L’Essentiel : Mme [E] [W] a subi un accident de travail le 29 janvier 2017, pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie. En novembre 2019, la Caisse a notifié un remboursement de 22 315,03 euros pour un trop-perçu d’indemnités journalières. Après le rejet de son recours, Mme [W] a saisi le tribunal judiciaire, qui a déclaré prescrite l’action pour les paiements antérieurs à novembre 2017, condamnant Mme [W] à rembourser 20 116,67 euros. En appel, la cour a infirmé ce jugement, ordonnant à Mme [W] de rembourser 20 111,67 euros et condamnant la Caisse à verser 500 euros à Mme [W].
|
Accident de travail et prise en chargeMme [E] [W] a subi un accident de travail le 29 janvier 2017, qui a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la Caisse) à partir du 1er mars 2017, conformément à la législation sur les risques professionnels. Trop-perçu et notification de remboursementLa Caisse a constaté qu’elle avait versé des indemnités journalières sur la base d’un taux erroné, soit 99,04 euros au lieu de 54,93 euros. Par conséquent, le 1er novembre 2019, elle a notifié à Mme [W] un remboursement de 22 315,03 euros pour le trop-perçu entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019. Recours et décision de la commissionMme [W] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 29 juillet 2020, confirmant qu’elle devait encore 22 057,07 euros. Cette décision a été notifiée à Mme [W] le 5 août 2020, ce qui l’a poussée à saisir le tribunal judiciaire de Bobigny. Jugement du tribunal judiciaireLe 6 avril 2021, le tribunal a déclaré prescrite l’action de la Caisse pour les paiements effectués avant le 1er novembre 2017, condamnant Mme [W] à rembourser 20 116,67 euros à la Caisse, tout en lui accordant 20 116,67 euros de dommages et intérêts. Le tribunal a également ordonné une compensation entre ces deux montants. Appel et demandes des partiesLa Caisse a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et le remboursement de 22 315,03 euros. Mme [W], de son côté, a demandé la péremption de l’instance d’appel et a contesté le montant de la créance, tout en sollicitant des dommages et intérêts. Péremption de l’instanceMme [W] a soutenu que l’instance était périmée depuis le 14 mai 2023, faute de diligences de la Caisse. La Caisse a rétorqué que le délai de péremption n’avait pas commencé à courir, car la direction de la procédure était entre les mains du greffe. Remise de dette et reconnaissance de créanceLa Caisse a affirmé que la demande de remise de dette de Mme [W] constituait une reconnaissance de la créance. Mme [W] a contesté cette interprétation, arguant qu’elle n’avait pas reconnu la dette et qu’elle avait contesté l’existence de l’indu. Existence de l’indu et prescriptionLes parties ont convenu que la Caisse avait versé des indemnités journalières à Mme [W] sur la base d’un montant erroné. La Caisse a justifié le montant de l’indu, tandis que Mme [W] a contesté le calcul et la période retenue pour le remboursement. Demande de dommages et intérêtsLa Caisse a demandé l’infirmation du jugement qui l’avait condamnée à verser des dommages et intérêts à Mme [W], arguant qu’elle n’avait commis aucune faute. Mme [W] a soutenu que la Caisse avait agi de manière fautive en procédant à des retenues sans information préalable. Décision de la courLa cour a déclaré l’appel de Mme [W] recevable, a infirmé le jugement du 6 avril 2021 concernant le remboursement de 20 116,67 euros, et a condamné Mme [W] à rembourser 20 111,67 euros à la Caisse. La Caisse a également été condamnée à verser 500 euros à Mme [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la péremption de l’instanceLa péremption de l’instance est régie par l’article 386 du code de procédure civile, qui stipule que l’instance est périmée lorsque, pendant plus de deux ans, aucune diligence n’a été effectuée par les parties. En l’espèce, Mme [W] soutient que la Caisse n’a pas effectué de diligence depuis le 14 mai 2021, date à laquelle elle a interjeté appel. Cependant, la Caisse fait valoir que, selon l’article 386, le délai de péremption n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe. La jurisprudence a précisé que, dans les procédures orales, les parties n’ont pas d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire. Ainsi, le délai de péremption ne court pas tant que l’affaire n’a pas été fixée par le greffe. En conséquence, la cour a jugé que le moyen tiré de la péremption d’instance ne pouvait prospérer, car les parties avaient été convoquées pour une audience, ce qui a interrompu le délai de péremption. Sur la demande de remise de dette et le caractère définitif de la créanceLa Caisse soutient que la demande de remise de dette formulée par Mme [W] équivaut à une reconnaissance de dette, ce qui interrompt la prescription. Selon la jurisprudence, une lettre sollicitant une remise de dette peut constituer une reconnaissance de la créance, à condition qu’elle soit claire et dépourvue d’équivoque. Dans le cas présent, Mme [W] a demandé un dégrèvement en raison de sa situation financière, sans reconnaître explicitement la créance. Elle a également contesté l’existence et le montant de la dette dans un courrier ultérieur, ce qui montre qu’elle ne reconnaissait pas la créance. La cour a donc conclu que le courrier du 20 septembre 2020 ne pouvait pas être considéré comme une reconnaissance de dette, et que la Caisse ne pouvait pas s’en prévaloir pour justifier sa créance. Sur l’existence d’un indu d’indemnité journalièreL’article L. 433-1 du code de la sécurité sociale précise que l’indemnité journalière est versée à la victime d’un accident du travail à partir du premier jour suivant l’arrêt de travail. L’article L. 433-2 indique que cette indemnité est calculée sur la base d’une fraction du salaire journalier, et l’article R. 433-4 précise les modalités de calcul de ce salaire. Dans cette affaire, il a été établi que Mme [W] avait perçu des indemnités journalières sur la base d’un montant erroné de 99,04 euros, alors qu’elle aurait dû percevoir 54,93 euros. La Caisse a donc justifié que le montant de l’indu s’élevait à 23 578,95 euros, et après déduction des sommes prescrites et des prélèvements effectués, le montant réclamé était de 20 111,67 euros. La cour a confirmé que la Caisse était fondée à demander la restitution de cette somme, car Mme [W] ne contestait pas avoir perçu des indemnités à un taux erroné. Sur la demande de dommages et intérêtsLa responsabilité de la Caisse est régie par l’article 1240 du code civil, qui impose la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. La Caisse soutient qu’elle n’a commis aucune faute, arguant que l’erreur dans le versement des indemnités journalières ne constitue pas une faute. Cependant, Mme [W] fait valoir que la Caisse a agi de manière fautive en procédant à des retenues sur ses prestations sans l’informer préalablement. L’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale stipule que la récupération d’un indu ne peut se faire que si l’assuré a été informé de l’indu. La cour a constaté que la Caisse avait effectivement procédé à des prélèvements avant d’informer Mme [W] de l’indu, ce qui constitue une faute. Ainsi, la cour a jugé que Mme [W] avait droit à des dommages et intérêts en raison de cette faute, et a condamné la Caisse à verser une indemnité de 500 euros. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 17 Janvier 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/04526 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXCN
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2021 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 20/01586
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Madame [E] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Nathalie BAILLOD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0214
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sandrine BOURDIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Monsieur Christophe LATIL, conseiller
Madame Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis d’un jugement rendu le 6 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny (RG 20/01586) dans un litige l’opposant à Mme [E] [W].
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [E] [W] a été victime d’un accident du travail le 29 janvier 2017 qui a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après désignée « la Caisse ») au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 1er mars 2017.
Constatant qu’elle avait versé des indemnités journalières au regard d’un taux journalier erroné, soit 99,04 euros au lieu de 54,93 euros, la Caisse a, par lettre datée du
1er novembre 2019 adressé à Mme [W] une notification d’avoir à payer la somme de 22 315,03 euros correspondant à un trop perçu sur les indemnités journalières entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019.
Mme [W] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable laquelle lors de sa séance du 29 juillet 2020, a rejeté son recours et l’a informée qu’elle restait redevable de 22 057,07 euros.
Cette décision lui a été notifiée par courrier daté du 5 août 2020 qui l’a contestée devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny.
Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal a :
– déclaré prescrite l’action de la Caisse pour les paiements intervenus avant le
1er novembre 2017, soit les sommes versées au titre des indemnités journalières du
28 septembre au 18 octobre 2017,
– condamné Mme [W] à payer à la Caisse la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu,
– condamné la Caisse à payer à Mme [W] la somme de 20 116,67 euros à titre de dommages et intérêts,
– ordonné la compensation entre les deux condamnations ci-dessus,
– débouté Mme [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Le tribunal a, tout d’abord, considéré que l’action en recouvrement de la Caisse était prescrite pour les sommes versées au mois d’octobre 2017 relevant qu’en matière d’indu, l’organisme devait engager les poursuites non dans les conditions de l’alinéa 1er de l’article L. 332-1 du code de la sécurité sociale, applicable uniquement aux assurés, mais dans les conditions de l’alinéa 3. Il a, ensuite considéré, que le courrier de demande de délai de paiement ne pouvait s’analyser en une reconnaissance du bien fondé de la demande de la Caisse et que celle-ci en procédant à des retenues sur prestations sans avoir au préalable informé l’assurée, puis malgré sa contestation, avait commis une faute entraînant un préjudice au profit de Mme [W] qu’il convenait de chiffrer au même montant que l’indu.
La présente cour ne disposant pas des avis de réception des courriers de notification du jugement du précité, le dossier de première instance n’ayant pas été communiqué par le tribunal judiciaire de Bobigny, l’appel interjeté par Mme [W] par déclaration électronique du 14 mai 2021 doit être déclaré recevable.
L’affaire a alors été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 14 septembre 2024 puis à celle du 12 novembre 2024 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.
Au visa de ses conclusions, la Caisse demande à la cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 en toutes ses dispositions et, en conséquence,
– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 22 315,03 euros en deniers ou quittances au titre de l’indu,
A titre subsidiaire,
-infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021, sauf en ce qu’il a condamné
Mme [W] à lui verser la somme de 20 116,67 euros au titre de l’indu et, en conséquence,
– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 20 116,67 euros au titre de l’indu,
En tout état de cause,
– débouter Mme [W] de toutes ses demandes,
– condamner Mme [W] en tous les dépens.
Mme [W], au visa de ses conclusions, demande à la cour de :
A titre liminaire,
– constater la péremption de l’instance d’appel,
A titre subsidiaire,
– la recevoir en son appel incident,
– infirmer le jugement entrepris en qu’il l’a condamnée à payer à la Caisse la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu,
Et statuant à nouveau,
– constater le caractère erroné de la fixation de la créance revendiquée par la Caisse,
En conséquence,
– annuler la décision de la commission de recours amiable du 5 août 2020,
– juger que la demande de restitution d’indu de la Caisse est infondée,
A titre infiniment subsidiaire,
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
– débouter la Caisse de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la Caisse à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du
12 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
Après s’être assurée de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et des écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son arrêt en délibéré au 17 janvier 2025.
Sur la péremption de l’instance
Moyen des parties
Mme [W] fait valoir au visa des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, applicables en la matière depuis le 1er janvier 2019 et de l’article 16 du code de procédure civile que l’instance est périmée depuis le 14 mai 2023 faute pour la Caisse d’avoir effectué une quelconque diligence manifestant son intention de poursuivre l’instance pendant plus de deux ans, soit depuis le 14 mai 2021, date à laquelle elle a interjeté appel.
La Caisse oppose qu’en application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, applicables en la matière à compter du 1er janvier 2019, les parties n’ayant pas d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire et la convocation de l’adversaire étant du seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer de sorte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation. Elle considère dès lors l’instance non prescrite.
Réponse de la cour :
Aux termes des dispositions du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R.142-22 du code de la sécurité sociale, l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019 tant aux instances d’appel initiées à partir de cette date qu’à celles en cours à cette date.
Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Civ. 2e , 17 novembre 1993, n° de pourvoi 92-12807, 6 décembre 2018, n° de pourvoir 17-26202).
La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Civ. 2e, 15 novembre 2012, n° de pourvoi 11-25499). Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.
En outre, il résulte des dispositions des articles 386 du code de procédure civile, R. 143-26, R. 143-27, R. 143-28-1, R. 143-28-2 du code de la sécurité sociale, les quatre derniers dans leur rédaction alors en vigueur, interprétées à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, pas de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le secrétariat de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvoi n° 22-12.882).
A l’audience, Mme [W] fonde son argumentation sur un arrêt de la Cour de cassation du 25 mars 2021 ( 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-21.401) aux termes duquel « Les mesures d’instruction ordonnées en application de l’article R. 143-27 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, ne privent pas les parties de la direction de la procédure et de la faculté d’accomplir des diligences de nature à faire progresser l’instance, notamment de demander la fixation de l’audience, et n’ont pas pour effet de suspendre le délai de péremption. ». Toutefois, dans sa décision précitée du 10 octobre 2024, la Cour de cassation a expressément décidé de reconsidérer sa jurisprudence antérieure résultant de l’arrêt du 25 mars 2021 dont se prévaut Mme [W] au regard de sa jurisprudence applicable en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, résultant de quatre arrêts rendus le 7 mars 2024 ( (2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-23.230, publié ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, publié ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.761, publié ; 2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-20.719, publié), et dont il résulte que lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption et qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière. Ce faisant, Mme [W] ne saurait se prévaloir de la décision précitée du 25 mars 2021 dans le cadre de la présente instance, de même elle ne peut utilement invoquer des décisions rendues par d’autres cours d’appel qui ne lient nullement la présente juridiction.
De même, Mme [W] ne saurait utilement invoquer que le principe du contradictoire prévu à l’article 16 du code de procédure civile imposant aux parties de se faire connaître en temps utile leurs observations pour voir constater la péremption de l’instance au motif que la Caisse n’aurait pas fait connaître son argumentation avant l’audience. En effet, les prescriptions de l’article 16 du code de procédure civile, en ce qu’elles tendent à assurer le respect du principe de la contradiction, n’ont pas le même objet que celles de l’article 386 du même code, étant au surplus relevé qu’en procédure orale, les textes ne prévoient pas de délais fixes pour la production par les parties de leurs écritures avant l’audience.
En l’espèce, à la suite de la déclaration d’appel, les parties ont été convoquées par le greffe pour l’audience du 14 septembre 2024. L’affaire a fait l’objet d’un renvoi avant d’être plaidée à l’audience du 12 novembre 2024, date à laquelle les parties ont déposé leurs conclusions. Le moyen tiré de la péremption d’instance ne peut donc prospérer.
Sur la demande de remise de dette et le caractère définitif de la créance
Moyens des parties
La Caisse soutient que Mme [W] n’est pas fondée à contester le bien-fondé de sa créance dès lors que la remise de dette sollicitée par l’intimée vaut reconnaissance de dette. La Caisse se prévaut alors du courrier du 20 septembre 2020 adressé par
Mme [W] afin de solliciter le dégrèvement de sa créance. Considérant ce courrier comme dépourvu d’équivoque s’agissant de la remise de dette sollicitée et que l’intéressée ne peut utilement se prévaloir de la saisine du tribunal judiciaire le
1er octobre 2020 et de sa correspondance du 14 octobre 2020, qui sont postérieurs à sa demande de remise de dette et arguer d’une maîtrise approximative du français, elle s’estime fondée à demander sa condamnation au paiement de la somme de
22 315, 03 euros au titre de l’indu.
Mme [W] objecte qu’il ne peut lui être opposée qu’il résulterait des termes du courrier du 20 septembre 2020 une quelconque reconnaissance de dette alors qu’elle n’y mentionne aucune reconnaissance des prétendus droits de la Caisse à son encontre au titre de l’indu réclamé et qu’elle y évoque sa situation financière et son impossibilité de rembourser une somme quelconque. Elle précise avoir, dans le même temps, décidé de saisir le tribunal pour contester la dette revendiquée par la Caisse, ne pas avoir donné suite au formulaire de demande de remise de dette adressé par la Caisse le
2 octobre 2020 et avoir, au contraire, répondu qu’elle avait contesté l’existence et le montant de cet indu devant le juge compétent.
Elle ajoute que la Caisse ne saurait faire sienne la jurisprudence selon laquelle la prescription interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait dès lors qu’elle n’a pas expressément reconnu la créance de la Caisse.
Elle estime qu’en tout état de cause, la Caisse ne saurait tenter d’exploiter à son avantage sa maitrise approximative du français.
Réponse de la cour
La lettre au terme de laquelle un débiteur sollicite la remise de sa dette vaut reconnaissance de celle-ci et interrompt la prescription. (2e Civ., 15 juin 2004, pourvoi n° 03-30.052, Bull., 2004, II, n° 297, à condition qu’elle ne soit assortie d’aucune réserve (2e Civ., 10 janvier 2008, pourvoi n° 07-10.376) et qu’elle soit claire et dépourvue équivoque.
En l’espèce, pour soutenir que Mme [W] ne serait pas fondée à contester le bien-fondé de sa créance, la Caisse se prévaut du courrier du 20 septembre 2020 dans lequel celle-ci sollicite sa bienveillance en faisant état de la précarité de sa situation financière et « demande donc de bien vouloir [lui] accorder un dégrèvement, par rapport à sa situation (‘) ». S’il est effectivement sollicité un « dégrèvement » dans ce premier, il n’en demeure pas moins que Mme [W] n’a pas complété le formulaire de demande de remise de dette ainsi que le formulaire de ressources adressés par la Caisse en réponse au courrier du 6 octobre 2020. Au contraire, l’intéressée y a répondu par un second courrier daté du 16 octobre 2020 dans lequel elle indique expressément avoir contesté l’existence et le montant de la dette en l’absence d’explication de la Caisse sur les erreurs qu’elle avait commise et que sa demande de remise de dette avait pour objet l’annulation complète de l’indu compte tenu de sa situation personnelle. En outre, si le courrier de saisine de la commission de recours amiable n’est pas produit, il ressort des termes du courrier du 5 août 2020 notifiant à Mme [W] la décision de cette commission que l’intéressée avait contesté le bien-fondé de la créance invoquée par la Caisse.
Ce faisant la Caisse ne peut considérer que le seul courrier du 20 septembre 2020 est dépourvu d’équivoque et vaut reconnaissance de dette. Il sera relevé au surplus qu’elle n’est pas fondée à invoquer que Mme [W] ne saurait se prévaloir d’éléments postérieurs à ce courrier alors notamment que postérieurement à celui-ci, elle a adressé un formulaire de demande remise de dette, traduisant ainsi le caractère ambigu de la seule référence à une demande de dégrèvement, sans autre référence plus explicite à une reconnaissance du montant de la créance.
Sur l’existence d’un indu d’indemnité journalière :
Sur la prescription
Il sera relevé en premier lieu que si Mme [W] conteste à titre principal la créance invoquée par la Caisse dans son principe, elle demande, subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris du chef de sa condamnation à la restitution de l’indu, que le jugement soit également confirmé en ce qu’il a retenu la prescription d’une partie de l’indu, en l’espèce, les indemnités journalières versées entre le 28 septembre jusqu’au 1er novembre 2017.
Dans ces écritures, la Caisse, sollicite à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour de reconnaîtrait pas l’existence d’une reconnaissance de la dette par Mme [W], la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 20 116,67 euros, après déduction des sommes jugées prescrites par les premiers juges.
Dès lors, les parties ne formulent aucune contestation relative à la prescription appliquée par les premiers juges pour les sommes réclamées par la Caisse antérieurement au 1er novembre 2017, de sorte que la présente cour n’est saisie d’aucune demande d’infirmation du jugement sur ce point.
-sur le bien-fondé de la créance de la Caisse
Moyens des parties
Ainsi qu’il vient d’être dit, la Caisse sollicite à titre subsidiaire, la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a dit bien fondée en sa créance et a condamné
Mme [W] à lui rembourser les sommes indûment versées, à hauteur de 20 116,67 euros.
Elle fait, alors, valoir que l’indu résulte d’une erreur, sur le montant du salaire de base retenu initialement par la Caisse, liée à la transmission par l’employeur d’une attestation de salaire erronée. Après avoir visé l’ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux modalités de calcul des indemnités journalières, elle estime que c’est manifestement à tort que Mme [W] invoque des incohérences de calcul tandis que comme en première instance, tant le calcul du montant de l’indemnité journalière que le calcul de l’indu est parfaitement justifié et que l’intéressée ne produit aucun calcul pour justifier sa contestation.
Mme [W] soutient que le calcul de la créance invoquée par la Caisse est erroné. Elle estime en effet que la période retenue est inexacte, que la notification de payer transmise par la Caisse par courrier du 1er novembre 2019 est incompréhensible dans la mesure où il y est fait mention en haut à gauche d’un montant d’une créance de 23 578,95 euros et dans le même temps d’un versement en date du 5 octobre 2017 de 22 325,03 euros pourtant jamais intervenu et qu’il est enfin exposé que la somme de
22 315,03 euros correspond en réalité au règlement d’indemnités journalières entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019.
Elle oppose également que le calcul de la créance tel que présenté devant la commission de recours amiable est faux considérant que la période retenue est erronée et que la somme de 22 315,03 euros retenue au titre de l’indu est la même quel que soit la longueur de la période de versement des indemnités journalières retenue par la Caisse ou la commission de recours amiable.
De même, elle soutient que les prélèvements auxquels a procédé la Caisse directement sur les remboursements de soins avant la notification de payer du 1er novembre 2019 constituent des man’uvres l’empêchant de connaitre le montant initial de la créance réclamée et ce qui resterait prétendument dû après les opérations de compensation effectuées. Elle estime alors qu’il existe des discordances sur le calcul de la créance entre les pièces versées au débat par la Caisse en première instance et celles versées dans le cadre de la présente instance.
Réponse de la cour
D’une part, s’agissant des modalités de fixation du montant des indemnités journalières
Aux termes de l’article L. 433-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige
La journée de travail au cours de laquelle l’accident s’est produit, quel que soit le mode de paiement du salaire, est intégralement à la charge de l’employeur.
Une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l’arrêt du travail consécutif à l’accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation prévu à l’article L. 443-2. (‘)
L’article L. 433-2 du même code prévoit :
L’indemnité journalière est égale à une fraction du salaire journalier. Ce dernier n’entre en compte que dans la limite d’un pourcentage du maximum de rémunération annuelle retenu pour l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse en vertu de l’article L. 241-3.
Le délai à l’expiration duquel le taux de l’indemnité journalière est majoré ainsi que les modalités de détermination du salaire journalier de base sont fixés par décret en Conseil d’État.
En cas d’augmentation générale des salaires postérieurement à l’accident et lorsque l’interruption de travail se prolonge au-delà d’une durée déterminée, le taux de l’indemnité journalière peut faire l’objet d’une révision.
Pour l’application de ces dispositions l’article R. 433-1 du code de la sécurité sociale précise s’agissant de la fraction du salaire journalier visée au premier alinéa de l’article L. 433-2 :
La fraction du salaire journalier mentionnée au premier alinéa de l’article L. 433-2 est égale à 60 % ».
l’article R. 433-1 du même code prévoyant le taux de l’indemnité journalière à compter du 29ème jour :
Pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 433-2, le taux de l’indemnité journalière est porté à 80 % du salaire journalier, à partir du vingt-neuvième jour après celui de l’arrêt de travail consécutif à l’accident.
L’article R. 433-4 du même code détermine le salaire journalier servant de calcul à l’indemnité journalière :
Le salaire journalier servant de base au calcul de l’indemnité journalière prévue à l’article L. 433-1 est déterminé comme suit:
1o 1/30,42 du montant de la paye du mois civil antérieur à la date de l’arrêt de travail lorsque le salaire est réglé mensuellement ou dans les cas autres que ceux mentionnés aux 2o et 5o;
2o 1/28 du montant des deux ou des quatre dernières payes du mois civil antérieur à la date de l’arrêt de travail, si le salaire est réglé toutes les deux semaines ou chaque semaine;
«3o abrogé
«4o abrogé
5o 1/365 du montant du salaire des douze mois civils antérieurs à la date de l’arrêt de travail, lorsque l’activité de l’entreprise n’est pas continue ou présente un caractère saisonnier ou lorsque la victime exerce une profession de manière discontinue.
L’indemnité journalière calculée à partir de ce salaire journalier ne peut dépasser le montant du gain journalier net perçu par la victime et déterminé par application au salaire de référence du taux forfaitaire mentionné au deuxième alinéa de l’article R. 331-5.
L’article R. 433-5 du code précité précise
Par dérogation aux dispositions des articles R. 433-4 et R. 436-1, les conditions suivantes sont appliquées aux sommes allouées, soit à titre de rappel de rémunération pour une période écoulée, soit à titre de rémunération sous forme d’indemnités, primes ou gratifications, lorsqu’elles sont réglées postérieurement à la rémunération principale afférente à la même période de travail.
Ces sommes ne sont prises en considération pour la détermination du salaire de base de l’indemnité journalière qu’autant qu’elles ont été effectivement payées avant la date de l’arrêt de travail.
Elles sont considérées comme se rapportant à une période immédiatement postérieure au mois civil au cours duquel elles ont été effectivement payées et d’une durée égale à la période au titre de laquelle elles ont été allouées.
D’autre part, s’agissant de la demande en restitution d’un indu
l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable du 21 décembre 2004 au 1er janvier 2020 prévoit
En cas de versement indu d’une prestation, hormis les cas mentionnés à l’article L. 133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d’un professionnel de santé, l’organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire ou volontaire d’assurance maladie ou d’accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l’indu correspondant auprès de l’assuré. Celui-ci, y compris lorsqu’il a été fait dans le cadre de la dispense d’avance des frais, peut, sous réserve que l’assuré n’en conteste pas le caractère indu, être récupéré par un ou plusieurs versements ou par retenue sur les prestations à venir en fonction de la situation sociale du ménage.
L’organisme mentionné au premier alinéa informe le cas échéant, s’il peut être identifié, l’organisme d’assurance maladie complémentaire de l’assuré de la mise en ‘uvre de la procédure visée au présent article.
L’article R. 133-9-2 du même code, dans sa rédaction antérieure au 25 mars 2021, précise
L’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l’article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.
A l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l’organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d’un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.
En l’espèce, il est constant que Mme [W] a bénéficié à la suite de l’accident du travail dont elle a été victime le 29 janvier 2017 d’indemnité journalières, versées à compter du 31 janvier 2017.
Il ressort des pièces et en particulier de l’image du décompte de Mme [W] produit que, pour la période du 28 septembre 2017 au 23 avril 2019, cette indemnité lui a été versée directement sur la base d’une indemnité journalière de 99,04 euros. La Caisse qui produit le bulletin de salaire de décembre 2016, devant être pris en compte pour le calcul de l’indemnité journalière conformément à l’article R. 433-4 du code de la sécurité sociale et justifie ainsi que le montant de l’indemnité journalière perçue du 28 septembre 2017 au 23 avril 2019 est erroné et que l’assurée aurait dû percevoir une indemnité journalière d’un montant de 54,93 euros sur la période considérée conformément aux modalités fixées par les dispositions des L. 433-1 et L. 433-2 et
R. 433-1 et suivants.
Les arguments invoqués par Mme [W] quant au supposé manque de clarté des documents produits par la Caisse et notamment de la mise en demeure et de la décision de la commission de recours amiable ne sont pas de nature à remettre utilement en cause le principe et le montant de la créance. En effet, Mme [W] ne conteste pas avoir perçu des indemnités journalières sur la période considérée à hauteur de
99,04 euros et ni qu’elle aurait dû percevoir en réalité une indemnité d’un montant journalier de 54,93 euros.
En outre, il ressort clairement que les retenues apparaissant sur l’historique de son décompte correspondent à des prélèvements de cotisations sociales et non à des récupérations effectuées au titre de l’indu litigieux.
Ainsi, le montant de l’indu au titre du montant erroné des indemnités journalières perçu à torts entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019, tel qu’il résulte de l’image du décompte de Mme [W], s’élève à la somme de 23 578,95 euros, tel que mentionné dans décompte de la Caisse. Dès lors, après déduction des prélèvements effectués par la Caisse au titre de cet indu entre le 1er août 2019 et le 22 octobre 2019, à hauteur de 1 263,92 euros et prise en compte des sommes déclarées prescrites par les premiers juges (646,80 + 1293,60), l’indu s’élève à 20 374,63 euros, montant supérieur à la somme réclamée par la Caisse à titre subsidiaire. Il ressort toutefois de l’historique des prestations comptables produites par la Caisse (pièce n°8 de la Caisse), que celle-ci a également effectué des retenues sur les prestations versées à Mme [W] les
5 et 19 novembre 2019 pour des montants respectifs de 132,98 euros et 129,98 euros, ces retenues apparaissent également sur les relevés de remboursement de la Caisse pour la période du 1er au 30 novembre 2019 (pièce n°6 Mme [W]). La Caisse est donc fondée dans le cadre de l’instance d’appel à solliciter le remboursement de la somme de 20 111, 67 euros.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [W] à régler à la Caisse la somme de 20 116,67 euros au titre de la restitution de l’indu.
Sur la demande de dommages et intérêts
La Caisse demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer des dommages et intérêts à Mme [W] du montant de l’indû.
Elle soutient n’avoir commis aucune faute à l’égard de Mme [W], faisant valoir que le versement des indemnités journalières à un taux erroné résulte d’une erreur, que l’assimilation d’un versement effectué à tort à une faute viderait de son sens les dispositions de l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale. En outre, les retenues opérées du 1er aout 2019 au 22 octobre 2019 l’ont été à hauteur de
1263,92 euros, ce qui ne peut justifier des dommages et intérêt à hauteur de
20 116,67 euros et il ne peut lui être reproché une carence fautive dès lors que l’employeur ne lui a adressé l’attestation de salaire régularisée ainsi que le bulletin de salaire de mai 2019 qu’en mai 2019. Enfin, elle considère que Mme [W] ne justifie nullement d’un préjudice.
Mme [W] soutient que la responsabilité de la Caisse est engagée en considérant qu’elle a commis des fautes en procédant d’autorité à une compensation alors que sa dette n’était ni certaine, ni exigible et alors qu’elle a contesté cette créance tant dans son principe que dans son quantum lorsqu’elle a reçu la notification de payer violant ainsi les dispositions de l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale.
Elle invoque en outre que la Caisse a manqué à son devoir général d’information prévu à l’article R.112-2 du même code en opérant une compensation d’autorité sur les remboursements de soins effectués à son bénéfice dès 2017 en dehors de toute information préalable, en ne transmettant aucune information claire et précise concernant les modalités de calcul de la dette lors de la transmission de la notification de payer la somme de 22 315,03 euros par courrier du 1er novembre 2019, en transmettant des informations manifestement contradictoires et erronées dans le cadre de la procédure de contestation de la créance devant la commission de recours amiable.
Elle fait en outre valoir qu’est constitutif d’une faute entraînant un dommage pour l’assuré le fait pour un organisme de sécurité sociale de verser indûment des prestations dont il demande le remboursement. Elle relève alors des erreurs répétées lors des calculs du montant des indemnités journalières pendant plusieurs années, sans que la Caisse ne puisse se retrancher derrière l’erreur de transmission par l’employeur dès lors que l’attestation de salaire régularisée a été adressée dès le 13 juillet 2017.
Elle se prévaut dès lors des préjudices moraux et financiers importants générés par ces fautes de la Caisse.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 1240 du code civil
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1 231-2 du même code précisant
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf exceptions et modification ci-après.
Il résulte de ce texte que la responsabilité civile de l’organisme nécessite que soit réunies trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Il importe peut que la faute soit grossière ou non et que le préjudice soit ou non normal.
Il appartient au demandeur de caractériser la faute de l’organisme, de rapporter la preuve d’un préjudice en résultant et d’établir le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 21 décembre 2004 au 1er janvier 2020
En cas de versement indu d’une prestation, hormis les cas mentionnés à l’article L.133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d’un professionnel de santé, l’organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire ou volontaire d’assurance maladie ou d’accidents du travail et de maladie professionnelle récupère l’indu correspondant auprès de l’assuré. Celui-ci, y compris lorsqu’il a été fait dans le cadre de la dispense des frais peut, sous réserve que l’assuré n’en conteste pas le caractère indu, être récupéré par un ou plusieurs versements ou par retenue sur les prestations à venir en fonction de la situation sociale du ménage.
Aux termes de l’article R. 112-2 du code de la sécurité sociale
Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d’assurer l’information générale des assurés sociaux.
Il établit annuellement dans le cadre des mesures générales de coordination déjà existantes les directives selon lesquelles s’exerce l’action des organismes de sécurité sociale en matière de prévention des accidents du travail. Il contrôle la réalisation, par les organismes de sécurité sociale, du plan d’action sanitaire et sociale.
Il prend toutes mesures nécessaires à la mise en ‘uvre de l’action sociale en faveur des personnes âgées.
Il résulte de ces dernières dispositions que l’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française. (2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-24.210, Bull. 2013, II, n° 227).
En l’espèce, Mme [W] n’établit pas avoir saisi la Caisse d’une demande relativement aux modalités de calcul de ses indemnités journalières, de sorte qu’elle ne saurait utilement se prévaloir d’un manquement de la Caisse à ce titre.
En revanche, il ressort des pièces du dossier que la Caisse a procédé à des prélèvements sur ses prestations avant d’avoir notifié l’indu réclamé et ce dès le mois d’août 2019 jusqu’au 19 novembre 2019, après la saisine de la commission de recours amiable le
7 novembre 2019. Or, si les dispositions de l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale permettent à l’organisme social créancier de récupérer par retenue les sommes dues, le texte prévoit par contre que cette possibilité n’est ouverte que si l’assuré ne conteste pas l’indu et, en tout état de cause après que celui-ci ait été informé de l’indu et qu’une action en recouvrement était ouverte. De même, si la Caisse invoque avoir été informée qu’en mai 2019 de son erreur, elle n’en justifie pas tandis que
Mme [W] produit les courriers de son ancien employeur et des copies d’écran justifiant que l’attestation de salaire rectificative de salaire avait été adressée à la Caisse par voie dématérialisée le 13 juillet 2017 et que la Caisse l’avait bien traitée dés le
17 août 2017.
LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, DÉCLARE l’appel formé par Mme [E] [W] recevable, INFIRME le jugement du 6 avril 2021 du tribunal judiciaire de Bobigny (RG 20/1586) en ce qu’il a condamné Mme [E] [W] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu ; CONFIRME le jugement du 6 avril 2021 pour le surplus ; Y ajoutant et statuant à nouveau, CONDAMNE Mme [E] [W] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 20 111,67 euros au titre de l’indu d’indemnités journalières afférant à la période du 1er novembre 2017 au 23 avril 2019 ; CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à verser à Mme [W] une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis aux dépens de l’instance d’appel. La greffière La présidente
Laisser un commentaire