Inadéquation des recours face aux dysfonctionnements d’un organe disciplinaire

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Inadéquation des recours face aux dysfonctionnements d’un organe disciplinaire

L’Essentiel : Le 18 avril 2018, M. [P], avocat, a assigné le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris en indemnisation, dénonçant des dysfonctionnements lors d’une procédure disciplinaire. Il conteste la décision de la cour d’appel qui a déclaré ses demandes irrecevables, arguant que l’État doit réparer les dommages causés par le service public de la justice. La cour d’appel a rétorqué que l’ordre des avocats n’avait pas qualité à défendre, précisant que la responsabilité de l’État n’était engagée qu’en cas de faute lourde. En conclusion, M. [P] ne pouvait pas engager d’action indemnitaire contre le conseil de l’ordre.

Contexte de l’affaire

Le 18 avril 2018, M. [P], avocat, a assigné le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris en indemnisation, invoquant des dysfonctionnements et des manquements lors d’une procédure disciplinaire engagée à son encontre par le bâtonnier de l’ordre.

Arguments de M. [P]

M. [P] conteste la décision de la cour d’appel qui a déclaré ses demandes irrecevables. Il soutient que l’État doit réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice et que l’action indemnitaire doit être dirigée contre l’ordre des avocats, en raison de fautes lourdes alléguées.

Réponse de la cour d’appel

La cour d’appel a affirmé que l’ordre des avocats n’avait pas qualité à défendre, en se basant sur l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, qui stipule que la responsabilité de l’État est engagée uniquement en cas de faute lourde ou de déni de justice. Elle a également précisé que les fautes invoquées par M. [P] étaient liées à la procédure disciplinaire.

Conclusion de la cour

La cour a conclu que M. [P] ne pouvait pas engager une action indemnitaire contre le conseil de l’ordre, car les fautes alléguées étaient en lien avec la procédure disciplinaire. Par conséquent, le moyen soulevé par M. [P] a été jugé non fondé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire dans le cadre de la responsabilité de l’État ?

L’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire stipule que :

« L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

Cet article établit donc une responsabilité de l’État en matière de justice, mais uniquement dans des cas de faute lourde ou de déni de justice.

Il est important de noter que cette responsabilité est exclusive d’une action indemnitaire contre l’ordre des avocats, ce qui signifie que les préjudices causés par les instances disciplinaires de l’ordre des avocats doivent être traités dans le cadre de la responsabilité de l’État, et non directement contre l’ordre lui-même.

Ainsi, dans le cas de M. [P], la cour d’appel a correctement appliqué cet article en concluant que le conseil de l’ordre n’avait pas qualité à défendre dans le cadre d’une action qui relevait de la responsabilité de l’État.

Comment l’article 1240 du code civil s’applique-t-il dans ce contexte ?

L’article 1240 du code civil, anciennement article 1382, énonce que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Cet article établit le principe de la responsabilité civile délictuelle, qui peut être invoqué pour obtenir réparation d’un préjudice causé par une faute.

Cependant, dans le contexte de la responsabilité de l’État pour le fonctionnement défectueux du service public de la justice, l’application de l’article 1240 est limitée par les dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.

Dans le cas de M. [P], bien que des fautes aient été alléguées, la cour a jugé que ces fautes étaient liées à la procédure disciplinaire, ce qui les soumet à la responsabilité de l’État plutôt qu’à une action directe contre le conseil de l’ordre.

Quelles sont les implications de l’article 455 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 455 du code de procédure civile stipule que :

« Le jugement doit être motivé. Il doit répondre aux moyens des parties. »

Cet article impose aux juges l’obligation de motiver leurs décisions et de répondre aux arguments soulevés par les parties.

Dans le cas de M. [P], il a été soutenu que la cour d’appel n’avait pas suffisamment répondu à ses arguments concernant les fautes commises par le conseil de l’ordre indépendamment de la procédure disciplinaire.

Cependant, la cour a considéré que les fautes alléguées étaient liées à la procédure disciplinaire, ce qui a conduit à la conclusion que le conseil de l’ordre n’avait pas qualité à défendre.

Ainsi, bien que M. [P] ait estimé que ses arguments n’avaient pas été pris en compte, la cour a jugé que la motivation de sa décision était conforme aux exigences de l’article 455.

CIV. 1

SA9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2025

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 13 F-D

Pourvoi n° J 23-19.857

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025

M. [W] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-19.857 contre l’arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l’opposant à l’ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [P], et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2023), le 18 avril 2018, M. [P], avocat, invoquant des dysfonctionnements et manquements du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris à l’occasion d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre à l’initiative du bâtonnier de l’ordre, a, sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil, assigné cet ordre en indemnisation des préjudices subis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [P] fait grief à l’arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que, si l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, l’action indemnitaire en réparation des dommages causés par le détournement des attributions du conseil de discipline de l’ordre des avocats ne peut qu’être engagée à l’encontre dudit ordre des avocats ; qu’en affirmant, pour dire que l’ordre des avocats n’avait pas qualité à défendre, que « la circonstance que les fautes lourdes alléguées constitueraient un détournement par l’ordre des avocats des attributions du bâtonnier et des membres du conseil de l’ordre en matière disciplinaire est inopérante à écarter l’application des dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire dès lors que c’est à l’occasion de l’exercice de ces attributions, dont la régularité est soumise au contrôle des instances judiciaires, que la procédure disciplinaire critiquée a été mise en œuvre », la cour d’appel a violé l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, ensemble l’article 1240 du code civil ;

2°/que, dans ses conclusions d’appel, M. [P] faisait expressément valoir que des fautes avaient été commises par le conseil de l’ordre indépendamment de la procédure disciplinaire engagée à son encontre ; qu’il se fondait notamment sur l’existence de faits démontrant une concertation fautive au sein des instances de l’ordre, sur des fautes du bâtonnier antérieures à l’ouverture de la procédure disciplinaire et sur des fautes du rapporteur de l’enquête déontologique qui précède l’ouverture de la procédure disciplinaire ; que pour dire que le conseil de l’ordre n’avait pas qualité à défendre dans la mesure où l’action de M. [P] relevait du régime de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, l’arrêt retient que M. [P] n’invoquait que « des fautes lourdes de l’ordre des avocats du barreau de Paris au titre de l’ouverture et du déroulement de l’ensemble des étapes de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre à l’initiative du bâtonnier en sa qualité d’autorité de poursuite, ayant donné lieu à la saisine du conseil de l’ordre en sa formation disciplinaire » ; qu’en se déterminant ainsi sans répondre précisément au moyen tiré de l’invocation de dysfonctionnements attribués au conseil de l’ordre indépendamment de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

4. Ces dispositions sont applicables à la réparation d’un préjudice causé par l’activité des instances disciplinaires de l’ordre des avocats dont les décisions sont susceptibles d’un recours devant la juridiction judiciaire et sont exclusives d’une action indemnitaire contre l’ordre des avocats.

5. Dès lors qu’elle a retenu que M. [P] invoquait des fautes commises à l’occasion de la procédure disciplinaire dont il avait fait l’objet, la cour d’appel, répondant au moyen prétendument délaissé, en a exactement déduit que le conseil de l’ordre n’avait pas qualité à défendre au titre d’une action relevant de la mise en oeuvre de la responsabilité du fait de l’Etat.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.


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