Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Honoraires d’expertise : évaluation et contestation des frais engagés.
→ RésuméContexte de l’affaireLa société à responsabilité limitée (SARL) Stradivarius a fait appel d’un jugement rendu le 14 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Nice, qui avait rejeté ses demandes contre la société civile immobilière (SCI) Française de Capa. Cette dernière avait loué un local à la SARL Stradivarius pour son activité commerciale. Mesures d’expertise ordonnéesLe 11 février 2020, un conseiller à la mise en état de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné une expertise pour évaluer d’éventuels désordres dans le local loué, en précisant les causes et le coût des travaux nécessaires. La SARL Stradivarius a été contrainte de verser une provision de 1 000 euros pour couvrir les frais d’expertise. Déroulement de l’expertiseEn raison de l’indisponibilité des experts, la mission a été confiée à Mme [L] [O] le 10 juillet 2020, avec un rapport initialement prévu pour décembre 2020. En janvier 2021, l’expert a demandé une provision complémentaire de 5 000 euros, qui a été versée par la société Stradivarius. Le rapport final a été déposé le 28 novembre 2022. Fixation des honoraires de l’expertLe 15 février 2023, le conseiller a fixé la rémunération de l’expert à 10 528,56 euros, ordonnant à la SARL Stradivarius de verser une somme complémentaire de 4 528,56 euros. Cette décision a été notifiée le 31 mars 2023, et la société a contesté l’ordonnance par lettre recommandée le 26 avril 2023. Arguments de la SARL StradivariusDans sa contestation, la SARL Stradivarius a remis en question le montant des honoraires et la nécessité de l’expertise, arguant que celle-ci avait duré plus de deux ans sans justification adéquate. Elle a également souligné que certains travaux avaient déjà été réalisés, rendant l’expertise superflue. Réponse de l’expertMme [O] a soutenu que le recours de la SARL Stradivarius était irrecevable et a demandé à être déboutée de ses prétentions. Elle a affirmé avoir mené une expertise rigoureuse, justifiant le coût par la complexité du dossier et le volume de pièces à analyser. Recevabilité du recoursLe tribunal a examiné la recevabilité du recours, concluant que la SARL Stradivarius avait respecté les délais et les procédures de notification. Le recours a donc été déclaré recevable. Analyse des honoraires de l’expertLe tribunal a rappelé que la rémunération de l’expert doit être proportionnelle aux diligences effectuées et à la qualité du travail fourni. Il a constaté que le rapport d’expertise avait été réalisé de manière contradictoire et que les honoraires demandés étaient justifiés par le travail accompli. Décision finaleLe tribunal a confirmé l’ordonnance de taxe du 15 février 2023, déboutant la SARL Stradivarius de ses demandes. La société a été condamnée à verser 2 000 euros à l’expert au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter l’intégralité des dépens de l’instance. |
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 OP
ORDONNANCE SUR RECOURS CONTRE UNE DÉCISION FIXANT LA RÉMUNÉRATION D’UN EXPERT
DU 17 JANVIER 2025
N° 2025/ 015
Rôle N° RG 23/06231 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLHRM
S.A.R.L. STRADIVARIUS
C/
[L] [O]
Copie exécutoire délivrée
le : 17 janvier 2025
à : Me Laurent DEVAUX
Décision déférée au Premier Président de la Cour d’Appel :
Ordonnance de taxe fixant la rémunération de Me [O] [L], expert, rendue le 15 février 2023 par le Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE.
DEMANDERESSE
S.A.R.L. STRADIVARIUS,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre GASPOZ, avocat au barreau de Nice, avocat ayant plaidé
DEFENDERESSE
Madame [L] [O],
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Laurent DEVAUX, avocat au barreau de Paris substitué par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, avocat ayant plaidé
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L’affaire a été débattue le 20 Novembre 2024 en audience publique devant
M. Frédéric DUMAS, Conseiller,
délégué par ordonnance du premier président .
en application des articles 714, 715 à 718 et 724 du code de procédure civile ;
Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025
Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Anne-Marie BLANCO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société à responsabilité limitée (SARL) Stradivarius a interjeté appel d’un jugement du 14 janvier 2019 du tribunal de grande instance de Nice l’ayant débouté de ses prétentions envers la société civile immobilière (SCI) Française de Capa, laquelle lui avait donné à bail un local dans le cadre de son activité commerciale.
Suivant ordonnance du 11 février 2020 le conseiller à la mise en état de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a instauré une mesure d’expertise afin de constater l’existence éventuelle de désordres ou non conformités affectant ledit local, d’en déterminer les causes ainsi que le coût des travaux destinés à y remédier et mis à la charge de la société Stradivarius le versement d’une provision à valoir sur le montant des opérations d’expertise fixé à hauteur de 1 000 euros.
En raison de l’indisponibilité des experts successivement désignés, la mission d’expertise était confiée à Mme [L] [O] selon ordonnance du 10 juillet 2020, le délai imparti pour déposer le rapport étant prorogé au 15 décembre 2020.
Par courrier daté du 7 janvier 2021, elle a sollicité auprès du conseiller chargé du contrôle des expertises une provision complémentaire de 5 000 euros, laquelle a été versée selon un avis transmis à l’intéressée le 19 février 2021.
L’expert a déposé son rapport le 28 novembre 2022.
Selon ordonnance du 15 février 2023 le conseiller chargé du contrôle de l’expertise de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a fixé la rémunération de Mme [O] à la somme de 10 528,56 euros et ordonné le versement par la société Stradivarius d’une somme complémentaire de 4 528,56 euros.
L’ordonnance de taxe, revêtue de la formule exécutoire le 24 mars 2023, a été notifiée à la société Stradivarius par lettre recommandée datée du 31 mars 2023 avec demande d’avis de réception.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe de la cour le 26 avril 2023 la société Stradivarius a contesté l’ordonnance de fixation des honoraires du 24 mars 2023.
Les parties ont été convoquées par le greffe, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réceptions, pour l’audience du 20 novembre 2024.
Dans sa contestation la requérante remet en cause la somme complémentaire de 4 528,56 euros sollicitée par l’expert ainsi que la provision complémentaire de 5 000 euros versée en janvier 2021.
Aux termes de ses écritures, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, elle expose notamment que l’expertise a duré plus de deux ans pour un montant sollicité de 10 522,56 euros sans que les diligences de l’expert ne les justifient alors que sa durée était initialement de quatre mois pour une consignation de 1 000 euros. De plus les travaux ayant déjà été réalisés l’expertise ne nécessitait pas d’investigations techniques mais ne portait que sur les pièces relatives auxdits travaux. Les 64,5 vacations supplémentaires ne correspondent pas à la seule analyse des pièces, aux réponses aux dires et à la rédaction du pré-rapport et du rapport d’expertise mais incluent également les réunions expertales dont une deuxième réunion que Mme [O] s’était engagée à tenir mais qu’elle n’a jamais organisée. Par ailleurs, les notes aux parties, dont elle se prévaut parce qu’elle leurs demandait de nouvelles pièces, correspondaient à l’analyse des pièces qu’elle devait faire dans un premier temps ainsi que le compte-rendu de la première réunion l’indique. L’expert a ainsi sollicité sans cesse de nouvelles pièces dont certaines qui lui avaient déjà été communiquées.
Elle ajoute que l’intéressée n’a pas respecté la mission qui lui était confiée dans la mesure où elle n’a pas expertisé la toiture-terrasse de l’immeuble loué malgré les demandes de la société Stradivarius, excluant ce faisant certains désordres de son expertise. Mme [O] a enfin gardé le silence en ce qui concerne différents points pour lesquels elle avait été missionnée s’agissant de préciser si les désordres résultaient d’un défaut d’entretien, de réparations locatives ou de manquements à l’obligation d’effectuer les grosses réparations au sens des articles 605 et 606 du code civil.
En réplique Mme [O] conclut à ce que le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence :
– juge irrecevable le recours formé par la société Stradivarius,
– subsidiairement la déboute de ses prétentions et confirme l’ordonnance de taxe,
– la condamne à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait notamment valoir que le recours contre l’ordonnance de taxe est irrecevable pour n’avoir pas été dénoncé aux sociétés Cap Mala et Française du Cap conformément aux articles 714 et 724 du code de procédure civile. Sur le fond elle indique avoir organisé une réunion d’expertise avec visite des lieux, étudié plus de cent vingt pièces transmises par les parties et l’ensemble de leurs dires. Six notes ont été rédigées et diffusées aux parties ainsi qu’une note de synthèse. Elle a enfin rédigé son rapport à l’expiration des délais prolongés à la demande des parties pour la transmission de leurs dires récapitulatifs. Il est donc normal, en raison d’un certain nombre d’inconnues à la date à laquelle l’expertise a été ordonnée, que le coût global de celle-ci, soit 8 773,80 euros hors taxes (HT), soit supérieur au montant de la provision initiale, étant souligné qu’il a été sollicité et obtenu le versement d’une consignation complémentaire.
Mme [O] explique avoir mené en grande partie une expertise sur pièces que les parties devaient lui transmettre et qu’elle a dû relancer à plusieurs reprises à cet effet. Pour ce qui est de la deuxième réunion envisagée il est apparu au fur et à mesure du déroulement de l’expertise qu’elle n’était pas nécessaire, notamment parce que les désordres allégués ne pouvaient être constatés du fait de la réalisation des travaux. Au surplus sa tenue n’a été réclamée par aucune des parties et n’a fait l’objet d’aucune demande de rémunération. La partie adverse n’invoque nullement un défaut de réalisation de diligences nécessaires. Contrairement aux assertions de son contradicteur, elle indique n’avoir pas refusé d’expertiser une partie de l’immeuble sauf en ce qui concerne la toiture-terrasse étrangère à la destination du bail et donc à la mission d’expertise, la société Stradivarius n’ayant d’ailleurs jamais saisi le conseiller chargé du contrôle des expertises pour contester son appréciation purement matérielle. Alors qu’elle a répondu à chacun des points de la mission qui lui était confiée, force est de constater que la société Stradivarius ne conteste aucun des postes de rémunération.
Au jour de l’audience, les parties reprennent leurs conclusions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,
Déclarons recevable le recours introduit par la SARL Stradivarius.
Confirmons l’ordonnance rendue le 15 février 2023 par le conseiller chargé du contrôle de l’expertise de la cour d’appel d’Aix-en-Provence .
Condamnons la SARL Stradivarius à payer la somme de 2 000 euros (deux mille euros) à Mme [L] [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Disons que La SARL Stradivarius sera tenue au entiers dépens de l’instance.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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