L’Essentiel : Mme [B] [N], employée par la société [H] [G] PLV Merchandising, a vu sa période d’essai interrompue le 19 avril 2024. Le 8 avril, la société l’a accusée de violer son contrat en transférant des fichiers professionnels vers sa messagerie personnelle. Bien qu’elle ait confirmé la suppression des fichiers, la société a engagé une procédure judiciaire le 4 juillet 2024, demandant la désignation d’un commissaire de justice. Le tribunal a jugé la demande légitime, déboutant Mme [N] de ses demandes de dommages et intérêts et la condamnant aux dépens, tout en rendant la décision exécutoire à titre provisoire.
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Contexte de l’affaireMme [B] [N] a été employée par la société [H] [G] PLV Merchandising à partir du 22 janvier 2024. La société a mis fin à sa période d’essai par une lettre recommandée datée du 4 avril 2024, avec effet au 19 avril 2024, tout en lui dispensant d’activité pour la période restante. Violation du secret professionnelLe 8 avril 2024, la société a informé Mme [N] qu’elle avait constaté des violations de l’article 9 de son contrat de travail, en raison du transfert de deux fichiers professionnels vers sa messagerie personnelle. Elle a mis Mme [N] en demeure de cesser ces agissements et de supprimer les fichiers. Réponse de Mme [N]Dans un courriel daté du 23 avril 2024, Mme [N] a confirmé avoir supprimé les fichiers en question. Procédure judiciaireLe 4 juillet 2024, la société [H] [G] PLV Merchandising a assigné Mme [B] [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre. Lors de l’audience du 9 décembre 2024, la société a demandé la désignation d’un commissaire de justice pour constater l’utilisation des fichiers transférés. Demandes de Mme [N]Mme [B] [N] a, de son côté, demandé au juge de déclarer irrecevable la demande de la société, de la débouter et de lui accorder des dommages et intérêts pour le caractère abusif de la procédure, ainsi que de condamner la société aux dépens. Motifs de la décisionLe tribunal a précisé que la demande de la société n’était pas fondée sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile, mais sur l’article 145, qui permet de conserver des preuves avant un procès. La société a justifié un motif légitime pour la désignation d’un commissaire de justice, en raison du transfert des fichiers. Condamnation et dépensLe tribunal a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts, considérant que l’exercice de l’action en justice par la société n’était pas abusif. Mme [N] a été condamnée aux dépens, et la société a été limitée à 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Exécution provisoireLa décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi la mise en œuvre immédiate des mesures ordonnées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’application de l’article 145 du Code de procédure civile ?L’article 145 du Code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. » Cet article exige l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, qui doit présenter un lien utile avec un litige potentiel futur. Il est essentiel que l’objet et le fondement juridique du litige soient suffisamment déterminés et que la mesure d’instruction sollicitée ne porte pas atteinte aux droits d’autrui. De plus, le demandeur doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec. La mesure doit également être pertinente et utile. Si la partie demanderesse dispose déjà de moyens de preuve suffisants, la demande de mesure d’instruction sera considérée comme dépourvue d’utilité. Quels sont les critères pour établir une demande de dommages et intérêts pour abus de procédure ?L’article 1241 du Code civil précise que : « L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit, indépendamment de son bien-fondé, et elle ne peut constituer une faute susceptible de donner lieu à dommages et intérêts que si elle est abusive. » Pour qu’une action soit considérée comme abusive, elle doit avoir été exercée de manière dilatoire, de mauvaise foi, dans l’intention de nuire, ou par une légèreté blâmable. Dans le cas présent, la demande de Mme [N] de dommages et intérêts pour abus de procédure a été rejetée, car l’ordonnance a confirmé la légitimité de la demande de la société [H] [G] PLV Merchandising. Ainsi, l’exercice de l’action en justice par cette dernière ne pouvait pas être qualifié d’abusif, ce qui a conduit à débouter Mme [N] de sa demande. Comment sont déterminés les dépens dans une procédure judiciaire ?L’article 696 du Code de procédure civile stipule que : « La partie perdante est en principe condamnée aux dépens. » Cela signifie que, dans le cadre d’une procédure judiciaire, la partie qui perd le procès est généralement tenue de payer les frais de justice engagés par la partie gagnante. Dans cette affaire, Mme [N] a été condamnée aux dépens, car la société [H] [G] PLV Merchandising a obtenu gain de cause sur sa demande de mesure d’instruction. Cette disposition vise à garantir que la partie qui a raison dans un litige ne supporte pas les frais de la procédure, ce qui est une pratique courante dans le droit français. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile concernant les frais non compris dans les dépens ?L’article 700 du Code de procédure civile dispose que : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Cet article permet au juge d’accorder une indemnité à la partie qui a gagné le procès pour couvrir les frais qu’elle a engagés, mais qui ne sont pas inclus dans les dépens. Dans cette affaire, la société [H] [G] PLV Merchandising a été accordée une indemnité de 750 euros au titre de l’article 700, en tenant compte de la situation économique des parties et de l’absence de contestation de Mme [N] quant à l’envoi des fichiers. Cette somme vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits. Quelles sont les conditions d’exécution provisoire d’une décision judiciaire ?L’article 514 du Code de procédure civile précise que : « La décision est exécutoire à titre provisoire. » Cela signifie qu’une décision peut être exécutée immédiatement, même si elle est susceptible d’appel. Dans le cas présent, la décision rendue par le tribunal est exécutoire à titre provisoire, ce qui permet à la société [H] [G] PLV Merchandising de commencer à mettre en œuvre les mesures ordonnées sans attendre l’issue d’un éventuel appel. Cette disposition vise à garantir l’efficacité des décisions judiciaires et à éviter que les droits d’une partie ne soient indûment retardés par des procédures d’appel. |
RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 29 JANVIER 2025
N° RG 24/01981 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZTZA
N° de minute :
S.A.S. [H] [G] PLV MERCHANDISING
c/
[B] [N]
DEMANDERESSE
S.A.S. [H] [G] PLV MERCHANDISING
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Maître Philippe BIARD de l’ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R146
DEFENDERESSE
Madame [B] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0726
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président : Quentin SIEGRIST, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffier : Philippe GOUTON, Greffier
Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 09 décembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré au 22 janvier 2025 et prorogé à ce jour :
Mme [B] [N] a été salariée de la société [H] [G] PLV Merchandising à compter du 22 janvier 2024.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 avril 2024, la société [H] [G] PLV Merchandising a notifié à Mme [N] la fin de sa période d’essai à effet au 19 avril 2024 avec dispense d’activité sur la période restante.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 avril 2024, la société [H] [G] PLV Merchandising a indiqué à Mme [N] qu’elle avait identifié de sa part des violations de l’article 9 de son contrat de travail lui imposant le secret professionnel, par transfert de deux fichiers professionnels sur sa messagerie personnelle. Elle la mettait en demeure de cesser ses agissements, de supprimer les fichiers et de s’abstenir de les partager.
Par courriel du 23 avril 2024, Mme [N] a indiqué à la société [H] [G] PLV Merchandising qu’elle avait supprimé les fichiers ce jour.
Par acte de commissaire de justice en date du 4 juillet 2024, la société [H] [G] PLV Merchandising a fait assigner Mme [B] [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.
Dans ses dernières écritures déposées et soutenues à l’audience du 9 décembre 2024, la société [H] [G] PLV Merchandising demande au juge des référés de :
« RECEVOIR la société [H]-[G] PLV MERCHANDISING en son action et ses demandes, la dire bien fondée et y faire droit,
DESIGNER tel Commissaire de Justice qu’il plaira à Madame, Monsieur le Président du Tribunal pour procéder, aux frais avancés de la société [H]-[G] PLV MERCHANDISING, à un constat, avec mission de :
– se rendre au domicile de Madame [B] [N], demeurant [Adresse 3]
– avec le concours de la force publique, d’un serrurier et d’un informaticien si besoin en était,
– accéder à la messagerie personnelle de Madame [B] [N] [Courriel 7] sur son ou ses matériels informatiques, ordinateurs, tablettes, et téléphone mobile,
– dresser un constat de l’utilisation des fichiers informatiques de la société [H]-[G] PLV MERCHANDISING émanant de l’adresse de la messagerie professionnelle de Madame [N] [B] [Courriel 6] vers sa messagerie personnelle [Courriel 7] entre le 22 janvier 2024 et le 4 avril 2024, notamment les éventuelles impressions et envois sur d’autres messageries.
– Pour être remis à la requérante La société S.A.S. [H] [G] PLV MERCHANDISING, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 388 288 425, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, en vue d’un éventuel procès en réparation des préjudices causés par le détournement de ses fichiers.
CONDAMNER Madame [N] au paiement de la somme de 1.500 € à titre d’indemnité de frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et à la charge des entiers dépens ».
Dans ses dernières écritures déposées et soutenues à l’audience du 9 décembre 2024, Mme [B] [N] demande au juge des référés de :
-déclarer irrecevable la demande formée par la société [H] [G] PLV Merchandising et dire n’y avoir lieu à référé,
-débouter la société [H] [G] PLV Merchandising de sa demande,
-condamner la société [H] [G] PLV Merchandising à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la procédure,
-condamner la société [H] [G] PLV Merchandising aux dépens,
-condamner la société [H] [G] PLV Merchandising à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
Il sera précisé à titre liminaire que si Mme [N] conteste, dans ses conclusions, la réunion des conditions érigées par les articles 834 et 835 du code de procédure civile, la demande formée par la société [H] [G] PLV Merchandising n’est pas fondée sur ces textes mais sur le seul article 145 du code de procédure civile.
Sur la demande de mesure in futurum
L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Cet article suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Enfin, ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.
En l’espèce, la société [H] [G] PLV Merchandising justifie que Mme [N] a transféré sur sa boîte mail personnelle deux fichiers professionnels, comprenant des informations confidentielles, en violation de l’article 9 de son contrat de travail.
Si l’intéressée ne conteste pas cet envoi, elle ne démontre pas pour autant avoir supprimé ces fichiers.
Par conséquent, la société [H] [G] PLV Merchandising démontre disposer d’un motif légitime justifiant qu’il soit désigné un commissaire de justice afin de procéder aux mesures de constatations sollicitées.
Enfin, il sera précisé que Mme [N] n’ayant jamais contesté l’envoi des fichiers et celle-ci apparaissant à ce titre de bonne foi, le commissaire de justice devra impérativement, préalablement à toute mesure contraignante (serrurier, force publique), prendre attache avec celle-ci afin de se faire remettre les outils informatiques le temps de ses opérations.
Sur la demande de condamnation de la société [H] [G] PLV Merchandising à verser des dommages et intérêts à Mme [N]
Il résulte de l’article 1241 du code civil que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit, indépendamment de son bien-fondé, et qu’elle ne peut constituer une faute susceptible de donner lieu à dommages et intérêts que si elle est abusive, à savoir notamment si elle a été exercée de manière dilatoire, de mauvaise foi, dans l’intention de nuire, ou par une légèreté blâmable.
En l’espèce, compte tenu du sens de la présente ordonnance, il y a lieu de débouter Mme [N] de cette demande.
Sur les dépens
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner Mme [N] aux dépens.
Sur l’indemnité réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation. En l’espèce, et compte tenu de la situation économique des parties et de l’équité, de l’absence de contestation de Mme [N] quant à l’envoi des fichiers, il y a lieu de limiter la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 750 euros, que la défenderesse devra verser à la société [H] [G] PLV Merchandising.
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, il y a lieu de rappeler que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
Commettons tout commissaire de justice de la SCP Venezia, située [Adresse 1] à Neuilly-sur-Seine 92200,
afin de procéder aux mesures de constatations suivantes :
-se rendre au domicile de Mme [B] [N] demeurant [Adresse 3], après avoir préalablement pris attache avec celle-ci, afin de se faire remettre ses outils informatiques le temps de l’exécution des opérations,
-accéder à la messagerie personnelle de Mme [B] [N] [Courriel 7] sur son ou ses matériels informatiques, ordinateurs, tablettes, et téléphone mobile, dresser un constat de l’utilisation des fichiers informatiques de la société [H] [G] PLV Merchandising émanant de l’adresse de la messagerie professionnelle de Mme [B] [N] [Courriel 6] vers sa messagerie personnelle [Courriel 7] entre le 22 janvier 2024 et le 4 avril 2024, et vérifier si ceux-ci ont été imprimés ou envoyer sur d’autres messageries,
Disons que le commissaire de justice pourra s’adjoindre les services d’un serrurier et d’un informaticien, ou le concours de la force publique conformément à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution,
Disons que le commissaire de justice devra remettre, à l’issue de ses opérations, son procès-verbal à la société [H] [G] PLV Merchandising et à Mme [N],
Disons que le commissaire de justice devra réaliser ses opérations dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
Précisons que les frais des opérations seront avancés par la société [H] [G] PLV Merchandising, qui devra préalablement verser au commissaire de justice une avance sur sa rémunération à hauteur de 1 000 euros,
Condamnons Mme [B] [N] aux dépens,
Condamnons Mme [B] [N] à verser à la société [H] [G] PLV Merchandising la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
FAIT À NANTERRE, le 29 janvier 2025.
LE GREFFIER
Philippe GOUTON, Greffier
LE PRÉSIDENT
Quentin SIEGRIST, Vice-président
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