Retraite anticipée : détermination de la caisse compétente pour l’instruction des droits à pension

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Retraite anticipée : détermination de la caisse compétente pour l’instruction des droits à pension

L’Essentiel : M. [C] a été embauché en 1975 et a subi un accident du travail en 1976, entraînant une rente. En 2018, il a demandé une retraite pour pénibilité à la CNAV, qui a été rejetée. Après un recours infructueux, il a saisi le tribunal de Melun, qui a également débouté sa demande. M. [C] conteste ce jugement, arguant que la CNAV n’est pas la seule caisse compétente. La cour a finalement infirmé le jugement, ordonnant à la CNAV d’instruire sa demande tout en condamnant cette dernière à verser 1 500 euros pour les frais de justice.

Contexte de l’affaire

M. [M] [C] a été embauché en tant que cadre permanent de la [5] le 8 septembre 1975. Il a subi un accident du travail le 23 janvier 1976, reconnu comme tel, et a reçu une rente accident du travail à partir du 1er avril 1978, versée par la CPRPF depuis 2007. Il a quitté la [5] le 1er mai 1977 et a travaillé pour la Ville de Paris et dans le secteur privé.

Demande de retraite pour pénibilité

Le 23 mai 2018, M. [C] a demandé une retraite pour pénibilité à la CNAV, qui a été rejetée le 29 novembre 2018. Après une tentative infructueuse de recours amiable, il a saisi le tribunal de grande instance de Melun, qui a également débouté sa demande par jugement du 26 juillet 2019.

Arguments des parties

M. [C] conteste le jugement, soutenant que la CPRPF n’est pas la seule caisse compétente pour examiner sa demande de retraite anticipée pour pénibilité. Il demande à la cour de réformer le jugement et d’ordonner à la CNAV de traiter sa demande. La CNAV, de son côté, argue que M. [C] ne peut pas justifier d’un taux d’incapacité permanente requis pour une retraite pour pénibilité, tandis que la CPRPF soutient qu’il ne remplit pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’une pension de retraite du régime spécial.

Intervention de la CPRPF

La CPRPF a demandé à intervenir dans l’affaire, affirmant qu’elle avait un intérêt légitime à le faire, étant donné que la question de sa compétence pour traiter la demande de retraite était en jeu. La cour a déclaré son intervention recevable.

Compétence pour instruire la demande de retraite

La cour a examiné la compétence des caisses pour traiter la demande de retraite anticipée. Elle a conclu que la CNAV était la caisse compétente pour instruire la demande, en tenant compte des droits acquis par M. [C] dans le régime spécial de la [5].

Demande en dommages et intérêts

M. [C] a également demandé des dommages et intérêts, affirmant que le refus des caisses de traiter sa demande lui avait causé un préjudice financier. La cour a rejeté cette demande, estimant qu’il n’avait pas prouvé l’existence d’une faute ou d’un préjudice direct.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du tribunal de Melun, enjoignant la CNAV d’instruire la demande de retraite anticipée pour pénibilité de M. [C], tout en tenant compte des droits ouverts auprès de la CPRPF. Elle a également condamné la CNAV à verser 1 500 euros à M. [C] au titre des frais de justice, tout en déboutant la CPRPF de sa demande contre la CNAV.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence de la caisse pour instruire la demande de retraite anticipée pour pénibilité ?

La compétence de la caisse pour instruire une demande de retraite anticipée pour pénibilité est régie par plusieurs dispositions législatives.

L’article R.351-34 du code de la sécurité sociale précise que la demande de retraite doit être adressée à la dernière caisse du régime général à laquelle l’assuré a été affilié.

En l’espèce, le cotisant a été affilié au régime général de la sécurité sociale depuis 1984, après avoir quitté ses fonctions à la [5].

Ainsi, la CNAV est la caisse compétente pour instruire la demande de retraite anticipée pour pénibilité, même si le cotisant a des droits découlant de son affiliation au régime spécial de la [5].

De plus, l’article D.173-3 du code de la sécurité sociale stipule que les avantages auxquels un assuré peut prétendre sont liquidés par la dernière caisse régionale d’assurance chargée de la liquidation des prestations vieillesse.

Cela signifie que la CNAV doit prendre en compte les droits acquis dans le régime spécial lors de l’évaluation des droits à pension de coordination.

En conclusion, la CNAV est la caisse compétente pour instruire la demande de retraite anticipée pour pénibilité, tout en tenant compte des droits du cotisant auprès de la CPRPF.

Quelles sont les conditions pour bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité ?

Les conditions pour bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité sont définies par l’article D.351-13 du code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que pour prétendre à une retraite pour pénibilité, le demandeur doit justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 10 % reconnu par le régime général, le régime des salariés agricoles ou le régime des non-salariés agricoles.

Il est important de noter que le régime spécial de la [5] n’est pas inclus dans ces dispositions, ce qui signifie que les droits acquis dans ce régime ne peuvent pas être utilisés pour justifier d’un taux d’incapacité permanente dans le cadre d’une demande de retraite pour pénibilité.

En outre, l’article 3-I du décret 2008-639 du 30 juin 2008 précise que les agents ayant quitté la [5] avant le 1er juillet 2008 ne peuvent pas prétendre à une pension de retraite proportionnelle, sauf s’ils ont au moins une année de services effectifs dans le cadre permanent de la [5].

Ainsi, le cotisant, ayant quitté la [5] en 1977, ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité au titre de son ancienneté dans ce régime spécifique.

Il doit donc se tourner vers la CNAV pour faire évaluer ses droits en tenant compte de ses périodes d’affiliation à différents régimes.

Quelles sont les conséquences d’un refus de la caisse de retraite sur la demande de dommages et intérêts ?

L’article 1240 du code civil stipule que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour qu’une demande de dommages-intérêts soit recevable, le demandeur doit prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Dans le cas présent, le cotisant soutient que le refus des caisses de traiter sa demande l’a privé de ses droits à la retraite, entraînant un préjudice financier.

Cependant, la cour a constaté que la CNAV avait répondu à sa demande, même si la réponse était négative.

Le droit de recours du cotisant a également été exercé, ce qui montre qu’il a eu la possibilité de contester la décision.

De plus, la CPRPF est encore en instance concernant le refus de sa demande, ce qui signifie que cette décision ne peut pas faire l’objet d’une demande de réparation à ce stade.

En conséquence, le cotisant ne peut pas établir l’existence d’un préjudice direct et actuel, ni même d’une perte de chance, car il n’est pas prouvé qu’il ait un droit certain à la retraite anticipée pour pénibilité.

Ainsi, la cour a débouté le cotisant de sa demande en dommages et intérêts, considérant qu’il n’y avait pas de faute de la part des organismes concernés.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 17 janvier 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/09538 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUPE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MELUN RG n° 19/00140

APPELANT

Monsieur [M] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Jérôme BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J126 substitué par Me Jean-jacques BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0162

INTIMES

CNAV CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par M. [Z] [N] en vertu d’un pouvoir spécial

Monsieur [M] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Jérôme BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J126 substitué par Me Jean-jacques BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0162

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DE LA SNCF

représentée par Me Cécile POITVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0048

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 4 octobre 2024, prorogé au 13 décembre 2024, puis au 17 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [M] [C] d’un jugement prononcé le

26 juillet 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Melun dans un litige l’opposant à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), ainsi qu’à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire (CPRPF), intervenant volontairement à l’instance en cause d’appel.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que embauché en qualité de cadre permanent de la [5] le 8 septembre 1975, M. [M] [C] a, le 23 janvier 1976, a été victime d’un accident qui a été reconnu en accident du travail.

En réparation de cet accident de travail, une rente accident du travail lui a été allouée à compter du 1er avril 1978, servie depuis 2007 par la CPRPF.

Le cotisant a cessé ses fonctions à la [5] le 1er mai 1977, ayant ensuite travaillé auprès de la Ville de Paris à compter du 29 mai 1979 en qualité d’agent de service et ensuite en secteur privé.

Le 23 mai 218 il a formé auprès de la CNAV une demande de retraite pour pénibilité qui a été rejetée par décision du 29 novembre 2018.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, le cotisant a, le 04 mars 2019, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Melun qui, par jugement du

26 juillet 2019, a débouté le cotisant de son recours.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a relevé que l’accident du travail, dont le cotisant a été victime et dont les conséquences lui ouvrent un droit éventuel à bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité, a été reconnu et pris en charge au titre du régime spécial de la [5] vers lequel sa demande devait être dirigée.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 06 septembre 2019 à la société qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 24 septembre 2019.

L’affaire a alors été fixée à l’audience du 18 janvier 2023, puis renvoyée à la demande des parties aux audiences des 22 novembre, 22 décembre 2023 et enfin celle du 28 juin 2024 lors de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites déposées au dossier.

Le cotisant demande à la cour de :

– le juger recevable et fondé en ses demandes,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la CPRPF était le seul régime à même d’apprécier son droit à bénéficier d’une retraite anticipée pour pénibilité,

– juger que la CNAV est la caisse qui doit répondre à sa demande d’attribution d’une retraite anticipée pour pénibilité,

– faire injonction à la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, de lui accorder le bénéfice de ladite retraite,

– faire injonction à la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, de calculer son droit à pension de ce fait et de lui verser de façon rétroactive,

– condamner la CNAV, ou à la CPRPF si celle-ci était reconnue débitrice, à la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier subi du fait de la non prise en charge de ses demandes,

– débouter la CPRPF et la CNAV de toutes demandes formulées à son encontre,

– condamner la CNAV et la CPRPF à lui verser la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la CNAV et la CPRPF succombant aux entiers dépens.

Le cotisant signale que parallèlement à l’appel formé à l’encontre du jugement critiqué, il a présenté sa demande de retraite anticipée auprès de la CPRPF vers laquelle le tribunal l’invitait à se tourner. Suite au refus qui lui a été notifié par courrier du 1er juillet 2021, il a saisi le tribunal judiciaire de Melun par requête du 09 novembre 2021 afin de faire valoir ses droits. Le 18 mai 2022, la CPRPF a formé tierce opposition au jugement du

26 juillet 2019 et sollicité l’irrecevabilité du recours. Le tribunal a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir à la présente instance.

Le cotisant estime avoir valablement saisi de sa demande initiale la CNAV dans la mesure où la caisse compétente est soit la dernière caisse du régime général de sécurité sociale à laquelle a été affilié l’assuré, soit la caisse du régime général de sécurité sociale que l’assuré a saisi en application des dispositions de l’article R. 351-34 du code de la sécurité sociale.

Il souligne que la demande de départ en retraite anticipée d’un assuré qui a été affilié à plusieurs régimes, doit être soumise à une commission pluridisciplinaire, instituée auprès de chaque caisse, qui intervient pour effectuer les vérifications. Il précise qu’une telle commission n’existe pas auprès de la CPRPF qui ne peut dès lors pas procéder à l’analyse de sa situation.

Il en conclut qu’il devait bien présenter sa demande auprès de la CNAV qui doit y répondre, après analyse de la situation, au besoin sous injonction de la cour.

La CNAV demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel du cotisant à l’encontre de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Melun le 26 juillet 2019,

– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

– débouter le cotisant de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– débouter le CPRPF de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La CNAV fait valoir que le cotisant ne peut se prévaloir d’une rente attribuée à l’occasion de l’exercice d’une activité qui ne relevait pas du régime général (ou du régime agricole) pour justifier d’un taux d’incapacité permanente dans le cadre d’une demande de retraite pour pénibilité formulée auprès du régime général.

Elle indique que pour pouvoir prétendre à une retraite pour pénibilité, le demandeur doit notamment justifier d’un certain taux d’incapacité permanente (10 % au visa de l’article D. 351-13- du code de la sécurité sociale) reconnu par le régime général, le régime des salariés agricoles ou le régime des non-salariés agricoles. Le régime [5] n’étant pas prévu, elle ne pouvait que rejeter la demande.

La CPRPF demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

– infirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019, en toutes ses dispositions,

Y faisant droit,

– constater qu’elle a fait une juste application de la réglementation en vigueur,

– constater que le cotisant ne remplit pas la condition de quinze années de services valables pour la retraite pour pouvoir prétendre au bénéfice d’une pension de vieillesse du régime spécial de retraite du personnel ferroviaire,

– constater qu’il ne peut se voir liquider et servir par la CPRPF qu’une pension de type régime général,

– déclarer que la fraction de pension de base à la charge du régime spécial de retraite du personnel ferroviaire doit être servie par la CPRPF dans les conditions et au regard des éléments communiqués par le régime général de la sécurité sociale,

– déclarer qu’il ne peut se voir servir par la CPRPF qu’une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général de la sécurité sociale,

– constater qu’il appartient à la CNAV d’étudier la demande de retraite anticipée pour pénibilité déposée par le cotisant,

– constater le mal fondé des demandes du cotisant dirigées à l’encontre de la CPRPF,

– débouter le cotisant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la CPRPF,

– débouter la CNAV de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la CPRPF,

– condamner la CNAV à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit quant aux dépens.

La CPRPF estime, de la même façon que le cotisant, que la liquidation de la pension de coordination incombe au régime général qui applique ses propres modalités de calcul et notifie ensuite au régime spécial les éléments de calcul lui permettant d’assurer le service de la fraction de la pension de coordination à sa charge.

Elle rappelle qu’ayant quitté son emploi à la [5] en 1977, le cotisant ne peut bénéficier des dispositions de l’article 3-1 du décret 008-639 du 30 juin 2008 qui ouvre droit à pension de retraite proportionnelle à partir d’au moins une année de services effectifs dans le cadre permanent de la [5], pour les agents qui étaient encore en fonction après le

1er juillet 2008.

Elle souligne qu’elle ne dispose pas dans son organisation de commission pluridisciplinaire visée à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale pour évaluer les droits à retraite anticipée pour pénibilité, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une prestation du régime spécial, qui mais qui relève du régime général.

Au fond, elle précise que le cotisant ne remplissant pas la condition de quinze années de services à la [5], elle ne peut lui servir de retraite de pension de type régime général mais sera tenue de lui servir une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général de la sécurité sociale par les services de la CNAV.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement du 26 juillet 2019 et de statuer ce que de droit concernant la CNAV et, la concernant, de juger que seule la fraction de base à la charge du régime spécial doit être servie dans les conditions et au regard des éléments qui seront communiqués par le régime général de sécurité sociale, soit une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général.

En application de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour l’exposé complet des moyens développés et soutenus à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intervention volontaire de la CPRPF

L’article 329 du code de procédure civile dispose que :

‘L’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.’

L’article 330 du même code ajoute que :

‘L’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie.

Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

L’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention.’

En l’espèce, le cotisant après avoir déposé sa demande de retraite anticipée pour pénibilité auprès de la CPRPF, ainsi que le jugement dont appel l’y invitait, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Melun par requête du 09 novembre 2021 pour contester la décision de refus que la CPRPF lui a opposée.

A la présente instance, la cour est saisie de la résolution du même litige qui concerne directement la CPRPF qui a donc un intérêt légitime à intervenir, n’ayant pas été appelée en la cause par les parties ou le tribunal en première instance, alors que la question de l’éventualité de sa compétence à traiter de la demande de retraite est en jeu, ce dont elle se défend.

Le cotisant et la CNAV ne formulent aucune observation pour s’opposer à l’intervention volontaire de la CPRPF, le cotisant formant en outre des demandes à son encontre.

Il y a donc lieu de la déclarer recevable l’intervention volontaire de la CPRPF.

Sur la caisse compétente pour instruire la demande de retraite anticipée

L’article 3-I du décret 2008-639 du 30 juin 2008 dispose que :

‘Tout agent quittant ou ayant quitté la [5], [5] ou [5] sans pouvoir prétendre à une pension d’ancienneté au titre de l’article 1er ni à une pension de réforme au titre de l’article 2 et qui compte au moins une année de services effectifs dans le cadre permanent de la [5], [5] et [5] a droit à une pension de retraite proportionnelle dès qu’il a atteint l’âge correspondant à celui d’ouverture du droit à la retraite défini à l’article 1er.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables aux agents ayant quitté la [5] avant le 1er juillet 2008 ni aux personnes ayant conclu un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation affiliées en application des dispositions de l’article 2 du décret du 7 mai 2007 susvisé et qui n’ont pas été admises au cadre permanent.’

L’article 23 du RH0828 précise à ce titre que :

« Les agents tributaires du présent règlement ont droit, en ce qui concerne l’assurance vieillesse, dans les conditions définies par les textes de coordination entre les différents régimes obligatoires de sécurité sociale, à la garantie des avantages dont ils auraient bénéficié s’ils avaient été tributaires du régime général de sécurité sociale.

Aux avantages prévus à l’alinéa précédent s’ajoute, pour les agents quittant la [5] sans avoir acquis de droit à pension, un avantage de retraite complémentaire déterminé, selon le niveau occupé par les intéressés, en fonction des règles d’attribution et de calcul en vigueur respectivement dans le régime complémentaire de l’ARRCO et dans le régime défini.’

Les règles de coordination inter-régimes, issues des décrets n°50-132 du 20 janvier 1950 et n°75-109 du 24 février 1975, ont été reprises dans le titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, notamment l’article L.171-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que:

‘Des règles de coordination sont applicables aux travailleurs qui passent d’une organisation spéciale de sécurité sociale de celle applicable aux travailleurs indépendants ou de celle applicable aux autres assurés du régime général à l’autre, ainsi qu’aux travailleurs exerçant simultanément une activité relevant d’une de ces organisations. Ces règles sont fixées par décret.’

L’article D.173-2 du même code ajoute que :

« Les assurés mentionnés à l’article D. 173-1 ont droit, en ce qui concerne l’assurance vieillesse, aux avantages dont ils auraient bénéficié sous le régime général de sécurité sociale si ce régime leur avait été applicable durant la ou les périodes où ils ont été soumis à un régime spécial de retraites postérieurement au 30 juin 1930. Ces périodes entrent en compte, quel qu’ait été le montant de leur salaire, tant pour l’ouverture et la détermination de leurs droits que pour le calcul des avantages prévus par le régime général de sécurité sociale en matière d’assurance vieillesse.

Les intéressés sont supposés, pour l’application des dispositions du présent article, avoir donné lieu au versement des cotisations prévues par le régime général pendant les périodes au cours desquelles ils ont été soumis à un régime spécial. Pour les périodes où leur rémunération était supérieure au chiffre limite d’assujettissement aux assurances sociales, ils sont supposés avoir donné lieu au versement des cotisations dues pour un travailleur dont la rémunération aurait été égale audit chiffre limite.’

Et l’article D.173-3 du code de la sécurité sociale précise à ce titre que :

‘Les avantages auxquels un assuré peut prétendre en application du présent paragraphe sont liquidés par la dernière caisse régionale d’assurance chargée de la liquidation des prestations vieillesse dans le régime général à laquelle il a été affilié, ou par la caisse que l’assuré a saisie conformément à l’article R.351-34.

Chaque régime auquel l’assuré a été affilié supporte la charge de la prestation qui lui incombe, sur la base des seules périodes valables au regard du dit régime, postérieures au 30 juin 1930 et antérieures à la date de l’entrée en jouissance.

Chaque régime effectue le service de la fraction des avantages dont il a la charge.’

La lettre ministérielle du 16 juin 1987, adressée à la CNAVTS, dans le but de simplifier et unifier le travail des caisses de retraite, rappelle que le régime général est compétent pour liquider les pensions de coordination et qu’il doit notifier la fraction à la charge du régime spécial.

Elle confirme également que la fraction de pension à la charge du régime spécial doit être calculée sur la base d’un salaire annuel moyen communiqué par le régime général.

Contrairement à ce que soutient la CNAV ce système de coordination n’exclut pas le traitement des demandes d’ayant droits du régime général pouvant également prétendre à des droits complémentaires auprès de la CPRPF et aucune disposition ne prévoit que la commission multidisciplinaire n’est pas tenue de statuer exclusivement relativement aux droits acquis dans le régime général, le régime des salariés agricoles ou le régime des non-salariés agricoles, sauf à perdre son utilité et à contredire sa dénomination officielle de ‘pluridisciplinaire’. Le fait que le formulaire Cerfa de demande de pension ne prévoit pas de case spécifique aux personnes ayant travaillé pour la [5] n’est donc pas opérant.

En l’espèce, il est constant que le cotisant a été affilié au régime général de la sécurité sociale depuis 1984 et jusqu’en 2018, après avoir quitté ses fonctions à la [5] et celles à la Ville de Paris de 1975 à 1984.

Ainsi que le relève justement la CPRPF, la brièveté du service du cotisant à la [5], de 1975 à 1976, ne lui ouvre aucun droit à pension au titre de son ancienneté dans ce régime spécifique, ayant quitté l’entreprise avant le 1er juillet 2008. En revanche, il conserve les droits découlant de la rente accident du travail qui lui est servie.

Le cotisant pouvait dès lors former utilement sa demande de retraite qu’auprès de la CNAV même si le calcul de la pension à laquelle il peut prétendre doit inclure ou au moins prendre en compte des prestations particulières découlant de son affiliation passée au régime particulier de la [5].

De plus, contrairement à la CPRPF qui n’en a pas l’utilité, la CNAV dispose dans son organisation interne d’une commission pluridisciplinaire compétente détenant les moyens nécessaires pour évaluer les situations et les droits des assurés qui ont été affiliés à plusieurs régimes différents au cours de leur vie professionnelle et déterminer leur droit en pension en prenant en compte tous les éléments de calcul, d’ouvertures de droits spécifiques, sans que cela entraîne une obligation financière supplémentaire à la charge de CNAV qui notifie à chaque régime de retraite concerné le service de la fraction des avantages dont il a la charge.

Il apparaît alors que la caisse compétente pour instruire la demande de retraite anticipée est en l’espèce la dernière caisse du régime général de sécurité sociale à laquelle a été affilié le cotisant, sans que cela décharge le régime spécial aux anciens agents de la [5] de supporter la partie financière du supplément de prestation éventuellement dû.

Enfin, la CNAV n’est donc pas légitime à rejeter la demande de retraite anticipée en se basant uniquement sur les droits acquis au titre du régime général, sans étudier les conséquences des droits acquis dans le régime spécial des agents de la [5] dans l’évaluation de droit à pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé.

La CNAV n’ayant pas instruit la demande en prenant en compte toutes les composantes du calcul des droits du cotisant, il y a lieu d’envoyer ce dernier devant la CNAV pour que celle-ci instruise la demande d’attribution de retraite anticipée pour pénibilité.

Sur la demande en dommages et intérêts

L’article 1240 du code civil dispose que :

‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’.

Pour pouvoir prétendre à des dommages-intérêts, il appartient au demandeur de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Plus particulièrement, en ce qui concerne le préjudice, ce dernier doit être direct et actuel.

Pour motiver sa demande en dommages et intérêts, le cotisant soutient que le refus des caisses de traiter sa demande l’aurait privé de ses droits à la retraite, entraînant un véritable préjudice financier dans la mesure où il n’a disposé que de peu d’argent pour vivre et a été contraint de reprendre son travail malgré son âge et son état de santé.

Ainsi qu’il a été vu plus haut, si la décision de refus de la CNAV de faire droit à la demande de retraite anticipée formée par le cotisant a été utilement contestée, cela ne suffit pas à établir son caractère fautif, la caisse ayant tout de même répondu à sa demande, une réponse négative étant tout tout de même une réponse, et son droit de recours a pu être valablement exercé.

La décision de refus de la CPRPF est encore l’objet d’une instance encore pendante devant le pôle social du tribunal de Melun et ne peut donc valablement faire ici l’objet de la demande en réparation.

En outre, le cotisant ne peut, en l’état actuel d’avancement de l’instruction de sa demande, établir l’existence d’un préjudice direct et actuel, ni même sous la forme d’une perte de chance, dans la mesure où il n’est absolument pas établi qu’il ait un droit certain à pouvoir bénéficier de la retraite anticipée pour pénibilité qu’il sollicite.

Ainsi, à défaut de caractériser une faute de la part d’un des deux organismes mis en cause et de justifier d’un préjudice certain, il y a lieu de débouter le cotisant de sa demande en dommages et intérêts.

La CNAV, qui succombe, devra supporter les dépens et verser au cotisant la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le commande l’équité.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande en paiement de la somme de 1 000 euros formée à l’encontre de la CNAV par la CPRPF en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement (RG n° 19/00140) prononcé le

26 juillet 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Melun ;

Statuant à nouveau,

ENJOINT à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse d’instruire la demande d’attribution de retraite anticipée pour pénibilité formée par M. [M] [C] en calculant son droit à percevoir une pension de coordination calculée et liquidée dans les conditions du régime général et en prenant en compte les éventuels droits ouverts auprès de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire ;

DEBOUTE M. [M] [C] de sa demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse à verser à M. [M] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel Ferroviaire de sa demande en paiement formée à l’encontre de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse aux dépens.

La greffière La présidente


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