L’Essentiel : La société [4] a contesté la décision de la commission de recours amiable concernant l’accident mortel de son salarié, Monsieur [I] [Z], survenu le 3 août 2017. Malgré l’intervention des secours, le salarié est décédé, et un rapport toxicologique a révélé une consommation involontaire d’opiacés, survenue plusieurs heures avant le travail. La caisse [3] a défendu la présomption d’imputabilité du malaise survenu pendant le temps de travail. Toutefois, le tribunal a jugé que la cause du décès était étrangère au travail, ordonnant la jonction des procédures et laissant les dépens à la charge de la caisse [3].
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Contexte de l’affaireLa société [4], spécialisée dans le travail temporaire, a introduit un recours devant le tribunal judiciaire de Lyon le 18 octobre 2018, contestation liée à la décision de la commission de recours amiable concernant la prise en charge d’un accident mortel survenu à son salarié, Monsieur [I] [Z], le 3 août 2017. Une demande similaire avait été faite au tribunal de Grenoble le 12 juin 2018, mais ce dernier s’est déclaré incompétent en faveur de Lyon par un jugement du 17 juin 2021. Circonstances de l’accidentMonsieur [I] [Z] a subi un malaise sur son lieu de travail le 3 août 2017, entraînant son décès malgré l’intervention des secours. Le médecin du SAMU a noté un obstacle médico-légal concernant les circonstances de ce décès. La société [4] soutient qu’elle n’a pas été informée des éléments de l’instruction, ce qui remet en question la procédure contradictoire. Arguments de la société [4]La société [4] affirme que le décès de Monsieur [Z] est dû à une cause étrangère au travail, à savoir une consommation involontaire d’opiacés, comme l’indique un rapport toxicologique. Ce rapport précise que la substance létale n’a pas été ingérée sur le lieu de travail, mais plusieurs heures avant le début de la journée de travail. Réponse de la caisse [3]La caisse [3] a contesté les demandes de la société [4], affirmant avoir respecté la procédure d’instruction et notifié l’employeur de la clôture de celle-ci. Elle soutient que les éléments fournis par l’employeur ne suffisent pas à contredire la présomption d’imputabilité du malaise survenu pendant le temps de travail. Décision du tribunalLe tribunal a ordonné la jonction des deux procédures et a statué que la prise en charge de l’accident mortel de Monsieur [Z] au titre de la législation professionnelle était inopposable à la société [4]. Cette décision repose sur la preuve apportée par la société concernant l’existence d’une cause totalement étrangère au travail ayant conduit au décès. Les dépens ont été laissés à la charge de la caisse [3]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité d’un accident de travail selon le Code de la sécurité sociale ?L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale stipule que : « Sont considérés comme des accidents du travail, les accidents survenus par le fait ou à l’occasion du travail, y compris ceux survenus sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. » Cette présomption d’imputabilité s’applique non seulement dans les relations entre le salarié et la caisse, mais également en cas de litige entre l’employeur et la caisse. Dans le cas présent, Monsieur [I] [Z] a subi un malaise sur son lieu de travail, ce qui a conduit à son décès. La présomption d’imputabilité est donc un élément clé dans l’évaluation de la prise en charge de l’accident par la législation sur les risques professionnels. Il est important de noter que cette présomption peut être renversée par des preuves démontrant que l’accident est dû à une cause étrangère au travail, comme cela a été établi dans le jugement. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière d’information et de consultation des documents lors d’une instruction d’accident de travail ?L’article L. 441-1 du Code de la sécurité sociale précise que : « La caisse informe l’employeur de la clôture de l’instruction et lui permet de consulter les pièces du dossier. » Dans cette affaire, la caisse a notifié à la société [4] la clôture de l’instruction par un courrier recommandé avec accusé de réception, lui offrant la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier. Cependant, la société [4] n’a pas réclamé ce courrier, ce qui soulève des questions sur le respect de ses droits à l’information. La jurisprudence a établi que le caractère contradictoire de la procédure doit être respecté, ce qui implique que l’employeur doit être en mesure de prendre connaissance des éléments qui pourraient lui faire grief. Ainsi, bien que la caisse ait respecté ses obligations, l’absence de réaction de l’employeur peut avoir des conséquences sur sa capacité à contester la décision de prise en charge. Comment la preuve d’une cause étrangère au travail peut-elle influencer la décision de prise en charge d’un accident mortel ?L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, en établissant la présomption d’imputabilité, permet à l’employeur de contester cette présomption en apportant la preuve d’une cause étrangère au travail. Dans le cas de Monsieur [I] [Z], le rapport toxicologique a révélé une concentration de tramadol dans son sang, indiquant une consommation de cette substance avant le début de sa journée de travail. Cette preuve a été déterminante pour établir que le décès n’était pas imputable à un accident de travail, mais à une cause totalement étrangère. Le tribunal a ainsi déclaré la prise en charge inopposable à la société [4], en raison de la démonstration de l’existence d’une cause étrangère au travail. Cela souligne l’importance de la charge de la preuve dans les litiges relatifs aux accidents du travail, où l’employeur peut renverser la présomption d’imputabilité par des éléments probants. Quelles sont les conséquences d’une décision déclarant inopposable la prise en charge d’un accident mortel au titre de la législation professionnelle ?La décision de déclarer inopposable la prise en charge d’un accident mortel a des conséquences significatives pour l’employeur et la caisse. En vertu de l’article L. 411-1, si la prise en charge est déclarée inopposable, cela signifie que l’employeur n’est pas tenu de supporter les coûts liés à l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Cela peut également avoir des implications sur les droits des ayants droit de la victime, qui pourraient ne pas bénéficier des indemnités prévues en cas d’accident de travail. Dans le cas présent, la société [4] a obtenu gain de cause, ce qui lui permet d’éviter des charges financières liées à la prise en charge de l’accident de Monsieur [I] [Z]. Cette décision souligne l’importance de la preuve dans les litiges relatifs aux accidents du travail et la nécessité pour les employeurs de se défendre efficacement contre les présomptions d’imputabilité. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
20 janvier 2025
Florence AUGIER, présidente
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Marie-José MARQUES, assesseur collège salarié
assistées lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière
tenus en audience publique le 18 novembre 2024
jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 20 janvier 2025 par le même magistrat
S.A.S.U. [4] C/ CPAM DE L’ISERE
N° RG 18/02307 – N° Portalis DB2H-W-B7C-TBL2
DEMANDERESSE
S.A.S.U. [4],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Quentin LHOMMEE, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2906
DÉFENDERESSE
CPAM DE L’ISERE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, ni représentée
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
S.A.S.U. [4]
CPAM DE L’ISERE
Me Quentin LHOMMEE, vestiaire : 2906
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
Me Quentin LHOMMEE, vestiaire : 2906
Une copie certifiée conforme au dossier
La société [4], entreprise de travail temporaire, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon le 18 octobre 2018 d’un recours contre la décision de la commission de recours amiable confirmant l’opposabilité à son égard de la prise en charge , au titre de la législation professionnelle, de l’accident mortel survenu à son salarié Monsieur [I] [Z] le 3 août 2017. (Procédure RG N° 18/02307)
Elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble de la même demande le 12 juin 2018.
Par jugement du 17 juin 2021, ce tribunal s’est déclaré incompétent au profit du pôle judiciaire de Lyon. (Procédure RG N° 21/01807)
Elle expose que Monsieur [I] [Z] a été victime d’un malaise sur son lieu de travail le 3 août 2017 à 15h et qu’il est décédé à 16h20 en dépit des soins prodigués par le médecin du SAMU ; que cependant ce médecin a relevé un obstacle médico-légal concernant les circonstances et causes du décès.
Elle fait valoir qu’elle n’a pas été destinataire du moindre document dans le cadre d’une procédure d’instruction qui aurait dû être mise en œuvre par la [3] et qu’elle n’a pas réceptionné l’avis de clôture de l’instruction l’invitant à consulter les éléments susceptibles de lui faire grief, de sorte que la procédure n’est pas contradictoire à son égard et qu’elle est bien fondée à contester l’opposabilité de la prise en charge du sinistre au titre de la législation sur les risques professionnels.
Elle expose que le décès de l’assuré résulte d’une cause totalement étrangère au travail, caractérisée par la consommation involontaire d’une dose létale d’opiacés ainsi que cela résulte du rapport de recherche toxicologique diligentée suite à l’obstacle médico-légal soulevé par le médecin du SAMU.
Elle souligne que ce rapport établi également que la substance létale n’a pas été consommée sur le lieu du travail mais plusieurs heures avant le début de la journée de travail dans un contexte non professionnel.
Elle sollicite en conséquence que la décision de prise en charge du décès de Monsieur [Z] le 3 août 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable.
Elle demande à titre subsidiaire que soit ordonnée une expertise médicale judiciaire sur l’origine et l’imputabilité du décès de Monsieur [Z].
La [3] conclut au débouté des demandes exposant qu’elle a bien avisé l’employeur que l’instruction du dossier était terminée et qu’il avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier par courrier recommandé avec avis de réception du 7 février 2018 qui n’a pas été réclamé par la société [4].
Elle fait valoir que les pièces versées aux débats par l’employeur ne sont pas de nature à détruire juridiquement la présomption d’imputabilité du malaise mortel survenu au temps et au lieu du travail ; que M. [Z] travaillait sur un chantier de maçonnerie sous des températures très élevées lorsque le malaise est survenu et qu’il n’est pas démontré que les lésions ont une cause totalement étrangère au travail.
Il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de la jonction de la procédure n° 18/02307 à la procédure n°21/01807.
L’article L. 411 –1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au temps et au lieu du travail qui s’applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse mais également en cas de litige entre l’employeur et la caisse.
Monsieur [I] [Z], salarié la société [4], mis à la disposition de la société [5] en qualité de maçon, a été victime d’un accident survenu le 3 août 2017 consistant en un malaise qui a entraîné son décès une heure et demi plus tard, malgré l’intervention des pompiers et du SAMU.
Les circonstances du malaise sont ainsi décrites dans la déclaration d’accident du travail établi par l’employeur le 4 août 2017 : « la victime a commencé à tituber. Le chef d’équipe l’a fait asseoir pour le rafraîchir. Il s’est mis à trembler et à baver ».
La [3] a procédé à une enquête et a notifié à la société [4] par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 février 2018 la clôture de l’instruction du dossier avec possibilité pour l’employeur de consulter les pièces constitutives du dossier avant la décision sur le caractère professionnel de l’accident qui devait intervenir le 26 février 2018.
La société [4] n’a pas réclamé le courrier qui lui a été adressé par la caisse. La caisse justifie avoir respecté le caractère contradictoire de la procédure.
L’employeur verse aux débats les éléments de l’enquête diligentée par le parquet de Grenoble alors que le certificat de décès établi par le médecin du SAMU mentionnait un obstacle médico-légal.
Le rapport toxicologique réalisé dans le cadre de cette enquête permet de retenir que Monsieur [Z] présentait une concentration sanguine d’ordre toxique et potentiellement létale en tramadol qui est un antalgique opiacé.
La concentration en tramadol retrouvée était 15 fois supérieure à la dose thérapeutique et 2,7 fois supérieure à la concentration considérée comme toxique, étant noté que le surdosage entraîne miosis, vomissements, collapsus cardio-vasculaire, dépression respiratoire pouvant aller jusqu’à l’arrêt respiratoire, le coma et les convulsions.
La société [4] rapporte ainsi la preuve de l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine du décès de Monsieur [Z].
Il y a lieu en conséquence de lui déclarer inopposable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle du malaise mortel dont a été victime ce salarié le 3 août 2017.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en 1er ressort,
ORDONNE la jonction de la procédure n° 18/02307 à la procédure n°21/01807,
DÉCLARE la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident mortel du travail de Monsieur [I] [Z] en date du 3 août 2017 inopposable à la société [4],
LAISSE les dépens à la charge de la [3].
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 20 janvier 2025 et signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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