Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Conflit autour de l’emploi maritime et des obligations contractuelles
→ RésuméAcquisition et Engagement de Mme [S] [T]M. [A] [M], un ressortissant allemand, a acquis le navire CLIFFORD II le 2 octobre 2017, immatriculé aux îles Cook. Mme [S] [T], ressortissante française, a été engagée par la société A.C.T YACHT SERVICES en tant que cheffe de cuisine pour la période du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2021, sous un contrat signé par M. [C] [K], le capitaine du navire. Cession du Navire et Réclamations de Mme [S] [T]Le 10 novembre 2021, M. [A] [M] a cédé le navire à la société TWELVE, dirigée par M. [F] [V], et a mis fin à ses relations avec A.C.T YACHT SERVICES. Après la vente, Mme [S] [T] a contacté M. [A] [M] et M. [F] [V] pour demander ses indemnités de départ et d’autres documents nécessaires à son inscription au chômage, affirmant que M. [A] [M] était son employeur jusqu’à la vente du navire. Réponse de M. [F] [V] et Saisine du TribunalM. [F] [V] a répondu à Mme [S] [T] en niant toute relation professionnelle avec elle. En conséquence, Mme [S] [T] a saisi le tribunal judiciaire de Draguignan, qui a autorisé la saisie conservatoire du navire EQUITY pour garantir une créance de 66 701,35 €. Procédure aux Prud’hommesLe 22 février 2022, Mme [S] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus, se plaignant d’un licenciement sans cause réelle. Le jugement du 23 mai 2023 a déclaré recevables ses pièces en langues étrangères, a mis hors de cause M. [A] [M], M. [F] [V] et la société TWELVE, et a débouté Mme [S] [T] de toutes ses demandes, la condamnant à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive. Appel de Mme [S] [T]Mme [S] [T] a interjeté appel le 16 juin 2023. Dans ses conclusions, elle a demandé la confirmation de certaines décisions du jugement tout en contestant d’autres, notamment la mise hors de cause de M. [A] [M] et de M. [F] [V], ainsi que la requalification de ses contrats de travail. Demandes des IntimésM. [A] [M] et M. [F] [V] ont également déposé des conclusions demandant la confirmation du jugement et le déboutement de Mme [S] [T] de toutes ses demandes, tout en réclamant des dommages et intérêts pour procédure abusive. Motifs de la DécisionLa cour a constaté que le jugement n’était pas contesté concernant la recevabilité des pièces en langues étrangères. Elle a infirmé le jugement sur la recevabilité des pièces en portugais, écartant celles non traduites. La cour a également décidé de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour permettre aux parties de prendre en compte les développements d’une autre cause liée au capitaine du navire. Conclusion et RenvoiLa cour a ordonné la réouverture des débats et a renvoyé l’affaire à l’audience du 11 février 2025, tout en sursis à statuer sur les autres demandes et réservant les dépens. |
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT MIXTE
DU 17 JANVIER 2025
N°2025/011
Rôle N°23/08027
N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOZ7
[S] [T]
C/
[A] [M]
[F] [V]
Société TWELVE
Copie exécutoire délivrée
le : 17/01/2025
à :
– Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
– Me Jean MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FREJUS en date du 23 Mai 2023 enregistré au répertoire général sous le n° F 22/00044.
APPELANTE
Madame [S] [T], demeurant [Adresse 1] – [Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Lionel BUDIEU, avocat au barreau de NICE et de Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
INTIMES
Monsieur [A] [M], demeurant [Adresse 7]
[Localité 2] – ALLEMAGNE
représenté par Me Jean MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [F] [V], demeurant [Adresse 8] – [Localité 4]
représenté par Me Marilyne DEFERI, avocat au barreau de NICE
et par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
Société TWELVE, sise [Adresse 6] – [Localité 4]
représentée par Me Marilyne DEFERI, avocat au barreau de NICE
et par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] M. [A] [M], ressortissant allemand, a acquis un navire dénommé CLIFFORD II le 2’octobre 2017. Ce navire était immatriculé au registre international des îles Cook. Mme [S] [T], ressortissante française et compagne de M. [C] [K] le capitaine du navire, a été engagée selon un contrat dénommé «’crew agreement’» par la société A.C.T YACHT SERVICES, UNIPESSOAL LDA, en qualité de cheffe de cuisine sur le navire CLIFFORD II pour la période du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2021. Le signataire de ce contrat est M. [C] [K], gérant de la société A.C.T YACHT SERVICES.
[2] Le 10 novembre 2021, M. [A] [M] a cédé le navire CLIFFORD II à la société civile particulière monégasque TWELVE, dirigée par M. [F] [V], sujet luxembourgeois résidant monégasque, et a mis fin à ses relations commerciales avec la société A.C.T YACHT SERVICES. Le navire a été alors renommé EQUITY par son nouveau propriétaire. Mme [S] [T] a adressé à MM [A] [M] et [F] [V], le 10 janvier 2022, un courriel ainsi rédigé’:
«’Bonjour M. [V], bonjour M. [M], J’ai été engagée pour remplacer [H] [O] en tant que chef cook à bord du CLIFFORD II. Le contrat que j’ai signé avec vous se terminait le 31 décembre, mais vous m’avez informée le 20 novembre que le navire aurait été vendu à M. [V]. Depuis cette date, je n’ai reçu aucun document ou information de votre part. En tout état de cause, pouvez-vous me faire parvenir mes indemnités de départ, mes congés payés et les documents qui sont nécessaires pour m’inscrire au chômage » J’ai interrogé le capitaine, qui a également été licencié, qui m’a répondu que vous lui aviez demandé de se faire lui-même ses propres certificats de travail via la société ACT. Or, si je ne suis restée que 7’mois à bord, je sais parfaitement que ni M. [L] ni la société ACT n’était mon employeur mais bien [A] [M], en sa qualité de propriétaire du bateau, et ce jusqu’à sa vente. C’est d’ailleurs vous qui avez décidé de ne finalement pas me ré-embaucher (contrairement à ce qui m’avait été annoncé par vous deux le 20/11/21 et confirmé le 22/11/21 par [Y] [E] agissant en qualité d’assistante personnelle de M. [V]). Merci donc de faire le nécessaire.’»
Le jour même, M. [F] [V] répondait ainsi’:
«’Cher [S], Je comprends pas ton message nous avons aucune relation professionnelle je te conseille de contacter ton employeur moi en tous cas j’ai rien à voir avec ça. Merci de plus me déranger avec des choses qui me regardent pas’! [F].’»
[3] Le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Draguignan a autorisé Mme [S] [T] suivant ordonnance du 21 janvier 2022 à saisir à titre conservatoire le navire EQUITY en garantie d’une créance évaluée provisoirement à la somme de 66’701,35’€.
[4] Se plaignant notamment d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [S] [T] a saisi le 22 février 2022 le conseil de prud’hommes de Fréjus, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 23 mai 2023, a’:
déclaré recevable les pièces de Mme [S] [T], écrites en langues étrangères’;
dit qu’il n’y a pas lieu de rejeter les pièces produites en portugais’;
dit le droit français applicable aux contrats de travail de Mme [S] [T]’;
mis hors de cause M. [A] [M], M. [F] [V] et la société TWELVE’;
débouté Mme [S] [T] de l’ensemble de ses demandes’;
condamné Mme [S] [T] à payer les sommes suivantes’:
500’€ à M. [F] [V] au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive’;
500’€ à M. [A] [M] au titre des frais irrépétibles’;
500’€ à M. [F] [V] et à la société TWELVE au titre des frais irrépétibles’;
débouté les parties défenderesses du surplus de leurs demandes’;
condamné Mme [S] [T] aux entiers dépens.
[5] Cette décision a été notifiée le 24 mai 2023 à Mme [S] [T] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 16 juin 2023. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 18’octobre’2024.
[6] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 octobre 2024 aux termes desquelles Mme [S] [T] demande à la cour de’:
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reçu les pièces produites en langue anglaise’;
l’infirmer en ce qu’il a admis les pièces produites en langue portugaise qu’aucune partie ne comprend’;
rejeter lesdites pièces des débats’;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause MM [F] [V] et [A] [M] ainsi que la société TWELVE et en ce qu’elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes’;
dire que’:
M. [A] [M] a été son employeur jusqu’à la vente du CLIFFORD II’;
la société TWELVE et M. [F] [V] sont devenus ses employeurs par application des dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail’;
dire que le droit français est applicable à la relation de travail’;
dire que la moyenne de salaire s’élève à la somme de 5’845,50’€’;
requalifier les contrats de travail CDD en CDI’;
dire qu’à compter de la vente du CLIFFORD II, la société TWELVE est devenue son employeur par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail’;
condamner la société TWELVE à titre principal ou subsidiairement solidairement avec M.'[A] [M], à lui verser les sommes suivantes’:
indemnité de requalification des CDD en CDI’: 5’845,50’€’;
indemnité compensatrice de préavis (1’mois de salaire)’: 5’845,50’€’;
congés payés y afférant’: 584,55’€’;
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse’: 5’845,50’€’;
indemnité forfaitaire de travail dissimulé’: 35’073’€’;
réparation du préjudice distinct’: 3’507,30’€’;
frais irrépétibles’: 10’000’€’;
condamner l’employeur à régulariser sa situation depuis l’embauche ainsi qu’à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, le tout sous astreinte comminatoire de 100’€ par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt’:
condamner la SCI TWELVE à titre principal ou subsidiairement solidairement avec M.'[A] [M] aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LX AIX-EN-PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.
[7] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 17 octobre 2024 aux termes desquelles M. [A] [M] demande à la cour de’:
confirmer le jugement entrepris’;
débouter la requérante de toutes ses demandes’;
condamner la requérante à la somme de 5’000’€ au titre des frais irrépétibles’;
condamner la requérante aux entiers dépens d’instance’;
subsidiairement, cantonner les condamnations au minimum légal dû sur la base d’une ancienneté de 2’ans et 10’mois, ou plus subsidiairement sur la base d’une ancienneté de 5’ans et deux mois, et d’un salaire de 4’500’€ bruts [sic].
[8] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 17 octobre 2024 aux termes desquelles M. [F] [V] et la société civile particulière monégasque TWELVE demandent à la cour de’:
les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident’;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le droit français applicable aux contrats de travail de Mme [S] [T]’;
le confirmer pour le surplus en ses dispositions non contraires à leurs conclusions’;
débouter Mme [S] [T] de l’ensemble de ses demandes à leur égard’;
condamner Mme [S] [T] à leur verser la somme de 1’000’€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive’;
condamner Mme [S] [T] aux entiers dépens ainsi qu’à leur verser la somme de 10’000’€ au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate que le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a déclaré recevables les pièces produites par Mme [S] [T] et écrites en langues étrangères.
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas lieu de rejeter les pièces produites en portugais.
Statuant à nouveau sur ce point,
Écarte des débats, faute de traduction, le seul extrait du journal officiel de la région autonome de [Localité 5] du 11’janvier 2019 produit par M. [A] [M].
Avant dire droit sur les autres demandes,
Ordonne la réouverture des débats et le rabat de l’ordonnance de clôture afin de permettre aux parties de prendre en compte les développements du dossier opposant M. [C] [K] à MM [A] [M] et [F] [V] ainsi qu’à la société TWELVE.
Renvoie la cause à l’audience du mardi 11 février 2025 à 14’heures pour y être conféré.
Sursoit à statuer sur les autres demandes.
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire