Indemnité d’éviction et maintien dans les lieux : enjeux d’une expertise préalable

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Indemnité d’éviction et maintien dans les lieux : enjeux d’une expertise préalable

L’Essentiel : Le 16 août 2024, la S.C.I. DU 63 a notifié un congé à Monsieur [A] [B], mettant fin au bail commercial le 17 février 2025, tout en proposant une indemnité d’éviction. Ce congé a engendré un litige, entraînant une citation devant le tribunal pour déterminer les indemnités dues. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer ces montants, désignant Monsieur [D] [X] comme expert. La S.A.S. TITANS a été condamnée à consigner 5 000 euros pour les frais d’expertise, avec un rapport attendu avant le 29 novembre 2025. La décision finale a été rendue le 29 janvier 2025, avec exécution provisoire.

Contexte du bail commercial

Aux termes d’un acte sous seing privé signé le 17 juillet 2020, la S.C.I. DU 63, représentée par la S.A.S. TITANS, a renouvelé un contrat de bail commercial avec Monsieur [A] [B] pour des locaux situés à [Adresse 8]. Ce bail a été établi pour une durée de trois, six, ou neuf ans, prenant effet à partir du 18 février 2016.

Notification de congé

Le 16 août 2024, le bailleur a notifié un congé à Monsieur [A] [B], prévoyant la fin du bail pour le 17 février 2025, tout en offrant une indemnité d’éviction. Cette notification a marqué le début d’un litige concernant les droits du locataire.

Procédure judiciaire

En réponse à cette situation, la S.A.S. TITANS a cité Monsieur [A] [B] devant le président du tribunal en référé, les 29 novembre et 2 décembre 2024, afin de fixer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation. Lors de l’audience, la requérante a demandé le bénéfice de son acte introductif d’instance, tandis que la défenderesse a exprimé ses réserves.

Motifs de la décision

Le tribunal a rappelé que, selon l’article 145 du code de procédure civile, une partie peut demander des mesures d’instruction si elle justifie d’un motif légitime. Dans ce cas, le refus de renouvellement du bail ouvre droit à une indemnité d’éviction pour le locataire, ainsi qu’à un maintien dans les lieux jusqu’à paiement de cette indemnité, conformément aux articles L.145-14 et L.145-28 du code de commerce.

Ordonnance d’expertise

Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation. L’expert désigné, Monsieur [D] [X], a pour mission de collecter des documents, visiter les lieux, et déterminer les éléments nécessaires à l’évaluation des indemnités dues.

Consignation des frais d’expertise

La partie demanderesse, la S.A.S. TITANS, a été condamnée à consigner une provision de 5 000 euros pour couvrir les frais d’expertise, à déposer auprès du tribunal avant le 31 mars 2025. En cas de non-consignation, la désignation de l’expert deviendrait caduque.

Suivi de l’expertise

L’expert devra soumettre son rapport au greffe du tribunal avant le 29 novembre 2025, et le juge du contrôle des expertises suivra l’exécution de la mesure d’instruction. Le tribunal a également encouragé l’utilisation de moyens dématérialisés pour faciliter les échanges durant l’expertise.

Décision finale

Le tribunal a condamné la partie demanderesse aux dépens de l’instance et a précisé que la décision est de droit revêtue de l’exécution provisoire. La décision a été rendue à Paris le 29 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir une mesure d’instruction en référé selon l’article 145 du Code de procédure civile ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige,

les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Pour justifier d’un motif légitime, la partie doit démontrer la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Ainsi, la demande de mesure d’instruction en référé doit être fondée sur des éléments concrets qui laissent présager l’existence d’un litige imminent.

Dans le cas présent, la S.A.S. TITANS a démontré un motif légitime en cherchant à établir les bases de l’indemnité d’éviction et d’occupation, ce qui justifie la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal.

Quels sont les droits du locataire en cas de refus de renouvellement du bail commercial selon le Code de commerce ?

Les articles L.145-14 et L.145-57 du Code de commerce prévoient que :

« Le locataire a droit à une indemnité d’éviction lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail. »

Le principe de cette indemnité n’est pas contesté dans l’affaire en question.

De plus, l’article L.145-28 précise que :

« Le locataire a le droit de rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction. »

Cela signifie que le locataire peut continuer à occuper les locaux jusqu’à ce qu’il ait reçu l’indemnité due, ce qui est essentiel pour protéger ses droits et intérêts.

Dans cette affaire, le locataire, Monsieur [A] [B], a donc le droit de rester dans les lieux jusqu’à ce que l’indemnité d’éviction soit versée.

Comment est déterminée l’indemnité d’occupation selon le Code de commerce ?

L’article L.145-28 du Code de commerce stipule que :

« Le locataire doit verser une indemnité d’occupation au propriétaire à compter de la date de l’éviction. »

Dans le cas présent, l’indemnité d’occupation est due à partir du 18 février 2025, date à laquelle le locataire doit quitter les lieux.

Cette indemnité est généralement calculée sur la base des loyers de renouvellement, en tenant compte de la situation du marché locatif et des conditions spécifiques du bail.

Ainsi, l’expert désigné par le tribunal devra déterminer le montant de cette indemnité d’occupation en se basant sur les critères établis par la loi et les usages du marché.

Quelles sont les obligations de l’expert dans le cadre de l’expertise ordonnée par le tribunal ?

Les obligations de l’expert sont définies par les articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du Code de procédure civile.

L’expert doit :

– Se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

– Visiter les lieux donnés à bail, les photographier, les mesurer et dresser la liste des salariés employés par le preneur.

– Rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction, en tenant compte de la nature des activités professionnelles et de l’état des locaux.

– Adresser aux parties un document de synthèse à l’issue de ses opérations, fixant un calendrier pour les observations des parties.

Ces obligations garantissent que l’expertise est menée de manière rigoureuse et transparente, permettant ainsi au tribunal de prendre une décision éclairée sur les indemnités dues.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de consignation de la provision pour frais d’expertise ?

L’article 271 du Code de procédure civile précise que :

« Faute de consignation de la provision dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet, sans autre formalité requise. »

Dans cette affaire, la S.A.S. TITANS doit consigner une provision de 5 000 euros pour les frais d’expertise avant le 31 mars 2025.

Si cette consignation n’est pas effectuée dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera annulée, ce qui pourrait retarder la résolution du litige et nuire aux droits de la partie demanderesse.

Il est donc crucial pour la partie requérante de respecter cette obligation pour garantir la poursuite de la procédure d’expertise.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/58284 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6MYN

N°: 7

Assignation des :
29 Novembre et 02 Décembre 2024

EXPERTISE[1]

[1] 2 copies exécutoires
+ 1 copie expert
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 29 janvier 2025

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.
DEMANDERESSE

La Société TITANS, Société par actions simplifiée à capital variable
[Adresse 5]
[Localité 10]

représentée par Maître Alix CHABRERIE, avocat au barreau de PARIS – #A0550

DEFENDEUR

Monsieur [B] [A] [Y] [C]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 4]

et ayant élu domicile au
Cabinet de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, Avocats,
[Adresse 9]
[Localité 6]

représenté par Maître Jérôme TURLAN, avocat au barreau de PARIS – #C0526

DÉBATS

A l’audience du 18 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,

Nous, Juge des référés, assisté de notre greffier, après avoir entendu les parties représentées, avons rendu la décision suivante ;

Aux termes d’un acte sous seing privé signé le 17 juillet 2020, la S.C.I. DU 63, aux droits de laquelle vient la S.A.S. TITANS, a consenti au profit de Monsieur [A] [B] au renouvellement d’un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 8], pour une durée de trois, six, neuf ans, à compter du 18 février 2016.

Par acte extrajudiciaire notifié le 16 août 2024, le bailleur a fait délivrer aux preneur un congé pour le 17 février 2025, avec offre d’indemnité d’éviction.

C’est dans ces conditions que par exploit délivré les 29 novembre et 2 décembre 2024, la S.A.S. TITANS a fait citer Monsieur [A] [B] devant le président de ce tribunal, statuant en référé, en fixation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation.

A l’audience, la requérante sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance. En réponse, la défenderesse formule ses protestations et réserves.

MOTIFS

En vertu de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Le refus de renouvellement signifié par le bailleur en vertu de son droit d’option ouvre droit au profit du locataire, d’une part, en vertu des articles L.145-14 et L.145-57 du code de commerce, à une indemnité d’éviction dont le principe n’est pas discuté en l’espèce, et d’autre part, selon l’article L. 145-28 du même code, au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité.

En outre, le maintien dans les lieux justifie, d’après l’article L.145-28 précité, le versement au propriétaire d’une indemnité d’occupation à compter du 18 février 2025 et jusqu’à libération des locaux.

Il est ainsi justifié d’un motif légitime, au sens de l’article 145 du code de procédure civile, pour recourir à une mesure d’expertise, qui sera ordonnée dans les termes du dispositif ci-après.

Il y a lieu de mettre le coût de la consignation à la charge de la partie qui est requérante à la mesure d’expertise, tout comme les dépens en vertu de l’article 491 du code de procédure civile, qui ne prévoit pas qu’ils puissent être réservés.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Donnons acte des protestations et réserves formulées en défense ;

Ordonnons une expertise et désignons en qualité d’expert :

Monsieur [D] [X]
[Adresse 7]
☎ :[XXXXXXXX03]

avec mission de :

– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,

– s’entourer, si besoin est, de tout sachant et technicien de son choix,

– visiter les lieux donnés à bail, les photographier en cas de contestation, les mesurer, dresser la liste des salariés employés par le preneur dans ces locaux et sur ce fonds,

– Rechercher en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction :
a) dans le cas d’une perte de fonds (valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation, afférents à la cession d’un fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial et de tous autres postes de préjudice, ainsi que de la plus-value en résultant ; valeur marchande déterminée selon la valeur locative du marché si celle-ci est supérieure à celle déterminée selon les usages de la profession),
b) dans le cas de la possibilité d’un transfert de fonds sans perte conséquente de clientèle sur un emplacement de qualité équivalente (coût du transfert, acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial et de tous autres préjudices éventuels) en donnant des références précises ;

– Rechercher tous éléments permettant d’apprécier si l’éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert,

– Déterminer le montant de l’indemnité due par le locataire pour l’occupation des lieux, objet du bail, à compter du 18 février 2025, sur les bases utilisées en matière de fixation des loyers de renouvellement, abattement pour précarité en sus,

Faisons injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions,

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

– se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;

– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :

o en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
o en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
o en informant les parties, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnables :

o fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
o rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.

Fixons à la somme de 5 000 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse auprès du Régisseur des Avances et Recettes du tribunal judiciaire de Paris pour le 31 mars 2025 ;

Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du Code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au Greffe du tribunal judiciaire de Paris (contrôle des expertises) avant le 29 novembre 2025 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du Contrôle ;

Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

Disons que, dans le but de favoriser l’instauration d’échanges dématérialisés et de limiter la durée et le coût de l’expertise, le technicien devra privilégier l’usage de la plateforme OPALEXE et qu’il proposera en ce cas à chacune des parties, au plus tard lors de la première réunion d’expertise, de recourir à ce procédé pour communiquer tous documents et notes par la voie dématérialisée dans les conditions de l’article 748-1 du code de procédure civile et de l’arrêté du 14 juin 2017 validant de tels échanges ;

Condamnons la partie demanderesse aux dépens de l’instance ;

Rappelons que la présente décision est de droit revêtue de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 29 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Estelle FRANTZ Anne-Charlotte MEIGNAN

Service de la régie :
Tribunal de Paris, [Adresse 13]
☎ [XXXXXXXX02]
Fax [XXXXXXXX01]
✉ [Courriel 14]

Sont acceptées les modalités de paiements suivantes :

➢ virement bancaire aux coordonnées suivantes :
IBAN : [XXXXXXXXXX011]
BIC : [XXXXXXXXXX015]
en indiquant impérativement le libellé suivant :
C7 « Prénom et Nom de la personne qui paye » pour prénom et nom du consignataire indiqué dans la décision + Numéro de RG initial

➢ chèque établi à l’ordre du régisseur du Tribunal judiciaire de Paris (en cas de paiement par le biais de l’avocat uniquement chèque CARPA ou chèque tiré sur compte professionnel)

Le règlement doit impérativement être accompagné d’une copie de la présente décision. En cas de virement bancaire, cette décision doit être envoyée au préalable à la régie (par courrier, courriel ou fax).

Expert : Monsieur [D] [X]

Consignation : 5 000 € par La Société TITANS, Société par actions simplifiée à capital variable

le 31 Mars 2025

Rapport à déposer le : 29 Novembre 2025

Juge chargé du contrôle de l’expertise :
Service du contrôle des expertises
Tribunal de Paris, [Adresse 13].


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