Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Responsabilité de l’employeur en cas d’accident du travail et indemnisation des préjudices subis.
→ RésuméCirconstances de l’accidentM. [V] [S], agent de la société de surveillance [11], a subi un AVC sur son lieu de travail le 3 avril 2011. La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] a refusé de reconnaître cet événement comme un accident du travail. Cependant, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 12] a ordonné, par un jugement du 24 avril 2014, la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Procédure judiciaireSuite à un échec de conciliation, M. [I] [S], tuteur de M. [V] [S], a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de la société [11] et demander une majoration de la rente. Le tribunal a débouté M. [I] [S] de toutes ses demandes par un jugement du 18 septembre 2015. La SAS [11] a été placée en liquidation judiciaire le 19 juin 2012. Décisions des cours d’appelLa cour d’appel a déclaré l’appel de M. [I] [S] recevable mais non fondé, confirmant le jugement du tribunal. Cependant, la Cour de cassation a annulé cet arrêt le 12 novembre 2019, renvoyant l’affaire devant une autre formation de la cour d’appel de [Localité 12]. La cour a relevé que l’employeur avait conscience du danger et que les mesures de sécurité mises en place étaient défaillantes. Arrêt du 8 septembre 2023Dans un nouvel arrêt du 8 septembre 2023, la cour a déclaré recevable l’appel de M. [V] [S] et a infirmé le jugement de 2015. Elle a reconnu la faute inexcusable de la SAS [11] et a ordonné la majoration de la rente de M. [V] [S]. Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer les préjudices subis. Demandes d’indemnisationM. [V] [S] a demandé des indemnités pour divers préjudices, incluant des souffrances physiques, un préjudice esthétique, un préjudice d’agrément, un préjudice sexuel, un préjudice moral, et d’autres frais. La Caisse primaire d’assurance maladie a contesté certaines de ces demandes, notamment celles liées au préjudice d’agrément et au préjudice sexuel. Évaluation des préjudicesLa cour a évalué les souffrances physiques avant consolidation à 15 000 euros, le préjudice esthétique temporaire à 10 000 euros, et le préjudice moral post-consolidation à 15 000 euros. Le préjudice sexuel a été évalué à 5 000 euros. Les demandes de M. [V] [S] pour d’autres préjudices ont été rejetées. Conclusion et décisions finalesLa cour a ordonné que la Caisse primaire d’assurance maladie avance les sommes dues à M. [V] [S]. Elle a également rejeté les demandes de la Caisse concernant l’inscription de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11]. Enfin, la SAS [11] a été condamnée aux dépens et à verser une somme au titre des frais d’avocat. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 17 Janvier 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/01428 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBXZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14-05705
APPELANT
Monsieur [V] [S]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Béatrice FRIDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0043
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/045928 du 15/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Me SELAFA MJA – Mandataire liquidateur de S.A.S. [11]
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparant, non représenté
S.A.S. [11] EN LIQUIDATION JUDICIAIRE REPRESENTEE par la SELAFA MJA, Me VAlérie LELOUP-THOMAS, désignée par jugement du 19 juin 2012, [Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 5]
non comparante, non représentée
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M Raoul CARBONARO, président de chambre
M Gilles REVELLES, conseiller
Mme Sophie COUPET, conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [V] [S] représenté par M. [I] [S], son tuteur, d’un jugement rendu le 18 septembre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 12] dans un litige l’opposant à la SAS [11] représentée par son liquidateur la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas, en présence de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [V] [S], agent dans la société de surveillance [11], a été victime le 3 avril 2011, sur son lieu de travail, d’un AVC que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] a refusé de prendre en charge comme accident du travail ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 12], par jugement définitif du 24 avril 2014, a ordonné la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle ; que faute de conciliation, M. [I] [S], en qualité de tuteur de M. [V] [S], a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 12] en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11] et en majoration de la rente servie à ce dernier ; que par jugement du 18 septembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 12] a débouté le requérant de toutes ses demandes.
La SAS [11] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 19 juin 2012, la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas ayant été désignée en qualité de liquidateur.
Par arrêt du 13 avril 2018, la cour a :
déclaré l’appel recevable mais non fondé ;
confirmé le jugement déféré ;
débouté M. [I] [S], ès qualités, de toutes ses demandes ;
dispensé M. [I] [S], ès qualités, du paiement du droit d’appel prévu par l’article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Par arrêt du 12 novembre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 avril 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris et remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de [Localité 12], autrement composée.
La cour a relevé qu’en application de l’article R. 4512-13 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour qu’aucun travailleur ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident. Elle a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir tiré les conséquences légales du constat que l’employeur avait estimé nécessaire de mettre en place un dispositif de sécurité, ce dont il résultait qu’il avait eu conscience du danger, et que ce dispositif avait été défaillant.
Par arrêt du 8 septembre 2023 rectifié le 24 novembre 2023, la cour :
déclare recevable l’appel de M. [V] [S], représenté par M. [I] [S];
infirme le jugement rendu le 18 septembre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;
statuant à nouveau :
dit que la SAS [11] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail de M. [V] [S] survenu le 3 avril 2011 ;
ordonne la majoration de la rente servie à M. [V] [S] par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] au maximum légal ;
ordonne une expertise médicale judiciaire sur la réparation des préjudices de M. [V] [S] ;
dispense M. [V] [S], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de toute consignation à valoir sur la rémunération de l’expert ;
dit que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] devra verser directement à M. [V] [S] représenté par M. [I] [S] la majoration de rente allouée ;
sursoit à statuer sur l’action récursoire de la caisse et sur la demande formée au titre des frais irrépétibles ;
réserve les dépens d’appel ;
ordonne le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure notamment pour que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] conclue sur l’existence d’une déclaration de créance, et en cas d’absence, sur la sanction de l’inopposabilité à la procédure collective de sa créance.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [V] [S], représenté par M. [I] [S] demande à la cour de :
le recevoir en ses demandes et l’en déclarant bien fondé ;
condamner la Société [11] représentée par la SELAFA MJA (et inscrire à son passif) et la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] à lui payer les sommes de :
15 000 euros au titre des souffrances physiques ;
10 000 euros au titre du préjudice esthétique ;
15 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
15 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
15 000 euros au titre du préjudice moral ;
10 000 euros pour préjudice de perte de possibilité de promotion professionnelle ;
10 000 euros pour préjudice exceptionnel permanent et pathologie évolutive ;
69,40 euros de remboursement des frais de taxi ;
2 000 euros au titre de l’article 700-2 du code de procédure civile et 37 al. 3 et 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
en tant que de besoin, condamner la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] à faire l’avance du montant des condamnations prononcées en sa faveur ;
condamner les intimés en tous les dépens.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] demande à la cour de :
lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la Cour sur l’indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire ;
débouter M. [V] [S] de ses demandes au titre du préjudice d’agrément, du préjudice sexuel, de la perte de chance de promotion professionnelle, du préjudice exceptionnel permanent et pathologie évolutive et des frais de taxi ;
fixer la créance de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] au passif de la SAS [11] ;
condamner tout succombant aux entiers dépens.
La SAS [11], représentée par la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas, a été informée des conclusions notifiant en outre la date d’audience par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 30 octobre 2024 et n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 18 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
FIXE les préjudices de M. [V] [S], représenté par M. [I] [S] aux sommes suivantes :
– souffrances physiques avant consolidation : 15 000 euros ;
– préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros ;
– préjudice sexuel : 5 000 euros ;
– préjudice de la souffrance morale après consolidation : 15 000 euros ;
DÉBOUTE M. [V] [S], représenté par M. [I] [S] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
DIT que la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] devra faire l’avance de ces sommes à M. [V] [S], représenté par M. [I] [S] ;
DÉBOUTE M. [V] [S] représenté par M. [I] [S] de sa demande de condamnation de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] au paiement d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile ou de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
DÉBOUTE la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 12] de son action récursoire et de sa demande d’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11], représentée par la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas ;
CONDAMNE la SAS [11], représentée par la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas à payer à Me Béatrice Fridman la somme de 2 000 euros au titre de l’article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
CONDAMNE la SAS [11], représentée par la SELAFA MJA en la personne de Me Valérie Leloup-Thomas aux dépens ;
DIT qu’ils seront recouvrés au titre de la loi sur l’aide juridictionnelle.
La greffière Le président
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