Cour d’appel de Lyon, 19 janvier 2025, RG n° 25/00438
Cour d’appel de Lyon, 19 janvier 2025, RG n° 25/00438

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Prolongation de rétention administrative : enjeux de sécurité et de diplomatie.

Résumé

Placement en rétention

Le 18 novembre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [L] [R] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Cette mesure a été mise en œuvre à partir de cette date.

Prolongations de la rétention

Le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [L] [R] par ordonnances des 22 novembre et 18 décembre 2024, pour des périodes de vingt-huit et trente jours respectivement.

Nouvelle requête de prolongation

Le 16 janvier 2025, le préfet du Rhône a demandé au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour quinze jours supplémentaires.

Rejet de la requête

Dans son ordonnance du 17 janvier 2025, le juge a rejeté la demande de prolongation, arguant qu’il n’était pas prouvé qu’un laissez-passer consulaire serait délivré rapidement et que la présence de [L] [R] sur le territoire constituait une menace pour l’ordre public.

Appel du ministère public

Le même jour, le ministère public a interjeté appel, soutenant que la menace pour l’ordre public était avérée en raison de la condamnation de [L] [R] pour des violences aggravées, et que des démarches avaient été entreprises pour obtenir un laissez-passer consulaire.

Appel du préfet

Le préfet du Rhône a également fait appel, soulignant que le comportement de [L] [R] représentait une menace pour l’ordre public, en raison de ses condamnations antérieures et de son statut irrégulier sur le territoire français.

Ordonnance du 18 janvier 2025

Le 18 janvier 2025, le délégataire du premier président a déclaré l’appel recevable et suspensif, permettant ainsi la poursuite de la procédure.

Audience du 19 janvier 2025

Lors de l’audience, le ministère public a reconnu la menace pour l’ordre public tout en affirmant que la délivrance d’un laissez-passer consulaire était envisageable. Le préfet a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale.

Déclarations de [L] [R]

[L] [R] a exprimé son souhait de ne pas retourner en Guinée, affirmant avoir été condamné à tort et demandant une seconde chance pour quitter la France vers la Belgique où il a de la famille.

Motivation de la décision

L’appel a été jugé recevable. Le juge a rappelé que la rétention ne peut excéder le temps nécessaire à l’éloignement et que des diligences doivent être effectuées. La situation de [L] [R] a été examinée, notamment ses condamnations et la perspective de délivrance d’un laissez-passer consulaire.

Infirmation de la décision initiale

En raison des éléments présentés, notamment la menace pour l’ordre public et la possibilité de délivrance rapide d’un laissez-passer, l’ordonnance initiale a été infirmée, et la prolongation de la rétention administrative de [L] [R] a été ordonnée pour une durée de quinze jours.

N° RG 25/00438 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QD6D

Nom du ressortissant :

[L] [R]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

PREFET DU RHONE

C/

[R]

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 19 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous,Nathalie LAURENT, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 2 janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Séverine POLANO, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Romain DUCROCQ, susbstitut général , près la cour d’appel de Lyon

En audience publique du 19 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANTS :

Monsieur le Procureur de la République

près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

Mme LA PREFETE DU RHÔNE

[Adresse 1]

[Localité 2] (RHÔNE)

non comparante, régulièrement avisée, représentée par Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

ET

INTIME :

M. [L] [R]

né le 25 Février 2002 à [Localité 3] (GUINEE)

Actuellement retenu au CRA 2 de [4]

Comparant assisté de Maître Mylène LAUBRIET, avocat au barreau de LYON,commis d’office

Avons mis l’affaire en délibéré au 19 Janvier 2025 à 14H30 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 18 novembre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [L] [R] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 18 novembre 2024.

Par ordonnances des 22 novembre 2024 et 18 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [L] [R] pour des durées de vingt-huit et trente jours.

Suivant requête du 16 janvier 2025, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 17 janvier 2025 à 16h20 a rejeté la requête en troisième prolongation de la rétention administrative de [L] [R] au motif qu’il n’était pas établi qu’un laissez-passer consulaire allait être délivré à bref délai et que la présence de l’intéressé sur le territoire national constitue une menace pour l’ordre public.

Le 17 janvier 2025 à 16 heures 55 le ministère public a formé appel avec demande d’effet suspensif. Il fait valoir que la menace pour l’ordre public est établie au vu de la condamnation pour des faits de violences aggravées avec ITT supérieures à 8 jours, en récidive à une peine de 24 mois d’emprisonnement, avec interdiction de détenir une arme et privation de droits civiques, en sorte que cette condamnation s’inscrit dans la durée et que la préfecture démontre que le laissez-passer consulaire peut être délivré à bref délai au regard de l’ensemble des diligences qui ont été faites, l’identité de l’intéressé étant connue et un précédent laisser passer consulaire ayant été délivré en 2023. Il ajoute que [L] [R], en situation irrégulière sur le territoire, ne justifie ni d’une résidence stable, ni de ressources et ne dispose pas d’un passeport en cours de validité.

Le 17 janvier 2025 à 18h10, le préfet du Rhône a également formé appel faisant valoir qu’il est justifié de ce que le comportement de [L] [R] sur le territoire français caractérise une menace pour l’ordre public, dès lors que, outre la condamnation précitée, [L] [R] avait également été condamné à deux reprises en 2021 pour violence avec usage ou menace d’une arme et en 2020 pour violences aggravées, en sorte qu’il y a proximité de réitération de faits similaires ayant donné lieu à condamnation pénale dans un court laps de temps. Il ajoute que les autorités guinéennes ont été saisies d’une demande de laissez-passer consulaire et ont en leur possession l’ensemble des éléments permettant la délivrance à bref délai du laissez-passer consulaire, [L] [R] ayant antérieurement été identifié et un laissez-passer consulaire ayant été délivré en 2023, étant en outre précisé que les relations diplomatiques et consulaires avec la Guinée ont repris et ont abouti à la délivrance de documents de voyage pour d’autres ressortissants guinéens en janvier 2025. Il rappelle que par ailleurs l’intéressé ne présente aucune garantie de représentation, n’a remis aucun passeport en cours de validité, est sans domicile fixe, use d’alias, se maintient irrégulièrement sur le territoire français et il ne dispose d’aucune ressource.

Par ordonnance en date du 18 janvier 2025 à 12 heures, le délégataire du premier président a déclaré l’appel recevable et suspensif.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 19 janvier 2025 à 10 heures 30.

Le ministère public s’en est rapporté s’agissant du critère de menace actuelle pour l’ordre public et fait valoir qu’en revanche la perspective de délivrance à bref délai d’un laisser passer consulaire était établie compte tenu de ce que [L] [R] avait été identifié, de l’existence d’un précédent laisser passer en 2023 et de la reprise des relations diplomatique avec la Guinée.

Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée. Il estime que l’existence d’une menace pour l’ordre public au sens de l’article L 742-5 était établie au vu de la condamnation de [L] [R] en 2022 pour des faits de violences aggravées en récidive légale à 2 ans d’emprisonnement, laquelle n’est donc pas ancienne, étant rappelé que le tribunal administratif retient également cette menace dans son jugement du 18 octobre 2022 et que [L] [R] a eu d’autres condamnations en 2020 et 2021 et fait l’objet de nombreux signalements. Il ajoute qu’il a fait l’objet d’une assignation à résidence le 12 mars 2023 qu’il n’a pas respecté, comme indiqué par procès-verbal joint au dossier.

Il déclare par ailleurs que la décision de première instance ne s’inscrit pas dans la réalité internationale, dès lors que les diligences ont été accomplies en novembre 2024, que des relances ont eu lieu en décembre et janvier et qu’il ne saurait être considéré que le laisser passer consulaire n’interviendra pas à bref délai.

[L] [R] a comparu et a été assisté de son avocat.

Le conseil de [L] [R] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel. Il demande la confirmation de l’ordonnance qui résulte d’une exacte application de la situation, à défaut d’obstruction de l’intéressé à la mesure d’éloignement, de démonstration de la perspective de délivrance d’un laisser passer consulaire à bref délai, en l’absence de réponse de la Guinée aux relances et de menace actuelle pour l’ordre public, la dernière condamnation datant de 2022 et concernant des faits dont les circonstances ne sont pas connues, en l’absence du jugement au dossier.

[L] [R] a eu la parole en dernier. Il a dit être menacé dans son pays en Guinée et ne pas vouloir y retourner, avoir été condamné alors qu’il n’était pas coupable, être diplômé et avoir un contrat de travail. Il a déclaré : « Donnez-moi une seconde chance. Je vais quitter la France pour la Belgique où j’ai ma famille ».

PAR CES MOTIFS

Infirmons la décision du juge des libertés et de la détention,

Statuant à nouveau,

Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de [L] [R] pour une durée de 15 jours.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Séverine POLANO Nathalie LAURENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon