L’Essentiel : La société Cabinet Habilis a mandaté M. [P] en tant qu’agent commercial en 2015, mais a résilié son contrat en décembre 2020. M. [P] a alors demandé réparation pour le préjudice subi, contestant la décision de la cour d’appel qui a limité son indemnité à 10 000 euros. Il argue que cette somme ne compense pas la perte future de revenus. La cour rappelle que l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice, mais a jugé que les éléments pris en compte pour évaluer le préjudice étaient inappropriés, remettant en question la légitimité de la décision.
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Contexte de l’affaireLa société Cabinet Habilis, titulaire d’une carte professionnelle pour les transactions immobilières, a mandaté M. [P] en tant qu’agent commercial le 22 avril 2015. Cependant, le 4 décembre 2020, la société a résilié le contrat avec M. [P]. Demande de réparationSuite à la rupture de son contrat, M. [P] a demandé réparation pour le préjudice qu’il a subi et a assigné la société Habilis en justice. Arguments de M. [P]M. [P] conteste la décision de la cour d’appel qui a limité l’indemnité à 10 000 euros. Il soutient que l’indemnité doit compenser la perte future de revenus liés à l’exploitation de la clientèle commune, et que la cour a pris en compte des éléments inappropriés pour évaluer son préjudice. Réponse de la CourLa cour rappelle que, selon l’article L.134-12 du code de commerce, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en cas de cessation de ses relations avec le mandant. Cette indemnité doit refléter la perte future de revenus, sans tenir compte des circonstances survenues après la rupture du contrat. Évaluation de l’indemnitéL’arrêt de la cour d’appel a retenu que le contrat ne contenait pas de clause de non-concurrence, que M. [P] avait rapidement retrouvé un emploi, et qu’il n’avait pas fourni d’informations sur ses nouvelles commissions. Ces éléments ont été jugés inappropriés pour évaluer le préjudice lié à la cessation du contrat d’agence commerciale. Conclusion de la CourLa cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision en se basant sur des motifs inadaptés pour évaluer le préjudice de M. [P], ce qui a conduit à une absence de base légale pour la fixation de l’indemnité compensatrice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’indemnité due à l’agent commercial en cas de rupture de contrat ?L’article L.134-12 du code de commerce précise que, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette indemnité a pour objet de compenser la perte pour l’avenir des revenus que l’agent aurait pu tirer de l’exploitation de la clientèle commune. Il est important de noter que cette indemnité ne doit pas être influencée par des circonstances postérieures à la rupture du contrat, telles que la conclusion d’un nouveau contrat par l’agent pour prospecter la même clientèle. Ainsi, l’indemnité doit être calculée en fonction des revenus que l’agent aurait pu percevoir si le contrat avait continué, et non sur la base de sa situation professionnelle après la rupture. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié le montant de l’indemnité ?La cour d’appel a justifié le montant de l’indemnité en se basant sur plusieurs éléments, notamment l’absence de clause de non-concurrence dans le contrat, le fait que M. [P] avait retrouvé un emploi rapidement après la rupture, et l’absence de preuves concernant les commissions perçues depuis cette rupture. Cependant, ces motifs sont considérés comme inappropriés pour évaluer le préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale. En effet, la cour d’appel aurait dû se concentrer sur la perte des revenus futurs liés à l’exploitation de la clientèle commune, plutôt que sur la situation professionnelle actuelle de M. [P]. Cette approche a conduit à une évaluation erronée du préjudice, ce qui a été critiqué dans la décision de la Cour. Quelles sont les implications de la décision de la Cour sur l’évaluation du préjudice ?La décision de la Cour souligne que l’évaluation du préjudice doit se faire exclusivement sur la base des revenus que l’agent commercial aurait pu percevoir si le contrat avait continué. Cela signifie que les circonstances postérieures à la rupture, comme la conclusion d’un nouvel emploi ou l’absence de clause de non-concurrence, ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de l’indemnité. Cette position renforce la protection des agents commerciaux en leur garantissant une indemnité qui reflète véritablement la perte de revenus futurs, indépendamment de leur situation professionnelle ultérieure. Ainsi, la Cour a rappelé que l’indemnité doit être déterminée par référence à la perte de revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, ce qui constitue un principe fondamental en matière de droit commercial. |
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 52 F-B
Pourvoi n° Z 23-21.527
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025
M. [O] [P], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Z 23-21.527 contre l’arrêt rendu le 12 juillet 2023 par la cour d’appel de Saint-Denis (chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Cabinet Habilis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de M. [P], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Cabinet Habilis, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 12 juillet 2023), le 22 avril 2015, la société Cabinet Habilis (la société Habilis), titulaire de la carte professionnelle « transactions sur immeubles et fonds de commerce », a confié à M. [P] un mandat de représentation en tant qu’agent commercial. Le 4 décembre 2020, elle a signifié à M. [P] la résiliation de son contrat.
2. Sollicitant la réparation de son préjudice consécutif à la rupture du contrat, M. [P] a assigné la société Habilis.
Enoncé du moyen
3. M. [P] fait grief à l’arrêt de limiter à 10 000 euros le montant de la condamnation de la société Habilis au titre de l’indemnité consécutive à la rupture, alors « que l’indemnité de cessation de contrat due à l’agent commercial a pour objet la réparation du préjudice qui résulte pour lui de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune ; que la fixation de l’indemnité de cessation de contrat doit ainsi se faire par référence aux seules rémunérations perçues par l’agent en exécution du contrat rompu ; qu’en l’espèce, pour fixer l’indemnité de cessation de contrat due par la société Habilis à M. [P], la cour d’appel s’est fondée, par motifs propres et adoptés, sur les circonstances inopérantes que le contrat ne comportait aucune clause de non-concurrence, que M. [P] avait retrouvé un emploi dès après la rupture du contrat et qu’il ne produisait aucun élément sur les rémunérations qu’il percevait au titre de ce nouvel emploi ; qu’en se déterminant ainsi, en fixant l’indemnité de cessation de contrat due à M. [P] par des motifs impropres à établir la perte pour l’avenir des revenus tirés par lui de l’exploitation de la clientèle commune, et en ne déterminant pas le montant de l’indemnité par référence à cette perte, la cour d’appel a violé l’article L.134-12 du code de commerce. »
Vu l’article L.134-12, alinéa 1er, du code de commerce :
4. Selon ce texte, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
5. Il en résulte que la cessation du contrat d’agence commerciale donne droit à réparation du préjudice résultant, pour l’agent commercial, de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune. Il n’y a donc pas lieu, aux fins d’évaluer ce préjudice, de tenir compte des circonstances postérieures à la cessation du contrat telles que la conclusion par l’agent d’un nouveau contrat en vue de prospecter la même clientèle pour un autre mandant.
6. Pour fixer l’indemnité compensatrice de rupture du contrat d’agent commercial, l’arrêt retient que ce contrat ne comporte aucune clause de non-concurrence, que M. [P] a retrouvé un emploi dans la même branche presqu’immédiatement et qu’il ne produit aucun élément sur les commissions qu’il a perçues depuis la rupture du contrat.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à évaluer le préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale, constitué par la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
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