Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Retraite anticipée : détermination de la caisse compétente pour l’instruction des droits à pension
→ RésuméContexte de l’affaireM. [M] [C] a été embauché en tant que cadre permanent de la [5] le 8 septembre 1975. Il a subi un accident du travail le 23 janvier 1976, reconnu comme tel, et a reçu une rente accident du travail à partir du 1er avril 1978, versée par la CPRPF depuis 2007. Il a quitté la [5] le 1er mai 1977 et a travaillé pour la Ville de Paris et dans le secteur privé. Demande de retraite pour pénibilitéLe 23 mai 2018, M. [C] a demandé une retraite pour pénibilité à la CNAV, qui a été rejetée le 29 novembre 2018. Après une tentative infructueuse de recours amiable, il a saisi le tribunal de grande instance de Melun, qui a également débouté sa demande par jugement du 26 juillet 2019. Arguments des partiesM. [C] conteste le jugement, soutenant que la CPRPF n’est pas la seule caisse compétente pour examiner sa demande de retraite anticipée pour pénibilité. Il demande à la cour de réformer le jugement et d’ordonner à la CNAV de traiter sa demande. La CNAV, de son côté, argue que M. [C] ne peut pas justifier d’un taux d’incapacité permanente requis pour une retraite pour pénibilité, tandis que la CPRPF soutient qu’il ne remplit pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’une pension de retraite du régime spécial. Intervention de la CPRPFLa CPRPF a demandé à intervenir dans l’affaire, affirmant qu’elle avait un intérêt légitime à le faire, étant donné que la question de sa compétence pour traiter la demande de retraite était en jeu. La cour a déclaré son intervention recevable. Compétence pour instruire la demande de retraiteLa cour a examiné la compétence des caisses pour traiter la demande de retraite anticipée. Elle a conclu que la CNAV était la caisse compétente pour instruire la demande, en tenant compte des droits acquis par M. [C] dans le régime spécial de la [5]. Demande en dommages et intérêtsM. [C] a également demandé des dommages et intérêts, affirmant que le refus des caisses de traiter sa demande lui avait causé un préjudice financier. La cour a rejeté cette demande, estimant qu’il n’avait pas prouvé l’existence d’une faute ou d’un préjudice direct. Décision de la courLa cour a infirmé le jugement du tribunal de Melun, enjoignant la CNAV d’instruire la demande de retraite anticipée pour pénibilité de M. [C], tout en tenant compte des droits ouverts auprès de la CPRPF. Elle a également condamné la CNAV à verser 1 500 euros à M. [C] au titre des frais de justice, tout en déboutant la CPRPF de sa demande contre la CNAV. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 17 janvier 2025
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/09538 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUPE
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MELUN RG n° 19/00140
APPELANT
Monsieur [M] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Jérôme BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J126 substitué par Me Jean-jacques BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0162
INTIMES
CNAV CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [Z] [N] en vertu d’un pouvoir spécial
Monsieur [M] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Jérôme BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J126 substitué par Me Jean-jacques BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0162
CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DE LA SNCF
représentée par Me Cécile POITVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0048
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Monsieur Christophe LATIL, Conseiller
Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 4 octobre 2024, prorogé au 13 décembre 2024, puis au 17 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [M] [C] d’un jugement prononcé le
26 juillet 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Melun dans un litige l’opposant à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), ainsi qu’à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire (CPRPF), intervenant volontairement à l’instance en cause d’appel.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que embauché en qualité de cadre permanent de la [5] le 8 septembre 1975, M. [M] [C] a, le 23 janvier 1976, a été victime d’un accident qui a été reconnu en accident du travail.
En réparation de cet accident de travail, une rente accident du travail lui a été allouée à compter du 1er avril 1978, servie depuis 2007 par la CPRPF.
Le cotisant a cessé ses fonctions à la [5] le 1er mai 1977, ayant ensuite travaillé auprès de la Ville de Paris à compter du 29 mai 1979 en qualité d’agent de service et ensuite en secteur privé.
Le 23 mai 218 il a formé auprès de la CNAV une demande de retraite pour pénibilité qui a été rejetée par décision du 29 novembre 2018.
Après vaine saisine de la commission de recours amiable, le cotisant a, le 04 mars 2019, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Melun qui, par jugement du
26 juillet 2019, a débouté le cotisant de son recours.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a relevé que l’accident du travail, dont le cotisant a été victime et dont les conséquences lui ouvrent un droit éventuel à bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité, a été reconnu et pris en charge au titre du régime spécial de la [5] vers lequel sa demande devait être dirigée.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 06 septembre 2019 à la société qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 24 septembre 2019.
L’affaire a alors été fixée à l’audience du 18 janvier 2023, puis renvoyée à la demande des parties aux audiences des 22 novembre, 22 décembre 2023 et enfin celle du 28 juin 2024 lors de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites déposées au dossier.
Le cotisant demande à la cour de :
– le juger recevable et fondé en ses demandes,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la CPRPF était le seul régime à même d’apprécier son droit à bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité,
– juger que la CNAV est la caisse qui doit répondre à sa demande d’attribution d’une retraite anticipée pour pénibilité,
– faire injonction à la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, de lui accorder le bénéfice de ladite retraite,
– faire injonction à la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, de calculer son droit à pension de ce fait et de lui verser de façon rétroactive,
– condamner la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, à la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier subi du fait de la non prise en charge de ses demandes,
– débouter la CPRPF et la CNAV de toutes demandes formulées à son encontre,
– condamner la CNAV et la CPRPF à lui verser la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la CNAV et la CPRPF succombant aux entiers dépens.
Le cotisant signale que parallèlement à l’appel formé à l’encontre du jugement critiqué, il a présenté sa demande de retraite anticipée auprès de la CPRPF vers laquelle le tribunal l’invitait à se tourner. Suite au refus qui lui a été notifié par courrier du 1er juillet 2021, il a saisi le tribunal judiciaire de Melun par requête du 09 novembre 2021 afin de faire valoir ses droits. Le 18 mai 2022, la CPRPF a formé tierce opposition au jugement du
26 juillet 2019 et sollicité l’irrecevabilité du recours. Le tribunal a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir à la présente instance.
Le cotisant estime avoir valablement saisi de sa demande initiale la CNAV dans la mesure où la caisse compétente est soit la dernière caisse du régime général de sécurité sociale à laquelle a été affilié l’assuré, soit la caisse du régime général de sécurité sociale que l’assuré a saisi en application des dispositions de l’article R. 351-34 du code de la sécurité sociale.
Il souligne que la demande de départ en retraite anticipée d’un assuré qui a été affilié à plusieurs régimes, doit être soumise à une commission pluridisciplinaire, instituée auprès de chaque caisse, qui intervient pour effectuer les vérifications. Il précise qu’une telle commission n’existe pas auprès de la CPRPF qui ne peut dès lors pas procéder à l’analyse de sa situation.
Il en conclut qu’il devait bien présenter sa demande auprès de la CNAV qui doit y répondre, après analyse de la situation, au besoin sous injonction de la cour.
La CNAV demande à la cour de :
– déclarer mal fondé l’appel du cotisant à l’encontre de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Melun le 26 juillet 2019,
– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– débouter le cotisant de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– débouter le CPRPF de toutes ses demandes, fins et conclusions.
La CNAV fait valoir que le cotisant ne peut se prévaloir d’une rente attribuée à l’occasion de l’exercice d’une activité qui ne relevait pas du régime général (ou du régime agricole) pour justifier d’un taux d’incapacité permanente dans le cadre d’une demande de retraite pour pénibilité formulée auprès du régime général.
Elle indique que pour pouvoir prétendre à une retraite pour pénibilité, le demandeur doit notamment justifier d’un certain taux d’incapacité permanente (10 % au visa de l’article D. 351-13- du code de la sécurité sociale) reconnu par le régime général, le régime des salariés agricoles ou le régime des non-salariés agricoles. Le régime [5] n’étant pas prévu, elle ne pouvait que rejeter la demande.
La CPRPF demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
– infirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019, en toutes ses dispositions,
Y faisant droit,
– constater qu’elle a fait une juste application de la réglementation en vigueur,
– constater que le cotisant ne remplit pas la condition de quinze années de services valables pour la retraite pour pouvoir prétendre au bénéfice d’une pension de vieillesse du régime spécial de retraite du personnel ferroviaire,
– constater qu’il ne peut se voir liquider et servir par la CPRPF qu’une pension de type régime général,
– déclarer que la fraction de pension de base à la charge du régime spécial de retraite du personnel ferroviaire doit être servie par la CPRPF dans les conditions et au regard des éléments communiqués par le régime général de la sécurité sociale,
– déclarer qu’il ne peut se voir servir par la CPRPF qu’une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général de la sécurité sociale,
– constater qu’il appartient à la CNAV d’étudier la demande de retraite anticipée pour pénibilité déposée par le cotisant,
– constater le mal fondé des demandes du cotisant dirigées à l’encontre de la CPRPF,
– débouter le cotisant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la CPRPF,
– débouter la CNAV de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la CPRPF,
– condamner la CNAV à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
La CPRPF estime, de la même façon que le cotisant, que la liquidation de la pension de coordination incombe au régime général qui applique ses propres modalités de calcul et notifie ensuite au régime spécial les éléments de calcul lui permettant d’assurer le service de la fraction de la pension de coordination à sa charge.
Elle rappelle qu’ayant quitté son emploi à la [5] en 1977, le cotisant ne peut bénéficier des dispositions de l’article 3-1 du décret 008-639 du 30 juin 2008 qui ouvre droit à pension de retraite proportionnelle à partir d’au moins une année de services effectifs dans le cadre permanent de la [5], pour les agents qui étaient encore en fonction après le
1er juillet 2008.
Elle souligne qu’elle ne dispose pas dans son organisation de commission pluridisciplinaire visée à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale pour évaluer les droits à retraite anticipée pour pénibilité, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une prestation du régime spécial, qui mais qui relève du régime général.
Au fond, elle précise que le cotisant ne remplissant pas la condition de quinze années de services à la [5], elle ne peut lui servir de retraite de pension de type régime général mais sera tenue de lui servir une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général de la sécurité sociale par les services de la CNAV.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement du 26 juillet 2019 et de statuer ce que de droit concernant la CNAV et, la concernant, de juger que seule la fraction de base à la charge du régime spécial doit être servie dans les conditions et au regard des éléments qui seront communiqués par le régime général de sécurité sociale, soit une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général.
En application de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour l’exposé complet des moyens développés et soutenus à l’audience.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE recevable l’intervention volontaire de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement (RG n° 19/00140) prononcé le
26 juillet 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Melun ;
Statuant à nouveau,
ENJOINT à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse d’instruire la demande d’attribution de retraite anticipée pour pénibilité formée par M. [M] [C] en calculant son droit à percevoir une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général et en prenant en compte les éventuels droits ouverts auprès de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire ;
DEBOUTE M. [M] [C] de sa demande en dommages et intérêts ;
CONDAMNE la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse à verser à M. [M] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire de sa demande en paiement formée à l’encontre de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse aux dépens.
La greffière La présidente
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