L’Essentiel : Le 24 février 2015, M. [A] [H] a subi un accident du travail, entraînant une chute. Le tribunal judiciaire de Bobigny a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, la société [8], le 3 octobre 2023, ordonnant une majoration de la rente et une expertise médicale pour évaluer les préjudices. La société a contesté le jugement, demandant un taux d’incapacité de 30 %, mais sa requête a été rejetée. L’expert a noté des complications, dont une algodystrophie, et a évalué le déficit fonctionnel permanent à 22 %. Le tribunal a alloué des indemnités pour divers préjudices, avec exécution provisoire de la décision.
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Accident et Reconnaissance de Faute InexcusableLe 24 février 2015, M. [A] [H] a subi un accident du travail entraînant une chute lors de l’exécution de ses tâches en tant que technicien. Le tribunal judiciaire de Bobigny, par jugement du 3 octobre 2023, a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, la société anonyme [8], et a ordonné la majoration de la rente ainsi qu’une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par M. [H]. Requêtes de la Société Anonyme [8]Suite à ce jugement, la société [8] a déposé une requête en omission de statuer, demandant que le taux d’incapacité opposable soit fixé à 30 % et que certaines missions d’expertise soient retranchées. Le juge a rejeté cette requête par ordonnance du 22 décembre 2023, et l’expert a soumis son rapport le 6 mars 2024. Audiences et Demandes d’IndemnisationL’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, avec des demandes d’indemnisation de M. [H] s’élevant à des montants significatifs pour divers préjudices, y compris des souffrances physiques et morales, des préjudices esthétiques, et des pertes de qualité de vie. La société [8] a contesté ces demandes, proposant des montants inférieurs. Évaluation des Préjudices par l’ExpertL’expert a évalué les souffrances de M. [H] et a noté des complications telles qu’une algodystrophie et des troubles psychologiques. Il a également mentionné la nécessité d’une assistance par une tierce personne et a évalué le déficit fonctionnel permanent à 22 %. Décision du TribunalLe tribunal a statué sur les demandes d’indemnisation, allouant des sommes spécifiques pour chaque chef de préjudice, tout en précisant que la réparation des préjudices serait versée directement par la CPAM, qui récupérera les montants auprès de l’employeur. La société [8] a été condamnée à verser des frais d’assistance et à supporter les dépens. Conclusion et Exécution ProvisoireLe tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision et a rappelé que tout appel devait être interjeté dans un délai d’un mois. Les montants alloués à M. [H] ont été détaillés, incluant des indemnités pour souffrances, préjudices esthétiques, et autres frais liés à l’accident. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur sur l’indemnisation des préjudices ?La faute inexcusable de l’employeur a des conséquences significatives sur l’indemnisation des préjudices subis par la victime d’un accident du travail. Selon l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, « lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L. 452-2 et suivants du même code. » Cette disposition implique que la victime peut demander une majoration des indemnités qui lui sont dues, comme le précise l’article L. 452-2 : « dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. » Il est également important de noter que, selon l’article L. 452-3, « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. » Ainsi, la victime peut obtenir une réparation intégrale de ses préjudices, y compris ceux qui ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, ce qui élargit considérablement ses droits à indemnisation. Comment se détermine le montant de l’indemnisation pour souffrances physiques et morales ?Le montant de l’indemnisation pour souffrances physiques et morales est déterminé en fonction de l’évaluation des souffrances endurées par la victime, qui doit être fondée sur des éléments objectifs et subjectifs. L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale stipule que « la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. » Dans le cas de M. [A] [H], l’expert a évalué ses souffrances à 3,5 sur 7, prenant en compte les douleurs importantes, le suivi au centre anti-douleur, et le syndrome anxiodépressif. M. [A] [H] a demandé 20 000 euros pour ses souffrances, tandis que la société [8] a proposé 10 000 euros. Le tribunal a finalement décidé d’allouer 10 000 euros, en se basant sur l’évaluation de l’expert et les éléments de la procédure, ce qui montre que l’indemnisation est souvent le résultat d’une négociation entre les parties et d’une évaluation par un expert. Quels sont les critères d’évaluation du préjudice esthétique ?Le préjudice esthétique est évalué en fonction de l’altération de l’apparence physique de la victime, tant avant qu’après la consolidation de son état. Ce préjudice est distinct du préjudice moral et doit être évalué selon des critères précis. L’expert utilise une échelle de 1 à 7 pour quantifier le degré de préjudice esthétique. Le tribunal se réfère à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qui précise que la réparation des préjudices est versée directement par la caisse, qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Dans le cas de M. [A] [H], il a sollicité 5 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire et 3 000 euros pour le préjudice esthétique permanent. L’expert a évalué le préjudice temporaire à 3 sur 7 et le préjudice permanent à 1,5 sur 7. Le tribunal a décidé d’allouer 3 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire et 1 500 euros pour le préjudice esthétique permanent, en tenant compte de la cicatrice et de la boiterie, ainsi que de l’impact sur la vie quotidienne de la victime. Comment se calcule l’indemnisation pour déficit fonctionnel temporaire ?L’indemnisation pour déficit fonctionnel temporaire est calculée en fonction de l’incapacité de la victime à mener ses activités habituelles pendant la période de maladie traumatique, jusqu’à la consolidation de son état. Le tribunal se base sur l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qui stipule que la réparation des préjudices est versée directement par la caisse. Dans le cas de M. [A] [H], l’expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire total pour les jours d’hospitalisation et des déficits partiels pour les périodes suivantes. Le tribunal a calculé l’indemnisation sur la base de 25 euros par jour, en tenant compte des jours d’incapacité totale et partielle, aboutissant à un total de 16 856,25 euros pour le déficit fonctionnel temporaire. Cette méthode de calcul prend en compte la durée de l’incapacité, le taux d’incapacité, et les conditions de vie de la victime pendant cette période. Quelles sont les conditions d’indemnisation pour les frais d’assistance par une tierce personne ?L’indemnisation pour les frais d’assistance par une tierce personne est accordée lorsque la victime a besoin d’aide en raison de son handicap, et ce, même temporairement. L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale précise que les frais d’assistance ne sont pas couverts par le livre IV et doivent être indemnisés sans condition de production de justificatifs des dépenses effectives. Dans le cas de M. [A] [H], il a sollicité une indemnisation sur la base de 22 euros de l’heure, tandis que la société [8] a proposé 12 euros. L’expert a retenu la nécessité d’une assistance de deux heures par jour pendant 45 jours, puis d’une heure par jour pour les périodes suivantes. Le tribunal a finalement décidé d’indemniser ce préjudice à hauteur de 25 008 euros, en se basant sur un tarif de 16 euros de l’heure, ce qui montre que l’indemnisation est fondée sur l’évaluation des besoins réels de la victime. Comment se détermine l’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent ?L’indemnisation pour déficit fonctionnel permanent est déterminée en fonction de la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime après la consolidation de son état. L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale stipule que la réparation des préjudices est versée directement par la caisse, qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Dans le cas de M. [A] [H], l’expert a évalué son déficit fonctionnel permanent à 22 %, en tenant compte des atteintes à l’appareil locomoteur et des troubles psychiatriques. M. [A] [H] a demandé 62 700 euros pour ce préjudice, tandis que la société [8] a contesté le montant. Le tribunal a finalement alloué 62 260 euros, en considérant que la perte de qualité de vie était incluse dans cette indemnisation, ce qui souligne l’importance d’une évaluation précise et complète des conséquences de l’accident sur la vie de la victime. |
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JANVIER 2025
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/00884 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XYA7
N° de MINUTE : 25/00162
DEMANDEUR
Monsieur [A] [H]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 0790
DEFENDEUR
S.A. [8] ([8])
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BEAUMONT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0372
CPAM DE SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 04 Novembre 2024.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Sonia BOUKHOLDA et Madame Catherine DECLERCQ, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Sonia BOUKHOLDA, Assesseur salarié
Assesseur : Catherine DECLERCQ, Assesseur non salarié
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Mylène BARRERE, Me Stéphanie BUREL, Maître Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BEAUMONT
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/00884 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XYA7
Jugement du 17 JANVIER 2025
Par jugement du 3 octobre 2023, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, le tribunal judiciaire de Bobigny a dit que l’accident dont M. [A] [H] a été victime le 24 février 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société anonyme [8]. Le tribunal a notamment :
– ordonné la majoration de la rente,
– dit que la majoration suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué,
– fait droit à l’action récursoire de la caisse,
– avant dire droit sur la réparation des préjudices, ordonné une expertise médicale confiée au docteur [L] [R]-[W],
– accordé une provision de 8000 euros au demandeur.
Par requête en omission de statuer et en retranchement d’un chef de mission d’expertise reçue le 30 octobre 2023, la société [8] a demandé au tribunal de :
– déclarer que le taux opposable à la société [8] est celui de 30 % initialement fixé par la CPAM,
– déclarer que l’assiette du recours de la CPAM sera limitée à ce seul taux,
– retrancher du dispositif de la décision le chef de mission portant sur l’évaluation du déficit fonctionnel permanent.
Par ordonnance du 22 décembre 2023, le juge chargé du contrôle de l’expertise a rejeté la requête en retranchement d’un chef de mission d’expertise présentée par la société [8].
La requête en omission de statuer a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/2200.
L’expert a déposé son rapport le 6 mars 2024, notifié aux parties par lettre du 9 avril.
L’affaire a été appelée à l’audience de renvoi du 22 avril 2024, date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi compte tenu de la notification tardive du rapport. Elle a de nouveau été renvoyée à l’audience du 1er juillet 2024, les parties n’étant pas en état. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 4 novembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions en ouverture de rapport n° 2, déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [A] [H], présent et assisté par son conseil, demande au tribunal de :
– lui allouer les sommes suivantes au titre de l’indemnisation de ses préjudices :
20 000 euros au titre des souffrances physiques et morales, 5000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,3000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,20 227,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,87 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,30 000 euros au titre du préjudice d’agrément,15 000 euros au titre du préjudice sexuel,1500 euros au titre des frais divers,34 398,32 euros au titre de la tierce personne temporaire,58 714,40 euros au titre des frais d’aménagement du véhicule,- dire que la CPAM fera l’avance des sommes allouées,
– dire qu’elles porteront intérêt au taux légal à compter de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner la société [8] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens,
– débouter les parties défenderesses de l’ensemble de leurs demandes contraires,
– rendre le jugement commun à la CPAM de Seine-Saint-Denis,
– ordonner l’exécution provisoire.
Par conclusions après expertise, déposées et soutenues oralement à l’audience, la SA [8], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– débouter M. [A] [H] de ses demandes au titre de la perte de qualité de vie et de toutes les demandes réservées au titre de l’incidence professionnelle et de l’amanégement du logement,
– réduire à de plus justes proportions les demandes formées au titre du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel,
– fixer les préjudices comme suit :
10 000 euros au titre des souffrances endurées,3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,15 473,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,62 260 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,1500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,18 732 euros au titre de l’assistance tierce personne,25 357,20 euros au titre de l’aménagement du véhicule,- déduire la provision versée,
– dire que les sommes seront avancées par la CPAM,
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires.
Par observations formulées oralement à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, représentée par son conseil, s’en rapporte à l’appréciation du tribunal et sollicite le bénéfice de son action récursoire.
En ce qui concerne la requête en omission de statuer, le conseil de la société [8] a indiqué ne pas avoir reçu mandat de la part de sa cliente pour se désister.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2024, prorogé à la date figurant en tête du présent jugement.
Sur la jonction
Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, “le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. […]”
En l’espèce, la SA [8] a déposé une requête en omission de statuer après notification du jugement du 3 octobre 2023.
Il est de bonne administration de joindre les deux procédures
La jonction sera ordonnée
sous le numéro RG 23/0884.
Sur l’indemnisation des préjudices
L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L. 452-2 et suivants du même code.
Aux termes de l’article L. 452-2 de ce code, “dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
[…]
Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. […]
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.”
Aux termes de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. […]
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».
Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l’étendue de la réparation des préjudices due à la victime d’un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur et a ainsi opéré une distinction entre les préjudices indemnisables car non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et ceux qui ne le sont pas car déjà réparés au titre du livre IV.
Elle a, par deux arrêts d’Assemblée plénière du 20 janvier 2023, jugé que le déficit fonctionnel permanent pouvait être indemnisé, celui-ci n’étant pas couvert par les sommes allouées au titre du livre IV du code de la sécurité sociale.
Il s’ensuit que le salarié ne saurait prétendre à la réparation intégrale de ses préjudices selon les règles de droit commun, la réparation de la faute inexcusable de l’employeur continuant à relever du régime spécifique prévu par les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de sécurité sociale. Seuls les chefs de préjudice qui ne sont pas déjà couverts par le livre IV du code de sécurité sociale peuvent faire l’objet d’une indemnisation dans les conditions du droit commun.
En l’espèce, M. [A] [H], engagé en qualité de technicien à compter du 1er décembre 2014, effectuait des mesures aérauliques en toiture le 24 février 2015. Il a glissé puis chuté.
Selon le rapport d’expertise du docteur [R]-[W] et les pièces de la procédure, M. [A] [H] a d’abord été transporté à l’hôpital [9]. Le compte-rendu des urgences de cet hôpital indique : “chute cet après-midi, fracture oblique de la malléole externe de la cheville gauche avec diastasis tibiotalien. Avis orthopédique : transfert par manque de place”. Il est transféré à la clinique [7] où il est opéré le lendemain et dont il sortira le surlendemain. Le compte rendu opératoire du 25 février 2015 mentionne : “réduction par ostéosynthèse à ciel ouvert par plaque sous anesthésie générale […] Consignes post-opératoires : pas d’appui pendant 45 jours, anticoagulant 45 jours, lovenox, antalgiques à la demande, protocole antibiotique pendant 24 heures, surélévation du membre”.
Le rapport de l’expert détaille les suites de cette opération : au delà des 45 jours, l’assuré se déplace avec des béquilles et le 16 juin 2015, le chirurgien prescrit de la rééducation de la cheville. Le traitement antalgique est régulièrement renouvelé.
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/00884 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XYA7
Jugement du 17 JANVIER 2025
Des douleurs violentes justifient la réalisation d’une scintigraphie le 10 juin 2015 qui met en évidence une algodystrophie.
Il est hospitalisé à la clinique [7] pour ablation du matériel d’ostéosynthèse le 1er juin 2016, des béquilles sont à nouveau prescrites à la sortie.
Le 26 octobre 2017, le docteur [X], rhumatologue, note que le patient “présente de violentes douleurs au niveau de la cheville qui avait été opérée par plaque. L’immobilisation trop longue a entretenu une algodystrophie rebelle à tout traitement.”
L’expert indique : “le patient tente une reprise de travail en septembre 2017 pendant quelques jours, puis survenue de douleurs violentes et échec de la reprise. Il tente de suivre une formation mais en vain en raison d’une recrudescence des douleurs au niveau de la jambe gauche.
Il est pris en charge par le centre antidouleur de l’hôpital Foch par le docteur [S]. Le traitement instauré par le centre antidouleur comporte la mise en place d’une stimulation électrique transcutanée incomplètement efficace, d’où l’indication d’une stimulation implantée pour laquelle l’assuré a hésité à se faire opérer. Le jour de l’expertise elle n’a pas été réalisée.”
L’expert indique que parallèlement, M. [H] est suivi à compter du mois de novembre 2015 par plusieurs psychiatres avec rendez-vous fréquents, deux à trois fois par mois. Le traitement comporte un anxiolytique, un psychotrope et un antidépresseur. Il n’y a pas eu d’hospitalisation en psychiatrie malgré, selon le patient, des tentatives d’autolyse.
Le 14 juin 2017, la MDPH lui notifie la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés avec accord pour une orientation professionnelle et une carte de priorité.
L’expert reproduit partiellement le compte rendu de consultation du 21 décembre 2020 du docteur [F] qui indique : “l’état psychologique de M. [H] justifie d’un arrêt de travail. Il souffre surtout d’une dépression réactionnelle à l’état physique, tout à fait délétère qui justifie aussi une mise en arrêt de travail et une mise en invalidité pour inaptitude à tout poste de travail en tout cas, au sein de son entreprise. Un dernier essai de travail dans le cas du CRPE s’est révélé négatif, il semble important de le sortir de sa situation professionnelle qui ne débouche sur rien. Un licenciement pour inaptitude me paraît la seule sortie possible.”
Le rapport de l’expert indique que le 1er février 2022, le médecin médecin du travail donne un avis d’inaptitude médicale en un seul examen. Il est licencié en raison d’une inaptitude médicale le 23 février 2022 avec impossibilité de reclassement. Actuellement il n’a pas repris d’activité, il n’est pas inscrit à Pôle emploi.
M. [H] est consolidé le 31 mars 2022. Par lettre du 12 mai 2022, la CPAM de Seine-Saint-Denis lui a notifié un taux d’incapacité permanente de 30 % pour “séquelles indemnisables d’une fracture de la cheville gauche traitée chirurgicalement compliquée d’algodystrophie consistant en une limitation des mobilités de la cheville gauche sur douleurs neuropathiques associées à une dépression réactionnelle nécessitant un suivi psychiatrique et un traitement médicamenteux”.
Par décision du 17 novembre 2022, la commission médicale de recours amiable a décidé de “maintenir le taux psychiatrique à 20 % et de porter le taux somatique à 15 % en raison de la limitation fonctionnelle de la mobilité tibiotarsienne et sous talienne associée à des troubles trophiques résiduels légers, et à des douleurs neuropathiques nécessitant une thérapeutique spécifique au long cours. La règle de Balthazar sera appliquée, portant le taux global à 32 %”.
Au terme de son rapport, le docteur [R]-[W] retient au titre des séquelles imputables :
– une gêne fonctionnelle et douloureuse de la cheville gauche avec limitation de la mobilité de de la cheville dans un angle favorable avec complications d’algodystrophie au membre inférieur gauche,
– un syndrome de stress post-traumatique s’exprimant dans un tableau de dépression réactionnelle ayant nécessité une prise en charge psychiatrique et un traitement qui est toujours en cours,
– une cicatrice de 14 cm siégeant à la face externe du tiers inférieur de la jambe gauche,
– une boiterie à gauche avec desaxation du pied et appui sur l’arche interne sans rétrécissement du membre inférieur gauche
Sur les demandes d’indemnisation complémentaire présentées par M. [A] [H]
En application des dispositions rappelées ci-dessus, n’ouvrent droit devant la juridiction du contentieux social à aucune autre action de la victime d’un accident du travail causé par une faute inexcusable commise par l’employeur les préjudices déjà réparés, même forfaitairement ou avec limitation par application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.
Sur les chefs de préjudice visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale
Sur les souffrances physiques et morales endurées
Les souffrances endurées correspondent à toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés, endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, dignité et intimité présentées et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation. Après la consolidation, les souffrances chroniques sont une composante du déficit fonctionnel.
Les souffrances endurées sont réparables en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale si elles ne sont pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.
M. [A] [H] sollicite la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées. Il se fonde sur le rapport de l’expert qui a évalué ses souffrances à 3,5/7. Il souligne les douleurs importantes ayant nécessité un suivi au centre anti-douleur, le syndrome anxiodépressif ayant nécessité un suivi et ajoute un sentiment d’inutilité sociale douloureux.
La société [8] estime que la somme de 10 000 euros réparerait justement ce préjudice.
L’évaluation de l’expert est fondée sur le traitement permanent à visée anxiodépressive au delà d’un an, de la prise d’antalgiques, de soins de rééducaction, d’une complication neuroalgodystrophique du membre inférieur gauche, d’un suivi psychiatrique et d’un suivi au centre de la douleur.
Au regard des éléments de la procédure et des conclusions de l’expert, il convient d’allouer à M. [A] [H] la somme de 10 000 euros au titre des souffrances endurées.
Sur le préjudice esthétique
Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l’état de la victime.
Il consiste à réparer le préjudice esthétique liées aux cicatrices et aux mutilations mais aussi la boiterie ou le fait pour une victime d’être obligée de se présenter en fauteuil roulant ou d’être alitée et tous éléments de nature à altérer l’apparence ou l’expression. Le préjudice esthétique est réparé en fonction du degré retenu par l’expert sur l’échelle de 1 à 7.
Ce préjudice est modulé en fonction de la localisation des cicatrices, de l’âge de la victime lors de la survenance du dommage, de sa profession et de sa situation personnelle.
M. [A] [H] sollicite la somme de 5000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 3000 euros au titre du préjudice permanent.
La société [8] estime que la somme de 3000 euros réparerait justement le préjudice esthétique temporaire, et celle de 1500 euros, le préjudice permanent.
L’expert retient un préjudice esthétique avant consolidation chiffré à 3/7 en raison de la cicatrice opératoire et de la déambulation avec les deux béquilles.
Elle évalue le préjudice esthétique définitif à 1,5/7 pour la cicatrice de la face externe de la cheville de 14 cm et la boiterie.
Au regard de ces éléments, le préjudice esthétique temporaire sera indemnisé à hauteur de 3000 euros et le préjudice esthétique permanent à hauteur de 1500 euros.
Sur le préjudice d’agrément
Ce poste de préjudice répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non plus, comme auparavant, la perte de qualité de vie subie avant consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent. La réparation ne se limite pas à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités. L’appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l’âge, du niveau sportif…
Le préjudice d’agrément visé à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale vise exclusivement à l’indemnisation du préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
M. [A] [H] sollicite la somme de 30 000 euros indiquant ne plus pouvoir pratiquer le football, la musculation-fitness, la course à pied et le vélo.
Il fait valoir que ces activités lui sont désormais impossibles du fait de sa cheville. Il ajoute que la dépression réactionnelle sévère dont il souffre l’a conduit à abandonner toute activité sportive en raison de la perte d’élan vital. Il souligne qu’il n’avait que 25 ans au moment de l’accident et qu’il était en pleine possession de ses moyens.
La société [8] conclut à ce que la somme soit réduite à de plus justes proportions faisant valoir que la pratique sportive reste possible.
L’expert indique que l’assuré ne peut plus pratiquer d’activité de loisir ou de sport nécessitant l’appui du membre inférieur gauche.
Le demandeur produit plusieurs attestations de membres de sa famille et d’amis indiquant qu’ils avaient ensemble une pratique physique régulière (football, natation, musculation) ce qui n’est plus le cas depuis l’accident.
L’existence d’un préjudice d’agrément n’est pas contestée par la société [8] et est démontré par les pièces de la procédure.
En conséquence, il convient d’allouer en réparation de ce préjudice la somme de 5000 euros.
Sur les chefs de préjudice non visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond à la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).
En l’espèce, M. [A] [H] sollicite la somme totale de 20 227,50 euros sur la base de 30 euros par jour pour un DFT total.
La société [8] estime que l’indemnisation sur la base de 23 euros par jour est satisfaisante.
L’expert retient :
– un déficit fonctionnel temporaire total pour toute la durée des hospitalisations du 24 au 26 février 2015 et le 1er juin 2016, soit 4 jours,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 3, soit 50 %, du 27 février 2015 au 31 mai 2015, en raison de l’absence d’appui, la déambulation avec deux béquilles, les soins antalgiques et infirmiers, les injections d’anticoagulant, les troubles du sommeil et les ruminations,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2, soit 25 % du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, en raison des soins de kinésithérapie, des soins antalgiques et de la prise en charge psychiatrique pour syndrome post-traumatique,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2, soit 25 % du 2 juin 2016 jusqu’au 31 mars 2022, date de la consolidation en raison du traitement pour la douleur, des soins de rééducation, du traitement psychiatrique et des consultations chez le psychiatre et au centre antidouleur.
Au regard des faits rapportés ci-dessus, il convient d’indemniser M. [A] [H] sur la base forfaitaire de 25 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire à 100 %. Il lui sera allouée les sommes suivantes :
– 25 x 4 jours, pour le déficit fonctionnel temporaire total, soit 100 euros,
– 25 x 50 % x 94 jours, soit 1175 euros,
– 25 x 25 % x 2493 jours, soit 15 581,25 euros
Soit la somme totale de 16 856,25 euros.
Sur l’assistance par une tierce personne
Dans le cas où la victime a besoin du fait de son handicap d’être assistée pendant l’arrêt d’activité et avant la consolidation par une tierce personne, elle a le droit à l’indemnisation du financement du coût de cette tierce personne.
Les frais d’assistance par une tierce personne à titre temporaire ne sont pas couverts au titre du livre IV et doivent être indemnisés sans être pour autant réduits en cas d’assistance d’un membre de la famille ni subordonnés à la production de justificatifs des dépenses effectives.
M. [A] [H] sollicite une indemnisation sur la base de 22 euros de l’heure.
La société [8] soutient qu’il convient de retenir une base d’indemnisation de 12 euros de l’heure.
La nécessité d’un recours à une tierce personne provisoire suite aux conséquences de l’accident est matériellement établie par le rapport d’expertise retenant la nécessité d’une assistance à raison de deux heures par jour pendant les 45 premiers jours pour les déplacements, les activités ménagères, les soins d’hygiène puis d’une heure par jour pour les mêmes motifs jusqu’à la fin de la période de classe 3 et de quatre heures par semaine pour les périodes de classe 2.
Au regard des éléments du dossier et de ce qui a été dit ci-dessus concernant les périodes indemnisables, la demande d’indemnisation de ce chef de préjudice est fondée et sera calculée sur la base de 16 euros de l’heure comme suit : 2 x 16 x 45 + 1 x 16 x 49 + 4 x 16 x 356, soit la somme totale de 25 008 euros.
Sur la demande au titre du déficit fonctionnel permanent
Il est désormais admis que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, celui-ci peut par suite être indemnisé spécifiquement selon les conditions de droit commun.
Le déficit fonctionnel permanent est lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel. Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’ est à dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté. Ce poste de préjudice permet d’indemniser non seulement l’atteinte à l’intégrité physique et psychique au sens strict mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.
M. [H] sollicite la somme de 62 700 euros au regard du taux de 22 % retenu par l’expert outre 25 000 euros au titre de la perte de qualité de vie.
La société [8] estime que la valeur du point est de 2830 euros et non 2850 euros comme le demande M. [H] et conclut qu’aucune indemnisation au titre de la perte de qualité de vie ne peut être accordée en sus ce qui ferait doublon.
L’expert retient, sur la base du barème de droit commun, un déficit fonctionnel permanent global imputable aux faits de l’instance de 22 % pour :
1. Appareil locomoteur : perte de la flexion dorsale et plantaire 7 %
2. Psychiatrie : troubles persistants de l’humeur, état dépressif résistant 15 %.
Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il n’y a pas lieu de prévoir une indemnisation spécifique de la perte de qualité de vie laquelle est incluse dans l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent.
Ce préjudice sera justement réparé par l’allocation de la somme de 62 260 euros.
Sur le préjudice sexuel
Il convient de distinguer trois types de préjudices de nature sexuelle :
– le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,
– le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel ( perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir),
– le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical etc.).
M. [H] sollicite le versement d’une somme de 15 000 euros au titre de ce préjudice faisant valoir un retentissement psychologique particulièrement important qui pèse lourdement sur cet aspect de sa vie avec une baisse très nette de sa libido, confinant à une extinction. Il souligne qu’il est très isolé et n’a pas de vie affective.
La société [8] relève que ce préjudice n’a été retenu que sur la base des déclarations du demandeur et sollicite par suite que les sommes allouées soient ramenées à de plus justes proportions.
L’expert indique qu’il n’y a d’atteinte des organes sexuels. Elle indique que le demandeur allègue une baisse de la libido et une gêne positionnelle.
Au regard des éléments du dossier, notamment le syndrome anxiodépressif nécessitant toujours un suivi, l’existence d’un préjudice sexuel peut être retenue. Il sera réparé par l’allocation de la somme de 5000 euros.
Sur les frais de véhicule adapté
Il est admis que la victime de la faute inexcusable peut demander l’indemnisation des coûts relatifs à l’adaptation du véhicule rendue nécessaire par les séquelles de l’accident, ce poste n’étant pas indemnisé par le livre IV du code de la sécurité sociale.
M. [H] sollicite la somme de 58 714,40 euros correspondant à l’achat d’un véhicule avec boîte automatique pour éviter la sollicitation du pied gauche. Il fait valoir que le différentiel de coût avec un véhicule classique est de 4000 euros, qu’il convient de retenir une acquisition initiale en 2016 à un an de l’accident, puis un renouvellement en 2022 et un renouvellement ensuite tous les six ans.
La société [8] soutient qu’une boîte automatique coûte entre 1500 et 2000 euros et estime que le préjudice sera correctement indemnisé par l’octroi de la somme de 25 357,20 euros.
L’expert a retenu qu’il convenait de prévoir une boîte automatique pour le véhicule.
Pour justifier de sa demande à ce titre, M. [H] produit deux offres commerciales pour l’achat d’une Renault Clio esprit Alpine TCE 90 (24 000 euros) et pour le même véhicule e-tech full hybrid 145 avec boîte automatique (28 000 euros).
Les seules pièces produites au soutien de la demande ne permettent pas de retenir l’évaluation faite par le demandeur, dans un contexte d’évolution sensible des modalités de transmission et de commande des véhicules.
Dans ces conditions, l’adaptation du véhicule rendue nécessaire par les séquelles de l’accident (boîte automatique) sera indemnisée par l’allocation de la somme de 25 357,20 euros non contestée par l’employeur.
Sur la demande au titre des frais d’assistance à expertise
En droit, les frais d’assistance aux opérations d’expertise exposés par la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, qui sont la conséquence directe de cet accident, ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il s’ensuit que de tels frais ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l’employeur.
M. [H] sollicite la somme de 1500 euros de ce chef et produit les notes d’honoraires du docteur [M] qui a rédigé une note technique puis l’a assisté lors des opérations d’expertise.
La société [8] ne formule aucune observation sur cette demande.
Au regard des justificatifs produits, il convient de faire droit à la demande.
Le demandeur mentionne enfin pour mémoire la perte de chance de promotion professionnelle, l’aménagement du logement ou les pertes de gains futures et de l’incidence professionnelle sans formuler aucune demande de ces chefs. Le tribunal n’a pas à statuer sur des demandes dont il n’est pas saisi.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le préjudice de M. [A] [H] sera réparé comme suit : 10 000 euros au titre des souffrances endurées
3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
1500 euros au titre du préjudice esthétique permanent
5000 euros au titre du préjudice d’agrément
16 856,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
25 008 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne
62 260 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
5 000 euros au titre du préjudice sexuel
25 357,20 euros au titre des frais d’aménagement du véhicule
1500 euros au titre des frais d’assistance à l’expertise.
Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices est versée directement par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
La provision allouée par le jugement du 3 octobre 2023 doit être déduite.
Les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement en application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
Sur la requête en omission de statuer
Aux termes de l’article 463 du code de procédure civile, “La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité.
Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.
La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.”
La société [8] demande au tribunal de déclarer que le taux opposable à l’employeur est celui initialement fixé par la CPAM soit 30 %. Elle soutient qu’en omettant de le préciser dans le dispositif de la décision, le tribunal n’a pas tiré les conséquences de sa propre motivation.
En l’espèce, dans le jugement du 3 octobre 2023, le tribunal a rappelé qu’en application des dispositions de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur. Il a rappelé qu’en raison du principe d’indépendance des rapports, l’action récursoire de la caisse ne peut s’exercer que dans les limites du taux d’incapacité notifié à l’employeur.
Il est constant que le dispositif de la décision ne le précise pas.
Il convient en conséquence de le préciser dans la présente décision.
Sur les mesures accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SA [8], partie perdante, supportera les dépens.
Elle sera condamnée à versera à M. [H] la somme de 2500 euros sur le fondement l’article 700 du même code.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/0884 et RG 23/2200 sous le n° 23/0884 ;
Dit que l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à l’égard de la société anonyme [8] en ce qui concerne la majoration de la rente ne pourra s’exercer que dans la limite du taux d’incapacité opposable à l’employeur ;
Fixe l’indemnisation de M. [A] [H] en réparation de ses préjudices résultant de l’accident du travail dont il a été victime le 24 février 2015 comme suit :
10 000 euros au titre des souffrances endurées
3000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
1500 euros au titre du préjudice esthétique permanent
5000 euros au titre du préjudice d’agrément
16 856,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
25 008 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne
62 260 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
5 000 euros au titre du préjudice sexuel
25 357,20 euros au titre des frais d’aménagement du véhicule
1500 euros au titre des frais d’assistance à l’expertise ;
Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis versera les sommes allouées à M. [A] [H] au titre de la réparation de ses préjudices, déduction faite de la provision de 8000 euros accordée par jugement du 3 octobre 2023 ;
Rappelle que la caisse primaire d’assurance maladie dispose d’une action récursoire en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Met les dépens à la charge de la société anonyme [8] ;
Condamne la société anonyme [8] à verser la somme de 2500 euros à M. [A] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la Minute étant signée par :
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Denis TCHISSAMBOU Pauline JOLIVET
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