L’Essentiel : M. [L] [E], conducteur de car, a signalé un accident du travail survenu le 24 juin 2023, lors de la descente des escaliers, entraînant une entorse de la cheville droite. Malgré un certificat médical confirmant les lésions, la CPAM a refusé la prise en charge, arguant d’un manque de preuves. M. [E] a contesté cette décision, mais son recours a été rejeté. Il a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Bobigny, qui a finalement reconnu l’accident comme un accident du travail, ordonnant la prise en charge par la CPAM et mettant les dépens à sa charge.
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Déclaration de l’accidentM. [L] [E], conducteur de car, a signalé un accident du travail survenu le 24 juin 2023. La déclaration, complétée par l’employeur et envoyée à la CPAM, précise que l’accident a eu lieu lors de la descente des escaliers, entraînant une chute et des lésions à la cheville droite. L’employeur a été informé de l’accident le même jour à 2h00. Constatations médicalesUn certificat médical établi le jour de l’accident par le docteur [J] [G] a confirmé une entorse de la cheville droite, accompagnée d’un œdème et de douleurs, sans fracture visible à la radiographie. Les soins étaient prévus jusqu’au 24 août 2023. Instruction par la CPAMLe 11 juillet 2023, la CPAM a ouvert une instruction complémentaire, demandant à M. [E] de remplir un questionnaire. Cependant, le 25 septembre 2023, la CPAM a refusé la prise en charge de l’accident, arguant qu’il n’existait pas de preuves suffisantes pour établir que l’accident s’était produit dans le cadre du travail. Recours de M. [E]M. [E] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 24 novembre 2023. Il a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 29 décembre 2023, demandant la reconnaissance de l’accident comme un accident du travail. Arguments de M. [E]Lors de l’audience, M. [E] a soutenu qu’il n’avait pas reçu le questionnaire de la CPAM, ce qui avait entravé sa participation à l’instruction. Il a affirmé que sa chute était un événement soudain ayant causé des lésions, corroboré par le certificat médical et des témoignages de collègues présents. Position de la CPAMLa CPAM a demandé le rejet de la demande de M. [E], affirmant que les éléments recueillis ne permettaient pas de prouver un accident survenu dans le cadre du travail. Elle a également contesté la recevabilité d’une pièce produite par M. [E], arguant qu’elle avait été communiquée tardivement. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la pièce contestée avait été débattue de manière contradictoire et a décidé de ne pas l’écarter. Concernant la reconnaissance de l’accident, le tribunal a conclu que les éléments présentés par M. [E] établissaient la matérialité de l’accident survenu au travail, entraînant des lésions. Conclusion et mesures accessoiresLe tribunal a déclaré le recours de M. [E] recevable et a ordonné la prise en charge de l’accident du 24 juin 2023 par la CPAM. Les dépens ont été mis à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie, et l’exécution provisoire a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de la pièce n°8 du demandeurLa question de la recevabilité de la pièce n°8 produite par M. [E] se pose dans le cadre de l’article 16 du code de procédure civile, qui stipule : “Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. En l’espèce, la CPAM a demandé l’écartement de cette pièce en raison de sa communication tardive. Cependant, selon l’article R.142-10-4 du code de la sécurité sociale, “La procédure est orale. Toute partie peut, en cours d’instance, exposer ses moyens par lettre adressée au juge, à condition de justifier que la partie adverse en a eu connaissance avant l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.” La CPAM a pu prendre connaissance de la pièce n°8 à l’audience, ce qui a permis un débat contradictoire. Sur la demande de reconnaissance de l’accident du travailLa reconnaissance d’un accident du travail est régie par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, qui précise : “Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.” Pour qu’un accident soit reconnu comme tel, il doit y avoir un événement soudain survenu au temps et au lieu de travail, entraînant des lésions corporelles. Dans cette affaire, M. [E] a déclaré avoir chuté dans les escaliers pendant ses heures de travail, ce qui est corroboré par le certificat médical et les témoignages de collègues. Le tribunal a donc conclu qu’il existait des présomptions précises et concordantes permettant de retenir l’existence d’un accident survenu au temps et au lieu de travail, justifiant ainsi la prise en charge de l’accident du 24 juin 2023 au titre de la législation professionnelle. Sur les mesures accessoiresConcernant les mesures accessoires, l’article 696 du code de procédure civile stipule que : “Les dépens sont à la charge de la partie qui succombe.” En l’espèce, la CPAM a été déboutée de ses demandes, ce qui implique qu’elle doit supporter les dépens. Ainsi, le tribunal a statué en faveur de M. [E], ordonnant la prise en charge de son accident du travail et condamnant la CPAM aux dépens. |
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00148 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YX3J
Jugement du 28 JANVIER 2025
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 28 JANVIER 2025
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00148 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YX3J
N° de MINUTE : 25/00262
DEMANDEUR
Monsieur [L] [E]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Alioune NDOYE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
DEFENDEUR
CPAM DE SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 26 Novembre 2024.
M. Cédric BRIEND, Président, assisté de Monsieur Alain CARDEAU et Monsieur Dominique BIANCO, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Président : Cédric BRIEND,
Assesseur : Alain CARDEAU, Assesseur salarié
Assesseur : Dominique BIANCO, Assesseur employeur
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Cédric BRIEND, Juge, assisté de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Alioune NDOYE, Me Mylène BARRERE
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00148 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YX3J
Jugement du 28 JANVIER 2025
M. [L] [E], salarié de la société [8], en qualité de conducteur de car, a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 24 juin 2023.
La déclaration d’accident, complétée le 29 juin 2023 par l’employeur et transmis à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, indique que l’accident s’est produit le 24 juin 2023 au [Adresse 3] à [Localité 7]. Elle mentionne :
“Activité de la victime lors de l’accident : descente des escaliers
Nature de l’accident : chute dans les escaliers
Objet dont le contact a blessé la victime : RAS
Eventuelles réserves motivées (joignez si besoin une lettre d’accompagnement) : le salarié a repris le travail le 20/06/2023 et nous sur la véracité de la déclaration
Siège des lésions : Cheville droite
Nature des lésions : Cheville droite”
La déclaration mentionne que l’employeur a eu connaissance de l’accident le 24 juin 2023 à 2h00.
Le certificat médical initial rédigé le 24 juin 2023 par le docteur [J] [G] de l’hôpital [6] constate les lésions suivantes : “entorse cheville droite”, “oedème et douleurs rétromalléolaire”, “Pas de fracture à la radiographie” et indique que des soins sont prévisibles jusqu’au 24 août 2023.
Par lettre du 11 juillet 2023, la CPAM a informé M. [E] de l’ouverture d’une instruction complémentaire, lui demandant de remplir un questionnaire sous vingt jours et lui précisant les différents délais.
Après instruction, par lettre du 25 septembre 2023, la CPAM a refusé la prise en charge de l’accident au motif qu’il “n’existe pas de preuve que l’accident invoqué se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur”.
Par lettre du 2 octobre 2023, M. [E] a saisi la commission de recours amiable.
Par lettre du 24 novembre 2023, la commission de recours amiable a informé M. [E] du rejet de son recours lors de sa séance du 22 novembre 2023.
Par requête reçue le 29 décembre 2023 au greffe, M. [E] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de contester la décision de refus de prise en charge de l’accident.
L’affaire a été appelée à l’audience du 11 juin 2024, date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 26 novembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions déposées et oralement soutenues à l’audience, M. [E], représenté par son conseil, demande au tribunal de :
-constater que son action est recevable ;
– déclarer l’illégalité du refus de la CPAM de prendre en charge l’accident du travail ;
– condamner la CPAM à la prise en charge de l’accident au titre d’accident du travail ;
– condamner la caisse aux dépens.
A l’appui de ses prétention, M. [E] fait valoir qu’il n’a jamais reçu le questionnaire assuré de la part de la caisse ce qui explique qu’il n’ait pas participé à la procédure d’instruction de son accident du travail du 24 juin 2023. Il soutient que sa chute dans l’escalier le 24 juin 2023 est un événement soudain ayant entrainé une lésion à la cheville droite tel qu’attesté par le certificat médical initial rédigé par un médecin de l’hôpital [6]. Il ajoute que la matérialité des faits au lieu et au temps du travail est par ailleurs confirmée par des témoignages de collègues présents.
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00148 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YX3J
Jugement du 28 JANVIER 2025
Par conclusions en défense, déposées et soutenues oralement à l’audience, la CPAM, représentée par son conseil, conclut au débouté de M. [E] et à la confirmation de la décision de refus de prise en charge. Elle demande par ailleurs que la pièce n°8 produite par le demandeur soit écartée des débats.
Elle fait valoir que les éléments recueillis lors de l’instruction ne permettent pas de caractériser des présomptions suffisantes en faveur de la reconnaissance d’un fait accidentel survenu dans les circonstances décrites par le salarié. Elle précise que le salarié n’a pas répondu à son questionnaire dans le cadre de son enquête. Elle soutient qu’aucune pièce ne vient étayer les déclarations du salarié et qu’il ne peut être exclu que les lésions soient survenues à l’occasion d’un accident de la vie courante. Elle fait valoir que la pièce n°8 adverse a été versée aux débats tardivement.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.
Sur la recevabilité de la pièce n°8 du demandeur
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, “le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.[…]”.
Selon l’article R.142-10-4 du code de la sécurité sociale, “La procédure est orale. Toute partie peut, en cours d’instance, exposer ses moyens par lettre adressée au juge, à condition de justifier que la partie adverse en a eu connaissance avant l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l’audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d’ordonner que les parties se présentent devant lui”.
En l’espèce, la CPAM demande au tribunal d’écarter la pièce adverse n°8 des débats compte tenu de sa communication tardive la veille de l’audience.
La CPAM n’a pas sollicité de renvoi de l’affaire et a pu prendre connaissance du contenu de cette pièce à l’audience.
En vertu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la pièce n°8 produite par le demandeur a pu être débattue de manière contradictoire à l’audience.
Dès lors, il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce des débats.
Sur la demande de reconnaissance de l’accident du travail
Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, “est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.”
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00148 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YX3J
Jugement du 28 JANVIER 2025
L ‘accident du travail suppose l’existence d’un événement ou une série d’événements précis, survenus soudainement au temps et au lieu de travail, à une date certaine, entraînant une ou des lésions corporelles. Toute lésion soudainement apparue au temps et au lieu du travail est présumée résulter d’un accident du travail.
La reconnaissance de l’accident du travail suppose ainsi l’existence d’un événement ainsi que de lésions physiques ou psychiques en résultant et non imputables à un état antérieur.
La partie qui sollicite le bénéfice de la présomption d’imputabilité doit apporter la preuve de la réalité d’une lésion et d’un fait accidentel survenu sur le temps et au lieu de travail. A ce titre, la preuve de la matérialité de l’accident, qui ne peut résulter des seules allégations de la victime, peut être rapportée par tous moyens, tels que des témoignages, ou résulter de présomptions graves, précises et concordantes.
En l’espèce, la déclaration d’accident du travail mentionne une chute dans les escaliers survenue le 26 juin 2023 à 11h00 alors que les horaires de travail du salarié étaient de 7h45 à 18h00 ce jour là.
Le certificat médical intial rédigé par un médecin de l’hôpital [6] est daté du 24 juin 2023 et mentionne la survenance de l’accident à la même date. Il constate par ailleurs deux lésions sous la forme d’une “entorse de la cheville droite” et d’un “oedème et des douleurs rétromalléolaires”.
M. [E] produit le témoignage de son collègue, M. [Z] [P], qui atteste :
“- Avoir été à mon poste de travail en qualité d’agent de planning le jour que M. [E] [L] a été hospitalisé en urgence au cours de son travail à la porte maillot à la suite d’une chute dans les escaliers du car.
– Que j’ai été avertit par les agents de bus à la porte maillot
– Et que j’ai eu confirmation par l’intéressé suite à un appel téléphonique pour prendre de ces nouvelles”.
La réalité des lésions est établie par le certificat médical initial rédigé par docteur [G] le jour de l’accident. Ces constatations sont compatibles avec la chute rapportée.
Le simple fait que l’employeur ait été informé le jour même à 14 heures alors que l’accident est survenu à 11 heures ne constitue pas une information tardive de la part du salarié.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède des présomptions précises et concordantes permettant de retenir l’existence d’un événement survenu au temps et au lieu du travail ayant entraîné des lésions chez le salarié. Il convient donc de juger que l’accident du 24 juin 2023 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Sur les mesures accessoires
La CPAM qui succombe supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Dit que le recours de M. [L] [E] est recevable ;
Dit que l’accident du 24 juin 2023 déclaré par M. [L] [E] doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
Met les dépens à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;
Rappelle que tout appel à l’encontre du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :
Le greffier Le président
Denis TCHISSAMBOU Cédric BRIEND
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