L’Essentiel : L’URSSAF de Picardie a mis en demeure la SAS de régler 2742 euros pour des cotisations dues entre février et mai 2020. Après le rejet de son recours amiable, la SAS a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny. Lors de l’audience, elle a contesté la mise en demeure, arguant de son inéligibilité aux exonérations liées à la crise sanitaire. Cependant, l’URSSAF a prouvé que la mise en demeure respectait les exigences légales et que la SAS n’avait pas justifié le paiement des montants réclamés. Le tribunal a condamné la SAS à payer la somme due et a rejeté sa demande de remboursement.
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Contexte de l’affaireL’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Picardie a mis en demeure la société par actions simplifiée (SAS) [5] de régler une somme de 2742 euros pour des cotisations dues entre février et mai 2020. Cette mise en demeure a été adressée par lettre le 26 juin 2023. Recours de la SASEn réponse à cette mise en demeure, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable par l’intermédiaire de son conseil le 5 juillet 2023. Cependant, la commission a rejeté son recours par décision du 27 octobre 2023. La SAS a ensuite contesté cette décision en saisissant le tribunal judiciaire de Bobigny le 11 janvier 2024. Déroulement de l’audienceL’affaire a été appelée à l’audience du 1er juillet 2024, mais a été renvoyée. Elle a été à nouveau examinée le 4 novembre 2024, où les parties ont été entendues. La SAS a demandé l’annulation de la mise en demeure et a réclamé 4000 euros à l’URSSAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Arguments de la SASLa SAS a soutenu que la mise en demeure ne respectait pas les exigences juridiques, car elle mentionnait plusieurs motifs de manière disparate, rendant difficile la compréhension de la cause de la dette. Elle a également affirmé avoir réglé ses cotisations dans les délais et a prétendu remplir les conditions pour bénéficier d’exonérations liées à la crise sanitaire. Position de l’URSSAFL’URSSAF Picardie a demandé au tribunal de débouter la SAS de ses demandes et de la condamner à payer les cotisations dues. Elle a affirmé que la mise en demeure respectait les obligations formelles et a précisé que la société avait été informée de son inéligibilité aux dispositifs d’exonération par une lettre du 13 mars 2023. Décision du tribunalLe tribunal a examiné la demande d’annulation de la mise en demeure et a conclu qu’elle comportait les mentions nécessaires pour informer la SAS de la nature et du montant des sommes réclamées. La demande d’annulation a donc été rejetée. Demande reconventionnelle de l’URSSAFConcernant la demande reconventionnelle de l’URSSAF, le tribunal a constaté que la SAS n’avait pas contesté les montants réclamés ni justifié de leur paiement. Par conséquent, la demande de l’URSSAF a été acceptée. Conséquences financièresLa SAS a été condamnée à payer la somme de 2742 euros à l’URSSAF pour les cotisations dues. De plus, elle a été condamnée à supporter les dépens, et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. L’exécution provisoire a également été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les exigences légales concernant la mise en demeure émise par l’URSSAF ?La mise en demeure, en vertu de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, doit être précédée d’un avertissement ou d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée. Cette mise en demeure doit être précise et motivée, conformément à l’article R. 244-1 du même code, qui stipule que « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. » Il est essentiel que la mise en demeure permette au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Ainsi, la mise en demeure doit mentionner, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période concernée. Dans le cas présent, la mise en demeure du 26 juin 2023 a été jugée conforme aux exigences légales, car elle indiquait les motifs de mise en recouvrement, la nature des sommes dues, et les montants détaillés par mois. La SAS [5] peut-elle contester la mise en demeure sur la base de l’éligibilité aux dispositifs d’exonération ?La SAS [5] a soutenu qu’elle remplissait les conditions pour bénéficier des dispositifs d’exonération mis en place en raison de la crise sanitaire. Cependant, selon l’article 1353 du code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » En l’espèce, l’URSSAF a produit une lettre d’information du 13 mars 2023, indiquant que la société n’était pas éligible aux dispositifs d’exonération. La société n’a pas contesté cette lettre ni produit d’éléments justifiant son éligibilité. Le tribunal a noté que la société ne démontrait pas avoir rempli le critère relatif à la baisse du chiffre d’affaires, ce qui a conduit à rejeter sa demande d’annulation de la mise en demeure. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal concernant la demande de la SAS [5] ?Le tribunal a débouté la SAS [5] de sa demande d’annulation de la mise en demeure et a condamné la société à payer la somme de 2742 euros à l’URSSAF. Cette décision repose sur le fait que la SAS n’a pas prouvé qu’elle avait réglé les cotisations dues. En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société a également été condamnée à supporter les dépens. De plus, la demande de la SAS au titre de l’article 700 du même code a été rejetée, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas obtenir de remboursement de ses frais de justice. Enfin, l’exécution provisoire a été ordonnée, permettant à l’URSSAF de récupérer les sommes dues sans attendre l’éventuel pourvoi de la SAS. |
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00250 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y3FZ
Jugement du 17 JANVIER 2025
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JANVIER 2025
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00250 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y3FZ
N° de MINUTE : 25/00164
DEMANDEUR
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312
DEFENDEUR
URSSAF PICARDIE
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Monsieur [J] [L], audiencier
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 04 Novembre 2024.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Laurence PETIT-LECOMTE et Madame Catherine DECLERCQ, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Laurence PETIT-LECOMTE, Assesseur salarié
Assesseur : Catherine DECLERCQ, Assesseur non salarié
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en dernier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Franck DREMAUX
Par lettre du 26 juin 2023, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Picardie a mis en demeure la société par actions simplifiée (SAS) [5] de payer a somme de 2742 euros au titre des cotisations restant dues pour les mois de février à mai 2020 pour son établissement situé à [Localité 4] (Aisne).
Par lettre de son conseil du 5 juillet 2023, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable qui, par décision du 27 octobre 2023, a rejeté son recours.
Par requête reçue le 11 janvier 2024 au greffe, la SAS [5] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny en contestation de la décision de la commission de recours amiable.
A défaut de conciliation, l’affaire a été appelée à l’audience du 1er juillet 2024, date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 4 novembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
La SAS [5], représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de sa requête introductive d’instance et demande au tribunal d’annuler la mise en demeure du 26 juin 2023 et de condamner l’URRSAF à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la mise en demeure ne respecte pas les exigences posées par la jurisprudence dès lors qu’elle mentionne de façon disparate plusieurs motifs ne permettant pas de connaître la cause de la dette alors même que la société était à jour de ses cotisations à la date d’établissement de la mise en demeure.
Sur le fond, elle fait valoir que les cotisations ont été réglées dans les délais impartis par les textes et qu’en tout état de cause, elle remplissait les conditions pour bénéficier du dispositif d’exonération et d’aide au paiement mis en place dans les suites de la crise sanitaire et qu’en conséquence, aucune somme n’est due.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Picardie, régulièrement représentée, demande au tribunal de débouter la SAS [5] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement des cotisations pour un montant de 2742 euros.
Elle soutient que la mise en demeure satisfait aux obligations formelles et qu’elle comporte bien la nature du redressement, le montant des cotisations réclamées et les périodes concernées.
Elle expose que par lettre du 13 mars 2023, la société a été informée qu’elle n’était pas éligible aux dispositifs exceptionnels “Covid” d’exonération et d’aide au paiement des cotisations. Elle précise que cette lettre détaillait les sommes en cause et permet ainsi de comprendre celles réclamées dans la mise en demeure. Elle indique que les sommes sont justifiées, la société ne remplissant pas les conditions pour bénéficier du dispositif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2024, prorogé à la date figurant en tête du présent jugement.
Sur la demande d’annulation de la mise en demeure
Aux termes de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, « toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l’employeur ou le travailleur indépendant.
Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.. »
Aux termes de l’article R. 244-1 du même code, « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. […] »
La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.
En l’espèce, la mise en demeure du 26 juin 2023 adressée à la SAS [5] indique qu’elle a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu’au 21 juin 2023.
Elle mentionne :
– le motif de mise en recouvrement, « mise en demeure récapitulative »,
– la nature des sommes dues : « régime général incluses contributions d’assurance chômage, cotisations AGS »,
– les montants détaillés par mois figurant uniquement dans la colonne “cotisations”, deux montants déjà payés figurant en avril et mai 2020,
– le motif selon les périodes : « rejet du titre de paiement par la banque » pour le mois de février 2020, « cotisations complémentaires suite conditions d’exonération non remplies » pour les mois de février à mai 2020, « absence de versement » pour les mois de mars à mai 2020.
Il résulte des pièces produites et des explications de l’URSSAF que les sommes réclamées dans cette mise en demeure au titre des mois de février à mai 2020 correspondent aux montants d’exonération exceptionnelle Covid de cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations. L’URSSAF indique que par lettre du 13 mars 2023, la société a été informée qu’elle n’était pas éligible à ces mesures et que les montants figurant sur la mise en demeure correspondent aux sommes dont il est fait état dans cette lettre.
La société ne conteste pas avoir reçu cette lettre.
En tout état de cause, la mention “régime général incluses contribution d’assurance chômage, cotisations AGS” est suffisante pour permettre à la société de connaître la nature des sommes réclamées. Les motifs sont également explicites dès lors que pour partie, les sommes réclamées résultent de cotisations dues, la société ne remplissant pas les conditions d’exonération, pour le reste, d’un défaut de règlement, que ce soit pour absence de versement ou rejet du titre.
Les cotisations étant calculées en fonction des déclarations faites par la société, cette dernière était en mesure de se référer à celles-ci pour comprendre, au regard des éléments figurant sur la mise en demeure, la cause, la nature et les montants réclamés.
Il résulte de ce qui précède que la mise en demeure comporte les mentions nécessaires.
Sur le fond, la société soutient qu’elle remplissait les conditions pour bénéficier des dispositifs exceptionnels.
Elle se prévaut d’un jugement rendu par la présente juridiction le 13 mars 2024 sous la référence RG 23/00435, dont elle indique qu’il est définitif, qui a retenu que la société remplit le critère tenant au secteur d’activité mais a jugé que la société ne démontrait pas remplir le critère relatif à la baisse du chiffre d’affaires.
Elle ne produit aucun élément concernant son chiffre d’affaire, ne permettant pas ainsi au tribunal de remettre en cause la décision relative à l’éligibilité prise par l’URSSAF.
Au regard de ce qui précède, la demande d’annulation présentée par la société doit être rejetée.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de l’URSSAF
Aux termes de l’article 1353 du code civil, “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”
En l’espèce, au soutien de sa demande en paiement, l’URSSAF produit la lettre d’information du 13 mars 2023, la mise en demeure et la décision de la commission de recours amiable.
La société ne formule aucune contestation sur les montants réclamés et ne justifie pas s’être acquittée des sommes.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande reconventionnelle en paiement présentée par l’URSSAF.
Sur les mesures accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société qui succombe supportera les dépens.
Sa demande au titre de l’article 700 du même code ne peut qu’être rejetée.
L’exécution provisoire sera ordonnée sur le fondement de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :
Déboute la SAS [5] de sa demande d’annulation de la mise en demeure émise par l’URSSAF Picardie le 26 juin 2023 portant sur les mois de février à mai 2020,
Condamne la SAS [5] à payer à l’URSSAF Ile-de-France la somme de 2742 euros au titre des cotisations pour les mois de février à mai 2020 pour l’établissement de [Localité 4],
Met les dépens à la charge de la SAS [5],
Rejette la demande de la SAS [5] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l’exécution provisoire,
Rappelle que tout pourvoi à l’encontre du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;
Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :
Le Greffier La Présidente
Denis TCHISSAMBOU Pauline JOLIVET
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