Clause résolutoire et contestation des charges locatives : enjeux d’exigibilité et de conformité.

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Clause résolutoire et contestation des charges locatives : enjeux d’exigibilité et de conformité.

L’Essentiel : La SCI CAPO a assigné la SAS JMGBAIE en référé pour obtenir l’expulsion de cette dernière en raison de loyers impayés. La SCI réclame un montant total de 6.755,08 euros pour loyers et charges dus. En réponse, la SAS JMGBAIE conteste les demandes, arguant que le commandement de payer est flou et que des paiements ont été réalisés. Le juge des référés a constaté des contestations sérieuses sur l’exigibilité des sommes et la conformité des clauses du bail, décidant de ne pas accueillir les demandes en référé et laissant chaque partie responsable de ses dépens.

Contexte de l’affaire

La SCI CAPO, propriétaire de locaux commerciaux, a assigné la SAS JMGBAIE en référé devant le tribunal judiciaire d’Evry. Cette action vise à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial signé le 2 novembre 2017, ainsi qu’à obtenir l’expulsion de la SAS JMGBAIE pour loyers impayés.

Demandes de la SCI CAPO

La SCI CAPO demande plusieurs mesures, notamment l’expulsion de la SAS JMGBAIE, la séquestration des biens mobiliers présents dans les locaux loués, et le paiement de diverses sommes pour loyers et charges impayés, ainsi que des pénalités contractuelles. Au total, la SCI CAPO réclame un montant de 6.755,08 euros pour les loyers et charges dus à la date du 7 mars 2024.

Réponse de la SAS JMGBAIE

La SAS JMGBAIE conteste les demandes de la SCI CAPO, arguant que le commandement de payer ne précise pas les détails des sommes dues et que des paiements ont été effectués. Elle demande également la nullité du commandement, le déboutement de la SCI CAPO, et réclame des sommes à titre provisionnel pour des charges indûment perçues.

Arguments des parties

La SCI CAPO soutient que la SAS JMGBAIE a cessé de payer ses loyers depuis février 2023, tandis que la SAS JMGBAIE affirme que le commandement de payer est inexact et que les charges ne sont pas justifiées. Les deux parties s’opposent également sur l’interprétation des clauses du bail concernant les charges.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a constaté qu’il existait des contestations sérieuses concernant l’exigibilité des sommes réclamées et la conformité des clauses du bail. En conséquence, il a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes de la SCI CAPO, laissant chaque partie responsable de ses propres dépens.

Conclusion de l’affaire

Le juge a statué que les demandes de la SCI CAPO et de la SAS JMGBAIE ne pouvaient être accueillies en référé, et a décidé de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision finale ultérieure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans un bail commercial selon l’article L. 145-41 du code de commerce ?

L’article L. 145-41 du code de commerce stipule que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Ce commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Cela signifie que pour qu’une clause résolutoire soit applicable, le bailleur doit avoir respecté cette procédure, en notifiant le locataire de manière claire et précise.

En l’espèce, la SCI CAPO a délivré un commandement de payer le 7 mars 2023, mais la SAS JMGBAIE conteste la validité de ce commandement, arguant qu’il ne précise pas suffisamment les montants dus.

Ainsi, si le commandement ne respecte pas les exigences de l’article L. 145-41, la clause résolutoire ne pourra pas être appliquée, ce qui soulève une contestation sérieuse sur l’exigibilité des sommes réclamées.

Comment le juge des référés apprécie-t-il les demandes d’expulsion en cas de contestation sérieuse des sommes dues ?

Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Cependant, si des contestations sérieuses existent concernant l’exigibilité des sommes dues, le juge des référés ne peut pas ordonner l’expulsion du locataire.

Dans le cas présent, la SCI CAPO a demandé l’expulsion de la SAS JMGBAIE, mais le tribunal a constaté qu’il existait des contestations sérieuses sur le montant des loyers et charges impayés, ainsi que sur la conformité des clauses du bail.

Par conséquent, le juge des référés a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes d’expulsion, car la question de l’exigibilité des sommes devait être tranchée par le juge du fond.

Quelles sont les implications de l’article L. 145-40-2 du code de commerce sur les charges locatives ?

L’article L. 145-40-2 du code de commerce impose que tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail.

Cet inventaire doit également indiquer la répartition de ces charges entre le bailleur et le locataire. De plus, un état récapitulatif annuel doit être adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire.

Dans le litige, la SAS JMGBAIE conteste la validité des charges réclamées par la SCI CAPO, arguant que le bailleur ne justifie pas précisément les charges et taxes appelées.

Cette contestation est d’une importance capitale, car si les charges ne sont pas conformes aux exigences de l’article L. 145-40-2, le bailleur ne peut pas réclamer leur paiement.

Ainsi, la conformité des clauses du bail relatives aux charges est essentielle pour déterminer la légitimité des demandes de paiement formulées par la SCI CAPO.

Quelle est la portée de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Cependant, le juge a un pouvoir d’appréciation quant à l’application de cet article. Dans le cas présent, le juge des référés a décidé de ne pas faire application des dispositions de l’article 700, estimant que l’équité ne commandait pas une telle mesure.

Cela signifie que même si la SCI CAPO a formé des demandes, le juge a considéré que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une condamnation de la SAS JMGBAIE à payer des frais supplémentaires.

Cette décision souligne l’importance de l’appréciation du juge dans l’évaluation des demandes de frais, qui ne sont pas automatiquement accordés en cas de perte d’une instance.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 28 janvier 2025
MINUTE N° 25/______
N° RG 24/00314 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-P65I

PRONONCÉE PAR

Virginie BOUREL, Vice-Présidente,
Assistée de Fabien DUPLOUY, greffier, lors des débats à l’audience du 20 décembre 2024 et de Alexandre EVESQUE, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

S.C.I. CAPO
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Morgane GRÉVELLEC, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E2122

DEMANDERESSE

D’UNE PART

ET :

S.A.S. JMGBAIE
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Carole VANDERLYNDEN, avocate postulante au barreau de l’ESSONNE et par Maître Luc MASSON, demeurant [Adresse 3], avocat plaidant au barreau de ROUEN

DÉFENDERESSE
D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte délivré le 14 mars 2024, la SCI CAPO, propriétaire de locaux commerciaux situés à [Localité 4], donnés à bail à la SAS JMGBAIE a assigné en référé cette dernière devant le président du tribunal judiciaire d’Evry, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l’article L. 145-41 du code de commerce, aux fins de voir :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 2 novembre 2017,
– ordonner en conséquence l’expulsion de la SAS JMGBAIE ainsi que de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 2] à [Localité 4] sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et au besoin avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique,
– autoriser la SCI CAPO à séquestrer les biens mobiliers garnissant les lieux loués dans tel garde-meubles qu’il plaira au tribunal de designer aux frais, risques et périls exclusifs de la SAS JMGBAIE,
– condamner la SAS JMGBAIE à payer à la SCI CAPO :
– la somme de 4.049,58 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 7 mars 2024,
– la somme de 404,99 euros au titre de la clause pénale contractuelle,
– la somme de 159,82 euros au titre du coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 7 mars 2023,
– la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris le coût de la présente assignation.

Au soutien de sa demande, la SCI CAPO expose que :

– par acte sous seing privé du 2 novembre 2017, elle a donné à bail commercial à la SAS JMBAIE des locaux à usage commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4],
– à compter du mois de février 2023, la SAS JMGBAIE ne réglant plus régulièrement ses loyer et charges, la SCI CAPO lui a fait délivrer, le 7 mars 2023, un commandement de payer visant la clause réclamant la somme de 6.179,02 euros, qui est demeuré infructueux malgré des paiements partiels,
– au 7 mars 2024 la dette locative s’élevait à la somme de 4.049,58 euros.

A l’audience du 10 septembre 2024, la SCI CAPO, représentée par avocat, a déposé ses pièces telles que visées dans ses écritures et soutenu ses conclusions récapitulatives aux termes desquelles, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l’article L. 145-41 du code de commerce, elle répond aux prétentions adverses, sollicite que soit déboutée la SAS JMGBAIE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et réitères ses demandes actualisant les condamnations à :

– la somme de 6.755,08 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 7 mars 2024,
– la somme de 675,51 euros au titre de la clause pénale contractuelle.

La SAS JMGBAIE, représentée par son conseil, s’est référée à ses conclusions, sollicitant au visa des articles L 145-40-2, L.145-41 et R 145-35 et suivants du code du commerce, de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile et de l’article 1343-5 du code civil, de :

– déclarer nul et de nul effet le commandement délivré le 7 mars 2023,
– débouter la SCI CAPO de toutes ses demandes, fins et conclusions non fondées et pour le moins, se heurtant à une contestation sérieuse,
– recevoir la SAS JMGBAIE en sa demande reconventionnelle et y faisant droit,
– condamner la SCI CAPO à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 10.050,29 euros,
– condamner la SCI CAPO à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
– à titre infiniment subsidiaire, autoriser la SAS JMGBAIE à reporter le paiement de la dette éventuelle de loyers et charges, postérieurement à la décision à intervenir, dans les conditions qui seront fixées par le juge des référés,
– ordonner en conséquence la suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire insérée au bail, de sorte que ladite clause ne jouera pas si le locataire se libère dans les conditions fixées.

Au soutien de ses prétentions, la SAS JMGBAIE expose que :

– le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail délivré le 7 mars 2023 ne précise pas le détail des loyers et charges impayés, mais renvoie à un décompte joint qui n’était pas, de surcroît, produit initialement dans le cadre de la présente procédure,
– la somme de 6.084,56 euros a été payée dans le délai d’un mois permettant le règlement des causes du commandement de payer, laissant un solde de 94,46 euros, à supposer que les sommes réclamées soient justifiées,
– le bailleur ne justifie pas précisément par quote-part, des charges et taxes appelées,
– le bailleur ne peut donc, en présence d’une clause non conforme aux dispositions de l’article L.145-40-2 du code de commerce, réclamer le montant des charges au preneur,
– elle est créancière de l’ensemble des charges indûment réglées depuis l’origine du bail, dont elle est bien fondée à demander restitution.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L 145-40-2 du code de commerce, tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire.

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le pouvoir d’appréciation du juge des référés se limite au constat de l’acquisition de la clause résolutoire. S’il entre par ailleurs dans le pouvoir du juge des référés d’ordonner l’expulsion d’un locataire, c’est à la condition qu’aucune difficulté sérieuse ne s’élève sur l’exigibilité des sommes réclamées.

En l’espèce, la demande en acquisition de la clause résolutoire formée par la SCI CAPO suppose que soit préalablement tranchée la question de l’exigibilité des sommes visées au commandement de payer et de la conformité des clauses du bail relatives aux charges aux dispositions de l’article L 145-40-2 du code de commerce.

Il ressort des pièces versées aux débats que des quotes-parts différentes sont appliquées s’agissant de la taxe foncière et des charges liées à la copropriété, que le décompte annexé est insuffisamment précis s’agissant de la période concernée par les impayés et que la SCI CAPO a procédé à un certain nombre de régularisations de charges et taxes, en cours de procédure, produisant de nouvelles pièces justificatives.

Il s’ensuit qu’il existe une contestation sérieuse portant sur le caractère exigible des sommes réclamées au jour de la délivrance du commandement, les parties s’opposant en outre sur l’interprétation des clauses du bail.

Or, il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de statuer sur le caractère exigible ou non des sommes réclamées ni sur la conformité des clauses du bail relatives aux dispositions de l’article L 145-40-2 du code de commerce, une telle contestation relevant de la compétence du juge du fond.
Il ressort de ce qui précède que les demandes formées par la SCI CAPO se heurtent à des contestations sérieuses.

En conséquence, il n’y a lieu à référé sur les demandes formées par la SCI CAPO .

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

DIT n’y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes de la SCI CAPO ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes de la SAS JMGBAIE ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE la charge des dépens à chaque partie.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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