Cautionnement : Validité et Disproportion des Engagements dans un Contrat Commercial

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Cautionnement : Validité et Disproportion des Engagements dans un Contrat Commercial

L’Essentiel : La SAS Rex 02 a loué un fonds de commerce à la société Cams 02, avec un contrat cautionné par Mme [C] [H] épouse [Z], M. [P] [Z], et Mme [D] [G]. Après la résiliation du contrat et la liquidation judiciaire de Cams 02, Rex 02 a déclaré une créance de 76 048,95 euros. Les cautions ont contesté la validité du contrat de location-gérance, arguant de la disproportion de leur engagement. Le tribunal a validé le contrat de location, mais a jugé l’engagement des cautions disproportionné, entraînant le rejet de la demande de paiement de Rex 02.

Contexte de l’affaire

La SAS Rex 02 a donné en location-gérance un fonds de commerce de restauration à la société Cams 02 le 2 octobre 2017. Ce contrat a été cautionné par Mme [C] [H] épouse [Z], M. [P] [Z], et Mme [D] [G], chacun à hauteur de 150 000 euros. Le contrat a été résilié le 16 mars 2019, et la société Cams 02 a été placée en liquidation judiciaire le 23 septembre 2020.

Créance et mise en demeure

La SAS Rex 02 a déclaré une créance de 76 048,95 euros dans la procédure de liquidation et a mis en demeure les cautions de régler cette somme par courriers recommandés, qui sont revenus non distribués. En juillet 2021, la SAS Rex 02 a assigné Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir le paiement de la créance.

Demandes des parties

La SAS Rex 02 a demandé au tribunal de déclarer irrecevable la contestation des cautions, de les condamner solidairement à payer la somme due, et de capitaliser les intérêts. En revanche, Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] ont demandé la nullité du contrat de cautionnement, arguant que le contrat de location-gérance était nul, et ont contesté la disproportion de leur engagement.

Arguments de la SAS Rex 02

La SAS Rex 02 a soutenu que le contrat de location-gérance était valide et que les cautions avaient les moyens de faire face à leurs engagements. Elle a également contesté la nullité du contrat de cautionnement, affirmant que les cautions avaient été informées des risques liés à la location-gérance.

Arguments des cautions

Les cautions ont fait valoir que le contrat de location-gérance était nul car signé par une société sans personnalité juridique. Elles ont également soutenu que leur engagement était manifestement disproportionné par rapport à leurs biens et revenus au moment de la conclusion du contrat.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de nullité du contrat de cautionnement, considérant que le contrat de location-gérance était valide. Cependant, il a établi que l’engagement de caution de Mme [C] [H] épouse [Z] et de M. [P] [Z] était manifestement disproportionné, ce qui a conduit à rejeter la demande de paiement de la SAS Rex 02 à leur encontre.

Conséquences financières

La SAS Rex 02 a été condamnée aux dépens et à verser 1 500 euros à chacun des cautions au titre des frais irrépétibles. Les demandes de la SAS Rex 02 et de Mme [D] [G] ont été rejetées, et l’exécution provisoire n’a pas été écartée.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la nullité du contrat de cautionnement ?

La nullité du contrat de cautionnement peut être invoquée sur le fondement de l’article 2289 du Code civil, qui stipule que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ». En effet, si le contrat principal, ici le contrat de location-gérance, est nul, le cautionnement qui en dépend l’est également.

De plus, l’article 2313 du même code précise que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ». Cela signifie que si le débiteur principal (la société Cams 02) peut contester la validité de son obligation, la caution peut également le faire.

Dans cette affaire, les défendeurs soutiennent que le contrat de location-gérance est nul car il a été signé par une société en formation, qui n’avait pas encore de personnalité juridique au moment de la signature. L’article L. 210-6 du Code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ». Ainsi, les actes accomplis avant cette immatriculation engagent les associés de manière solidaire et indéfinie, sauf si la société reprend les engagements après son immatriculation.

En l’espèce, le contrat de location-gérance a été signé le 2 octobre 2017, alors que la société Cams 02 n’a été immatriculée que le 4 octobre 2017. Toutefois, le contrat stipule que si la société obtient son immatriculation, les engagements seront réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. Cela signifie que le contrat de location-gérance n’est pas nul, et par conséquent, la demande de nullité du cautionnement est rejetée.

Quelles sont les conditions de la disproportion du cautionnement ?

La disproportion du cautionnement est régie par l’article L. 332-1 du Code de la consommation, qui dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion de l’engagement lors de sa conclusion incombe aux cautions qui l’invoquent. En revanche, il appartient au créancier de prouver que le patrimoine des cautions est suffisant au moment où elles sont appelées à exécuter leur obligation.

Dans cette affaire, il est établi que Mme [C] [H] épouse [Z] avait un revenu annuel net de 21 626 euros lors de la conclusion du contrat de cautionnement, alors que son engagement s’élevait à 150 000 euros. Cela constitue une disproportion manifeste.

De plus, lors de l’assignation, son revenu avait diminué à 16 912 euros, et elle avait acquis un bien immobilier d’une valeur de 193 000 euros, grevé d’une dette de 113 727,92 euros. Son actif net était donc de 81 647,74 euros, ce qui ne lui permettait pas de faire face à la demande de paiement de 76 048,95 euros.

Ainsi, la disproportion manifeste du cautionnement est établie, et la SAS Rex 02 ne peut se prévaloir du cautionnement à l’égard de Mme [C] [H] épouse [Z].

Quelles sont les conséquences de la disproportion du cautionnement sur l’engagement de M. [P] [Z] ?

Concernant M. [P] [Z], il est également établi qu’il ne percevait aucun revenu lors de la conclusion du contrat de cautionnement et qu’il ne disposait d’aucun compte bancaire en France. Son engagement de caution à hauteur de 150 000 euros est donc manifestement disproportionné à ses capacités financières.

L’article L. 332-1 du Code de la consommation s’applique également à M. [P] [Z], qui doit prouver que son patrimoine et ses revenus étaient suffisants au moment où il a été appelé à exécuter son obligation. En l’espèce, il a produit un avis d’imposition qui montre qu’il ne percevait qu’un revenu annuel de 3 350 euros lors de l’assignation.

De plus, bien qu’il soit propriétaire de parts sociales dans une société, la SAS Rex 02 n’a pas fourni de preuves suffisantes quant à la valorisation réelle de ces parts. Ainsi, la SAS Rex 02 ne démontre pas que M. [P] [Z] disposait d’un patrimoine suffisant pour faire face à la demande de paiement de 76 048,95 euros.

En conséquence, la disproportion manifeste du cautionnement est également établie pour M. [P] [Z], et la SAS Rex 02 ne peut se prévaloir de son engagement de caution à son égard.

Quelles sont les implications de la décision sur les frais de justice ?

Les frais de justice sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. En l’espèce, la SAS Rex 02, ayant succombé dans ses demandes, est condamnée aux dépens.

De plus, l’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. La SAS Rex 02 devra verser à Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] une somme équitable de 1 500 euros chacun.

Enfin, la demande de la SAS Rex 02 et de Mme [D] [G] sur le fondement de l’article 700 est rejetée, car elles n’ont pas obtenu gain de cause dans leurs demandes.

Ainsi, la décision a des implications financières significatives pour la SAS Rex 02, qui doit assumer les frais de justice et indemniser les défendeurs pour leurs frais d’avocat.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 28 JANVIER 2025

Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 21/07738 – N° Portalis DB3S-W-B7F-VOSN
N° de MINUTE : 25/00070

S.A.S. REX 02, représentée par la société MINVEST & SP SARL, son Président, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Isaline POUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1668

DEMANDEUR

C/

Madame [C] [H] épouse [Z]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Me Frédéric DEMARIGNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0087

Monsieur [P] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Me Frédéric DEMARIGNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0087

DEFENDEURS

Madame [D] [G]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Me Mathieu BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0688

INTERVENANT FORCE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 26 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, greffier.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé en date du 2 octobre 2017, la SAS Rex 02 a donné en location-gérance à la société Cams 02 un fonds de commerce de restauration dont elle est propriétaire.
Par actes sous seing privé du même jour, Mme [C] [H] épouse [Z], M. [P] [Z] et Mme [D] [G] se sont chacun portés caution solidaire, envers la SAS Rex 02, des engagements pris par la société Cams 02 aux termes de ce contrat et ce, dans la limite de 150 000 euros.
Le contrat de location-gérance a été résilié le 16 mars 2019 suite à l’acquisition, par la SAS Rex 02, de la clause résolutoire qu’il contenait, résiliation constatée par ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce de Paris le 7 juin 2019.
La société Cams 02 a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 23 septembre 2020.
La SAS Rex 02 a déclaré une créance de 76 048,95 euros au passif de cette procédure le 24 novembre 2020.
La SAS Rex 02 a également mis en demeure Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] de lui régler cette somme par courriers recommandés avec accusé de réception datés du 21 janvier 2021, plis revenus non distribués pour cause de destinataire inconnu à l’adresse indiquée.
Par actes d’huissier délivrés le 29 juillet 2021, la SAS Rex 02 a fait assigner Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de les voir condamner à lui payer la somme en principal de 76 048,95 euros au titre de leurs engagements de cautions.
Par acte de commissaire de justice délivré le 23 septembre 2022, Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] ont fait assigner Mme [D] [G] en intervention forcée, l’instance étant enrôlée sous le n° RG 22/10079.
Les deux instances ont été jointes sous le seul n° RG 21/7738 par ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 octobre 2022.
La clôture est intervenue le 12 novembre 2024 par ordonnance du même jour.

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 26 novembre 2024 et mise en délibéré au 28 janvier 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 9 novembre 2023, la SAS Rex 02 demande au tribunal de :
Déclarer irrecevable la contestation du montant de la créance de la SAS REX 02 ;Condamner solidairement Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] à lui payer la somme de 76 048,95 euros avec intérêt au taux légal à compter du 21 janvier 2021, date de la mise en demeure, dans la limite de 2/3 de cette somme ; Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du jugement ; Débouter Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes ; Condamner Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] aux dépens; Condamner Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] à lui payer la somme de 3 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de sa demande en paiement, elle fait valoir que les défendeurs se sont portés cautions solidaires de la société Cams 02 au titre d’un contrat de location gérance, laquelle a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, ce qui justifie qu’elle sollicite le paiement des sommes qui lui restent dues par la société garantie.
Pour s’opposer à la nullité du contrat de location-gérance et, ce faisant, à la nullité du contrat de cautionnement alléguée par les défendeurs, elle soutient, sur le fondement des articles 1843 du code civil, L. 210-6 et R. 201-6 du code de commerce, que le contrat de location-gérance a été conclu sans équivoque pour le compte de la société Cams 02 en cours de formation représentée par ses deux associées et a été repris après son immatriculation ainsi qu’il était prévu dans ses statuts.
Quant à la disproportion alléguée du cautionnement, elle soutient, sur le fondement de l’article L. 332-1 du code de la consommation, que M. [P] [Z] ne démontre pas le caractère disproportionné de son engagement de caution et qu’à la date à laquelle Mme [C] [H] épouse [Z] a été assignée en paiement, son patrimoine incluait un bien immobilier dont la valeur couvre entièrement le montant de la créance qui lui est demandée. Elle soutient qu’une demande en paiement faite par un tiers n’a pas à être prise en compte dans l’évaluation du passif du patrimoine de la caution, de même que ne doit pas être pris en compte la décision du tribunal de commerce ayant déclaré disproportionné son cautionnement envers une société tierce dès lors que le bien immobilier de la caution n’avait pas été porté à sa connaissance dans ce cadre. Elle ajoute que Mme [C] [H] épouse [Z] avait souscrit d’autres cautionnements, démontrant sa compréhension de la portée de ses engagements, et que ces cautionnements ne doivent pas être inclus dans l’appréciation de son patrimoine car il ne s’agit pas de créances certaines, liquides et exigibles. En revanche, elle fait valoir que doivent être prises en compte les parts sociales de la SARL Cam détenue par Mme [C] [H] épouse [Z], SARL qui était en activité à la date de l’assignation.
En défense à la demande de responsabilité formée à son encontre, elle conteste être tenue d’un devoir de mise en garde envers les cautions au regard de leur caractère averti. Elle fait également valoir que les cautions ont été informées de la situation du fonds de commerce et que l’échec de l’opération ne lui est pas imputable, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée. Elle ajoute que Mme [C] [H] épouse [Z] ne justifie pas du préjudice financier allégué en conséquence du manquement qu’elle lui reproche.
Enfin, sur l’étendue de l’engagement des cautions, elle soutient que l’ensemble des sommes sollicitées constitue des charges qui sont comprises dans le champ du cautionnement. Elle ajoute qu’elle a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société cautionnée et que l’autorité de la chose jugée attachée à l’état des créances rend irrecevable toute contestation ultérieure du montant admis.
Concernant l’étendue de l’engagement de M. [P] [Z], elle fait valoir que les sommes mises en compte trouvent leurs faits générateurs dans l’exécution du contrat de location-gérance, de sorte que les créances sont nées avant la résiliation du contrat et entrent ainsi dans le champ du cautionnement.
Enfin, elle soutient que l’exécution provisoire est justifiée au regard de l’ancienneté de la créance.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2024, Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] demandent au tribunal de :
A titre principal,
Prononcer la nullité du contrat de cautionnement solidaire conclu par eux ;Déchoir la SAS REX 02 de son droit se prévaloir du contrat de cautionnement solidaire du 2 octobre 2017 à leur encontre ;Condamner la SAS REX 02 à leur payer la somme de 76 048,95 euros, et subsidiairement aux deux tiers de cette somme, à titre dommages et intérêts ; A titre subsidiaire,
Juger que Mme [C] [H] épouse [Z] ne peut pas être tenue à titre de caution d’une somme excédant 1 655,42 euros ;Débouter la SAS Rex 02 de sa demande de paiement dirigée contre M. [P] [Z] ; En tout état de cause,
Débouter la SAS Rex 02 de ses demandes ; Condamner Mme [D] [G] à les garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à leur charge, y compris les frais de procédure, et à concurrence de sa part contributive ;Dire n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire ; Condamner la SAS Rex 02 aux dépens ; Condamner la SAS Rex 02 à leur payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Débouter Mme [D] [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur le fondement des anciens articles 2289 et 2313 du code civil, ils soutiennent que le contrat de cautionnement est nul dès lors que le contrat de location-gérance, dont les obligations sont cautionnées, est nul de nullité absolue du fait de sa signature par la société Cams 02 représentée par ses associées, alors que cette société n’avait pas de personnalité juridique à la date de sa signature.
Ils contestent l’autorité de chose jugée de la déclaration de créance de la société Rex 02 invoquée par cette dernière, se fondant sur l’article L. 624-3-1 du code de commerce et l’article 1355 du code civil. Ils font valoir que l’autorité de chose jugée ne peut leur être opposée en l’absence d’identité de parties et d’objet et alors que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles.
Les défendeurs font ensuite valoir que leurs engagements de caution sont disproportionnés sur le fondement de l’article L. 332-1 du code de la consommation dans sa version antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Mme [C] [H] épouse [Z] soutient que le bien immobilier qu’elle a acquis postérieurement à son engagement ne doit pas être pris en compte dans l’appréciation de la disproportion, de même que les parts sociales qu’elle détient dans la société Cam dès lors que cette dernière n’a pas d’actif, est sans activité, dispose d’un passif important et est radiée du registre du commerce et des sociétés. Elle ajoute qu’en revanche, doivent être pris en compte les autres engagements de caution qu’elle a souscrits. Elle fait valoir qu’à la date où elle a été assignée, au regard de l’actif et du passif le composant, son patrimoine ne lui permettait pas davantage de faire face au paiement demandé.
M. [P] [Z] fait quant à lui valoir qu’il ne percevait aucun revenu lors de la signature du cautionnement et ne disposait pas de compte en banque en France. Il ajoute que sa capacité à faire face à ses engagements doit s’apprécier au jour de son assignation et que, de ce fait, sa participation dans des sociétés créées après l’assignation ne doit pas être prise en compte, alors que ces sociétés n’ont en tout état de cause aucune valeur patrimoniale.
Ils en déduisent que la société Rex 02 est défaillante dans l’administration de la preuve de leur capacité à faire face à ses demandes en paiement.
Par ailleurs, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, ils soutiennent que la SAS Rex 02 a manqué à son devoir de mise en garde en ne les alertant pas sur le risque caractérisé représenté par la prise en location-gérance de la société Cams 02 alors que l’opération financée et garantie par leur cautionnement était vouée de manière patente à l’échec et ce, dès son lancement. Ils contestent avoir la qualité de caution avertie et en concluent qu’ils ont subi, de ce fait, un préjudice de perte de chance de ne pas contracter en qualité de caution et ce faisant de ne pas être actionnés en paiement. Ils en déduisent que la SAS Rex 02 doit être condamnée à les indemniser à hauteur de la somme dont elle sollicite le paiement.
Enfin, sur le fondement de l’article 2292 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021, ils soutiennent que leurs engagements de caution sont limités soit dans leur objet soit dans leur durée, ce qui justifie de limiter leur condamnation. Mme [C] [H] épouse [Z] fait valoir qu’elle s’est engagée uniquement au titre du règlement des redevances, loyers et charges et TVA prévus au contrat de location-gérance, de sorte que les sommes mises en compte par la SAS Rex 02, hors solde de redevances, ne sont pas couvertes par son engagement. M. [P] [Z] fait quant à lui valoir que son engagement était limité à la durée du contrat de location-gérance, lequel a été résilié à compter du 16 mars 2019, date à laquelle son obligation de couverture a pris fin. Il en déduit que la créance de la SAS Rex 02 qu’il estime postérieure à cette date ne peut être couverte par son engagement.
Au soutien de leur appel en garantie envers Mme [D] [G], qu’ils fondent sur les articles 331 et 333 du code de procédure civile et l’article 2310 ancien du code civil, ils font valoir qu’ils ont un intérêt légitime à agir en garantie contre leur cofidéjusseure à hauteur de sa contribution à la dette et ce, bien que la SAS Rex 02 ait renoncé par protocole d’accord conclu avec Mme [D] [G] à solliciter auprès des défendeurs un paiement excédant leur part contributive. Ils prennent néanmoins acte de ce que la SAS Rex 02 a réduit ses demandes à leur encontre dans la présente instance en conséquence.
Enfin, ils sollicitent que soit écartée l’exécution provisoire de la décision compte tenu du fait qu’ils ne disposent d’aucune capacité de paiement des sommes demandées.

Dans ses dernières écritures notifiées le 12 mai 2023, Mme [D] [G] demande au tribunal de :
Débouter Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes à son encontre ; Condamner Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] aux dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile ;Condamner Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] à lui payer chacun 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur le fondement des articles 1350-2 et 2310 du code civil, elle fait valoir que le recours des cofidéjusseurs à son encontre est dépourvu d’objet et infondé dès lors que la SAS Rex 02 s’est engagée par protocole d’accord à la garantir de tout recours en contribution et à limiter ses demandes envers les défendeurs à leurs propres parts et portions. Elle en conclut que l’appel en garantie est privé d’intérêt et de droit à agir faute d’action en contribution possible.

MOTIVATION
Sur la demande en paiement de la SAS Rex 02
Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable aux contrats de cautionnement conclus avant cette date, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] ont chacun conclu un cautionnement solidaire de certains engagements de la société Cams 02 envers la SAS Rex 02 par acte du 2 octobre 2017.
Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] invoquant plusieurs moyens en défense à la demande en paiement, il convient de les examiner successivement.
Sur la demande de nullité du cautionnement
L’ancien article 2289 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. L’ancien article 2313 du même code précise que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.
Enfin, aux termes de l’article L. 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
En l’espèce, il est constant entre les parties que le contrat de location-gérance, engagement cautionné par Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z], a été conclu le 2 octobre 2017 alors que la société Cams 02 a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 4 octobre 2017. Il ressort de la première page de ce contrat qu’outre la SAS Rex 02, la seconde partie au contrat était ainsi désignée : « La société CAMS 02, Société par actions simplifiée au capital social de 2.000 €, dont le siège social est situé [Adresse 3], en cours d’immatriculation au registre du Commerce et des sociétés de PARIS, représentée par ses deux seuls associés agissant au nom et pour le compte de ladite société :
La société C.A.M (…) ;Mme [D] [G] (…)Si ladite société obtient son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, les engagements résultant du présent acte seront dans ce cas réputés dès l’origine souscrits par la société. Si ladite société n’obtient pas son immatriculation au Registre du Commerce et des sociétés, les associés seront alors tenus indéfiniment des engagements résultant du présent acte qui sera alors réputé fait pour leur compte, solidairement et indivisément entre eux, vis-à-vis des tiers et entre eux dans la proportion des actions souscrites par chacun d’eux. »
La page de signature dudit contrat mentionne, pour le locataire-gérant : « La société CAMS 02 / Représentée par la société CAM (…) / Représentée par [D] [G] ».
Ainsi, il ressort des énonciations de l’acte que tant la qualité de société en formation de la SAS Cams 02 que la qualité de ses associées agissant au nom et pour le compte de cette société ont été expressément stipulées dans l’acte, lequel a également exposé les conditions de reprise de l’engagement par la société après son immatriculation.
Il en résulte que le contrat a été conclu non pas directement par la SAS Cams 02 elle-même mais par ses associées agissant au nom et pour son compte en tant que société en formation.
Dans ce cadre, et au regard de l’absence de toute équivoque des mentions contenues dans l’acte quant à la qualité de société en formation, le fait qu’il soit indiqué que les deux associées agissaient en qualité de représentantes de la SAS Cams 02 n’est pas de nature à fonder la nullité du contrat de location-gérance. Au surplus, il n’est pas contesté que par la suite le contrat de location-gérance a bien été repris par la SAS Cams 02 ainsi qu’il résulte de ses statuts.
Le contrat de location-gérance n’étant pas nul, la demande tendant à voir prononcer la nullité du cautionnement en conséquence sera rejetée.

Sur le moyen tiré de la disproportion du cautionnement
Aux termes de l’article L. 332-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La charge de la preuve de la disproportion de l’engagement lors de sa conclusion incombe aux cautions qui l’invoquent. A l’inverse, il appartient à la banque de rapporter la preuve que le patrimoine des cautions est, au jour où les cautions sont appelées, suffisant pour exécuter l’obligation de règlement.
La disproportion suppose que la caution se trouve, lorsqu’elle souscrit l’engagement dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. Elle doit être appréciée exclusivement en fonction des biens et des revenus existants, à l’exclusion de la faculté contributive de revenus à venir.
Pour apprécier si, au sens de l’article L. 332-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée ; la capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’apprécie en considération de son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution.
Sur l’engagement de Mme [C] [H] épouse [Z] En l’espèce, Mme [C] [H] épouse [Z] justifie par la production de son avis d’imposition 2018 sur les revenus 2017 que lors de la conclusion du contrat de cautionnement elle percevait un revenu annuel net de 21 626 euros, étant mariée avec deux enfants à charge. Son époux, M. [P] [Z] ne déclarait alors aucun revenu. Elle produit également ses relevés bancaires sur l’année 2017 qui font état des sommes suivantes : 2 409,02 euros sur son compte plan épargne logement (PEL) ; 1 845,96 euros sur son compte chèque et 16,94 euros sur son livret de développement durable et solidaire ouverts auprès du Crédit agricole.
Mme [C] [H] épouse [Z] était également détentrice des parts sociales de la SAS Cam au capital de 10 000 euros.
Il ressort de ces éléments que son engagement de caution, portant sur la somme de 150 000 euros, était, à la date de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La SAS Rex 02 ne conteste au demeurant pas expressément cette disproportion manifeste à la date de conclusion du contrat, fondant principalement son argumentation sur des éléments postérieurs au contrat en vue de démontrer que le patrimoine de Mme [C] [H] épouse [Z], à la date où elle a été appelée en paiement de la somme de 76 048,95 euros, lui permettait de faire face à cette demande.
Il est rappelé qu’il incombe au créancier qui se prévaut d’un tel retour à meilleur fortune de la caution d’en établir la preuve.
A cet égard, il est établi par la production de l’avis d’imposition 2022 sur les revenus 2021 de Mme [C] [H] épouse [Z] que, lors de l’assignation en paiement, elle percevait un revenu annuel de 16 912 euros, incluant le revenu d’octobre 2021 dont se prévaut la SAS Rex 02. Ce revenu est moindre que celui perçu en 2017 alors que Mme [C] [H] épouse [Z] se déclarait toujours mariée avec deux enfants à charge.
Il n’est par ailleurs pas contesté par Mme [C] [H] épouse [Z] qu’elle a fait l’acquisition, le 22 février 2018, en son nom propre, d’un bien immobilier constituant sa résidence principale, pour un prix de 193 000 euros figurant à l’acte de vente et sur le relevé de la publicité foncière correspondant. Il ressort du contrat de prêt immobilier qu’elle a souscrit à cet effet le 6 février 2018 et de la déclaration fiscale de donation datée du 26 février 2020, que l’acquisition de ce bien a été financée à hauteur de 99 908 euros par des fonds issus d’une donation et par un emprunt immobilier d’un montant de 110 000 euros au taux de 1,55% sur une durée de 242 mois. Cet emprunt était lui-même garanti par l’inscription, sur le bien, d’un privilège de prêteur de deniers à hauteur de 132 000 euros.
Ainsi, à la date de l’assignation, soit le 29 juillet 2021, Mme [C] [H] épouse [Z] était propriétaire d’un bien d’une valeur totale de 193 000 euros grevée, selon le tableau d’amortissement fourni par la caution, d’une dette restant due au prêteur de deniers à hauteur de 113 727,92 euros. Mme [C] [H] épouse [Z] ne se prévaut cependant à ce titre que d’un passif de 111 352,26 euros qu’il convient de retenir. Le bien immobilier doit ainsi être valorisé à cette date à la somme nette de 81 647,74 euros.
Par ailleurs, Mme [C] [H] épouse [Z] produit ses relevés de compte-bancaires correspondant au mois de juillet 2021, établissant qu’à la date de l’assignation elle disposait d’un solde négatif de -95,58 euros sur son compte chèques ouvert auprès du Crédit agricole et de soldes positifs de 1 594,42 euros sur son compte courant ouvert auprès de la société Crédit industriel et commercial (CIC), de 4 377,33 euros sur son compte plan épargne logement (PEL) et de 17,77 euros sur son livret de développement durable et solidaire ouverts auprès du Crédit agricole.
Elle fait également état de dettes supplémentaires venant grever son patrimoine. Sur ce point, il est établi par Mme [C] [H] épouse [Z] que la SAS Cafés Richard a recherché auprès d’elle et d’un cofidéjusseur, au titre d’un autre cautionnement du 28 septembre 2018, et non du 24 novembre 2017 comme elle l’indique, le paiement solidaire de la somme de 44 663,69 euros, sa part contributive étant évaluée à la somme de 22 331,84 euros. Si la procédure initiée par la SAS Cafés Richard devant le tribunal de commerce, en référé, a fait l’objet d’une ordonnance disant n’y avoir lieu à référé le 1er décembre 2021 au regard d’une contestation sérieuse soulevée par la caution, une telle décision n’est pas de nature à empêcher la poursuite, par le créancier, du paiement de la dette alléguée sur le fond. Dès lors, il y a lieu de prendre en compte dans le passif de Mme [C] [H] épouse [Z] l’existence de cet engagement de caution à hauteur de 22 331,84 euros.
Mme [C] [H] épouse [Z] produit également une contrainte de l’URSSAF signifiée le 7 octobre 2022 pour un montant de 4 147,82 euros correspondant à des cotisations dues au titre de l’année 2018 ainsi qu’une mise en demeure de l’URSSAF datée du 25 novembre 2022 portant sur des cotisations de 14 649 euros dues mensuellement au titre du dernier trimestre 2020 et des années 2021 et 2022. La SAS Rex 02 ne conteste pas expressément l’inclusion de ces dettes dans l’évaluation faite par Mme [C] [H] épouse [Z] de son patrimoine. Au surplus, il est relevé que si ces demandes en paiement sont postérieures à l’assignation du 29 juillet 2021, la majeure partie des dettes visées lui sont antérieures, de sorte qu’il y a lieu de les prendre en compte dans l’appréciation de l’endettement global de la caution à cette date, exception faite des cotisations postérieures s’élevant à 951 euros.
En revanche, les régularisations de cotisations pour les années 2019 à 2021 envoyées par l’URSSAF à Mme [C] [H] épouse [Z] le 22 janvier 2023 n’ont pas à y être incluses dès lors qu’aucun paiement de somme supplémentaire n’a été sollicité aux termes de ces courriers, les régularisations s’élevant à 0 euro.
De même, il n’y a pas lieu de prendre en compte le crédit automobile dont elle se prévaut dès lors que le seul élément produit aux débats est une offre de contrat, non signée et qui ne permet pas d’établir la dette ainsi contractée.
De l’ensemble de ces éléments il ressort que Mme [C] [H] épouse [Z] disposait au 29 juillet 2021 d’un actif immobilier de 193 000 euros et mobilier de 5 893,94 euros outre un revenu mensuel moyen de 1 409 euros. Le passif dont elle peut se prévaloir s’élevait à cette date à 151 349,92 euros.
En outre, bien que Mme [C] [H] épouse [Z] ne l’ait pas expressément inclus dans ses calculs, elle fait également état de deux autres cautionnements. Ainsi, il ressort des éléments qu’elle produit que le 15 novembre 2017 elle s’est portée caution solidaire envers la SAS Heineken, à hauteur de 96 180 euros, d’un prêt contracté par la SAS Cams 02 et que le 24 novembre 2017 elle s’est à nouveau portée caution solidaire envers la SAS Cafés Richard, à hauteur de 30 000 euros, d’un prêt contracté par la SAS Cams 02. S’il n’est pas établi que ces cautionnements aient fait l’objet d’une demande en paiement à la date de l’assignation dans la présente instance, ils doivent néanmoins être pris en compte dans l’appréciation de la capacité de la caution à faire face à son engagement dès lors que cette capacité s’apprécie en considération de son endettement global. A cet égard il est rappelé que le caractère averti de la caution, invoqué par la SAS Rex 02, à le supposer démontré, n’est pas pertinent dans l’appréciation de son endettement global. Il en est de même du fait que la caution ait conclu, postérieurement à son engagement, d’autres contrats de cautionnement.
Enfin, la SAS Rex 02 se prévaut également de la propriété, par Mme [C] [H] épouse [Z], de la totalité des parts de l’EURL Cam au capital social de 10 000 euros.
A cet égard, si le statut d’associée unique de l’EURL Cam n’est pas contesté par Mme [C] [H] épouse [Z], cette dernière produit des justificatifs de l’endettement de cette société, à savoir une demande en paiement datée du 24 juin 2020 et portant sur la somme de 22 832,08 euros au titre d’un prêt contracté auprès de la société Crédit Agricole et un bordereau de situation fiscale en date du 27 septembre 2021 faisant état d’une dette de 14 694 euros au titre de diverses impositions antérieures au 31 décembre 2020.
Par ailleurs, il ressort de l’extrait K-Bis de l’EURL Cam que cette dernière a fait l’objet d’une radiation pour cessation d’activité le 30 mars 2022 sur le fondement de l’article R. 123-125 alinéa 1 du code de commerce, lequel vise spécifiquement le cas de l’information du greffier de la cessation d’activité à l’adresse déclarée et non l’absence de prise de connaissance, par la société, du courrier depuis trois mois, comme le soutient la SAS Rex 02, ce cas étant visé à l’alinéa 2 dudit article.
Si cette radiation est postérieure à l’assignation en paiement délivrée par la SAS Rex 02, elle permet toutefois de corroborer les affirmations de Mme [C] [H] épouse [Z] quant à la santé financière de l’EURL Cam, étant rappelé au demeurant que la charge de la preuve d’un patrimoine suffisant de la caution à la date à laquelle elle est appelée incombe au créancier.
La SAS Rex 02, à qui incombe ainsi la charge de cette preuve, ne produit aucun élément probant quant à la valorisation réelle des parts qu’elle invoque, lesquelles pourraient tout au plus être valorisées à hauteur du capital social.
Ainsi, au regard de ces éléments et au vu de l’état du patrimoine de Mme [C] [H] épouse [Z] précité, la SAS Rex 02 ne rapporte pas suffisamment la preuve de ce que cette dernière pouvait faire face à la demande en paiement d’un montant de 76 048,95 euros à la date du 29 juillet 2021.
La disproportion manifeste du cautionnement étant ainsi établie, la SAS Rex 02 ne peut se prévaloir du cautionnement à l’égard de Mme [C] [H] épouse [Z] et sa demande en paiement sera rejetée.
Sur l’engagement de M. [P] [Z] En l’espèce, M. [P] [Z] justifie par la production de son avis d’imposition 2018 sur les revenus 2017 que lors de la conclusion du contrat de cautionnement il ne percevait aucun revenu, étant marié avec deux enfants à charge. Son épouse, Mme [C] [H] épouse [Z] percevait un revenu annuel net de 19 463 euros.
M. [P] [Z] justifie également par la production du relevé des fichiers des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) sollicité auprès de la CNIL qu’au cours de l’année 2017, il ne disposait d’aucun compte bancaire ouvert en France.
Les éléments invoqués par la SAS Rex 02 postérieurs à l’engagement de caution ne sont pas pertinents s’agissant de l’appréciation de la disproportion manifeste à la date de conclusion du cautionnement.
Au regard de ces éléments, la disproportion manifeste de son engagement de caution à hauteur de 150 000 euros est établie.
A l’inverse, la SAS Rex 02 qui se prévaut de la capacité de M. [P] [Z] à faire face à ses engagements à la date où il a été appelé, ne démontre pas que le patrimoine et les revenus de ce dernier étaient alors suffisants.
En effet, il est établi par la production de l’avis d’imposition 2022 sur les revenus 2021 de M. [P] [Z] que, lors de l’assignation en paiement, il percevait un revenu annuel 3 350 euros.
En outre, s’il n’est pas contesté que M. [P] [Z] était propriétaire et président à cette date de l’intégralité des parts sociales de la SASU MKT 18, au capital social de 1 000 euros, il produit à la fois la déclaration fiscale d’impôt sur le revenu de la société et son bilan comptable pour l’année 2021, desquelles il ressort des capitaux propres valorisés à 1 255 euros et un bénéfice annuel de 155 euros. Il produit également un courriel de son expert-comptable attestant qu’il n’a lui-même perçu aucun revenu de la SASU MKT 18 sur l’année 2021.
A l’inverse, la SAS Rex 02 à qui incombe la charge de la preuve, ne fournit aucun élément quant à une valorisation réelle de ces parts sociales, lesquelles pourraient ainsi tout au plus être valorisées à hauteur du capital social.
Enfin, la SAS Rex 02 se prévaut de la détention, par M. [P] [Z], de parts sociales de la SAS ICLG, elle-même détentrice de parts sociales des SAS MKT 92 et SAS MKT 13 & 84. Toutefois, ces sociétés ont été créées postérieurement à la demande en paiement et la SAS Rex 02 n’apporte aucun élément quant à la valorisation réelle de leurs parts qui permettrait de considérer qu’elle est supérieure à leur valeur statutaire, à savoir 500 euros pour la SAS ICLG.
Dans ce cadre, la SAS Rex 02 n’apporte pas la preuve qu’à la date de l’assignation, M. [P] [Z] disposait d’un patrimoine suffisant pour faire face à la demande en paiement de 76 048,95 euros.
La disproportion manifeste du cautionnement étant ainsi établie, la SAS Rex 02 ne peut se prévaloir du cautionnement à l’égard de M. [P] [Z] et sa demande en paiement sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z]
Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] forment à titre principal, envers la SAS Rex 02, une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 76 048,95 euros à titre de dommages et intérêts, qu’ils fondent sur le manquement du créancier à son devoir de mise en garde. Ils se prévalent à cet égard d’un préjudice de perte de chance de ne pas contracter les cautionnements litigieux et ainsi de ne pas avoir à faire face à la demande en paiement, à hauteur de laquelle ils chiffrent leur préjudice.
Toutefois, les demandes en paiement présentées par la SAS Rex 02 envers Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] étant rejetées, une telle demande ne peut prospérer, faute d’un quelconque préjudice financier pour les cautions résultant de la conclusion de cet engagement.
Par ailleurs, Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] n’invoquent ni ne démontrent l’existence d’un quelconque autre préjudice découlant de la souscription des engagements litigieux, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’existence d’une faute de la part de la SAS Rex 02.

La demande de Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] à ce titre sera rejetée.
Enfin, le rejet de la demande principale en paiement formée à leur égard induit nécessairement l’absence d’objet de la demande en garantie qu’ils ont formée envers Mme [D] [G]. Il en est de même de la fin de non-recevoir formée par la SAS Rex 02 à l’encontre des contestations du montant de sa créance. Il n’y a donc pas lieu de les examiner.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :
• Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

En application de l’article 695, 4° du même code, les honoraires de l’expert judiciaire sont compris dans les dépens.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de la SAS Rex 02 succombant à l’instance.

Autorisation sera donnée à ceux des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre de recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

• Sur les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La SAS Rex 02, condamnée aux dépens, devra verser à Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] une somme qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros chacun.
Consécutivement, la SAS Rex 02 sera déboutée de sa demande fondée sur le même texte. Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] n’étant pas condamnés aux dépens, la demande de Mme [D] [G] formée sur ce fondement à leur encontre sera également rejetée.
Sur l’exécution provisoire :
Il est rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En application de l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit en tout ou partie s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire.
En l’espèce, le rejet des demandes conduit à ne pas faire droit à la demande de Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] tendant à écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déboute Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] de leur demande de nullité des contrats de cautionnement conclus par eux avec la SAS Rex 02 le 2 octobre 2017 ;
Déboute la SAS Rex 02 de sa demande en paiement envers Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] avec capitalisation ;
Déboute Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] de leur demande en paiement de dommages et intérêts envers la SAS Rex 02 ;
Condamne la SAS Rex 02 aux dépens dont distraction au profit de Maître Bourgeois pour la partie des dépens afférents à Mme [G] ;
Condamne la SAS Rex 02 à payer à Mme [C] [H] épouse [Z] et M. [P] [Z] la somme de 1 500 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Rejette les demandes de la SAS Rex 02 et Mme [D] [G] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande tendant à écarter l’exécution provisoire du jugement ;
Rejette le surplus des demandes.
Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier

Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Mechtilde CARLIER


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