L’Essentiel : La société Itron France a été sélectionnée par GRDF pour fournir des compteurs de gaz communicants, mais des problèmes de qualité ont émergé en février 2021, entraînant un rappel de 500 unités. Suite à cela, Itron France a assigné Arcelormittal pour des malfaçons, réclamant plus de 2 millions de dollars. Le tribunal a déclaré recevables les exceptions d’incompétence, tout en permettant à Itron France d’agir. Arcelormittal CLN a fait appel, contesté la compétence du tribunal, mais ce dernier a confirmé sa décision et condamné Arcelormittal CLN à payer des frais de justice.
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Contexte de l’affaireLa société Itron France, spécialisée dans les solutions de comptage et de mesure d’énergie, a été sélectionnée par GRDF pour fournir des compteurs de gaz communicants, appelés « Gallus Gazpar ». Un contrat a été signé le 3 avril 2014 pour la conception et la fourniture de ces compteurs. Problèmes de qualitéEn février 2021, des problèmes de qualité ont été signalés concernant le revêtement des compteurs, entraînant un arrêt de production par la société Jabil, responsable de l’assemblage. Un contrôle qualité a conduit à un rappel de 500 compteurs, nécessitant leur remplacement. Actions judiciairesLe 7 juillet 2021, la société Minifaber a assigné en référé-expertise les sociétés Arcelormittal CLN et ses assureurs, ainsi qu’Itron France, devant le tribunal de Bergame. Une expertise a été ordonnée, avec des rapports déposés en mai 2022 et novembre 2023. Demandes d’indemnisationLe 7 octobre 2021, Itron France a mis en demeure Arcelormittal Belgium de l’indemniser pour des malfaçons, réclamant 2.019.814 dollars US. Le 25 novembre 2021, elle a assigné Arcelormittal CLN, Arcelormittal Belgium, et leurs assureurs devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir réparation. Interventions et exceptions soulevéesItron Global a également intervenu dans l’instance, demandant des indemnités pour préjudice financier et réputationnel. Les sociétés Arcelormittal CLN, XL insurance et Reale mutua ont soulevé des exceptions d’incompétence, plaidant pour que l’affaire soit renvoyée devant les juridictions italiennes. Jugement du tribunalLe 26 avril 2024, le tribunal a déclaré recevables les exceptions d’incompétence mais a jugé que la société Itron France était recevable à agir. Il a renvoyé l’affaire à une audience de mise en état pour le 20 juin 2024. Appels et décisions ultérieuresArcelormittal CLN a fait appel du jugement, contesté la compétence du tribunal et demandé que l’affaire soit renvoyée aux juridictions italiennes. D’autres sociétés ont également pris position sur l’appel, demandant des condamnations au titre des frais de justice. Conclusions finalesLe tribunal a confirmé sa compétence et a rejeté les exceptions d’incompétence. Il a également déclaré irrecevable l’appel d’Arcelormittal CLN concernant la recevabilité d’Itron France, tout en condamnant Arcelormittal CLN à payer des frais de justice aux sociétés Itron France et Itron Global. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les règles de compétence internationale applicables dans cette affaire ?La compétence internationale dans cette affaire est régie par le Règlement (UE) n°1215/2012, également connu sous le nom de Règlement Bruxelles 1bis. Ce règlement établit des règles précises concernant la compétence des juridictions des États membres de l’Union européenne. L’article 4 stipule que « sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ». De plus, l’article 7, point 2, précise que « une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». Enfin, l’article 8, point 1, permet d’attraire une personne domiciliée dans un État membre devant la juridiction du domicile de l’un des défendeurs, à condition que les demandes soient liées entre elles. Ainsi, la société Itron France a la possibilité d’attraire les sociétés défenderesses devant les juridictions françaises, même si celles-ci sont domiciliées à l’étranger, en se fondant sur le lieu de matérialisation du dommage en France. La société Itron France a-t-elle qualité à agir contre la société Arcelormittal CLN ?La question de la qualité à agir de la société Itron France contre la société Arcelormittal CLN est essentielle dans cette affaire. Selon l’article 1240 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cela signifie que pour qu’une société puisse agir en justice, elle doit démontrer qu’elle a subi un préjudice direct résultant d’une faute d’un tiers. Dans le cas présent, la société Itron France a été directement affectée par les malfaçons des compteurs de gaz qu’elle a fournis, ce qui a entraîné des rappels de produits et des pertes financières. Elle a donc un intérêt à agir, car elle est la victime des défectuosités alléguées. Le tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Arcelormittal CLN, affirmant que la société Itron France était recevable à agir. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de l’appel formé par la société Arcelormittal CLN ?L’irrecevabilité de l’appel formé par la société Arcelormittal CLN a des conséquences significatives sur la procédure. Conformément à l’article 544 du Code de procédure civile, « l’appel immédiat des jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance » est réservé. Dans ce cas, la société Arcelormittal CLN a tenté de faire appel d’une décision qui a déclaré la société Itron France recevable, ce qui ne relève pas du champ d’application de l’appel immédiat. Ainsi, l’appel a été déclaré irrecevable, ce qui signifie que la décision du tribunal de commerce de Nanterre, qui a statué sur la compétence et la recevabilité de la société Itron France, demeure en vigueur. Cela renforce la position de la société Itron France dans le cadre de la procédure en cours. Comment le tribunal a-t-il statué sur les exceptions d’incompétence soulevées par les défenderesses ?Le tribunal a examiné les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés défenderesses, notamment Arcelormittal CLN, Arcelormittal Belgium, XL insurance et Reale mutua. Ces sociétés ont soutenu que les juridictions françaises n’étaient pas compétentes pour connaître des demandes des sociétés Itron France et Itron Global, arguant que l’affaire devait être renvoyée aux juridictions italiennes. Le tribunal a rejeté ces exceptions, affirmant que la société Itron France pouvait se prévaloir de l’article 7, point 2, du Règlement Bruxelles 1bis, qui permet d’attraire une personne domiciliée dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit. Il a été établi que le dommage s’était matérialisé en France lors de la livraison et de l’utilisation des compteurs défectueux, ce qui justifie la compétence des juridictions françaises. Ainsi, le tribunal a confirmé sa compétence et a déclaré mal fondées les exceptions d’incompétence soulevées par les défenderesses. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 56C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2025
N° RG 24/05636 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WXCI
AFFAIRE :
Société ARCELORMITTAL CLN DISTRIBUZIONE ITALIA
C/
Société ITRON GLOBAL
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Avril 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2022F00123
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-laure DUMEAU
Me Christophe DEBRAY x2
Me Katell FERCHAUX- LALLEMENT
Me Franck LAFON
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société ARCELORMITTAL CLN DISTRIBUZIONE ITALIA – [Adresse 3] – ITALIE
Représentée par Me Anne-laure DUMEAU de la SELAU ANNE-LAURE DUMEAU & CLAIRE RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Camille GARNIER, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
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Société ITRON GLOBAL – Registre du commerce et des sociétés de Luxembourg n° B128022 – [Adresse 2]
Représentée par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Eric TEYNIER, Me Raphaël KAMINSKY & Me Loïc TOPALIAN de la SELAS TEYNIER PIC, Plaidants, avocats au barreau de Paris
Société SOCIETA REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI – [Adresse 1] ITALIE
Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 et Me Henri NAJJAR & Me Anne BERNARD-DUSSAULX de l’AARPI RICHEMONT DELVISO, Plaidants, avocats au barreau de Paris
Société XL INSURANCE COMPANY SE – [Adresse 6]
Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 et Me Henri NAJJAR & Me Anne BERNARD-DUSSAULX de l’AARPI RICHEMONT DELVISO, Plaidants, avocats au barreau de Paris
Société ARCELORMITTAL BELGIUM – [Adresse 5] (BELGIQUE)
Représentée par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Jean-Baptiste PAYET-GODEL de la SCP PREEL HECQUET PAYET-GODEL, Plaidant, avocat au barreau de Paris
S.A.S. ITRON FRANCE – RCS Nanterre n° 434 027 249 – [Adresse 4]
Représentée par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Jérôme BARZUN de l’AARPI OVERSHIELD AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEES
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
La société Itron France, dont le siège social est à [Localité 8] (92), a pour activité l’étude, la fabrication, la vente, l’installation, la réparation et l’entretien de solutions de comptage, mesure et régulation d’énergie pour les distributeurs d’eau, de gaz et d’électricité.
Elle a été retenue par la société GRDF pour la fourniture, en France, de compteurs en acier dénommé « Gallus Gazpar » de type « compteur communicant gaz » (dit AMR), le contrat de conception et fourniture ayant été conclu le 3 avril 2014.
Pour la production de ces compteurs, elle a passé commande de l’assemblage à la société de droit polonais Jabil Poland SP Zoo (« la société Jabil »), la société Jabil recevant les boîtiers en acier de la société de droit italien Minifaber qui les fabrique à partir de tôles d’acier galvanisé prépeint fournies par la société ArcelorMittal CLN distribuzione Italia (« la société Arcelormittal CLN ») qui se les procure auprès de la société de droit belge Arcelormittal Belgium.
En février 2021, la société Itron France a été informée que le revêtement sur les boîtiers en acier s’écaillait et que la peinture s’effritait, avec perte d’adhérence et d’imperméabilité, de sorte que la société Jabil en a arrêté la production. Elle-même informée par la société Itron France, la société GRDF a fait procéder à un contrôle qualité dont il est résulté un rappel de 500 compteurs et leur remplacement.
Par actes du 7 juillet 2021, la société Minifaber a assigné en référé-expertise les sociétés Arcelormittal CLN et ses assureurs, les sociétés XL insurance et Reale mutua, et Itron France devant le tribunal de Bergame, en Italie. Elle a ensuite obtenu une expertise complémentaire. L’expert désigné le 14 octobre 2021 par le tribunal a déposé un premier rapport le 25 mai 2022 et un second le 28 novembre 2023.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 octobre 2021, la société Itron France a vainement mis en demeure la société Arcelormittal Belgium de l’indemniser à hauteur de 2.019.814 dollars US lui dénonçant des malfaçons s’étant traduites par le rappel de 32.700 compteurs.
Par actes du 25 novembre 2021, la société Itron France a assigné les sociétés Arcelormittal CLN et Arcelormittal Belgium, XL insurance et Reale mutua devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 2.019.814 dollars US et la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation, respectivement, du préjudice matériel et du préjudice moral subis.
Par conclusions du 30 mars 2023, la société Itron Global est intervenue volontairement à l’instance demandant la condamnation in solidum des défenderesses au paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 1.234.645 dollars US au titre de son préjudice financier et la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice réputationnel et d’image.
Par conclusions d’incident, la société Arcelormittal CLN a soulevé l’incompétence du tribunal au profit des juridictions italiennes et l’irrecevabilité des sociétés Itron France et Itron Global pour défaut d’intérêt et de qualité à agir.
Par conclusions d’incident, les sociétés XL insurance et Reale mutua ont également soulevé l’incompétence du tribunal au profit des tribunaux italiens ; subsidiairement, elles ont soulevé l’irrecevabilité de la société Itron France à agir contre elles pour absence de droit d’action.
Par conclusions d’incident, la société Arcelormittal Belgium a soulevé l’incompétence du tribunal.
Par jugement du 26 avril 2024, le tribunal a reçu la société Arcelormittal CLN en ses dernières conclusions, constaté que la société Itron France renonçait à son exception de sursis à statuer, dit recevables les exceptions d’incompétence, les a dites mal fondées et s’est déclaré compétent, dit recevable la société Itron France, dit non recevable la société Itron Global en son intervention volontaire, dit n’y avoir lieu, au stade desdits incidents, à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état du 20 juin 2024 pour les conclusions sur le fond de la société Itron France et fixation d’un calendrier.
Par déclaration du 16 août 2024, la société Arcelormittal CLN a fait appel du jugement en ses dispositions statuant sur la compétence du tribunal et en ce qu’il a dit recevable la société Itron France. Par ordonnance du 2 septembre 2024, elle a été autorisée à assigner les intimés à l’audience du 19 décembre 2024.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 décembre 2024, elle demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit mal fondées les exceptions d’incompétence et renvoyé la cause et les parties à l’audience du 20 juin 2024 renvoyée par la suite au 12 septembre 2024, statuant à nouveau, de déclarer incompétent le tribunal de commerce de Nanterre et de renvoyer les sociétés Itron France et Itron global à mieux se pourvoir par devant les juridictions italiennes, subsidiairement, sur la fin de non-recevoir, de déclarer la société Itron France irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité à agir, en tout état de cause de rejeter les demandes des sociétés Itron France et Itron global, de les débouter de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et signifiées par RPVA le 28 novembre 2024, la société Arcelormittal Belgium demande à la cour de lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur l’appel formé par la société Arcelormittal CLN et, en toutes hypothèses, de condamner les sociétés Itron global et Itron France au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 novembre 2024, les sociétés XL insurance et Reale mutua demandent à la cour de constater qu’elles s’en remettent à la sagesse de la cour sur l’exception d’incompétence soulevée par la société Arcelormittal CLN et de condamner tout succombant à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et signifiées par RPVA le 29 novembre 2024, la société Itron France demande à la cour de débouter la société Arcelormittal CLN de son exception d’incompétence, de déclarer irrecevable l’appel formé par la société Arcelormittal CLN sur le chef du jugement l’ayant déboutée de sa fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu sa compétence et l’a déclarée recevable, subsidiairement de débouter la société Arcelormittal CLN de sa fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir et de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déclarée recevable, en tout état de cause, de débouter les sociétés Arcelormittal CLN , Arcelormittal Belgium, XLinsurance et Reale mutua de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et signifiées par RPVA le 29 novembre 2024, la société Itron global demande à la cour de rejeter les exceptions d’incompétence soulevées par la société Arcelormittal CLN, de la débouter de l’ensemble de ses demandes, de débouter tous contestants aux présentes, de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé mal fondées les exceptions d’incompétence et s’est déclaré compétent et de condamner la société Arcelormittal CLN à lui payer la somme de 10.00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Sur les exceptions d’incompétence des juridictions françaises :
Le tribunal a rejeté les exceptions d’incompétence des juridictions françaises.
La société Arcelormittal CLN soutient que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître des demandes des sociétés Itron France et Itron global, l’affaire devant être renvoyée aux juridictions italiennes.
Sur le fondement des articles 4, 7, point 2, et 8 du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (« le Règlement Bruxelles 1bis »), seuls applicables à l’exclusion du code de procédure civile s’agissant d’une exception d’incompétence internationale et non territoriale, elle fait valoir que toutes les sociétés défenderesses sont domiciliées à l’étranger, soit en Italie, soit en Belgique.
Elle conteste que le lieu de l’événement causal du dommage ou de la matérialisation du dommage, invoqué par les sociétés Itron France et Itron global et auquel se réfère l’article 7, point 2 du Règlement Bruxelles 1bis, ait été en France, faisant valoir que le lieu où le demandeur subi un préjudice financier ne correspond pas au lieu de matérialisation du dommage, qu’en l’espèce le lieu du dommage, lié à la fabrication des compteurs, est situé dans les lignes d’assemblage de la société Jabil en Pologne, sinon le lieu de stockage de la matière première dans les locaux de la société Minifaber en Italie, qu’en outre en cas de mise en cause de la responsabilité du fabricant du fait d’un produit défectueux, le lieu de l’événement causal à l’origine du dommage est le lieu de fabrication du produit.
Elle rappelle qu’elle est sans lien capitalistique avec la société Arcelormittal Belgium, qu’elle n’a aucun lien contractuel avec la société Itron France, qu’elle n’a pas fabriqué de matière première, qu’elle a acheté l’acier à la société Arcelormittal commercial Italy, et non à la société Arcelormittal Belgium, et l’a revendu à la société Minifaber.
S’agissant de l’intervention volontaire de la société Itron global, la société Arcelormittal CLN ajoute que la société Itron global ne justifie pas avoir subi en France un préjudice financier alors qu’elle n’a pas son siège social en France ni n’y dispose d’un compte bancaire et qu’elle a versé les sommes litigieuses à la société Jabil en Pologne.
Les sociétés Itron France et Itron global soutiennent, sur le fondement des articles 7.2 et 12 du Règlement Bruxelles 1bis que les juridictions françaises sont compétentes aux motifs que la matérialisation du dommage ou du risque de dommage est située en France et qu’il importe peu, en conséquence, de déterminer le lieu de l’événement causal comme le fait l’appelante.
Elles font valoir que le dommage est survenu à l’occasion de l’utilisation normale de produits affectés de défauts en France dès lors que la société Itron France a livré en France les compteurs de gaz en acier fabriqués et commercialisés par des sociétés étrangères, qu’ils ont été installés en France, que l’utilisation normale des compteurs est en France, que c’est en France qu’un risque important sur la santé des utilisateurs finaux a conduit à des rappels de produits, des désinstallations et des retards de livraison.
Elles font observer que l’article 8 du Règlement Bruxelles 1bis, invoqué par l’appelante, ne prévoit qu’une option au bénéfice du demandeur d’attraire plusieurs défendeurs devant le même juge et que les tribunaux français sont également compétents s’agissant de la mise en cause des assureurs au titre d’une assurance de responsabilité comme en l’espèce.
La société Itron Global soutient en outre que la compétence s’appréciant à l’aune de la demande originaire de la société Itron France, la société Arcelormittal CLN est mal fondée à invoquer des circonstances propres à son intervention volontaire, que les règles de compétence du Règlement Bruxelles 1bis n’évincent pas celles du code de procédure civile en la matière, que par ailleurs le lieu où le fait dommageable s’est produit ne correspondant pas au lieu où une partie aurait subi une perte financière consécutive à un dommage survenu dans un autre Etat, il est indifférent qu’elle ait ressenti les conséquences financières des fautes commises par la société Arcelormittal CLN sur des comptes bancaires situés en France ou au Luxembourg ou encore ailleurs.
Sur ce,
La société Itron France a assigné les sociétés Arcelormittal CLN, Arcelormittal Belgium et les assureurs XL insurance et Reale mutua sur le fondement délictuel, au visa de l’article 1240 du code civil, en invoquant des malfaçons affectant les compteurs produits. Il ne ressort pas de l’assignation, telle que rappelée dans le jugement dont appel, qu’elle ait en outre agi sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
L’exception soulevée est une exception d’incompétence internationale. Les règles applicables sont celles du Règlement Bruxelles 1bis qui dispose :
– en son article 4, que « sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre »,
– en son article 7, point 2, qu’ « une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire »,
– en son article 8, point 1, qu’ « une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite, s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ».
Il en résulte que le demandeur exerçant une action indemnitaire sur un fondement délictuel, comme en l’espèce, dispose de l’option d’attraire une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre soit devant les juridictions de cet Etat membre, soit devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
Ainsi la société Itron France n’a pas l’obligation d’attraire les défenderesses, dont aucune n’est domiciliée en France, devant la juridiction du domicile de l’une d’entre elles, soit en Italie ou en Belgique, et qu’elle est fondée à se prévaloir de l’article 7, point 2 du Règlement Bruxelles 1bis.
Lorsque le fait susceptible d’entraîner une responsabilité délictuelle et le lieu où ce fait a entraîné un dommage ne sont pas identiques, le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire s’entend du lieu où le dommage est survenu et du lieu de l’événement causal à l’origine du dommage de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal du lieu où le dommage est survenu ou le tribunal du lieu de l’événement causal.
Il est donc loisible à la société Itron France, demanderesse, d’invoquer le seul lieu de la matérialisation du dommage allégué pour justifier la compétence des juridictions françaises, sans égard à la détermination du lieu de l’événement causal du dommage.
La responsabilité délictuelle des sociétés Arcelormittal CLN et Arcelormittal Belgium est recherchée à raison de malfaçons affectant les compteurs de gaz fournis par la société Itron France à la société GRDF en vue de leur installation dans des logements situés en France, certains compteurs ayant été installés au jour de la découverte de la malfaçon et des risques encourus, d’autres livrés mais non encore installés.
A la suite de la découverte du défaut affectant les compteurs produits en Pologne par la société Jabil à partir de boîtiers fabriqués par la société Minifaber en Italie grâce à des tôles d’acier vendues par la société Arcelormittal CLN qui, selon l’appel en garantie qu’elle a formé à l’encontre des sociétés Arcelormittal commercial Italy, Arcelormittal Belgium et Minifaber, s’était elle-même approvisionnée auprès de la société Arcelormittal commercial Italy, distributeur des bobines d’acier fabriquées par la société Arcelormittal Belgium, les compteurs installés dans les logements en France ont été retirés et ceux livrés en France sur le site de [Localité 7] (92) désigné par la société GRDF ont fait l’objet d’un rappel et ce, compte tenu du risque de fuite de gaz induit par le défaut affectant les compteurs.
La société Itron France, fournisseur des compteurs de gaz en France conformément au contrat de conception et fourniture conclu avec la société GRDF, est directement victime des défectuosités affectant les compteurs livrés et ceux fabriqués en vue de leur livraison.
Le dommage ou le risque de dommage nés du défaut de fabrication allégué affectant les compteurs de gaz que la société Itron France a fournis ou devait fournir se sont ainsi matérialisés uniquement en France lors de leur livraison à [Localité 7] et de leurs installation et utilisation normales dans des logements situés en France.
Il s’ensuit que la société Itron France est bien fondée à attraire les sociétés Arcelormittal CLN, Arcelormittal Belgium et les assureurs XL et Reale mutua devant le tribunal de commerce de Nanterre alors même qu’elles ont toutes leur domicile à l’étranger et que l’événement causal du dommage ou du risque de dommage n’est pas localisé en France.
S’agissant de l’exception d’incompétence soulevée à l’égard de la société Itron global, intervenue volontairement à l’instance initiée par la société Itron France, elle ne peut être que rejetée dès lors que ne peut lui être opposée, sans atteinte au principe d’une bonne administration de la justice, une exception d’incompétence territoriale ou internationale et qu’aucune clause attributive de compétence ni aucune clause compromissoire ne sont invoquées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit mal fondées les exceptions d’incompétence soulevées et déclaré le tribunal de commerce de Nanterre compétent.
Sur l’irrecevabilité de la société Itron France faute d’intérêt et de qualité à agir à l’encontre de la société Arcelormittal CLN :
Le tribunal a, rejetant cette fin de non-recevoir, dit la société Itron France recevable.
La société Arcelormittal CLN demande l’infirmation de ce chef et soutient que la société Itron France n’a ni un intérêt suffisant ni qualité à agir à son encontre.
La société Itron France soulève l’irrecevabilité de l’appel formé par la société Arcelormittal CLN de ce chef au motif que celle-ci a formé un seul appel-compétence et qu’elle ne peut, dans le cadre de cet appel ainsi limité, faire appel d’autres chefs du jugement déféré.
La société Arcelormittal CLN ne réplique pas sur l’irrecevabilité de l’appel ainsi soulevé.
Sur ce,
La société Arcelormittal CLN a fait appel du jugement du tribunal en procédant selon les articles 83 et suivants du code de procédure civile qui instaurent une procédure d’appel immédiat propre au jugement par lequel le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige. Un tel appel ne peut porter que sur les dispositions par lesquelles le juge a statué sur sa compétence.
L’article 544 du code de procédure civile réserve en outre l’appel immédiat des jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance, ce qui n’est pas le cas en l’espèce du jugement déféré en ce qu’il a dit recevable la société Itron France.
Ainsi, quand bien même le tribunal a, en l’espèce, statué sur sa compétence et sur des fins de non-recevoir, la société Arcelormittal CLN n’est pas recevable à faire appel immédiat, de surcroît selon la procédure de l’appel-compétence, du chef du jugement ayant dit la société Itron France recevable, l’appel d’une telle décision répondant à un régime procédural distinct.
L’appel de la société Arcelormittal CLN sera donc déclaré irrecevable en ce qu’il porte sur le chef du jugement ayant dit la société Itron France recevable.
Sur les demandes accessoires :
Succombant en son appel, la société Arcelormittal CLN sera condamnée aux dépens. Elle ne peut dès lors prétendre à une indemnité procédurale mais sera condamnée à payer aux sociétés Itron France et Itron global la somme de 5.000 euros, chacune, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Les sociétés Arcelormittal Belgium, XL insurance et Reale mutua seront déboutées de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par la société Arcelormittal CLN distribuzione Italia et en ce que le tribunal de commerce de Nanterre s’est déclaré compétent ;
Déclare irrecevable l’appel de la société Arcelormittal CLN distribuzione Italia en ce qu’il porte sur le chef du jugement entrepris ayant dit la société Itron France recevable ;
Y ajoutant,
Condamne la société Arcelormittal CLN distribuzione Italia à payer à la société Itron France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Arcelormittal CLN distribuzione Italia à payer à la société Itron global la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les sociétés Arcelormittal CLN distribuzione Italia, Arcelormittal Belgium, XL insurance company, Reale mutua di assicurazioni de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Arcelormittal CLN distribuzione Italia aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
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