Licenciement pour inaptitude : régularité de la procédure et obligations de reclassement en question.

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Licenciement pour inaptitude : régularité de la procédure et obligations de reclassement en question.

L’Essentiel : M. [E] a été embauché par la Sas Sadis’Nov MS en tant que technicien de surface le 24 avril 2019. Après avoir été déclaré apte par un médecin du travail, il a été jugé inapte à son poste le 22 juin 2021. L’employeur a proposé deux reclassements, que M. [E] n’a pas acceptés, entraînant son licenciement pour inaptitude le 4 novembre 2021. Contestant ce licenciement, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a confirmé la régularité de la procédure. En appel, la cour a reconnu une irrégularité et a accordé une indemnité à M. [E].

Embauche et inaptitude de M. [E]

M. [E] a été embauché par la Sas Sadis’Nov MS en tant que technicien de surface à partir du 24 avril 2019. Le 1er juin 2021, un médecin du travail a déclaré M. [E] apte à exercer ses fonctions. Cependant, le 22 juin 2021, suite à une visite à la demande du salarié, le même médecin a déclaré M. [E] inapte à son poste actuel, tout en le jugeant apte à un poste équivalent dans un environnement différent.

Propositions de reclassement et licenciement

Le 7 septembre 2021, l’employeur a notifié à M. [E] deux propositions de reclassement, que ce dernier n’a ni acceptées ni refusées. Le 28 octobre 2021, la société a informé M. [E] de l’impossibilité de procéder à son reclassement. Finalement, le 4 novembre 2021, l’employeur a notifié à M. [E] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Action en justice de M. [E]

Le 3 juin 2022, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, demandant la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de diverses indemnités. Il a également demandé l’exécution provisoire de ses demandes.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 7 décembre 2023, le conseil de prud’hommes a jugé que la société avait satisfait à son obligation de sécurité, que la procédure de licenciement était régulière et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. M. [E] a été débouté de toutes ses demandes, et a été condamné à payer 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de M. [E]

Le 4 janvier 2024, M. [E] a formé appel du jugement, critiquant plusieurs points, notamment la régularité de la procédure de licenciement et le bien-fondé de son licenciement.

Ordonnances et observations des parties

Le 23 septembre 2023, le magistrat a rejeté une demande de radiation de l’affaire et a renvoyé l’affaire à une conférence virtuelle pour dernières conclusions. La société Sadis’Nov a présenté des observations le 25 novembre 2024, tandis que M. [E] n’a pas réagi.

Prétentions des parties

M. [E] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de lui accorder diverses indemnités, tandis que la société Sadis’Nov a soutenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a demandé la confirmation du jugement initial.

Motifs du jugement

La cour a examiné la régularité de la procédure de licenciement et a noté que l’absence de consultation du CSE ne rendait pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cependant, elle a reconnu une irrégularité dans la procédure et a accordé à M. [E] une indemnité pour cette irrégularité.

Décisions finales

La cour a infirmé le jugement sur le point de l’indemnité pour irrégularité de la procédure, condamnant la société à verser 1376,70 euros à M. [E]. Elle a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et que chaque partie supporterait ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de reclassement après une inaptitude ?

L’article L. 1226-2 du Code du travail stipule que lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient.

Cette proposition doit prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, ce qui peut nécessiter des mutations, aménagements ou adaptations de postes existants.

Il est donc essentiel que l’employeur respecte cette obligation de reclassement, en tenant compte des recommandations du médecin du travail et en proposant des postes qui correspondent aux capacités du salarié.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de licenciement ?

Selon l’article L. 1235-2 du Code du travail, si une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement, notamment en cas de non-respect de la procédure de consultation préalable, le juge peut accorder au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, à condition que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Cette disposition souligne que l’irrégularité procédurale ne rend pas automatiquement le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais peut donner lieu à une indemnité pour le préjudice subi par le salarié.

Ainsi, même si le licenciement est justifié, une irrégularité dans la procédure peut entraîner des conséquences financières pour l’employeur.

Comment prouver l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées ?

L’article L. 3171-4 du Code du travail précise que, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis concernant les heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies.

Cela signifie que le salarié doit fournir des preuves concrètes, telles que des tableaux d’heures, pour permettre à l’employeur de répondre à ces allégations.

Le juge, après avoir examiné les éléments fournis par les deux parties, peut alors évaluer l’existence d’heures supplémentaires et fixer les créances salariales correspondantes.

Il est donc crucial pour le salarié de documenter ses heures de travail de manière précise pour soutenir sa demande.

Quelles sont les conditions pour obtenir une indemnité pour harcèlement moral ?

L’article L. 1152-1 du Code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail.

Pour qu’un salarié puisse obtenir une indemnité pour harcèlement moral, il doit établir la matérialité de faits précis et concordants.

Il incombe alors au juge d’apprécier si ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Si tel est le cas, il revient à l’employeur de prouver que les agissements en question ne sont pas constitutifs de harcèlement.

Ainsi, la charge de la preuve est partagée, et le salarié doit démontrer des faits concrets pour soutenir sa demande d’indemnité.

Quelles sont les implications d’un licenciement pour inaptitude sans consultation du CSE ?

L’absence de consultation du comité social et économique (CSE) avant un licenciement pour inaptitude peut constituer une irrégularité procédurale, comme le précise l’article L. 1235-2 du Code du travail.

Cependant, cette irrégularité ne rend pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais peut donner lieu à une indemnité pour le salarié.

Il est donc important de noter que même si la procédure n’a pas été respectée, cela n’implique pas nécessairement que le licenciement soit injustifié, tant qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse.

Ainsi, le salarié peut obtenir une compensation pour l’irrégularité, mais cela ne remet pas en cause la validité du licenciement lui-même.

VS/GB

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 4 DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

AFFAIRE N° : RG 24/00012 – N° Portalis DBV7-V-B7I-DUPZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de POINTE A PITRE du 7 décembre 2023 – section commerce –

APPELANT

Monsieur [U] [Y] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART – Toque 8 –

INTIMÉE

S.A.R.L. SADIS’NOV MS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Maître Charles NATHEY de la SELARL JURINAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART – Toque 42 –

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 janvier 2025.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [E] a été embauché par la Sas Sadis’Nov MS par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 avril 2019 en qualité de technicien de surface.

Par avis du 1er juin 2021, suite à une visite de reprise, le médecin du travail déclarait M. [E] apte à l’exercice de ses fonctions.

Par avis du 22 juin 2021, suite à une visite à la demande du salarié, le médecin du travail le déclarait ‘inapte en un seul examen selon la procédure d’inaptitude de l’article R. 4624-42 du code du travail. Inapte au poste actuel mais apte à un poste équivalent dans un environnement différent’.

Par courrier du 7 septembre 2021, faisant suite à un entretien du 12 août 2021, l’employeur notifiait au salarié deux propositions de reclassement, qu’il n’acceptait ni refusait.

Par courrier du 28 octobre 2021, la société Sadis’Nov MS informait le salarié de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Par courrier du 4 novembre 2021, l’employeur notifiait au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de le reclasser.

M. [E] saisissait le 3 juin 2022 le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, aux fins de voir :

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la Sarl Sadis’Nov MS à lui payer les sommes suivantes :

* 2753,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 275,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1741,89 euros au titre des heures supplémentaires,

* 174,18 euros au titre de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 990 euros au titre du solde du 13ème mois,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de déplacement,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de repas,

* 1376,70 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 5506,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8260 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement et travail dissimulé,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcer l’exécution provisoire.

Par jugement rendu contradictoirement le 7 décembre 2023, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– dit que la société avait satisfait à son obligation de sécurité de résultat,

– dit que la procédure de licenciement était régulière,

– dit que le licenciement de M. [E] [Y] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté la partie demanderesse de l’intégralité de ses prétentions,

– condamné la partie demanderesse au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l’instance.

Par déclaration du 4 janvier 2024, M. [E] formait régulièrement appel dudit jugement, en ces termes : ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués :

– dit que la société a satisfait à son obligation de résultat,

– dit que la procédure de licenciement est régulière,

– dit que le licenciement de M. [E] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– déboute la partie demanderesse de l’intégralité de ses prétentions,

– condamne la partie demanderesse au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la partie demanderesse aux éventuels dépens de l’instance’.

Par ordonnance du 23 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

– rejeté la demande de radiation de l’affaire,

– renvoyé l’affaire à la conférence virtuelle de mise en état du 17 octobre 2024 pour dernières conclusions au fond et, à défaut, clôture et fixation,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance principale.

Par ordonnance du 4 novembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et envoyé la cause à l’audience du lundi 18 novembre 2024 à 14h30.

Par avis adressé le 19 novembre 2024, la cour a invité les parties à faire valoir jusqu’au 25 novembre au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office tiré de ce qu’en application du 5ème alinéa de l’article L. 1235-2 du code du travail, lorsque le licenciement intervient pour une cause réelle et sérieuse et qu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement, incluant le défaut de consultation préalable, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

La Sarl Sadis’Nov a présenté des observations le 25 novembre 2024.

M. [E] n’a pas présenté d’observation.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sarl Sadis’Nov MS le 13 mars 2024, M. [E] demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

Statuer à nouveau,

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la Sarl Sadis’Nov MS à lui régler les sommes suivantes :

* 2753,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 275,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1741,89 euros au titre des heures supplémentaires,

* 174,18 euros au titre de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 990 euros au titre du solde du 13ème mois,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de déplacement,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de repas,

* 1376,70 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 5506,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8260 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et travail dissimulé,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcer l’exécution provisoire.

M. [E] soutient que :

– son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que les membres du comité social économique (CSE) n’ont pas été consultés avant la formulation des propositions de reclassement,

– la procédure de licenciement est irrégulière à défaut de mention dans la convocation à l’entretien de l’adresse de la mairie ou de celle de l’inspecteur du travail,

– sa demande de paiement d’heures supplémentaires est justifiée,

– il a droit au solde de l’indemnité de 13ème mois, ainsi qu’à celles de repas et de déplacement,

– il justifie de faits de harcèlement moral,

– il a droit au versement d’une indemnité pour travail dissimulé dès lors que les heures supplémentaires qu’il a effectuées n’ont été ni déclarées, ni payées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 10 mai 2024 à M. [E], la société Sadis’Nov MS demande à la cour de :

– dire que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement,

– dire fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [E],

– dire régulière la procédure suivie,

– dire infondées l’ensemble des demandes de M. [E],

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– débouter M. [E] de toutes ses demandes,

– condamner M. [E] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] aux dépens.

La société Sadis’Nov MS expose que :

– elle a satisfait à son obligation de reclassement, en proposant des postes au salarié conformes aux préconisations du médecin du travail,

– aucun CSE n’a pu être mis en place au sein de l’entreprise et il ne saurait lui être reproché le défaut de consultation de celui-ci,

– les pièces versées aux débats mettent en évidence qu’aucune heure supplémentaire n’est due au salarié, lequel ne démontre pas un accord de l’employeur à ce titre,

– le salarié ne justifie pas le montant ou remplir les conditions d’attribution des primes réclamées,

– les demandes afférentes au harcèlement moral et au travail dissimulé ne sont pas justifiées.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En ce qui concerne le bien fondé du licenciement :

Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3.

Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 4 novembre 2021, qui fixe les limites du litige, précise: ‘Suite à notre entretien qui s’est tenu le mardi 19 octobre, nous vous informons de notre décision de vous licencier, en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi, constatée le 22 juin 2021 par le médecin du travail et en raison de l’impossibilité de vous reclasser.

En effet, les recherches qui ont été menées en vue de votre reclassement, tenant compte des conclusions du médecin du travail ainsi que de nos échanges, n’ont pas permis de trouver un autre emploi approprié à vos capacités et à vos exigences, parmi les emplois disponibles.

Plus précisément compte tenu de l’interdiction qui vous était faite de poursuivre dans votre environnement actuel, nous avons créé pour vous deux emplois respectivement au sein des deux autres établissements de la société situés en Martinique et à [Localité 6], afin de pouvoir vous reclasser, aucun autre emploi n’étant disponible au sein de l’entreprise.

Nous vous en avons fait la proposition.

Suite à notre proposition, vous ne vous êtes pas prononcé, et votre Conseil qui vous assistait a laissé entendre que vous n’accepterez l’emploi situé à [Localité 6] qu’à la seule et unique condition que la société prenne en charge vos billets d’avion et vos frais de déménagement ainsi que la recherche du logement à [Localité 6], que le loyer soit payé à [Localité 6] par la société durant toute la période d’exécution du contrat de travail, et que la société prenne en charge vos billets d’avion aller-retour [Localité 6]-[Localité 5] à l’occasion de tous vos congés.

Une telle réponse qui vient modifier totalement la proposition qui vous avait été faite puisque venant ainsi modifier totalement votre contrat de travail et l’économie du poste qui vous a été proposé à titre de reclassement, outre le fait que ces conditions ne peuvent pas être supportées par la société, équivaut à un refus, conforme d’ailleurs à la volonté que vous aviez exprimée de vous voir licencier.

Votre position équivaut dès lors à un refus de la proposition puisque vous aviez l’option entre accepter la proposition telle qu’elle vous a été faite ou la refuser voire implicitement.

Face à votre refus ou plus exactement votre position incompatible avec la proposition qui vous a été faite, nous avons examiné toutes les autres possibilités de reclassement.

Il se trouve qu’il n’y en a plus, de sorte que nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l’impossibilité de vous reclasser en raison de l’absence de poste disponible eu égard à vos exigences.

Nous vous notifions par conséquent par la présente votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée, refus de poste de reclassement proposé et impossibilité de reclassement, aucun emploi correspondant aux prescriptions du médecin du travail n’étant disponible’.

Il convient de souligner que M. [E] ne remet en cause le bien fondé de son licenciement qu’au regard de l’absence de consultation des membres du CSE.

Il appert toutefois qu’en application des dispositions ci-dessus rappelées de l’article L. 1235-2 du code du travail, une telle irrégularité n’est pas susceptible de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais constitue seulement un vice de procédure.

Invité à présenter des observations sur ce point, la Sarl Sadis’Nov MS a précisé que cet article prévoit le versement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure, en considération du préjudice subi par le salarié.

Le moyen tiré du défaut de consultation du comité social et économique (CSE) étant inopérant à l’égard du bien fondé du licenciement, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande tendant à juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de licenciement :

Selon l’article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l’article L. 1232-4 du code du travail, lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

Il n’est pas établi que la lettre de convocation à l’entretien préalable comportait une irrégularité relative aux mentions figurant dans celle-ci, en particulier l’absence de mention de l’adresse de la mairie et de l’inspection du travail.

Toutefois, si l’employeur se prévaut de l’impossibilité d’avoir pu mettre en place un comité social et économique, il ne l’établit pas par la seule production de lettres du 27 octobre 2021, adressées aux organisation syndicales, à l’exclusion de tout autre document constatant que cette démarche soit demeurée vaine.

Par suite, compte tenu de l’irrégularité précitée n’ayant pas permis la consultation des membres du CSE, il convient d’accorder à M. [E] une somme de 1376,70 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de procédure.

Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires :

Par application de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [E] verse aux débats des tableaux d’heures qu’il estime avoir accomplies chaque jour, durant les mois d’août 2019 à mars 2020, ainsi que le décompte des heures supplémentaires correspondantes. Il précise toutefois dans ses écritures que les heures supplémentaires accomplies au mois de septembre 2019 ont été réglées et qu’il sollicite le paiement des heures supplémentaires pour les mois d’août, octobre, novembre, décembre 2019 et janvier 2020.

Ce décompte est suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments, étant rappelé qu’il appartient à l’employeur de contrôler les heures de travail effectuées.

L’employeur produit les fiches de pointages de la société et le décompte des heures effectuées par M. [E], réalisé à partir de ces feuilles de pointage. Contrairement à ce que soutient le salarié, il appert qu’aucune heure supplémentaire ne lui est due pour les mois d’août 2019, octobre 2019 à janvier 2020.

Par suite, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande de paiement d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents.

Sur le solde du 13ème mois :

Il résulte de l’article 2 de l’accord du 3 mars 2015 relatif à la prime annuelle, prévue par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, que celle-ci est versée aux salariés ayant une année d’expérience professionnelle à la date du versement.

L’article 7 prévoit : Incidences des absences sur le montant de la prime. Pour les salariés à temps plein et pour les salariés à temps partiel, les absences du salarié au cours des 12 mois précédant le versement de la prime annuelle donneront lieu à proratisation de son montant lorsque ces absences ne sont pas considérées comme du temps de travail effectif au sens du code du travail, à l’exception de l’absence visée à l’article 4.10.2 de la convention collective (congés pour les travailleurs des Dom-Tom et travailleurs étrangers dont le pays d’origine est extra-européen).

Sont considérées comme temps de travail effectif notamment les absences suivantes : congés légaux et conventionnels, congés de maternité, congés de paternité, congé d’adoption, accident du travail et maladie professionnelle, heures de délégation, jours fériés chômés, formation et congé individuel de formation.

Si l’absence est inférieure ou égale à 10 % du temps de travail effectif de la période de référence du versement, la prime est due dans son intégralité.

M. [E] ne justifie pas que la somme de 150 euros qui lui a été versée et figurant sur l’attestation Pôle emploi ne correspondrait pas au montant dû, alors qu’il ne conteste pas les assertions de l’employeur suivant lesquelles cette prime devait être proratisée compte tenu de son travail à temps partiel et de ses absences.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande présentée à ce titre.

Sur l’indemnité de déplacement :

M. [E], qui ne conteste pas l’assertion de l’employeur suivant laquelle il bénéficiait d’un véhicule de service, ne justifie qu’il remplissait les conditions relatives à l’octroi d’une indemnité de déplacement.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande.

Sur l’indemnité de repas :

M. [E] ne justifie ni des conditions ouvrant droit à une indemnité de repas, ni qu’il les remplirait.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral et travail dissimulé :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou

pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l’article susvisé et de l’article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Si M. [E] se prévaut des conditions de travail l’ayant conduit à l’avis d’inaptitude à son poste, il ne l’établit toutefois pas par les pièces versées aux débats. Il ne justifie pas davantage ses allégations suivant lesquelles il lui aurait été promis une formation, ainsi qu’une évolution à un salaire et à un poste nettement plus intéressants, ni que l’entreprise n’aurait pas tenu ses promesses.

La seule circonstance qu’il aurait connu des états d’anxiété ne permet pas de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Par suite, c’est à juste titre que les premiers juges n’ont pas retenu l’existence d’un harcèlement moral.

En ce qui concerne le travail dissimulé :

Selon l’article L. 8221-5 du même code, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

M. [E] n’est pas fondé à se prévaloir d’un travail dissimulé en arguant d’heures supplémentaires qu’il aurait accomplies sans qu’elles soient déclarées ni réglées, alors que leur réalité n’a pas été reconnue ci-dessus.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande d’indemnité pour harcèlement moral et pour travail dissimulé.

Sur les autres demandes :

Compte tenu de l’issue du présent litige, il convient d’infirmer le jugement déféré, de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leurs demandes présentées sur ce fondement au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Infirmant le jugement déféré, chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 7 décembre 2023 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre entre M. [E] [Y] et la Sarl Sadis’Nov MS, sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [E] [Y] de sa demande de versement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

– condamné M. [E] [Y] à verser à la Sarl Sadis’Nov MS une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] [Y] aux dépens de l’instance,

Infirmant et statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Condamne la Sarl Sadis’Nov MS à verser à M. [E] [Y] la somme de 1376,70 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes subséquentes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,


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