L’Essentiel : M. [C] a contesté la suppression rétroactive de son allocation supplémentaire, suite à un contrôle de la Carsat qui a révélé qu’il ne respectait plus la condition de résidence en France. Malgré ses arguments et documents prouvant sa résidence, le tribunal a jugé que M. [C] n’avait pas séjourné suffisamment en France entre 2018 et 2020. Sa demande d’annulation de la pénalité financière a été déclarée forclose, et il a été condamné à rembourser 8 033,87 euros, avec exécution provisoire de la décision. M. [C] a ainsi été débouté de ses demandes.
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Exposé du litigeM. [C] a bénéficié de l’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité depuis le 1er juillet 2006, sous condition de résidence en France et de ressources. Un contrôle effectué par la Carsat, suite à un signalement de la Caisse primaire d’assurance maladie, a révélé que M. [C] ne remplissait plus la condition de résidence, entraînant la suppression rétroactive de son allocation et un indu de 19 533,05 euros. M. [C] a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable et a également été sanctionné par une pénalité de 1 490 euros pour mauvaise foi. Il a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour contester la pénalité et a indiqué qu’il avait un plan de remboursement pour un trop-perçu. Demande de M. [C]Lors de l’audience du 13 septembre 2024, M. [C] a demandé l’annulation de l’indu, le remboursement de 11 499,18 euros, l’annulation de la pénalité financière, et une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il a soutenu que l’indu n’était pas caractérisé et que la pénalité ne pouvait exister sans l’indu. M. [C] a produit divers documents pour prouver sa résidence en France, y compris des relevés de consommation et des certificats médicaux. Position de la CarsatLa Carsat a soulevé l’irrecevabilité de la demande d’annulation de la pénalité en raison de la forclusion, arguant que M. [C] avait introduit sa requête plus de deux mois après la notification de la pénalité. Elle a également contesté la demande d’annulation de l’indu, affirmant que M. [C] n’avait pas déclaré une retraite complémentaire et que ses séjours en France étaient inférieurs à 180 jours par an. La Carsat a demandé que M. [C] soit condamné à verser le montant de la pénalité et le solde de l’indu. Motivation du tribunalLe tribunal a constaté que la contestation de la pénalité était forclose, car M. [C] n’avait pas soulevé la question de l’indu lors de l’introduction de sa requête. Concernant l’indu, le tribunal a déterminé que M. [C] n’avait pas respecté la condition de résidence en France, ayant séjourné moins de 180 jours par an entre 2018 et 2020. Par conséquent, il a été jugé que les sommes prélevées étaient justifiées et que M. [C] devait rembourser 8 033,87 euros. Décision finaleLe tribunal a déclaré la demande d’annulation de la pénalité financière forclose et a débouté M. [C] de sa demande d’annulation de l’indu. Il a été condamné à payer 8 033,87 euros et à supporter les dépens, avec exécution provisoire de la décision. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la forclusion de la contestation de la pénalitéLa question de la forclusion de la contestation de la pénalité financière se pose ici, notamment en raison des délais impartis pour contester une décision administrative. Selon l’article R. 142-10-6 du Code de la sécurité sociale, la contestation d’une décision doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision. En l’espèce, M. [C] a reçu la notification de la pénalité le 23 octobre 2021, et a introduit sa requête le 15 juin 2022, soit plus de deux mois après la notification. Ainsi, la forclusion est acquise, et la demande d’annulation de la pénalité est déclarée irrecevable. M. [C] sera donc tenu au paiement de la somme de 1 490 euros, correspondant à la pénalité. Sur la caractérisation de l’indu d’allocation supplémentaire du fonds national de solidaritéLa question de l’indu d’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité est soumise à des conditions précises, notamment celles de résidence et de ressources. L’article R111-2 du Code de la sécurité sociale stipule que l’allocataire doit établir son foyer en France, ce qui implique une présence effective de plus de six mois par an sur le territoire. Dans le cas présent, M. [C] n’a pas pu prouver qu’il avait séjourné plus de 180 jours en France entre 2018 et 2020. Les relevés de son passeport tunisien montrent de nombreux voyages entre la France et la Tunisie, et les calculs effectués par le tribunal indiquent qu’il a séjourné respectivement 134 jours en 2018, 122 jours en 2019, et 143 jours en 2020. Ainsi, M. [C] n’a pas rempli la condition de résidence, et l’allocation a été indûment perçue. Sa demande d’annulation de l’indu est donc mal fondée, et il reste redevable de la somme de 8 033,87 euros. Sur les demandes annexesConcernant les demandes annexes, l’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante est tenue aux dépens. Étant donné que M. [C] a succombé dans ses demandes, il sera condamné à supporter les entiers dépens de la procédure. De plus, l’article R 142-10-6 du Code de la sécurité sociale permet au tribunal d’ordonner l’exécution provisoire de ses décisions. Dans cette affaire, la mauvaise foi de M. [C] a retardé le recouvrement d’une créance par l’organisme de retraite, justifiant ainsi l’exécution provisoire. Le tribunal a donc décidé que la présente décision serait assortie de l’exécution provisoire, en raison de l’ancienneté du litige et des circonstances entourant la contestation. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
17 Janvier 2025
Albane OLIVARI, présidente
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Nabila REGRAGUI, greffière
tenus en audience publique le 13 Septembre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort par une mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024, prorogé au 20 décembre 2024, puis prorogé une seconde fois au 17 janvier 2025 par le même magistrat
Monsieur [O] [C] C/ CARSAT RHÔNE-ALPES
N° RG 22/01062 – N° Portalis DB2H-W-B7G-W4OA
DEMANDEUR
Monsieur [O] [C],
[Adresse 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010943 du 08/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
comparant en personne assisté de Me Alexis DOSMAS, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2509
DÉFENDERESSE
CARSAT RHÔNE-ALPES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
comparante en la personne de Monsieur [W] [G], suivant pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[O] [C]
CARSAT RHÔNE-ALPES
Me Alexis DOSMAS, vestiaire : 2509
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CARSAT RHÔNE-ALPES
Me Alexis DOSMAS, vestiaire : 2509
Une copie certifiée conforme au dossier
M. [C] était bénéficiaire de l’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité depuis le 1er juillet 2006. Cette allocation est soumise à double condition de résidence sur le territoire national, et de ressources.
Suite à un signalement de la Caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan faisant état d’une demande de remboursement de soins réalisés à l’étranger, la Carsat effectuait un contrôle le 8 juillet 2020, au terme duquel elle considérait que la condition de résidence en France n’était plus remplie.
Elle a en conséquence définitivement supprimé le bénéfice de l’allocation par décision rétroactive du 18 juin 2021, mettant en évidence un indu de 19533,05 euros.
Contestant cette décision, ainsi que l’indu en découlant, M. [C] saisissait la commission de recours amiable par courrier du 30 juin 2021.
Le 20 octobre 2021, la Carsat prenait en outre à son encontre la décision de prononcer une pénalité financière de 1 490 euros, en raison de la mauvaise foi alléguée de l’allocataire.
Par requête reçue le 15 juin 2022, M. [C] saisissait le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, afin de contester ladite pénalité. Il expliquait bénéficier d’un plan de remboursement de 150 euros par mois auprès de la Carsat pour un trop-perçu d’allocation de fonds national de solidarité, ce qui ne lui permettait pas de s’acquitter d’une nouvelle dette.
Au cours de la mise en état de l’affaire, M. [C] complétait ses demandes, et indiquait à l’audience du 16 février 2024, qu’il contestait également l’indu. Les prélèvements étaient dès lors stoppés par la Carsat, et le solde de l’indu arrêté à la somme de 8 033,87 euros.
A l’audience de plaidoiries du 13 septembre 2024, M. [C] demandait finalement :
– l’annulation de l’indu
– le remboursement de la somme de 11 499,18 euros recouvrée par voie de retenues
– l’annulation de la pénalité financière, et subsidairement si le tribunal retenait la forclusion de cette demande soulevée par la Carsat, il entend que le tribunal la dise inexistante en raison de la disparition de la cause l’ayant fondée.
– la condamnation de la Carsat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.
Au soutien de ses demandes, M. [C] fait valoir que si l’indu n’est pas caractérisé, la cause de la pénalité qui y est rattachée est alors réputée n’avoir jamais existé, ce qui affecte alors les conditions de validité et l’existence même de la pénalité. Il ne saurait donc lui être reproché la forclusion de la contestation de la pénalité financière.
Sur le fond, selon lui, la Carsat n’établirait pas que la condition de résidence sur le sol français n’était plus remplie pour la période considérée (du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2020), ni qu’il avait établi sa résidence en Tunisie en 2018, 2019 et 2020.
S’agissant de la perception d’une retraite complémentaire qu’il avait omise depuis l’origine de ses relations avec la Carsat, il estime que ce manquement dans sa déclaration de ressources n’a pas fondé la décision d’indu, et est donc désormais insusceptible d’influencer la décision.
Il produit une copie de son passeport français ainsi que de son passeport tunisien, à partir duquel il explique que ses assistantes sociales ont établi un relevé de présence en France et en Tunisie. Il fournit également un relevé de la consommation électrique de son logement entre février 2018 et mars 2019, un relevé de la consommation d’eau pour 2020, et des certificats médicaux attestant de la nécessité qu’il soit vu en consultation tous les trois mois en France en raison d’une pathologie grave.
Au dernier état de ses écritures développées oralement lors de l’audience de plaidoiries du 13 septembre 2024, la Carsat soulève l’irrecevabilité de la demande d’annulation de la pénalité financière, en raison de la forclusion l’affectant. A titre subsidiaire, elle demande que M. [C] soit condamné à lui verser le montant de 1 490 euros au titre de cette pénalité. S’agissant de la demande d’annulation de l’indu, elle conclut au rejet des demandes adverses, et à la condamnation du demandeur à lui verser la somme de 8 033,87 euros correspondant au solde de l’indu pour la période litigieuse. Elle entend enfin que M. [C] soit tenu aux dépens, et que la décision à intervenir soit assortie de l’exécution provisoire.
Au soutien de ses prétentions, elle souligne que la requête introduisant la présente instance a été déposée le 24 mai 2022, soit plus de deux mois après la réception par M. [C] de la notification de la pénalité.
S’agissant de l’indu, elle rappelle que l’appréciation des ressources s’opère en tenant compte de tous les avantages d’invalidité ou de vieillesse, et souligne que M. [C] s’est gardé de mentionner qu’il percevait une retraite complémentaire, et qu’il a réitéré cette abstention en renseignant le questionnaire que lui avait adressé la Carsat lors du contrôle ayant mis l’indu en exergue, en attestant qu’il ne percevait aucune autre ressource que la pension de retraite servie par la Carsat.
Sur la durée du séjour sur le territoire français, l’organisme expose que M. [C] n’a d’abord, lors du contrôle, produit que son passeport français, sur lequel aucune sortie du territoire n’apparaît. Ce n’est que par la communication de la Caisse primaire d’assurance maladie, qu’elle a eu connaissance d’un passeport tunisien dont M. [C] avait réfuté l’existence, sur lequel apparaissent de nombreux voyages. La Carsat considère que le décompte des durées passées sur le territoire français et le territoire tunisien ont été inversées, les dates d’entrée sur le sol français ayant été considérées comme étant les dates de sortie et vice versa. Elle rappelle que la consommation de fluides dans un logement ne prouve pas que c’est M. [C] qui l’occupait, et met en avant que les certificats médicaux produits ont été rédigés postérieurement à la période litigieuse, ne démontrant pas que M. [C] devait alors déjà être régulièrement présent en France pour ces consultations, lesquelles ne prouve en outre pas qu’il demeurait en France plus que les 180 jours nécessaires par an.
Quant à la pénalité, elle rappelle que la dissimulation de revenus complémentaires, la dissimulation de son passeport tunisien, sont autant d’éléments caractérisant la mauvaise foi de M. [C], et ouvrant droit au prononcé d’une pénalité.
La décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024, délibéré prorogé au 20 décembre 2024 puis finalement au 17 janvier 2025.
Sur la forclusion de la contestation de la pénalité
Si M. [C] fait valoir que l’annulation de l’indu remettrait en cause l’existence même de la pénalité, qui deviendrait sans cause, il n’en demeure pas moins que l’instance a été introduite par une requête reçue le 15 juin 2022, qui ne visait qu’à l’annulation de la pénalité, sans évoquer la question de l’indu.
Ce n’est qu’au cours de l’instance que la contestation de l’indu a été soulevée par M. [C], plus précisément lors de l’audience du 16 février 2024.
Lorsque l’instance a été introduite le 15 juin 2022, ne portant que sur la question de la pénalité, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis la réception de la notification de ladite pénalité, que M. [C] avait reçue 23 octobre 2021. La forclusion était donc acquise, et la pénalité n’a dès lors plus vocation à être contestée. M. [C] sera donc tenu au paiement de la somme de 1 490 euros.
Sur la caractérisation de l’indu d’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité
L’allocation contestée est soumise tant à la condition de ressources qu’à la condition de résider sur le territoire français, dont l’appréciation s’opère au regard des dispositions de l’article R111-2 du code de la sécurité sociale. Il est ainsi exigé que l’allocataire établisse son foyer en France (c’est-à-dire que sa résidence habituelle doit avoir un caractère permanent), ou que son lieu de séjour principal soit fixé sur le territoire métropolitain (c’est-à-dire une présence effective de plus de six mois au cours de l’année civile de versement des prestations).
La preuve peut à cet égard être rapportée par tout moyen.
En l’espèce, le passeport français de M. [C] ne porte trace d’aucun voyage au cours des années litigieuses.
En revanche, le passeport tunisien montre de nombreux trajets entre les deux pays au cours des années 2018, 2019 et 2020.
Si la lecture des tampons apposés par les autorités tunisiennes n’est guère exploitable, l’ensemble des mentions étant en langue arabe, y compris les dates, il apparaît néanmoins que deux tampons apposés en France permettent d’identifier par exemple que M. [C] est entré sur le territoire français le 5 juillet 2018, et qu’il en est ressorti le 3 août 2018.
Or, le tribunal remarque que sur les relevés qu’il produit, M. [C] mentionne avoir été en Tunisie sur cette période. Il s’ensuit que le décompte qu’il verse a été établi de manière inversée, et doit être lu en considérant qu’il était en Tunisie pendant les périodes mentionnées en France, et qu’il était en France lorsqu’il est mentionné qu’il était en Tunisie.
Dès lors, la durée de séjour en France s’établit comme suit :
– en 2018 : du 10 février au 18 avril (67 jours), du 5 juillet au 3 août (29 jours), du 18 octobre au 26 novembre (38 jours) soit un total de 134 jours,
– en 2019 : du 13 février au 31 mars (46 jours), du 3 avril au 7 mai (34 jours), du 7 octobre au 18 novembre (42 jours), soit un total de 122 jours,
– en 2020, du 10 août au 31 décembre, soit 143 jours.
M. [C] n’a ainsi pas séjourné plus de 180 jours en France pour aucune des années litigieuses, entre 2018 et 2020. Il n’a pas rempli la condition de résidence en France, et a indument perçu l’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité.
Sa demande d’annulation est donc mal fondée, et les sommes qui lui ont été prélevées l’ont été régulièrement. Il reste redevable de la somme de 8 033,87 euros au paiement de laquelle il sera condamné
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Sur les demandes annexes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [C] succombant à la présente instance, sera tenu aux entiers dépens.
L’article R 142-10-6 du code de la sécurité sociale dispose que le tribunal peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions. En l’espèce, M. [C] a réfuté ne pas remplir les conditions d’octroi de l’allocation pour laquelle un indu lui était réclamé, faisant obstruction au contrôle en ne produisant d’abord pas son passeport tunisien, sur la base duquel il a ensuite fait établir un décompte erroné des jours de présence sur le territoire national. Sa mauvaise foi a conduit à retarder le recouvrement d’une créance par l’organisme de retraite. L’exécution provisoire sera donc ordonnée au regard de l’ancienneté du litige.
Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire rendue en premier ressort,
DIT que la demande d’annulation de la pénalité financière est forclose.
DEBOUTE [O] [C] de sa demande d’annulation de l’indu d’allocation supplémentaire du fonds national de solidarité pour la période du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2020.
CONDAMNE [O] [C] au paiement de la somme de 8 033,87 euros au titre du solde de l’indu précité.
CONDAMNE [O] [C] à supporter les dépens.
DIT que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par Albane OLIVARI, Présidente, et Nabila REGRAGUI, Greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Nabila REGRAGUI Albane OLIVARI
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