Droit de préférence et cession de fonds de commerce : conditions de validité et effets.

·

·

Droit de préférence et cession de fonds de commerce : conditions de validité et effets.

L’Essentiel : La S.C.I. SCI HONORE a conclu un bail commercial avec la S.A.R.L. SARAH le 2 septembre 2020, pour un local à [Localité 4]. Le 7 septembre 2022, la S.A.R.L. SARAH a notifié son intention de vendre son fonds de commerce pour 30.000 euros, et la S.C.I. SCI HONORE a exprimé son souhait d’exercer son droit de préférence. Cependant, le 5 octobre 2022, la S.A.R.L. SARAH a renoncé à la vente. Le 28 décembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a assigné la S.A.R.L. SARAH en justice, et le tribunal a déclaré la vente parfaite depuis le 23 septembre 2022.

Contexte du litige

La S.C.I. SCI HONORE a conclu un bail commercial avec la S.A.R.L. SARAH le 2 septembre 2020, pour un local à [Localité 4], avec un loyer annuel de 37.600 euros. La durée du bail est de 9 ans, débutant le 1er octobre 2020, pour l’exploitation d’une activité de coiffure et d’épicerie fine.

Notification de vente du fonds de commerce

Le 7 septembre 2022, la S.A.R.L. SARAH a informé la S.C.I. SCI HONORE de son intention de vendre son fonds de commerce pour 30.000 euros, sollicitant la confirmation de l’exercice du droit de préférence par la bailleresse. En réponse, le 14 septembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a exprimé son souhait d’exercer ce droit.

Réitération de l’intention d’achat

Le 23 septembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a réitéré son intention d’acheter le fonds de commerce pour le prix convenu. Cependant, le 5 octobre 2022, la S.A.R.L. SARAH a annoncé qu’elle renonçait à la vente de son fonds de commerce.

Conflit sur la validité de la vente

Le 22 novembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a mis en demeure la S.A.R.L. SARAH de fournir les documents nécessaires à la rédaction de l’acte de vente, affirmant que la vente était parfaite. En réponse, le conseil de la S.A.R.L. SARAH a contesté cette affirmation, arguant qu’aucun accord formel n’avait été établi.

Procédure judiciaire

Le 28 décembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a assigné la S.A.R.L. SARAH en justice pour faire reconnaître la vente comme parfaite depuis le 23 septembre 2022. La S.A.R.L. SARAH a demandé le rejet des demandes de la S.C.I. SCI HONORE et a sollicité des dommages-intérêts.

Arguments des parties

La S.C.I. SCI HONORE soutient que la vente est parfaite, ayant renoncé à la condition de forme pour la notification du droit de préférence. La S.A.R.L. SARAH, quant à elle, argue qu’elle n’a pas formellement notifié son intention de céder le fonds de commerce, ce qui rend l’accord invalide.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la vente du fonds de commerce parfaite depuis le 23 septembre 2022, rejetant la demande d’astreinte de la S.C.I. SCI HONORE. La S.A.R.L. SARAH a été condamnée à verser 2.000 euros à la S.C.I. SCI HONORE au titre des frais de justice, et aux dépens de l’instance.

Exécution provisoire

Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi à la S.C.I. SCI HONORE de faire valoir ses droits immédiatement.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la perfection de la cession du fonds de commerce

La S.C.I. SCI HONORE soutient que la vente du fonds de commerce est parfaite depuis le 23 septembre 2022, en se basant sur l’article 1583 du Code civil, qui stipule que :

« La vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

En l’espèce, la S.A.R.L. SARAH a informé la S.C.I. SCI HONORE de son intention de céder son fonds de commerce, mentionnant le prix de 30.000 euros.

La S.A.R.L. SARAH conteste cette affirmation, arguant qu’elle n’a pas notifié son intention de céder le fonds de commerce par acte extrajudiciaire, comme l’exige le contrat de bail.

Cependant, l’article 1172 du Code civil précise que les contrats sont par principe consensuels, ce qui signifie que la rencontre des volontés peut se faire par tout moyen.

Ainsi, la lettre du 7 septembre 2022, qui mentionne les conditions essentielles de la vente, constitue une offre ferme. La S.C.I. SCI HONORE a ensuite accepté cette offre, ce qui a conduit à la perfection de la vente.

Sur la forme de la notification du droit de préférence

Le contrat de bail stipule que le preneur doit notifier son intention de céder son fonds de commerce par acte extrajudiciaire.

Cette exigence est précisée dans le contrat, qui indique que :

« Avant toute cession de fonds de commerce, le Preneur devra, par acte extrajudiciaire, notifier au Bailleur son intention de céder son fonds de commerce. »

Cependant, il est important de noter que cette condition est stipulée dans l’intérêt du bailleur.

La S.C.I. SCI HONORE a renoncé à cette exigence en répondant à la lettre de la S.A.R.L. SARAH, ce qui démontre qu’elle a accepté l’intention de cession sans formalité supplémentaire.

Ainsi, l’absence de notification par acte extrajudiciaire ne remet pas en cause la volonté de la S.A.R.L. SARAH de céder son fonds de commerce.

Sur le caractère parfait de la vente

La vente est considérée comme parfaite lorsque les parties se sont mises d’accord sur la chose et le prix.

Dans ce cas, la S.A.R.L. SARAH a clairement exprimé son intention de céder son fonds de commerce pour 30.000 euros, et la S.C.I. SCI HONORE a accepté cette offre.

L’article 1583 du Code civil, déjà cité, confirme que la vente est parfaite dès qu’il y a accord sur la chose et le prix.

Les éléments essentiels de l’acquisition, tels que le prix et les modalités de paiement, ont été clairement établis dans la correspondance entre les parties.

Ainsi, la rencontre de l’offre et de l’acceptation a conduit à la perfection de la vente, qui est donc effective depuis le 23 septembre 2022.

Sur les demandes accessoires

La S.A.R.L. SARAH, en succombant dans ses demandes, sera condamnée à payer les dépens de l’instance.

De plus, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, la S.C.I. SCI HONORE a droit à une indemnité pour couvrir ses frais de justice.

Cet article stipule que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

En l’espèce, la S.A.R.L. SARAH sera condamnée à verser 2.000 euros à la S.C.I. SCI HONORE au titre de l’article 700, tandis que sa propre demande sur ce fondement sera rejetée.

Le jugement est également assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, qui permet une exécution immédiate des décisions judiciaires.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MARCIANO (PN69)
Me BENAMOU (D1106)

18° chambre
3ème section

N° RG 23/00279

N° Portalis 352J-W-B7G-CYT2K

N° MINUTE : 4

Assignation du :
28 Décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 29 Janvier 2025

DEMANDERESSE

S.C.I. SCI HONORE (RCS de Bobigny 804 752 798)
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Yoni MARCIANO, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #PN69

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. SARAH (RCS de Paris 813 524 055)
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Eric BENAMOU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1106

Décision du 29 Janvier 2025
18° chambre 3ème section
N° RG 23/00279 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYT2K

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Sandra PERALTA, Vice-Présidente, statuant en juge unique, assistée de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 22 Octobre 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 2 septembre 2020, la S.C.I. SCI HONORE a donné à bail commercial à la S.A.R.L. SARAH un local, sis [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2020 moyennant un loyer principal annuel de 37.600 euros, aux fins d’y exploiter une activité de « COIFFURE HOMMES, FEMMES, ENFANTS-COSMETICS-EPICERIE FINE ».

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 septembre 2022, la S.A.R.L. SARAH a informé sa bailleresse qu’elle entendait vendre son fonds de commerce au prix de 30.000 euros et lui a demandé si elle entendait exercer son droit de préférence.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 septembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a indiqué à sa locataire qu’elle souhaitait exercer son droit de préférence et acheter le local pour la somme de 30.000 euros.

Par acte extrajudiciaire en date du 23 septembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a réitéré son souhait d’exercer son droit de préférence et acheter le local pour la somme de 30.000 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date en date du 5 octobre 2022, la S.A.R.L. SARAH indique à sa bailleresse qu’elle avait renoncé à son projet de vendre son fonds de commerce.

Par acte extrajudiciaire en date du 22 novembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a indiqué que compte tenu de l’accord sur la vente du fonds de commerce et le prix, la vente est parfaite et a mis en demeure la S.A.R.L. SARAH de lui adresser sous huit jours les éléments nécessaires à la rédaction de l’acte de vente du fonds de commerce.

Par courriel officiel en date du 28 novembre 2022, le conseil de la S.A.R.L. SARAH s’est opposé à cette demande en indiquant qu’il n’a aucun accord entre les parties en ce qu’elle n’a pas notifié par acte extrajudiciaire, mais par courrier son intention de céder son fonds de commerce.

Par acte extrajudiciaire du 28 décembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a assigné la S.A.R.L. SARAH devant la présente juridiction, aux fins essentielles de :
« Dire et juger que la vente du fonds de commerce appartenant à la SARL SARAH, situé [Adresse 2], [Localité 4], à la SCI HONORE, moyennant le prix de 30 000 € payable comptant, est parfaite depuis le 23 septembre 2022.
En conséquence,
Donner acte à la SCI HONORE de son engagement de payer la somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €), correspondant au prix convenu;
Dire et juger que moyennant le paiement du prix de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €) précité, la SCI HONORE sera déclarée propriétaire du fonds de commerce précité;
Juger que le jugement vaut vente du fonds de commerce précité au profit de la SCI HONORE;
Dire et juger qu’à défaut de signature amiable de l’acte de vente du fonds de commerce précité, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, la société SARAH sera condamnée à verser une astreinte d’un montant de 1 000 euros par jour de retard pendant six mois et qu’au bout du septième mois le présent jugement vaudra vente;
Condamner la société SARAH à payer à la SCI HONORE la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner la société SARAH aux entiers dépens. »

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 20 juin 2023, la S.C.I. SCI HONORE demande au tribunal, aux visas des articles 1583 du code civil et l’article 700 du code de procédure civile, de :
« Dire et juger que la vente du fonds de commerce appartenant à la SARL SARAH, situé [Adresse 2], [Localité 4], à la SCI HONORE, moyennant le prix de 30 000 € payable comptant, est parfaite depuis le 23 septembre 2022.
En conséquence,
Donner acte à la SCI HONORE de son engagement de payer la somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €), correspondant au prix convenu;
Dire et juger que moyennant le paiement du prix de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €) précité, la SCI HONORE sera déclarée propriétaire du fonds de commerce précité;
Dire et juger qu’à défaut de signature amiable de l’acte de vente du fonds de commerce précité, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, la société SARAH sera condamnée à verser une astreinte d’un montant de 1 000 euros par jour de retard pendant six mois et qu’au bout du septième mois le présent jugement vaudra vente;
Condamner la société SARAH à payer à la SCI HONORE la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner la société SARAH aux entiers dépens. »

Par conclusions en réponse notifiées au greffe par voie électronique le 13 juin 2023, la S.A.R.L. SARAH demande au tribunal, aux visas des articles 1583 du code civil et l’article 700 du code de procédure civile, de :
« DEBOUTER la SCI HONORE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la SCI HONORE à payer à la société SARAH la somme de 3.000 euros au titre des dispositions du code de procédure civile. »

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien des prétentions.

Par ordonnance du 29 janvier 2024, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction. À la suite d’une réorganisation de la 18ème chambre, l’audience de juge unique, initialement fixée au 14 mai 2025 a été avancée à l’audience de juge unique du tribunal de céans du 22 octobre 2024

MOTIFS

Sur la perfection de la cession du fonds de commerce

La S.C.I. SCI HONORE soutient que la vente du fonds de commerce moyennant le prix de 30.000 euros est parfaite depuis le 23 septembre 2022 ; qu’elle a renoncé à la condition de forme s’agissant de la notification du droit de préférence ; que cette condition était uniquement stipulée dans son intérêt ; que le courrier que sa locataire lui a adressé le 7 septembre 2022 ne laisse aucun doute sur son souhait de céder son fonds de commerce ; que le courrier mentionnait les conditions essentielles de l’acquisition : le prix et les modalités de paiement.

La S.A.R.L. SARAH s’oppose à cette demande. Elle soutient qu’elle s’est contentée de sonder sa bailleresse dans l’hypothèse où la cession envisagée se confirmerait ; qu’au moment de la lettre du 7 septembre 2022, le droit de préférence n’était pas ouvert au bailleur qui pouvait faire part de son intention mais devait attendre l’éventuelle notification prévue dans le contrat de bail afin de faire valoir ses droits ; que la locataire n’a pas notifier au bailleur son intention de céder son fonds de commerce ; qu’elle n’a pas non plus détailler les conditions essentielles de la vente ; qu’il n’a pas été convenu de la chose et du prix puisqu’aucune proposition ferme et respectueuse des obligations des parties prévues au bail commercial n’a été formulée par elle ; que le simple fait de sonder la volonté de son bailleur ne constitue pas un accord donné au titre de l’article 1583 du code civil.

Selon l’article 1172 du code civil, les contrats sont par principe consensuels, ce qui signifie que la preuve de la rencontre de volonté peut se faire par tout moyen.

Aux termes de l’article 1583 du même code, la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. En application de l’article 1114 du code civil, l’offre de vente se définit comme l’acte par lequel une personne se déclare prête à vendre un bien à des conditions déterminées ; elle doit donc être suffisamment précise et fixer les éléments essentiels du contrat projeté, pour la différencier de la simple invitation à entrer en pourparlers et le contrat ne peut se former que si le destinataire de l’offre l’accepte purement et simplement, sans formuler de réserves ou une contre-proposition.

L’offre de vente ou d’achat se définit comme l’acte par lequel une personne se déclare prête à vendre ou à acheter un bien à des conditions déterminées. Elle doit être suffisamment précise et fixer les éléments essentiels du contrat projeté, ce qui la différencie de la simple invitation à entrer en pourparlers.

Le contrat de bail stipule au paragraphe d) intitulé « droit de préférence au profit du Bailleur » de l’article VI intitulé « CONDITIONS GENERALES » qu’ »avant toute cession de fonds de commerce le Preneur devra, par acte extrajudiciaire, notifier au Bailleur son intention de céder son fonds de commerce. L’offre du Preneur devra mentionner le prix, les modalités de paiement et, d’une manière générale, toutes les conditions essentielles de l’acquisition proposée. La durée de validité de l’offre sera de un mois à compter de la notification.
Le Bailleur pourra dans le délai de un mois :
• Soit accepter l’offre du Preneur. Dans ce cas, il disposera d’un délai de 45 jours pour régulariser l’acte de transfert de propriété du fonds de commerce.
• Soit offrir une indemnité d’éviction égale au montant de la cession projetée.
• Soit refuser l’offre du Preneur.
Le défaut de réponse du Bailleur, dans le délai de un mois, sera considéré comme un refus de l’offre de cession.
Le Preneur ne pourra pas céder son fonds de commerce à des conditions plus favorables en prix et en modalités sans procéder à une nouvelle purge du droit de préférence du Bailleur. »

En l’espèce, dans la lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 septembre 2022 adressée au mandataire de la bailleresse, la S.A.R.L. SARAH indique qu’elle envisage de vendre son fonds de commerce à « Monsieur [F] [I] (…) qui se propose d’acheter moyennant le prix de 30.000 € payable comptant, par une société créée pour cette acquisition.
En application des clauses du bail fait à la société SARAH, voulez vous, en votre qualité de mandataire du bailleur me dire :
-1)si ce dernier souhaite exercer le droit de préférence qui lui est conféré par ledit bail [souligné dans le courrier]
( qui par ailleurs dispose que le preneur ne pourra céder son bail qu’à l’acquéreur du fonds de commerce »
2)ou veut, s’il ne le souhaite pas exercer ce droit de préférence intervenir à l’acte de vente directement ou par votre intermédiaire, [souligné dans le courrier]
étant précisé qu’il sera de toute façon appelé à le faire, mais que connaître dès maintenant, son intention permet de préparer la rédaction de cet acte :
Si aucune intervention n’est envisagée, pourriez-vous marquer votre accord sur la clause d’agrément qui sera inséré à l’acte et qui pourrait être ainsi rédigée :
« AGREMENT DU BAILLEUR – [souligné dans le courrier]
Aux présentes sont annexées copie de la lettre adressée au mandataire du bailleur et de sa réponse d’où il résulte que, connaissance, prise de la cession qui précède, il se la tiendra pour signifiée par la remise d’un exemplaire original enregistré qui lui sera faite par lettre RAR dans le mois de l’enregistrement,
Et agréé le cessionnaire comme locataire aux lieu et place du cédant à compter du jour fixé pour l’entrée en jouissance, faisant toutefois réserve expresse de tous les droits de son mandat contre le cédant, lequel restera garant et répondant pendant trois ans du dit cessionnaire temps pour le paiement des loyers que pour l’exécution du bail »,
3) quel est le montant quel est le montant exact actuel du dépôt de garantie versé entre les mains du bailleur, qui, sauf avis contraire de votre part il restera, et sera remboursé au vendeur par l’acquéreur le jour de la vente, [souligné dans le courrier] ».

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 septembre 2024, la bailleresse, par l’intermédiaire de son mandataire, répondait au courrier de sa locataire en indiquant que « Par la présente, nous vous informons que le propriétaire du local, la SCI HONORE, souhaite exercer son droit de préférence et donc acheter le fonds de commerce au prix de 30.000€ comme il est indiqué dans votre courrier.
Nous vous remercions par conséquent de nous mettre en relation avec votre conseil pour régulariser l’acte de transfert de propriété du fonds de commerce. »

Par acte extrajudiciaire en date du 23 septembre 2022, la S.C.I. SCI HONORE a adressé à la S.A.R.L. SARAH une « NOTIFICATION portant réponse au DROIT DE PREFERENCE SUR CESSION DE FONDS DE COMMERCE » qui indiquait « Que par lettre recommandée avec avis de réception du 07 décembre 2022, la SARL SARAH a noté à la société OPALE IMMOBILIER, ès qualité, son intention de vendre le fonds de commerce en invitant le bailleur s’il souhaitait exercer son droit de préférence.
Que par la présente la SCI HONORE lui fait connaître qu’elle entend exercer son DROIT DE PREFERENCE pour l’acquisition du fonds de commerce au prix de TRENTE MILLE euros (30 000€) comme indiqué dans ledit courrier du 07.09.2022.
En conséquence, il vous est demandé de vous rapprocher de la société OPALE IMMOBILIER et de lui mettre en relation avec votre conseil pour régulariser l’acte de transfert de propriété du fonds de commerce. »

Sur la forme de la notification du droit de préférence

En l’espèce, comme indiqué ci-dessus, le contrat de bail prévoit que le »Preneur devra, par acte extrajudiciaire, notifier au Bailleur son intention de céder son fonds de commerce. »

Il ne ressort pas de cette stipulation que les parties aient entendu faire de la notification par la locataire du droit de préférence à la bailleresse une condition de validité de l’exercice du droit de préférence. L’exigence formelle prévue dans cette stipulation est en effet stipulée dans l’intérêt seul de la bailleresse. Dès lors, cette dernière pouvait toujours y renoncer, ce qu’elle a fait en répondant à la lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 septembre 2022 de sa locataire.

Ainsi, contrairement aux allégations de la locataire, il ne peut être déduit de l’absence de notification par acte extrajudiciaire une absence d’intention ferme de la locataire de céder le fonds de commerce.

Sur le caractère parfait de la vente

Il ressort par ailleurs du courrier en date du 7 septembre 2022 que la locataire a indiqué au mandataire de la bailleresse son intention de céder le fonds de commerce et conformément aux stipulations du contrat de bail demandé si la bailleresse avait l’intention de faire usage de son droit de préférence. La locataire mentionne en outre dans son courrier :
– l’identité du potentiel acheteur,
– le prix de la cession : 30.000 euros payable comptant par une société créée pour cette acquisition,
– les stipulations d’une clause d’agrément dans l’hypothèse où le bailleur ne ferait pas usage de son droit de préférence,
– une demande s’agissant du montant du dépôt de garantie détenu par le bailleur en indiquant qu’il serait remboursé au vendeur par l’acquéreur le jour de la vente.
Le courrier mentionne également qu’elle souhaite savoir si la bailleresse fera usage ou non de son droit de préférence afin de « préparer la rédaction de l’acte ».

Il s’évince de l’ensemble de ces éléments que ce courrier, contrairement aux allégations de la locataire, ne constitue pas une simple « approche » aux fins de « sonder » sa bailleresse dans l’hypothèse où la cession envisagée se confirmerait.

Par ce courrier, la locataire, conformément aux stipulations du bail informait sa bailleresse de son intention de céder son fonds de commerce et mentionnait le prix, les modalités de paiement mais également les conditions essentielles de l’acquisition proposée (clause d’agrément et dépôt de garantie).

Par courrier en date du 14 septembre 2022 réitéré par acte extrajudiciaire en date du 23 septembre 2022, la bailleresse a informé sa locataire de sa volonté d’exercer son droit de préférence et d’acheter le fonds de commerce au prix de 30.000 euros.

Le contrat de bail stipule à cet effet qu’à la suite de la notification par la locataire de son intention de céder son fond de commerce  » Le Bailleur pourra, dans le délai de un mois :
• Soit accepter l’offre du Preneur. Dans ce cas, il disposera d’un délai de 45 jours pour régulariser l’acte de transfert de propriété du fonds de commerce. (…) ».

Dès lors, au regard de l’offre précise et ferme de la locataire et de l’acceptation par la bailleresse de ses termes, les parties ont manifesté leur volonté de s’engager sur la chose et sur le prix.

La rencontre de l’offre et de l’acceptation vaut donc vente.

Il convient en conséquence de constater que la vente entre la S.A.R.L. SARAH et S.C.I. SCI HONORE est parfaite depuis le 23 septembre 2022, conformément à la demande de la S.C.I. SCI HONORE.

La demande de la S.C.I. SCI HONORE de lui donner acte “de son engagement de payer la somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €), correspondant au prix convenu”ne constitue pas en application de l’article 4 du code de procédure civile une prétention en ce qu’elle ne confère pas de droit à la partie qui le requiert. Elle ne donnera donc pas lieu à mention au dispositif.

La S.C.I. SCI HONORE sollicite enfin, à défaut de signature amiable de l’acte de vente du fonds de commerce, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente décision, la condamnation de la S.A.R.L SARAH à lui verser une astreinte d’un montant de 1.000 euros par jour de retard pendant six mois et qu’au bout du 7ème mois le présent jugement vaudra vente. Force est de constater que cette demande est prématurée et que la nécessité d’une astreinte n’est pas en l’état démontrée. Il y a donc lieu de débouter la S.C.I. SCI HONORE de sa demande en ce sens.

Sur les demandes accessoires

La S.A.R.L. SARAH, qui succombe, sera condamnée à payer les dépens de l’instance.

L’équité commande de condamner la S.A.R.L. SARAH à payer à la S.C.I. SCI HONORE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de la S.A.R.L. SARAH sur le même fondement sera rejetée.

La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en vertu de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉCLARE parfaite à la date du 23 septembre 2022 la vente du fonds de commerce appartenant à la S.A.R.L. SARAH, situé [Adresse 2] à [Localité 4], à la S.C.I. SCI HONORE, moyennant le prix de 30.000 euros payable comptant,

DEBOUTE la S.C.I. SCI HONORE de sa demande visant, à défaut de signature amiable de l’acte de vente du fonds de commerce, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente décision, à condamner la S.A.R.L SARAH à lui verser une astreinte d’un montant de 1.000 euros par jour de retard pendant six mois et qu’au bout du 7ème mois le présent jugement vaudra vente,

CONDAMNE la S.A.R.L. SARAH à payer à la S.C.I. SCI HONORE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.R.L. SARAH aux entiers dépens,

REJETTE toutes les autres demandes des parties,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris le 29 Janvier 2025

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Sandra PERALTA


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon