILI, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

Mme [U] [D] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Manuel BUFFETAUD, avocat au barreau de LILLE

M. [F] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Manuel BUFFETAUD, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Laurence RUYSSEN, Vice-présidente

Greffier

Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 19 Juin 2024.

A l’audience publique du 18 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 28 Janvier 2025.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, et mis à disposition au Greffe le 28 Janvier 2025 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

Le 22 décembre 2010, M. [F] [R] et Mme [U] [Z] épouse [R] ont acquis une maison d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 6]. Cette maison étant équipée d’une piscine, ils en ont confié l’entretien ainsi que certains travaux notamment à M. [S].

S’étant séparés en 2019, ils ont mis la maison en vente.

Le 18 janvier 2019, M. et Mme [R] ont vendu cette maison à M. [O] [W] et Mme [V] [E] épouse [W] moyennant un prix de 695 000 euros.

Considérant que le niveau de l’eau de la piscine baissait, ils ont demandé à M. [S] d’intervenir et celui-ci leur a indiqué que la piscine fuyait depuis des années mais que les vendeurs n’avaient pas souhaité la faire réparer.

Ils ont ensuite fait intervenir un expert, M. [K], accompagné d’un huissier le 15 octobre 2019 qui a constaté une perte d’eau.

A défaut de trouver une issue amiable, ils ont demandé et obtenu la désignation d’un expert judiciaire suivant ordonnance du 3 juillet 2020.

Par actes d’huissier du 31 mai 2022, M. et Mme [W] ont fait assigner M. et Mme [R] devant le tribunal judiciaire de Lille afin principalement de faire reconnaître les vices affectant la piscine et d’obtenir une indemnisation.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, le sursis à statuer a été ordonné dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert.

L’expert [P] a achevé son rapport le 13 juin 2023.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2024, M. et Mme [W] demandent au tribunal de :

Vu l’article 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 1644 et 1645 du code civil,
Vu l’article 1604 et suivants du code civil,
Vu l’article 1137 et suivants du code civil,
Vu les articles 1231, 1231-1, 1231-2 et suivants du code civil,
Vu l’article 1240 du code civil

– Débouter M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– Condamner solidairement M. et Mme [R] à leur verser les sommes de :
– 102 723,94 euros TTC au titre des travaux de réfection de l’ouvrage avec revalorisation suivant l’évolution de l’indice du coût de la construction BT 01 intervenue entre le dépôt du rapport d’expertise judiciaire et le jour du jugement à intervenir, puis augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du jugement,
– 5 012,50 euros à parfaire le jour du jugement à intervenir au titre du préjudice de jouissance,
– 2 000 euros TTC au titre de leur préjudice moral,
– 1 989,90 euros TTC au titre du nettoyage de la piscine,
– 5 142 euros TTC au titre des frais de M. [P] et de 6 570 euros au titre des honoraires de M. [K],
– 15 770 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement M. et Mme [R] aux dépens de l’instance.

A l’appui de leurs prétentions, ils invoquent à titre principal la garantie des vices cachés au sens de l’article 1641 du code civil, subsidiairement l’obligation de délivrance conforme, plus subsidiairement la réticence dolosive.

Ils estiment que l’expertise a démontré que la piscine fuyait, qu’il s’agissait d’un défaut grave compromettant son utilisation, que la fuite précédait la vente et que les vendeurs ne pouvaient l’ignorer puisqu’un professionnel leur avait recommandé le remplacement de pièces, qu’ils surconsommaient de grandes quantités d’eau tandis qu’ils ne démontrent pas qu’ils entretenaient cette piscine.

Ils demandent une réduction de prix du montant des travaux de réparations évalués par l’expert sur la base des devis qu’ils ont fournis mais également l’indemnisation de leurs préjudices de jouissance puisqu’ils n’ont jamais pu profiter de la piscine et de leur préjudice moral alors qu’ils ont subi des tracas multiples depuis l’acquisition.
Ils demandent aussi le remboursement du coût de la vidange demandée par l’expert et de la facture de leur conseil technique, M. [K].

Ils s’opposent vivement aux prétentions adverses considérant que les défendeurs sont gravement de mauvaise foi et qu’ils n’ont envisagé aucune issue amiable et insistent pour que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée alors que les défendeurs ne justifient ni de leur patrimoine ni de leurs charges.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2024, M. et Mme [R] demandent au tribunal de :

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 1604 et suivants du code civil,
Vu les articles 1137 et suivants du code civil,
Vu les articles 514-1 et -3 du code de procédure civile ,

– Débouter M. et Mme [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel,
– Les condamner à leur payer les sommes de :
-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral enduré depuis 2019,
– 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– 4 332 euros au titre de la facture de M. [J] ;
– Les condamner aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire qu’ils ont avancés et qui demeureront à leur charge ;

A titre très infiniment subsidiaire,
– Ecarter l’exécution provisoire de droit.

Au soutien de leur défense, ils font valoir principalement qu’ils n’avaient pas connaissance avant la vente du 18 janvier 2019, du vice affectant la piscine et que la clause exclusive de la garantie des vices cachés insérée dans l’acte authentique de vente du 18 septembre 2019 doit recevoir application. Ils sont très critiques du travail de l’expert et soulignent que seules les factures d’eau dont ils avaient connaissance avant la vente sont pertinentes pour apprécier l’éventuelle connaissance d’une surconsommation, pas la facture de régularisation émise après la vente.
Subsidiairement, ils soutiennent que l’action en garantie des vices cachés est exclusive de l’action fondée subsidiairement sur l’obligation de délivrance conforme.
Plus subsidiairement, ils exposent que la preuve de l’intention de tromper n’est pas rapportée.

Reconventionnellement, ils considèrent que les demandeurs sont de très mauvaise foi et qu’ils ont laissé la piscine dans un état de total abandon.

Subsidiairement, si le tribunal devait faire droit à l’action de M. et Mme [W], ils contestent devoir payer le coût d’une piscine neuve alors qu’ils ont vendu une maison avec une piscine des années 1970 dont l’état imparfait était visible.
Ils contestent aussi devoir indemniser le préjudice de jouissance alors qu’à supposer la fuite établie, M. et Mme [W] pouvaient jouir de la piscine en rajoutant de l’eau, s’ils avaient entretenu celle-ci normalement.
Ils concluent au rejet de la demande indemnitaire pour préjudice moral celui-ci ne résultant que de leurs propres négligences et à celui de la demande de remboursement de la vidange, la société intervenue n’ayant pas fait que vider l’eau mais surtout procéder au nettoyage et à la désinfection.

Très subsidiairement, ils demandent d’écarter l’exécution provisoire compte tenu de leurs ressources et charges actuelles et de leur situation suite à leur séparation. Ils estiment que si le tribunal devait faire droit aux demandes, l’exécution provisoire entraverait leur droit au double degré de juridiction.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de l’exposé de leurs moyens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Rejette toutes les demandes formées par M. [O] [W] et Mme [V] [E] épouse [W] ;

Rejette la demande reconventionnelle indemnitaire formée par M. [F] [R] et Mme [U] [Z] ;

Condamne M. [O] [W] et Mme [V] [E] épouse [W] à supporter les dépens de l’instance au fond ainsi que ceux de l’instance en référé en ce compris le coût de l’expertise judiciaire exécutée par M. [P] et du nettoyage de la piscine exigée par l’expert pour procéder à ses opérations ;

Condamne M. [O] [W] et Mme [V] [E] épouse [W] à payer à M. [F] [R] et Mme [U] [Z] (ensemble) la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon