L’Essentiel : Le 24 août 2007, Cummins France a vendu un moteur à Sogedep pour 10 120 euros. Ce moteur, doté d’un collecteur d’échappement monobloc, a été cédé par Sogedep à Atlantic bail pour 379 010 euros. Le 7 mars 2012, un incendie causé par la rupture du collecteur a endommagé la machine, entraînant une indemnisation de 166 925,90 euros par Allianz Iard. En mai 2018, Allianz a assigné Sogedep et Cummins en paiement. La cour d’appel a limité la condamnation de Cummins à la restitution du prix du moteur, invoquant la connaissance de Sogedep des défauts du collecteur.
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Vente du moteur et cession de la machineLe 24 août 2007, la société Cummins France a vendu un moteur à la société Sogedep pour un montant de 10 120 euros. Ce moteur était équipé d’un collecteur d’échappement monobloc. Par la suite, le 17 décembre 2007, Sogedep a cédé une machine fabriquée avec ce moteur à la société Atlantic bail pour 379 010 euros, qui a ensuite été mise en crédit-bail. Incendie et indemnisationLe 7 mars 2012, la machine a subi des dommages importants à la suite d’un incendie causé par la rupture du collecteur d’échappement. En conséquence, la société Allianz Iard a indemnisé Atlantic bail à hauteur de 166 925,90 euros pour couvrir le préjudice subi. Assignation en paiementLes 28 et 30 mai 2018, Allianz, agissant en tant que subrogée des droits d’Atlantic bail, a assigné les sociétés Sogedep et Cummins en paiement pour obtenir réparation des dommages. Demande de garantie de SogedepSogedep a demandé à être garantie par Cummins pour toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, invoquant la responsabilité de Cummins en tant que vendeur du moteur affecté d’un vice caché. Limitation de la condamnationLa cour d’appel a limité la condamnation de Cummins à la restitution du prix du moteur, soit 10 120 euros, rejetant les demandes supplémentaires de Sogedep. La cour a justifié sa décision en affirmant que Sogedep avait connaissance de l’inadaptation des collecteurs monoblocs à l’utilisation des engins qu’elle fabriquait. Interprétation de la connaissance du viceLa cour a conclu que Sogedep ne pouvait pas opposer à Cummins la garantie des vices cachés au-delà du prix du moteur, en se basant sur le fait qu’elle avait déjà remplacé des collecteurs sur d’autres machines avant l’incendie. La cour a également noté que Sogedep n’avait pas informé Cummins de ces problèmes avant mars 2012. Violation du code civilEn statuant ainsi, la cour d’appel a été jugée en violation de l’article 1645 du code civil, qui impose au vendeur professionnel de réparer tous les dommages causés par un vice caché, indépendamment de la connaissance de l’acheteur intermédiaire au moment de la vente. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du vendeur en matière de vice caché selon l’article 1645 du Code civil ?L’article 1645 du Code civil stipule que : « Le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés de la chose vendue, lorsqu’ils la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou lorsqu’ils diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. » En vertu de cet article, le vendeur professionnel est donc responsable de tous les dommages causés par un vice caché, même si l’acheteur a connaissance de ce vice. Cependant, il existe une exception : « L’acquéreur qui a eu connaissance des vices de la chose à l’issue de la vente ne peut toutefois être garanti par son propre vendeur des conséquences de la faute qu’il a commise en revendant lui-même la chose en connaissance de cause. » Ainsi, la responsabilité du vendeur est engagée tant que l’acheteur n’a pas eu connaissance du vice au moment de la vente. Il est donc essentiel de prouver que l’acheteur n’était pas au courant du vice caché au moment de l’achat pour pouvoir bénéficier de la garantie. Comment la cour d’appel a-t-elle interprété la connaissance du vice par la société Sogedep ?La cour d’appel a retenu que la société Sogedep, à la date de l’incendie, avait déjà remplacé les collecteurs d’échappement monobloc sur quinze machines, ce qui démontrait sa connaissance de l’inadaptation de ces collecteurs à l’utilisation des engins qu’elle fabriquait. Elle a également noté que la société Sogedep ne prouvait pas avoir informé la société Cummins de cette inadaptation avant la lettre du 8 mars 2012, qui faisait état de l’incendie. Cette interprétation repose sur l’idée que la connaissance d’un vice à un moment donné peut affecter les droits de l’acheteur en matière de garantie. La cour a donc conclu que la société Sogedep ne pouvait pas opposer à la société Cummins la garantie des vices cachés au-delà du prix du moteur, en raison de sa connaissance de l’inadaptation des collecteurs. Cette décision soulève des questions sur la portée de la connaissance du vice et sur la manière dont elle peut influencer les droits à réparation. Quels sont les effets de la connaissance du vice sur la garantie due par le vendeur ?L’article 1645 du Code civil établit que la garantie des vices cachés est due par le vendeur tant que l’acheteur n’a pas eu connaissance du vice. Cependant, si l’acheteur a connaissance du vice et qu’il revend le bien en connaissance de cause, il ne peut pas demander réparation au vendeur pour les conséquences de cette vente. Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que la société Sogedep avait connaissance de l’inadaptation des collecteurs d’échappement monoblocs, ce qui a conduit à la limitation de la garantie à la restitution du prix de vente. Cela signifie que la société Sogedep, en ayant remplacé les collecteurs sur d’autres machines, a implicitement reconnu le vice et a donc limité ses droits à réparation. Cette situation illustre l’importance de la connaissance du vice dans les relations contractuelles et les implications qu’elle peut avoir sur les droits des parties. Il est donc crucial pour les acheteurs de bien évaluer leur connaissance des vices avant de revendre un bien, afin de préserver leurs droits à garantie. |
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 51 F-D
Pourvoi n° R 23-17.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025
La société Sogedep, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-17.954 contre l’arrêt rendu le 20 avril 2023 par la cour d’appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Cummins France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Sogedep, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Cummins France, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 20 avril 2023), le 24 août 2007, la société Cummins France (la société Cummins), fabriquant et distributeur de moteurs, a vendu à la société Sogedep, pour un prix de 10 120 euros, un moteur muni d’un collecteur d’échappement monobloc. Le 17 décembre 2007, la société Sogedep a cédé une machine de sa fabrication équipée de ce moteur, pour un prix de 379 010 euros, à la société Atlantic bail, laquelle l’a donnée en crédit-bail.
2. Le 7 mars 2012, cette machine a été gravement endommagée par un incendie causé par la rupture du collecteur d’échappement du moteur. La société Allianz Iard (la société Allianz) a versé à la société Atlantic bail la somme de 166 925,90 euros en réparation de son préjudice.
3. Les 28 et 30 mai 2018, la société Allianz, subrogée dans les droits de la société Atlantic bail, a assigné les société Sogedep et Cummins en paiement.
4. La société Sogedep a demandé à être garantie par la société Cummins de toute condamnation prononcée à son encontre.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Sogedep fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société Cummins à lui rembourser le prix du moteur affecté d’un vice caché de conception qu’elle lui avait vendu, soit 10 120 euros, et de rejeter ainsi le surplus de ses demandes, alors « que le vendeur professionnel est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables du vice caché ; qu’en jugeant que la société Cummins n’était tenue, outre la restitution du prix de vente, d’aucun dommages-intérêts envers la société Sogedep au motif que cette dernière connaissait « l’inadaptation des collecteurs monobloc à l’utilisation des engins qu’elle fabriquait » quand de tels motifs n’étaient pas de nature à exclure la garantie due par le vendeur professionnel qui avait cédé un bien entaché d’un vice caché, dont elle n’a pas relevé que l’acheteur avait connaissance et aurait ainsi revendu le bien de mauvaise foi, la cour d’appel a violé l’article 1645 du code civil. »
Vu l’article 1645 du code civil :
6. Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence. L’acquéreur qui a eu connaissance des vices de la chose à l’issue de la vente ne peut toutefois être garanti par son propre vendeur des conséquences de la faute qu’il a commise en revendant lui-même la chose en connaissance de cause.
7. Pour dire que la société Sogedep ne peut opposer à la société Cummins la garantie des vices cachés au delà du prix du moteur, l’arrêt retient qu’à la date de l’incendie de l’abatteuse, la société Sogedep avait d’ores et déjà remplacé les collecteurs d’échappement monobloc équipant les moteurs sur quinze machines par elle construites en leur substituant des collecteurs en deux parties et qu’il lui en restait vingt-huit en prévision. Il en déduit que la société Sogedep connaissait l’inadaptation des collecteurs monoblocs à l’utilisation des engins qu’elle fabriquait. Il ajoute que cette société ne démontre pas en avoir informé la société Cummins antérieurement à une lettre du 8 mars 2012 faisant état de l’incendie ayant détruit la machine.
8. En statuant ainsi, par des motifs constatant, non pas la connaissance par la société Sogedep, acquéreur intermédiaire, du vice affectant le moteur à la date de la vente de l’abatteuse à la société Atlantic bail, mais sa connaissance du vice à la date de la survenance du sinistre, impropres à exclure tous dommages et intérêts dûs par le vendeur professionnel originaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
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